Le premier texte de [jesuispartout] est à mourir de rire, le second est à pleurer dans la confirmation qu'il fait de mon propos
C'est vraiment fascinant d'être sur un forum où citer Shakespeare c'est considéré comme du spam et du message inopportun, mais être Soldat par contre ça va c'est hallal
Le 29 avril 2021 à 22:24:00 :
Aldana : J'adhère au fond, l'idée est intéressante, ça va quelque part comparé à la dernière fois, mais l'exécution est catastrophique. Tu donnes l'impression d'avoir tellement peur d'être jugé que tu fais exprès de saboter ton texte pour pouvoir te dire ensuite "c'est un choix délibéré mdr ils ont pas compris" ou "si j'écrivais sérieusement ils diraient pas ça", mais bon. Une manière de tenter de masquer les fautes réelles en refusant d'écrire correctement.
Tes dialogues sont affreux, c'est vraiment limite offensant. Et c'est pas forcément une question de se conformer à une certaine forme littéraire, il y a des gens très joueurs comme Vian qui arrivent à aller chercher des trucs perchés et quand même garder une certaine musique, mais ici c'est vraiment juste énervant à lire, et mauvais. 10/20</spoil>
t'as pas tord, mais je peux porter d'autres explication. il y a une part de flemme et d'absence de patience, mais aussi un manque d'idée pour faire vivre la chose plus longuement et la rendre lisible. du coup j'ai préféré écrire comme si la situation émergée d'elle même, de ma représentation mentale de la scène
Veyli le texte m'a vraiment plu. Non seulement c'est bien écrit, mais tu trouves le moyen d'aborder ou d'évoquer différentes thématiques (rapport de l'identité individuelle à l'identité nationale, immigration, histoire et héritage de ce que j'en ai compris) sans trahir la fluidité du récit. J'ai pas lu grand-chose de ce que tu écris en général, mais j'ai retrouvé ici, dans une moindre mesure, le même mélange de réalité et d'onirique qui imprègne aussi Nösœka, bien qu'il s'agisse d'univers bien distincts. Le rapprochement que tu fais entre les évènements réels et ce « rêve » dans le passé est très réussi.
Les dernières phrases, en revanche, m'ont laissé un peu perplexe. J'ai en tout cas du mal à cerner cette fin autrement que dans sa dimension très premier degré, bien qu'elle puisse correspondre au ton assez réactionnaire et marginal du personnage principal.
Weasel Récit très touchant et bien amené, ponctué de belles phrases et d'un réalisme social très actuel. Comme les autres, j'ai eu du mal à comprendre le rapport avec le thème imposé, même si comme tu le dis il existe un parallèle évident entre nation et éducation. Mais c'est un parallèle que je n'exploiterais pas au travers d'une histoire comme celle-ci. Un beau texte au demeurant, un regard intéressant sur certaines problématiques ; j'ai par exemple beaucoup aimé que tu parles de l'abandon de Nicolas par ses parents dans ses termes comme "débarrasser" et "défectueux", comme s'il s'agissait d'un vulgaire appareil électroménager. J'y vois, peut-être à tort, un lien avec l'aspect consumériste de notre société.
Aldana Le fond est vraiment intéressant mais rendu difficilement compréhensible par la forme. Comme on ne développe aucune attache dans les différents éléments de l'histoire, la fin arrive un peu brusquement, malgré quelques idées positives dans la construction du texte. Ensuite ça me paraît un peu à la limite du sujet, même si l'identité joue un rôle important dans le concept de nation, on a pas l'impression que c'est au centre du récit.
C'est tout ce que j'ai lu pour l'instant, mais je continue demain.
Bon, Veyli, j'accepte finalement ta requête d'extension de temps pour ce dimanche.
Profites-en pour nous écrire quelque chose de grand.
J'ai fait aucune requête gros tu refais juste le même coup à chaque fois
J'ai une vie débordante que veux-tu, j'ai pas tant de temps que ça à consacrer à l'écriture. Et cette fois-ci je n'ai pas envie de fournir un travail rendu à la va-vite.
