Oui, le parallèle corps humain/corps social quoi, et en termes d'identité la mort de l'ego/de la nation, et à terme la mort physique si le corps (qu'il soit humain ou social) n'est pas capable d'ancrer, de limiter ses comportements/idées potentiellement infinies autour de principes fixes
Toute la différence entre la pensée de droite et la pensée de gauche ; à droite on considère que les individus comme les nations ne se remettent en question et se désorganisent que pour mieux reformer de l'ordre supérieur (le processus décrit par jung/campbell/peterson), tandis qu'à gauche, consciemment ou non, on poursuit le chaos pour le chaos, croyant par idéalisme ou manque d'imagination pouvoir en tirer quoi que ce soit (comme l'être en éternel changement chez Lautréamont, une sorte de surhomme atteint par le refus de toute forme de constance ou d'auto-préservation, d'ailleurs c'était l'objet de mon premier texte pour ce topic )
Les deux manières de pensée décrivent le même processus d'évolution (transformation par cycle de mort et régénération), mais l'une s'attache à la vie comme finalité, l'autre à la mort. L'une est vertueuse, l'autre vicieuse. C'est exactement pour ça que le monde -et la politique- sont bien plus binaires, au sens littéral, que ce que beaucoup semblent croire, y compris lorsqu'on les pense dans toute leur complexité
Ok.
Mais on on constate largement par expérience que l'homme est éphémère comme toute chose car le présent impermanent emporte notre réalité. Tu m'expliques comment tu concilies ça avec la droite ?
Le 22 mars 2021 à 12:31:22 SoldatGaulois a écrit :
Ok.
Mais on on constate largement par expérience que l'homme est éphémère comme toute chose car le présent impermanent emporte notre réalité. Tu m'expliques comment tu concilies ça avec la droite ?
C'est aussi conciliable avec la droite qu'avec toute forme de culture ou civilisation. Le but c'est de durer malgré l'impermanence, de tirer quelque chose de stable dans le changeant, d'aller contre le courant. Autrement dit l'humanité elle-même est synonyme de droite
Rien que le fait que tu puisses considérer ce que je dis, et y répondre, utilisant les outils linguistiques, mentaux et informatiques dont tu disposes, ça n'est rendu possible que par le rejet de l'impermanence.
C'est absolument impossible de tenter de concilier l'homme et l'impermanence tout en menant la vie que tu mènes, raison pour laquelle le raisonnement de gauche est inévitablement contradictoire. Cherchant à lutter contre l'ordre, il emploiera toujours des outils qui en sont issus (comme des idées fixes pour reprendre les migrants d'Aldana, ou les migrants réels aux cultures d'origine majoritairement conservatrices)
Le 22 mars 2021 à 12:44:09 VeyIox a écrit :
Le 22 mars 2021 à 12:31:22 SoldatGaulois a écrit :
Ok.
Mais on on constate largement par expérience que l'homme est éphémère comme toute chose car le présent impermanent emporte notre réalité. Tu m'expliques comment tu concilies ça avec la droite ?C'est aussi conciliable avec la droite qu'avec toute forme de culture ou civilisation. Le but c'est de durer malgré l'impermanence, de tirer quelque chose de stable dans le changeant, d'aller contre le courant. Autrement dit l'humanité elle-même est synonyme de droite
Rien que le fait que tu puisses considérer ce que je dis, et y répondre, utilisant les outils linguistiques, mentaux et informatiques dont tu disposes, ça n'est rendu possible que par le rejet de l'impermanence.
C'est absolument impossible de tenter de concilier l'homme et l'impermanence tout en menant la vie que tu mènes, raison pour laquelle le raisonnement de gauche est inévitablement contradictoire. Cherchant à lutter contre l'ordre, il emploiera toujours des outils qui en sont issus (comme des idées fixes pour reprendre les migrants d'Aldana, ou les migrants réels aux cultures d'origine majoritairement conservatrices)
C'est ton raisonnement qui est contradictoire, et je le démontre.
