J'ai de GROS examens cette semaine, mais bonne nouvelle, je suis en Week-End de Mardi à Dimanche prochain.
Donc au moins un chapitre d'ici dimanche prochain normalement.
Désolé pour l'attente évidemment, mais j'ai réorganisé une bonne partie de l'histoire pour aboutir à un truc plus fluide (sinon on était partit sur du 350 chapitres et encore 5 ans avant d'écrire le mot "FIN" )
Et il est en quoi le soucis que ta fic dure 5ans et 350 chapitres ?
Le 19 mai 2017 à 07:08:05 EsZanN a écrit :
Et il est en quoi le soucis que ta fic dure 5ans et 350 chapitres ?
Si j'ai pas fini la première histoire, comment je commence la deuxième moi ?
Et la fin est dans ma tête depuis au moins un an, donc faudrait peut-être que je puisse l'écrire avant d'être majeur, pour le symbolisme
Tant que tu poste la suite ce week-end, je te laisse gérer ta fic
Pas celui-là j'ai dit, celui d'après
Enfin, je vais faire mon possible pour après-demain, mais je peux rien garantir, ayant des cours le samedi et potentiellement de nouvelles épreuves lundi/mardi
Je viens du futur ! Il n'y toujours a pas de suite
Tu viens de ruiner mes espoirs
D'ailleurs elle en esr où la tienne ?
Dernière épreuve de maths avant le BAC ce mardi, donc après j'aurais du temps
Je vais écrire un peu ce soir si ca peut vous rassurer
Ça peut effectivement me rassurer.
Chapitre terminé, je vais poster ça le plus tard possible (dimanche dans le pire des cas) pour essayer d'en faire un deuxième (avec le premier légèrement plus court que le second) pour avoir un découpage logique au vu de ce qui arrive.
Voilà voilà.
Enfin.
Deux chapitres, le temps que je les corrige ca arrive demain soir
Cool, lecture is coming.
Et moi qui voulais lire le chap pendant mon stage...
On est demain soir.
Endormi sur mon chapitre en le corrigeant.
Ça arrive pour de vrai cette fois
Chapitre 58
À l'instant où il se réveilla, Aris fut prit d'un violent sursaut. Le froid lui mordit immédiatement la peau, et une douleur diffuse emplit tout son être en l'espace d'un battement de cils. Hagard, le rougegarde se cambra violemment, et ouvrit précipitamment les yeux, pour se retrouver face à un ciel grisâtre. Il ne mit qu'une demi-seconde avant de se rendre compte, avec stupeur, qu'il ne se trouvait plus du tout dans la chambre de l'auberge dans laquelle il s'était endormi.
Il se tenait allongé, au fond d'une ruelle, en pleine ville. Noyé sous un furieux rideau de neige.
Il faisait nuit. Un chappe de plomb semblait s'être abattue sur la ville, noyant les alentours immédiats dans une obscurité impénétrable. Les nuages, les lunes, le ciel : tout ceci avait disparu sous cet océan de blancheur froide et sinistre, transformant ce qui avait semblé être une soirée claire en un brouillard opaque, glacial et sans fin.
Prit de panique, Aris tenta de se lever, mais une douleur démesurée jaillit de ses entrailles, l'immobilisant en un instant. Il retomba au sol, contre lequel il demeura plusieurs secondes, étourdi par la souffrance. Haletant, il se mit à genoux dans un râle d'agonie, et se dirigea vers le mur le plus proche pour s'y adosser. Sans rien dire, il se mit à tourner la tête dans tous les sens afin de déterminer où il se trouvait. Autour de lui, aucune construction n'était discernable avec exactitude : les murs de l'allée étaient si haut que seules quelques formes floues s'agitaient, au loin, en guise de tours. Du côté du corridor, en revanche, rien que la tourmente, perçée par intermittence de reflets blanchâtres comme si elle avait été dotée de vie.
Non. Non, ceci n'était pas réel. Qu'aurait-il pu faire ici, hors de la taverne, en pleine nuit d'hiver ? Et comment les éléments auraient-ils pu se déchaîner à ce point, sans crier gare ? Il ne se souvenait plus de rien. Ce n'était qu'un rêve.
Le rougegarde prit sa tête entre ses mains comme pour se réveiller, mais sentit alors une substance chaude couler le long de ses tempes, ce qui le fit sursauter. Il éloigna ses mains de son visage avec une stupeur mêlée de crainte. Dans l'obscurité, il observa sans comprendre ses paumes, couvertes de sang à moitié séché.