Si tu t'y prends au dernier moment, c'est de facto fait à la va-vite. Arrête de tourner autour du pot de ta procrastination, des fois -toujours en fait, surtout en matière d'écriture- il faut se mettre un coup de pied au cul et arrêter de penser à demain
moi j'hésite a baclée une dernière histoire la vite fait
c'est soit ca soit je vais a une soirée.
je me tate.
Le 30 avril 2021 à 20:15:12 :
Si tu t'y prends au dernier moment, c'est de facto fait à la va-vite. Arrête de tourner autour du pot de ta procrastination, des fois -toujours en fait, surtout en matière d'écriture- il faut se mettre un coup de pied au cul et arrêter de penser à demain
Je suis censé être en vacances en Estonie je te rappelle, ce qui demande du temps surtout quand on est bien accompagné, et là ça fait plus d'une semaine que je bosse non stop sur différents projets, dont celui-ci, j'ai même pris du retard pour mon propre boulot professionnel.
Du coup la question de la procrastination est passée, là mon travail n'est juste pas satisfaisant en l'état, et je ne souhaite pas rendre un travail bâclé juste pour satisfaire une contrainte temporelle. Je le rendrai dans la nuit si tout va bien, sinon demain en journée. Je ne peux pas prendre trop de temps non plus car j'ai encore mon débat sur la relativité linguistique à préparer pour dimanche soir.
Le 30 avril 2021 à 20:40:28 :
Le 30 avril 2021 à 20:15:12 :
Si tu t'y prends au dernier moment, c'est de facto fait à la va-vite. Arrête de tourner autour du pot de ta procrastination, des fois -toujours en fait, surtout en matière d'écriture- il faut se mettre un coup de pied au cul et arrêter de penser à demainJe suis censé être en vacances en Estonie je te rappelle, ce qui demande du temps surtout quand on est bien accompagné, et là ça fait plus d'une semaine que je bosse non stop sur différents projets, dont celui-ci, j'ai même pris du retard pour mon propre boulot professionnel.
Du coup la question de la procrastination est passée, là mon travail n'est juste pas satisfaisant en l'état, et je ne souhaite pas rendre un travail bâclé juste pour satisfaire une contrainte temporelle. Je le rendrai dans la nuit si tout va bien, sinon demain en journée. Je ne peux pas prendre trop de temps non plus car j'ai encore mon débat sur la relativité linguistique à préparer pour dimanche soir.
au pire bacle le c'est pas grave. tu sera second du concours, le Poulidor, le bonnet d'âne c'est pas grave',
on t'en voudra pas
il faut des gens comme toi pour que les mecs comme moi aient confiance en eux
[jesuispartout] Malgré la sévère autocritique que tu t'es infligée, j'ai trouvé certains aspects de ton premier texte intéressants. Si toutes les remarques qui t'ont été faites ont leur intérêt, j'ai tout de même apprécié la tension que tu installais par moments avec succès, et l'idée de la conclusion par laquelle tu évoques la dimension émotionnelle de l'identité et de son déracinement. Mais comme tu l'as bien dit, le personnage comme le cadre manquent de caractère et d'attaches, ce qui empêche un peu de se plonger complètement dans le récit et dans les réflexions que tu y exposes.
J'ai moins accroché au deuxième texte, bien que l'écriture soit plus fluide, parfois plus incisive et ironique, mais peut-être que je l'ai simplement mal compris. J'en ai tiré l'image paradoxale d'un homme aux multiples casquettes dont l'identité vogue dans différents navires sur cette même mer de nation, mais j'ai l'impression de rater quelque chose.