Comme je l'ai dit, on constate par expérience l'impermanence de la réalité (tu es d'accord). Mais c'est précisément car la réalité est impermanente qu'aucune permanence ne peut s'en dégager. La volonté d'aller à "contre-courant" de l'impermanence signifie aller contre la réalité : c'est donc une pur illusion.
Ce qui est encore plus ridicule c'est que tu cristallises cette illusion dans une autre illusion, celle du langage. Le langage suppose uen stabilité dans le temps, suppose la négation de l'impermanence, il suppose le faux. Croire au langage comme tu le fais c'est croire en une illusion.
Tu penses que la gauche est le faux mais en réalité c'est toi et la droite qui baignez dans une illusion et dans le double discours
Répète ça sans user du langage, autrement t'es un sophiste
Le 22 mars 2021 à 13:14:47 VeyIox a écrit :
Répète ça sans user du langage, autrement t'es un sophiste
J'utilise tes armes de dogmatique contre toi-même
raison pour laquelle le raisonnement de gauche est inévitablement contradictoire. Cherchant à lutter contre l'ordre, il emploiera toujours des outils qui en sont issus
Non, puisque les armes que j'utilise je ne me les approprie pas réellement, je ne crois pas en leur existence. Autrement dit j'accepte de reprendre tes illusions pour signifier au-delà d'elles toute la vérité. Y a aucune contradiction
Prétendre démontrer par le langage que le langage ne peut rien démontrer, c'est une contradiction
Le 22 mars 2021 à 13:31:54 VeyIox a écrit :
Prétendre démontrer par le langage que le langage ne peut rien démontrer, c'est une contradiction
Je ne prétends pas dire la vérité par le langage. Mais je prétends la dire et la démontrer par delà le langage.
L’enfant silence
- Allô ?
- Mathilde on a besoin de toi au centre, Nicolas nous fait une nouvelle crise et y’a rien à faire il ne veut que toi.
Je jette un coup d’œil au réveil : 2h12. J’ai dû dormir deux heures.
- C’est bon j’arrive, tu me donnes 20 minutes et je suis là, dis-lui que je viens. Il s’est fait mal ? Tout le monde va bien ?
- Là il est dans sa chambre, il ne laisse entrer personne. Je crois pas qu’il soit blessé. On est à bout ça fait deux heures qu’on lutte, je leur ai dit qu’il fallait qu’on s’en sorte sans toi, je sais que t’es rentrée tard mais là on craque, je suis désolée.
- Allez t’en fais pas, j’arrive.
Je me lève en vitesse, enfile un jean et un pull qui traînaient encore sur le bureau et me dirige vers la salle de bain. Je me reconnais à peine avec mes petits yeux rouges et cernés, mes cheveux emmêlés, mon teint pâle et fatigué. Le corps engourdi et l’esprit étourdi par le somnifère, je me sers un café brûlant, en renverse la moitié sur ma main en touillant le sucre, me brûle, peste contre moi-même et vais mettre ma main sous le robinet. En regardant couler le filet d’eau gelée sur mes doigts tout rouges, je pense à Nicolas.
Quand ses parents sont venus nous voir au centre, ils étaient désespérés.
- Madame vous comprenez pas, il parle pas ! Il est con ce gosse, il s’assoit là, et puis il regarde la fenêtre comme ça, des heures il reste là ! Nous on lui dit comme ça qu’il devrait jouer dehors au foot, se faire des copains un peu. Même la télé il aime pas ça ! Qu’est-ce qu’on peut faire d’un gamin qui parle pas ? Puis la nuit il crie, il se tape la tête sur le mur, il casse tout, il a un démon dans la tête !