[LeopoldBloom2] Tu assumes avoir préféré un dialogue pour laisser libre cours à aux idées, c'est un parti pris, mais j'ai trouvé ça fastidieux à lire par moments. Si certains thèmes sont pertinents - j'aime bien par exemple que tu aies traité le sujet au travers ces expatriés que tu mets en scène -, les formulations lourdes et alambiquées diminuent parfois la clarté du texte, et il ne semble y avoir aucune réelle opposition entre les deux locuteurs. Peut-être que tu ne voulais pas écrire un débat, néanmoins on reste sur notre faim en voyant un personnage exposer sa vision tandis que l'autre opine du chef.
Je pense avoir tout lu, si je me suis fourvoyé au sujet de certains textes, je serais heureux qu'on me corrige.
Je pense avoir tout lu, si je me suis fourvoyé au sujet de certains textes, je serais heureux qu'on me corrige.
Tu auras tout lu quand tu auras apprécié mon texte retardataire, ainsi que le second texte de Veyli.
Dans ce cas, j'ai lu tout ce qui a été posté jusqu'ici.
Mais je lirai volontiers le reste.
La chevauchée pourpre
1)
Il est apparu avec l'âge de raison. Je crus d'abord, enfant naïf, que tous le voyaient aussi bien que moi, sur la colline adossée à l'école. Lorsque je demandais, durant les récréations, à l'institutrice de nous laisser caresser le fier équidé, trônant là-haut comme dans l'attente de notre venue, elle me fixait avec inquiétude. Longtemps je crus qu'elle, ainsi que les autres enfants, faisaient semblant d'ignorer la créature. Qu'elle niait son existence pour nous maintenir dans l'enceinte de l'école, et que la vue singulière du cheval solitaire n'intéressait pas assez mes camarades pour détourner leur attention d'une partie de foot. J'appris bien vite qu'ils étaient simplement aveugles à sa venue, et me persuadai que moi seul pouvais recevoir, sans le traduire pour autant, le message -car ce devait être un message- envoyé par le cheval roux sur la colline.
Ma mère, qui comme tout parent trouvait se remettait à la peur afin de noyer les questions complexes, trouvait refuge dans les légendes de nos montagnes et me contait souvent l'histoire du cheval Gauvin, créature maléfique qui n'apparaissait qu'aux vilains enfants, qui les enjoignait à le rejoindre pour mieux les précipiter au fond des ravins. Je devais avoir, déjà, des affinités avec l'abîme, puisque malgré la terreur que m'inspiraient ces histoires, elles ne faisaient que redoubler ma curiosité -et ma fascination- pour la bête solitaire. Fût-elle vile ou pure, dirigée comme Gauvin vers les tréfonds, ou comme Pégase vers les cieux, elle attendait quelqu'un ; et elle ne pouvait attendre que moi, son seul observateur, et par là son cavalier tout désigné.
Je la visitai quelques années plus tard, enhardi par l'adolescence. Elle se laissa approcher sans peur. Son crin sauvage, son souffle farouche et sa manière de piétiner au moindre désagrément ne laissaient aucune place au doute ; peu importe où elle était née, personne ne l'avait domptée. Sa fougue ne m'était pourtant jamais hostile. La jument, nerveuse en permanence, s'excitait à chacune de mes visites, et m'invitait toujours, d'un coup de tête dans l'épaule, à la monter. Je m'y refusai à chaque fois, encore effrayé par les histoires maternelles et la présence d'une face abrupte au côté de la colline. L'endroit surplombait le village. On y voyait à l'aurore les hommes, semblables à des fourmis, sortir de chez eux clopin-clopant en direction de l'usine, assommés dans l'attente que leur café ne fasse effet ; on y voyait les enfants, petits soldats désarmés de l'éducation nationale, en rang serré devant la grille, n'ayant appris de la discipline que la forme vidée de la substance. On y voyait enfin, comme une fracture dans le paysage, les HLM érigés en quelques années à la place des vieux champs, ayant violé de leur urbanisme carré, de leur logique implacable d'optimisation du territoire, les forêts fantastiques de notre enfance. La jument agitée hennissait toujours dans leur direction.