Je leur demandais s’ils l’avaient déjà entendu parler, s’ils avaient vu des médecins, s’il allait à l’école, et tout ce qu’ils trouvaient à me dire c’est que ça ne servait à rien puisqu’il était dérangé et qu’ils ne voulaient plus le garder à la maison parce que ça faisait du bruit. C’est ça qui m’avais le plus marquée je pense, « ça » fait du bruit. Je m’étais dit qu’il fallait absolument éduquer les parents tout autant que l’enfant, entamer une procédure d’encadrement spécialisé, j’étais prête à aller les voir tous les jours, même passer des nuits chez eux s’il le fallait. Ce petit, il fallait que je le sauve, mais il me semblait évident que les parents devaient faire partie du sauvetage. Eux, ils voulaient simplement le jeter à l’eau, et je devais faire la bouée, toute seule, pendant qu’ils continuaient sur leur bateau. Six ans qu’ils vivaient avec lui, et ils allaient s’en débarrasser comme ça, parce qu’il était défectueux. Je ne crois même pas qu’ils aient utilisé son nom dans le premier échange qu’on avait eu, non, c’était toujours « le gosse », « le gamin », « le mioche ».
Et puis, le troisième jour, ils l’avaient amené. Je ne sais pas ce qu’il y avait chez lui mais j’ai été tout de suite émue en le voyant marcher tout calmement à côté de ses parents. Il ne leur tenait pas la main, ne les regardait pas comme le font d’habitude les enfants de son âge quand ils arrivent dans un lieu nouveau, il n’avait pas l’ai perdu pour autant, mais c’est qu’il n’avait pas vraiment l’air d’être là. Il ne regardait pas autour de lui, ses yeux étaient complètement vides. Il avait cet air triste des enfants qu’on voit parfois sur les publicités pour les grandes campagnes humanitaires. « Faites un don pour sauver les enfants du Mali », et bien on aurait dit que lui, c’était tous les enfants tristes du monde qui s’étaient réunis dans ses yeux.
Moi ce jour là, j’avais fait comme si ses parents n’étaient pas là, il n’y avait que lui. Je m’étais accroupie pour me mettre à sa hauteur, l’avais regardé dans les yeux et lui avais parlé.
- Bonjour toi, comment c’est ton prénom ?
Son père m’avait immédiatement répondu, d’un air lassé.
- Nicolas. Il s’appelle Nicolas.
J’avais complètement ignoré cette réponse et avais continué.
- Moi c’est Mathilde. Tu sais où on est ici ?
Mais son père ne me laissait aucune chance.
- Vous voyez bien qu’il comprend rien, faut le soigner pas lui parler. Il répond jamais. Nous si on vous le donne c’est pour avoir un traitement, un truc qui le rende normal. Quand vous l’aurez guéri on reviendra le prendre.
Me voilà donc au volant de ma voiture, en pleine nuit et complètement groggy, à foncer vers le centre pour calmer Nicolas qui, depuis 6 mois d’accompagnement intensif, ne parlait toujours pas et n’était calme qu’avec moi. J’avais pris son cas très à cœur en le voyant ainsi séparé de ses parents du jour au lendemain sans aucune explication, et m’étais promise de ne pas abandonner avant de l’entendre parler. Le problème c’est que ça, il l’avait très bien compris, et comme j’avais insisté pour m’occuper de lui seule afin de ne pas trop le déstabiliser, je me retrouvais coincée avec un garçon de six ans qui me prenait pour sa mère et ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas rentrer avec moi le soir.
- Ah Mathilde t’es enfin là ! C’est la mort là, on a Jean-Mi et Sylvie qui sont devant sa porte depuis deux heures, plus Julie qui est prise par les deux petites qui font toujours pas leurs nuits. Moi je fais des aller-retours entre le troisième et ici pour régler l’électricité qui fait de la merde depuis ce matin, et Martin qui galère avec son genou pété à essayer de surveiller les autres chambres, faut vraiment qu’on trouve une solution plus stable pour Nico parce que là c’est pas viable. On peut pas mobiliser trois éducs pour lui toutes les nuits, et toi tu peux pas rester là tout le temps.
- Écoute on en reparle tout à l’heure ? Je monte là je vais le voir, tu peux faire rentrer Jean-Mi et Sylvie ils doivent être crevés, je gère.
Je passe la porte, encore essoufflée par ma course depuis le parking et chancelle devant l’escalier.
- Attends Mathilde, t’as dormi un peu ? T’es rentré quand ce soir ?
- Ça va t’inquiètes pas.
- Mathilde, est-ce que t’as dormi ?