— Qu'est-ce que tu fabriquais encore là-haut ? me demanda un jour ma mère, qui s'inquiétait depuis longtemps de mes promenades, mais plus récemment du fait qu'elles empiétaient trop loin sur les heures du soir ou du matin, pénétrant dangereusement celles de la nuit, qu'elle savait féconde en crimes silencieux et en allers sans retours.
— J'allais voir Epona, répondis-je désinvolte, parfaitement conscient qu'elle n'y comprendrait rien.
— Elle habite où, cette Epona ? C'est une petite du quartier en construction ?
— C'est... laisse tomber.
Un soir, tandis que je lisais sur la colline, Epona se mit à s'agiter plus que d'habitude. Je l'ignorai d'abord, mais elle me poussa plusieurs fois de son museau, avant de m'arracher le livre des mains, manquant de peu de me mordre les doigts. C'est alors que j'aperçus en contrebas Lucie, ma voisine de classe de primaire, que le temps et a nature avaient dotée d'un corps adolescent à damner les saints. Elle serpentait avec hésitation, guidée par un inconnu, entre les hautes tours du labyrinthe de béton du nouveau quartier. Epona, paniquée, se cabrait et appelait dans sa direction, et je crus un instant qu'elle allait charger. Mais elle revenait me mordre, et je tentai de la calmer. Lucie, disparaissant au loin entre les blocs, n'entendit rien des supplications de la jument, dont les pleurs ne parvenaient jamais qu'à mes oreilles.
On déclara l'adolescente disparue quelques jours plus tard. Au terme d'une semaine durant laquelle Epona ne fit que dormir, m'ignorant à chaque visite, on retrouva Lucie, coincée pêle-mêle dans un amas de branches en bord de rivière, dans une position grotesque, évoquant les articulations impossibles des poupées. Autour de ses lèvres grises et meurtries se battaient des mouches excitées, dans son ventre fertile semblait naître à chaque seconde une armée de vers, et tout dans cette émulsion de vermine évoquait la vie, sinon les yeux livides de son hôte. Les deux prunelles embuées de néant semblèrent un instant me fixer, avec un air indéfinissable qui hanta plusieurs de mes nuits. Comme on ne se débarrasse jamais des cauchemars qu'en les confrontant, je cherchai, durant mes insomnies, ce que ce regard figé à la frontière finale de l'existence voulait me dire. J'y cherchai de la terreur, mais le visage était paisible, de la douleur, mais les traits étaient lisses, ou de la colère, mais les paupières tombaient sur l'iris avec le calme impitoyable du rideau sur la scène. Je crois, et je croirai toujours, qu'il n'y avait plus dans l'esprit et le regard de Lucie, au moment de son dernier souffle, que du renoncement. Du renoncement, et une solitude infinie. J'ai peur, et j'aurai toujours peur, à l'idée que ce regard ait capté ma présence ce soir-là sur la colline, ait espéré peut-être ma venue, y ait cru jusqu'à la fin, avant de se rendre à l'évidence.
Je renonçai à la foi lorsque le prêtre, devant mon instabilité grandissante et ma confession, m'enjoignit à garder pour moi l'information des dernières heures de Lucie. Les coupables n'avaient jamais été identifiés, mais les mois passant, on oubliait peu à peu l'affaire, et de nouveaux rebondissements risquaient d'agiter les esprits.
"Dieu verra les mains pourpres des auteurs, et il lui revient de les juger", disait le prêtre. "à nous, revient la responsabilité de ne pas succomber à l'ignominie, et de pardonner. Seule la violence attend notre village si tu parles maintenant, et le paradis, royaume de paix, n'accepte pas les hommes marqués par le sang d'autrui."
Il faisait son possible, comme le voulaient ses maîtres républicains, pour maintenir par toutes les tolérances un ordre destiné à s'effondrer. Pour se soumettre, au nom de l'utopie laïque, à la cause de la pureté du vivre-ensemble pourtant fondée, comme toute aspirante à la grandeur de Rome, sur un cadavre.