Je fais mine de ne pas l’entendre et monte les marches quatre à quatre. J’entends les cris de Nicolas depuis le bout du couloir, ça donne une ambiance terrible. Les néons blanchâtres qui clignotent et n’éclairent rien du tout, les tout petits carreaux blanc-cassés et jaunes au sol, les portes bleues avec leur petit hublot et leur numéro, l’odeur de produit nettoyant mêlée à celle de la sueur, et les cris, toujours les cris. Au fond du couloir je vois mes deux collègues assis par terre devant la chambre de Nico, épuisés par le bruit, et désemparés par la situation impossible qu’on subit tous depuis des mois. En me voyant arriver ils esquissent un sourire de soulagement et d’encouragement, et je lis la gratitude dans leurs yeux fatigués.
- Ça va vous tenez le coup ? Il s’est passé quoi ?
- Ça va ça va, là on t’attendait juste parce qu’on sait pas quoi faire. Il ne veut rien savoir, ça fait deux heures qu’il crie et il ne dit jamais rien. On lui a dit que tu dormais et qu’il te verrait demain, qu’il devrait essayer de dormir aussi, qu’on était là s’il avait besoin de quelque chose, mais il s’en fiche.
- Bon ok, comme d’hab quoi. Vous devriez rentrer vous avez l’air morts, je m’en occupe, on en reparle demain.
Je pousse la porte de la chambre tout doucement et y faufile ma tête.
- C’est Mathilde, je peux entrer ?
Au son de ma voix, les cris cessent instantanément et Nicolas arrête de taper son oreiller pour lever timidement la tête vers moi. Comme il ne dit rien, j’entre et referme la porte derrière moi. Je m’assieds sur le lit et attends qu’il fasse le premier pas, mais il reste simplement là à regarder le vide. D’habitude je lui parle tout de suite pour le calmer, et ça fonctionne très bien, mais depuis six mois on n’avance pas tellement. Son comportement évolue positivement, c’est vrai, il accepte de faire des activités, il tolère presque les autres si je suis là, mais il ne parle pas et il faut toujours que je sois là. Alors cette nuit là j’ai décidé de ne rien dire, pour l’obliger à parler s’il voulait s’exprimer, plutôt que de hocher la tête à mes questions. Finalement pour laisser quelqu’un devenir autonome, il ne faut pas le couver en permanence, et je le sais très bien, seulement devant ses cris et ses yeux d’ange, moi non plus je n’ai pas su faire autrement. Alors voilà que j’attends en silence, assise sur le lit. Au bout de dix minutes de calme, je me lève doucement et sors de la chambre.
A partir de ce soir là, je décide de prendre la situation en main sérieusement. Depuis que Nicolas est au centre, je ne vis que pour lui de toute façon, je rentre épuisée tous les soirs, je suis réveillée une nuit sur deux pour gérer une de ses crises, le matin il ne sort de sa chambre que quand j’arrive, et il ne parle toujours pas. Je décide donc de prendre une chambre au centre et de rester avec lui jusqu’à ce qu’il me parle, histoire d’éviter les crises provoquées par mon absence, et d’avoir plus de temps pour réfléchir à de véritables techniques pour l’apprivoiser.
Dans les semaines qui ont suivi, je lui ai parlé le moins possible, mais je faisais bien attention de ne pas parler aux autres non plus quand il était là. J’entrais dans son jeu, et avais décidé de ne parler aux autres que quand ils engageaient eux-même la conversation, pour essayer de montrer à Nicolas que s’il voulait que je lui parle, il fallait qu’il fasse le premier pas vers moi. Après trois mois de silence, je décidai de partir en vacances avec Nicolas pour lui faire découvrir un autre monde que celui du centre, et pour le féliciter de ses progrès, car même s’il ne parlait pas, dans toutes les autres disciplines il s’améliorait, et surtout, il ne faisait plus de crise. En revanche, comme j’allais passer deux semaines seule avec lui, je me suis sentie obligée de lui parler, ne serait-ce que pour communiquer les informations les plus simples, et pour ma propre santé mentale.