Ses mots restèrent tant bien que mal ancrés en moi, et m'effrayèrent doublement lorsque, remontant sur la colline, je vis la nouvelle Epona. La robe de la jument rousse avait viré au pourpre, et un glaive pendait à son côté. Le mystère du glaive resta toujours entier, et j'acceptai l'idée de sa présence, bien que personne ne pût le lui équiper, mais celui de la robe se précisa rapidement ; la jument avait saigné. Je cherchai religieusement, sur son flanc majestueux, parmi les poils rouges, collants et séchés, l'origine de la blessure et ne la trouvai pas. Alors qu'elle s'agitait encore en direction des blocs, une idée me traversa soudain. Avait-elle chargé ? Avait-elle blessé quelqu'un ?
Je décidai, déterminé à me sortir cette histoire de la tête, de ne plus la visiter. J'entrai bientôt dans la vie active, oubliant tout de l'enfance bucolique, de Lucie, de l'étrange jument et surtout de l'invasion du béton, car il constituait désormais le quotidien, et qu'on n'oublie véritablement que ce qu'on voit trop souvent.
Un matin, l'église sombra sous les flammes d'un accident à l'étrange goût de destin, et je me demandai ce que devenait le vieux prêtre, sans trop m'en inquiéter, rendu somnambule comme tous les autres par le quotidien Sisyphéen du salariat.
Il fallut, pour me replonger en enfance, un coup d'éclat dans la capitale ; des assassins mahométans firent exploser la gare de Paris-Nord. Ils visèrent tout le monde et personne, car la puissante cécité des bombes se satisfait de déchirer dans un souffle égalitaire le vieillard comme l'enfant, l'homme comme la femme, le natif comme l'étranger. L'affaire se termina dans les rues, où d'autres encore, civils, policiers et terroristes, s'ajoutèrent à la pile de cadavres durant une journée entière de troubles suivis de près, dans tout le territoire, par les familles de France sur leur canapé, qui ne savaient trop s'il fallait ou non consommer leur pop-corn refroidi, un direct ininterrompu ayant remplacé tous les divertissements.
L'affaire, bien que d'une ampleur sans précédent, ne fut pas la plus grosse secousse de ce jour-là ; j'étais, comme tous les autres et bien que sans savoir pourquoi, depuis longtemps résolu à accepter de tolérer, comme un rendez-vous mensuel, l'interminable suite de tueries, et derrière elle l'idée de finir un jour choisi par leur loterie mortelle.
Le choc vint lorsque, quelques semaines plus tard, on appréhenda enfin le dernier perpétrateur, qui ne venait d'ailleurs que de mon petit village de province ; plus précisément, de ma familière cité grise sous la colline, celle que Lucie vit de près et moi jamais, celle vers où toujours Epona m'invita à chevaucher. Choqué par la nouvelle, je me rendis à nouveau sur la colline, me demandant si l'étrange apparition de mon enfance s'y trouvait toujours ; noblement malgré les années, aussi belle et aussi fière qu'au premier jour, la jument attendait.
Son pelage avait cependant encore changé ; sur sa crinière, le long de son cou, partout sur son corps jusqu'au bout de sa queue, le sang coulait abondamment, comme de mille plaies vives, et ses sabots carmins laissaient dans leur sillage des traces vermeil. Elle n'en finissait pas de dégouliner, mouillée en permanence, sinistre comme un kelpie, malgré l'absence de la moindre blessure sur sa peau. Elle crut, me voyant approcher, que j'étais prêt à monter, que j'étais prêt à charger. La vue sanglante du destrier et le souvenir des mots hantés du prêtre me confirmèrent que la chevauchée n'aurait pas lieu.