À l’issu de deux semaines à s’amuser à la plage pour la première fois, à construire des châteaux de sable, à courir dans le jardin et à regarder des vieux films le soir, Nicolas n’avait toujours pas dit un mot. Je l’emmenai donc le dernier jour sur une colline d’où on voyait la mer au loin pour lui expliquer ce que j’avais sur le cœur. C’était une soirée d’été, le soleil se couchait doucement et les nuages s’enflammaient de rouge, de rose, d’orange et de jaune qui se reflétaient dans le bleu infini de la mer. On s’est assis contre un arbre, la brise encore douce de la journée nous caressait le visage, tout était silencieux, calme, serein. Avant de me lancer dans mon discours solennel, qui allait sans doute tout gâcher, je respirai profondément l’air salé de l’océan, me tournai vers Nicolas et le regardai sourire doucement.
C’était la première fois que je lui parlais ainsi.
- Écoute, je sais que tu comprends quand je te parle, et peut-être que tu comprenais aussi très bien ce que tes parents disaient. Quand ils t’ont laissé au centre, ils ont dit que tu rentrerais quand je t’aurais fait parler, et c’est peut-être pour ça que tu ne parles pas, parce que tu ne veux pas y retourner. Je te promets que si tu parles on continuera tous à prendre soin de toi, et si tu ne veux pas rentrer chez toi je ferai tout pour que ça n’arrive pas. Mais ça fait un an que je m’occupe de toi, et je ne sais plus quoi faire pour t’aider, j’ai tout donné je t’assure, mais je pense que je ne suis pas à la hauteur pour continuer. Alors quand on rentrera au centre, j’essayerai de trouver quelqu’un de plus qualifié que moi pour t’aider, parce que tu n’avances plus avec moi. Je suis désolée, j’ai vraiment apprécié tout le temps que j’ai passé avec toi, mais je ne veux surtout pas te ralentir dans ton apprentissage de la vie. On pourra se voir si tu le veux, mais il faut que tu me fasses confiance et que tu réussisses à vivre avec d’autres gens, parce que je ne serai pas toujours là pour toi, je vais devoir m’occuper d’autres jeunes qui en ont autant besoin que toi. J’espérais que sortir du centre et découvrir un autre paysage, des vacances, la mer, ça te ferait peut-être plaisir. C’est un peu mon cadeau d’au revoir.
Là dessus, je me tus et regardai l’horizon à ses côtés. Je sentis une larme couler doucement le long de ma joue car j’espérais sans doute une réaction face à mes adieux, mais rien ne se passait, car rien ne se passait jamais. Je laissai la brise sécher doucement mon visage, le regard toujours fixé au loin. Au bout de vingt minutes dans le silence le plus complet, comme il commençait à faire sombre, je me levai et commençai à m’éloigner, quand le miracle se produisit.
- Attends.
Je m’arrêtai net au son de sa voix que je n’avais jusqu’alors entendue qu’à travers des cris, et souris doucement, toujours dos à lui. À partir de là, j’avançai à tâtons pour ne pas gâcher tous les efforts produits pour en arriver là. Je m’arrêtai donc mais ne dis rien et ne me retournai pas, pour l’encourager à continuer, et au bout de quelques minutes encore, à attendre là immobile sur cette colline inconnue, il me parla enfin.
- Je m’appelle Nicolas.
Voilà ma participation.
j'aime bien
Le 24 mars 2021 à 11:37:35 M-Le-Mot-Dit a écrit :
j'aime bien
Merci
je vais lire
Le 20 mars 2021 à 12:13:45 PIeinair a écrit :
Sang et honneur
– Puisque je te dis que je conduis, ça peut pas attendre cinq minutes ? Je suis bientôt à l'aire, je raccroche.
– Cinq minutes, cinq minutes, c'est toujours cinq minutes ! Tu laisses tomber tout le monde à coup de cinq min...