La chevauchée pourpre
2)
Je ne la visitai plus jamais, menai une vie médiocre, mais humble, travaillant au mieux à ne pas me soucier de la violence, afin de ne pas m'en teinter. Je connus une mort sans histoire, vieux et sénile, dans une chambre juste assez triste et petite pour que le peu de mes proches puissent sembler la remplir. Alors qu'ils pleuraient autour de ma future dépouille, il me sembla que l'événement était à propos d'eux, plutôt qu'à propos de moi. J'aurais préféré mourir seul, avec un peu plus d'air disponible à stocker dans mes poumons, pour la route. Mais ils avaient, comme je l'eus avant eux, ce besoin rituel de voir la mort en face afin de s'y préparer, alors je leur fis la faveur du spectacle.
Lorsque je repris conscience, ce fut au milieu d'une étendue tellement vaste qu'on n'y distinguait pas d'horizon. Le sol sans relief et le ciel sans soleil y revêtaient une blancheur infinie. Je marchai au hasard de ce monde étrange, perdu, sans savoir où aller, sans nulle part où revenir, jusqu'à trouver au sol des traces providentielles de sabots rouges. Je les suivis en courant, content de retrouver une vue singulière -sinon une vue tout court- au milieu du paysage aveuglant, jusqu'à tomber sur un immense ravin balafrant l'horizon.
De ses tréfonds remontaient des hurlements abominables, de désespoir et de douleur éternelle, ainsi qu'une chaleur si intense qu'elle manqua de me brûler, alors même que sa source était suffisamment lointaine pour me rester invisible. De l'autre côté du gouffre se trouvaient une porte, et un ange. Il me regardait avec empathie, et pointa l'étendue dans mon dos ; le chemin que je venais de parcourir, au loin, s'effondrait comme sous l'effet d'un séisme, révélant à son tour les enfers.
Le vide s'approchait inexorablement et la porte devant moi semblait la seule issue. Je n'avais pourtant aucune chance de franchir la faille, large de plusieurs mètres. C'est alors que je la vis ; Epona attendait là, trempée de sang, plongeant un museau inquisiteur vers le gouffre. Comme toujours, elle m'enjoignait à la monter. Heureux de la revoir et pressé par l'urgence, je chevauchai la jument, tandis que les derniers mètres de sol stable remuaient sous mes pieds, prêts à s'effondrer. Epona prit son élan au galop, je me baissai tout contre son cou, et nous nous lançâmes, une confiance parfaite l'un dans l'autre, au-dessus de la plaie béante et de ses supplications. Lorsque les sabots rejoignirent le sol ferme de l'autre côté, l'ange siffla, impressionné par la performance. Je descendis alors et l'approchai, fixant la grande porte derrière lui.
— Le paradis, indiqua-t-il sans que je ne lui demande.
— Qui peut y entrer ?
— Ceux qui n'y feraient pas entrer la guerre. Tous ceux n'ayant pas sur les mains le sang des innocents ; c'est-à-dire des autres résidents. On ne fait pas cohabiter d'ennemis dans cette nation-ci. Dans celle-là, en revanche...
Il pointait dans mon dos le paysage infernal ouvert par le séisme, et la guerre éternelle qui se jouait en contrebas. Un frisson me parcourut l'échine à l'idée du bond que je venais d'effectuer par-dessus.
— Puis-je entrer ? Demandai-je.
— Malheureusement, c'est impossible, répondit l'ange. Regarde-toi.
Je portais une chemise et un pantalon de lin blanc, trempés de rouge. Mes avant-bras, mon torse, mes jambes se noyaient comme si l'on venait de m'égorger.
— À qui est-ce ? reprit le gardien de la porte.
— Je ne sais pas. Epona saigne depuis toujours, elle a dû me salir pendant la traversée.
Perplexe, l'ange approcha, caressa de son doigt mon torse et le flanc de ma monture, puis goûta le tout. Il grimaça d'une manière si théâtrale que je ne sus s'il se moquait de nous, ou s'il était véritablement un fin gourmet de l'hémoglobine.