L'envie de jeter le portable par la fenêtre me démangeait mais, par une retenue impeccable, je l'envoyai s'écraser sain et sauf sur le siège passager. L'humeur n'était pas aux remontrances. L'hôpital avait prévenu qu'il ne passerait pas la nuit ; la famille devait se réunir au chevet du grand-père en fin de soirée, mais comme pour s'inventer quelque chose à me reprocher, tous semblaient d'un commun accord s'être rendus sur place plusieurs heures à l'avance. Le vieux décida, bien entendu, de claquer avant mon arrivée, jetant post-mortem l'ire de toute la lignée sur le seul absent au rendez-vous.
Le portable vibra sur la banquette et s'illumina. Un SMS de maman lisait ; "Si jamais ça t'intéresse encore, il a déliré un peu avant de partir sans douleur. Il a demandé plusieurs fois si son père revenait le chercher."
Si son père venait le chercher... heureux les mourants qui croient encore en l'avenir.
Je n'avais jamais vraiment connu le Marcel. Bourru et silencieux, comme tous les vétérans de l'Algérie. Je ne connaissais de lui qu'un sourire étrange reflétant plus volontiers le secret bien gardé que la joie. Il souriait pour n'avoir pas à communiquer avec des gens qui ne le comprendraient pas.
Lorsqu'il avait le malheur de l'ouvrir quand même aux dîners, son patriotisme toujours zêlé ne manquait pas de gâter dans les bouches les repas vegans des petites têtes inclusives de dernière génération. À la manière qu'elles ont de séparer proprement les ères et de disparaître aussi vite qu'elles sont venues, les opinions devaient n'être que des formes particulières de modes. La famille ce soir au chevet du Marcel devait se féliciter du devoir de présence accompli, mais il me semblait que l'homme était mort longtemps avant le corps, dans l'indifférence générale.
Comme la foudre frappe toujours deux fois au même endroit du moment que c'est sur ma face de paratonnerre, ma soeur devait accoucher dans la nuit, dans ce même hôpital. Ma nuit blanche de la veille et mes 4 heures de route dans les pattes ne me permettraient pas de faire un kilomètre de plus sans les rejoindre les pieds devant, et puisque je les décevrais mort ou vif, je décidai de les emmerder un peu plus longtemps en choisissant la vie ; l'alcool dégueulasse des aires d'autoroute serait certainement de meilleure compagnie pour ce soir que la marmaille émue des cousins-cousines.
J'allumai la radio, espérant trouver compagnie plus joyeuse dans une compilation de blagues beauf trouvées à la volée.
"Le forcené s'est retranché dans un immeuble du voisinage, les témoins affirment avoir entendu des "Allah Akbar" criés durant l'attaque."
Non.
"C'était horrible, j'étais à mon balcon, il a décapité un vieillard en pleine rue et personne n'est venu à l'aide."
Non plus.
"Mélenchon tient à mettre en garde contre la montée de l'islamophobie que pourrait provoquer une
émotion trop forte à la vue de ces images, et questionne les intentions des médias dans leur diffusion."
Je frappai trois fois sur la radio qui n'était pas cassée, dans l'espoir de l'entendre capituler en m'offrant du Rires et chansons.
"On nous signale une seconde attaque près de la cathédrale de..."
Une dernière baffe acheva la bête, qui grésilla d'agonie avant de me laisser seul avec le silence pollué des autoroutes. Un coucher de soleil alangui orangeait la campagne, éclairant dans son agonie l'avancée trottinante des tracteurs dont le monde sans politique s'arrête aux humbles frontières de petits champs tout carrés.
Alors que la route prenait de l'altitude, je pénétrai dans une brume de tous les diables qui dissipa peu à peu le paysage. Après quelques minutes pleins phares au coeur du brouillard, l'asphalte émergea au-dessus des nuages, formant un lacet noir zigzaguant sur un horizon d'une parfaite blancheur.
Un silence voluptueux régnait sur cet océan blanc, qu'aucune onde radiophonique ne pouvait plus perturber. Plus un message, plus un doute, plus un regret ne semblaient pouvoir atteindre cette section de route au-dessus du monde. Je l'aurais contemplée pour l'éternité, si la voie ne replongeait pas droit dans la brume quelques kilomètres plus loin.
De retour à l'aveuglette, lancé à cent-quarante kilomètres heure, je me mis à préparer mon épitaphe quand les suspensions commencèrent à jouer du rodéo. Des secousses inexplicables et un vacarme mortel menaçaient de me faire perdre le contrôle et je freinai, paniqué, jusqu'à m'arrêter sur le rebord.
Je sortis du côté de la bande d'arrêt, qui n'était pas là ; à ma droite s'étendait une forêt qui semblait apparue de nulle part. Le sol sous mes pieds était graveleux comme un sentier de marche, sans trace de béton. Certain que je n'avais pris aucune sortie, je remontai le chemin à pieds, jusqu'à trouver l'autoroute ; elle s'arrêtait brusquement, comme oubliée par ses constructeurs, pour laisser sans transition la place au chemin à peine entretenu qui venait de me bousiller les pneus.
Enfonçant le clou, ma poubelle de Twingo refusa de redémarrer, détail qui me sembla somme toute le moins inhabituel de la situation. Dans l'espoir de trouver de l'aide, je continuai à pieds sur le sentier, priant pour trouver quelque chose avant les vingt premiers kilomètres. Heureusement, un son de cloches se fit soudain entendre dans la brume.
Je le suivis humblement, comme le marin suit le phare, pour tomber sur un petit village rustique surmonté d'une magnifique église. Les cloches se turent en voyant ma venue, et des rires de femmes les remplacèrent, succédés, cent mètres plus loin, par des rires d'enfants ; cinq d'entre eux jouaient à la marelle dans un petit parc, tandis qu'une paysanne que la mode des leggings n'avait jamais dû atteindre, vêtue jusqu'aux chevilles d'une robe bleue, lisait à l'ombre d'un saule. Elle parut surprise de me voir, se leva sans un mot, puis me fit signe de la rejoindre sur un banc à l'écart des petits.
Sa démarche digne, son silence chaleureux, chacun de ses mouvements délicats, de ceux qu'on imaginerait issus de peintures ayant pris vie, me firent asseoir sans réfléchir.
– Désolé, j'étais en route et je me suis perdu, je me demandais si...
– Ne cherche pas d'excuses, mon garçon, coupa-t-elle. Nous savons tous les deux que tu fuis. Regarde.
Déstabilisé par sa remarque, je suivis son regard. Un garçon et trois filles jouaient à la marelle, tandis que le dernier gamin rêvait, le cul dans l'herbe, en scrutant les nuages. Les parcs de campagne, bien que très dépouillés, avaient l'avantage de ne pas être remplis de graffitis et de balançoires cassées, ni cernés de HLM à en induire des claustrophobies juvéniles au grand air.
– Vous gardez les gosses du coin ?
– Surveille ton langage, gronda-t-elle. Ce sont les miens.
Sa jeunesse et sa beauté avaient remarquablement résisté aux assauts de la maternité. Elle me servit le thé et je le bus, comme asservi par sa voix, pétrifié par ses yeux. Le vert triste de ses pupilles sondait mon âme, et la jeune femme passa une main dans mes cheveux, puis sur ma joue.
– Tu es jeune, dit-elle. Tu es beau.
– Je... merci ?
– Tu ne veux pas mourir.
– Non ?
– Tu lui ressembles.
Je songeais de plus en plus à chercher une excuse pour partir, quand de grosses larmes brouillèrent les yeux de la jeune femme. Elle tourna le dos aux enfants pour se cacher. Je me sentais coupable, sans savoir de quoi.
– Il paraît que le front va mal, articula-t-elle entre deux sanglots. On nous a dit de n'attendre le retour de personne.
– Le front ?
– Ne fais pas l'idiot. Tu as l'âge. Tu ne serais pas ici si tu n'avais pas fui l'appel.
Je réalisai, trop tard, n'avoir pas croisé de jeune homme en traversant le village.
– Je ne sais pas de quoi vous parlez, je n'ai pas fui. Je me suis simplement perdu, je ne viens pas d'ici, je ne connais pas la situation.
– Tu es Français, non ? accusa-t-elle. Alors ne leur fais pas honte ! Va te battre avec les autres !
Elle me poussait, vindicative, en direction de la forêt.