— Michel Renaud, Alban Denuit, Ahmed Merabet, David Perchirin, Elsa Deplace, Sébastien Proisy, Juan Alberto Gonzàles Garrido, Olfa Khalfallah, Georges Wolinski...
La liste n'en finissait pas, et je sentais la pâleur investir mon visage.
— Je ne connais aucune de ces personnes, balbutiai-je.
— Vraiment ? Quel culot. Quoiqu'il en soit, certains résident derrière ces portes.
— Je n'ai rien à voir avec eux, c'est une erreur !
L'ange passa d'un air hautain la langue sur ses lèvres rougies, puis sur ses dents, comme s'il cherchait encore un nom dans la riche saveur du sang mélangé. Un sourire moqueur tira ses traits.
— Lucie. Tu sais quelle Lucie, pas vrai ?
La honte m'envahit si vite que mon cœur écrasé me sembla quitter mon torse pour aller se réfugier au fond de mon ventre, dans mes jambes, par-delà mes genoux, jusqu'au bout du bout de mes orteils, recroquevillé, caché là, dans le coin du corps comme un enfant coupable au fond d'un cagibi.
Des larmes brouillèrent ma vue, alors qu'une seule question supplantait toutes les autres.
— Est-ce qu'elle est là ?
Il se tourna vers la porte cruelle qui me resterait fermée, et répondit sans l'ombre d'un doute.
— Evidemment.
Un bonheur étrange m'envahit soudain, revigorant mon corps d'une énergie que, même de mon vivant, je n'avais jamais ressentie.
— Où allons-nous aller ? demandai-je à l'ange, résolu.
Il pointa le gouffre dans mon dos, et j'aperçus pour la première fois ses résidents, qui se battaient dans les flammes, s'éviscéraient et s'éborgnaient les uns les autres dans une guerre confuse, sans camp, sans idée, sans idéal et sans fin, car ils échouaient malgré les blessures à tuer comme à mourir. Je crus, entre les flammes et les effusions, peut-être aveuglé par les bouffées de chaleur, reconnaître le visage lointain de l'homme de ce jour-là, qui avait emporté Lucie derrière l'horizon lugubre formé par les immeubles.
Alors qu'une rage infinie brûlait enfin tous mes membres, alors qu'un désir étrange, réprimé depuis toujours, me rendait plus vivant que jamais, je posai la dernière question.
— Est-ce qu'ils sont là, en bas ? Les coupables ?
Un autre sourire, plus grand et plus fier, illumina la face de l'ange.
— Evidemment.
Epona poussa un hennissement qui tonna à en fendre les cieux, et les guerriers infernaux arrêtèrent un instant le massacre, levèrent le nez au ciel, terrifiés à l'idée qu'un désastre plus grand encore que le pandémonium ne leur tombe dessus.
J'enfourchai ma monture, tirai le glaive à son côté et hurlai, annonçant à mon tour notre venue. Epona se cabra une dernière fois vers le ciel et nous chargeâmes, ivres et sanglants, justice au poing, rage au visage, dans les tréfonds.
J'ai essayé de finir vite fait, j'avais une suite en tête mais elle est un peu HS de toute manière
T'abuses Veyli, j'vais être le seul glandu à poster un truc après minuit, maintenant.
J'ai dû speed comme un porc mon traitement de texte arrête pas de virer les cadratins au dernier moment
Quelques fautes niveau forme Veylox. Maos c'est beaucoup plus propre que ce que j'ai lu chez l'autre clown.
Première partie :
- " C'est alors que j'aperçus en contrebas Lucie, ma voisine de classe de primaire, que le temps et a nature avaient dotée d'un corps adolescent à damner les saints. "
ça ne veut rien dire "a nature".
- " ses sabots carmins "
On dit " ses sabots carmin" et non "carmins".
Carmin est un adjectif invariable. C'est en CE1 qu'on apprend ça ?
Le message et la conclusion ne sont pas très différents de ceux de ta première nouvelle.