– Pour qui ? Pour quoi ?
– Pour nous ! Pour eux ! Si la ligne cède, que va-t-il advenir des enfants ? La ligne de front est tout près.
– Quel front ? Si l'endroit est dangereux, vous n'avez qu'à partir.
– Pour aller où ? À l'ouest ? Et quand l'Allemand nous suivra à l'ouest, où irons-nous ? Dans l'océan ? Tout ce que j'ai est ici.
L'un de nous deux devait être cinglé. Comme les gamins du parc jouaient à la marelle, et toujours pas à tourner un clip de rap, j'étais peut-être bien le fou. Tandis que je me demandais où -ou plutôt quand- je venais d'atterir, le garçon scrutant les nuages se leva et courut vers nous.
Il tira la robe de sa mère, pointant le ciel, l'excitation sur le visage. Un fringant avion D.520 pourfendait les cieux, recevant sur son passage les baisés jetés en l'air des femmes du village.
– Est-ce que c'est Papa qui revient nous chercher ? demanda le gamin.
La question familière me fit l'effet d'un poing entre les côtes.
– Pas encore, Marcel, pas encore, répondit la mère, détournant ses yeux rougis. Papa revient bientôt. Retourne jouer avec les autres.
Il ne reviendrait pas. Je le savais. Elle le savait certainement aussi bien que moi. Tandis qu'elle tentait de se replonger dans son livre, mon portable, que je croyais resté dans la voiture, se mit à vibrer dans ma poche. Une fois. Deux fois.
– Tu es encore appelé. Tu ne réponds pas ? Tu continues à fuir ? demanda-t-elle, sans s'étonner de l'engin dans ma poche.
Le monde autour de moi commençait à se brouiller, et bientôt seule cette femme demeura nette.
– Je sais pourquoi on m'appelle. Je pense que ma nièce vient de naître.
Elle eut un sourire.
– Mes félicitations.
Elle scruta la forêt, comme pour chercher l'horizon par-delà les arbres.
– Je me demande, reprit-elle... si la frontière tiendra assez longtemps pour qu'elle grandisse ?
Je fis demi-tour pour retrouver ma voiture, alors que l'obscurité engloutissait le village tout entier autour de moi. Bientôt dans les ténèbres ne se répondaient que trois voix, celles d'un vibreur qui refusait de s'arrêter, celle de la femme me demandant où j'allais et celle, plus lointaine, d'une radio récapitulant un nouvel attentat.
Luttant encore un peu contre les deux autres, la voix onirique me demanda si j'étais toujours perdu.
– Non, répondis-je.
– Où vas-tu, alors ?
L'aurore irradiait l'aire d'autoroute et punissait ma gueule de bois. Dans la boîte à gants, tâtonnant en quête des lunettes de soleil, mes doigts effleurèrent une peluche neuve et un calibre 9.
– Au front.
J'en écrirai peut-être une autre plus tard, ou pas
c'est pas mal non plus...même si j'ai pas bien tout compris...y'a aussi un passage temporel ou qque chose comme ça ?
après le thème je suis moins fan de ce que je pige....
Ça ressemble davantage à une histoire sur l'instinct maternel que sur la nation ou la nationalité.
C'est une histoire sur les éducateurs spécialisés pas sur l'instinct maternel.
Pour moi un côté nationaliste est de s'acharner coûte que coûte à éduquer du mieux qu'on peut les jeunes, et surtout les jeunes en difficulté dont l'éducation ne peut venir des parents. Si la famille n'est pas en mesure de produire une éducation qui élèvera le pays, alors c'est au pays de produire cette éducation pour s'élever lui-même.
Le 24 mars 2021 à 14:02:02 Un_esclave12 a écrit :
Ça ressemble davantage à une histoire sur l'instinct maternel que sur la nation ou la nationalité.
Le 24 mars 2021 à 14:02:16 WhiteWeasel a écrit :
C'est une histoire sur les éducateurs spécialisés pas sur l'instinct maternel.
vous parlez du texte de Veyli ou de White W ?
ou les 2 se rejoignent un peu ?