Fronçant les sourcils, il passa en revue ses bras et seu jambes, sans y découvrir d'anomalie. C'est alors que, du coin de l'oeil, il aperçut une mince tâche rouge, en bas de sa chemise. Il baissa les yeux, fébrile.
La surprise le figea lorsqu'il découvrit le haut de son vêtement, trempée de sang noir et épais. Il jeta un coup d'oeil autour de lui, inquiet. Personne. Rien que le sifflement de sa propre respiration, et celui, incessant, du vent glacial.
Il souleva le col avec d'infinies précautions, craignant ce qu'il risquai d'y trouver.
Aris cessa de respirer.
Au centre de sa poitrine, une fine marque de couleur ovale se dessinait, ornée de taches sanglantes.
Le blessé fut prit d'incompréhension pendant une fraction de seconde, puis grimaça de plus belle sous l'effet de l'impossibilité de la situation qu'il était en train de vivre. Cette blessure était celle qu'il avait reçu en affrontant l'equipage de Zefir, alors qu'il naviguait en compagnie de Dakin et Ernard vers les côtes de Hauteroche. Cela faisait bien trois semaines, peut-être même plus encore. Alors pourquoi saignait-il ? Et pourquoi cette douleur paraissait-elle si réelle ?
Hébété, Aris saisit un morceau de tissu de sa manche, et le déchira d'un coup sec, sans cesser de secouer la tête. Encore un peu, et il se réveillerait. Il n'avait qu'à agir comme il l'aurait fait en temps normal, et attendre. Ôtant sa chemise, il s'écarta un peu du mur, et mit en place son bandage improvisé, après quoi il se revêtit à la hâte.
Autour de lui, les quelques rafales de vents s'étaient changées en tempête. Le rougegarde constata avec stupeur qu'il ne voyait même plus ses pieds, tant la visibilité était rendue mauvaise par la furie des éléments.
«Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?, pensa-t-il. Qu'est-ce je fous, ici et maintenant ?»
Jamais il n'avait fait de rêve de ce genre. Trop étrange, trop réel. Prit d'un mauvais pressentiment, le rougegarde se mit debout, avec d'infinies précautions. Sans avoir la moindre idée de ce qu'il s'était passé, sans savoir s'il nageait en plein délire où s'il se trouvait réellement ici, dans le froid et le noir, il sentait que quelque chose de terrible venait de se produire. Il devait regagner l'auberge au plus vite, pour en avoir le cœur net.
Il fit quelques pas hésitants, s'appuyant d'une main sur le mur de l'allée afin de ne pas chuter de nouveau, et commença à progresser dans le brouillard enneigé, grelottant.
Il fit une trentaine de pas dans la tourmente, avant que sa blessure ne devienne vraiment dérangeante. Le sang imbibant le lin de sa chemise était devenu froid, et devenait douloureux au contact de sa poitrine, brûlante. Il fit quelques mètres de plus, tremblant, craignant que ses bras ne gèlent sous l'effet du froid, puis s'arrêta. Le vent était devenu si fort qu'il parvenait presque plus à avancer, aussi glissa-t-il sa main dans une fissure du mur pour ne pas déraper sur le sol givré. Il se plia en deux pour faire barrage au vent glacial qui l'assaillait tel une bête affamée, et reprit longuement son souffle. Il devait rester calme, ou du moins essayer. Et il devait avancer.
Il se redressa, prit une inspiration pour se donner le courage de poursuivre, fit deux pas, puis sentit un étrangement tiraillement au niveau de son épaule.
Avec horreur, Aris fit volte-face, et s'agrippa le bras en gémissant. Sa main était collée à la paroi par le givre, emplissant ses doigts d'une douleur sourde. Par réflexe, le rougegarde plaqua sa botte contre le mur, et poussa violemment sur sa jambe. Un craquement inaudible se perdit dans le souffle furieux de l'hiver, et il chuta en arrière.
Le blessé percuta le sol avec une violence qui lui arracha un hurlement de douleur. Il se raidit une seconde, mais se releva néanmoins, titubant.
Aris scruta avec inquiétude la paume de sa main, pliant et dépliant nerveusement ses doigts afin de vérifier que tout allait bien. Rien, mis à part une fine pellicule de givre couvrant la base de son poignet. Si ceci était bien réel, s'il ne faisait pas simplement un cauchemar terriblement vraisemblable, alors il devait rapidement trouver un abri avant de geler sur place.
Une rafale de vent glacé traversa la ruelle, lui arrachant un grognement.
Il voulut s'accrocher au mur pour ne pas être emporté, mais son bras se suspendit à quelques centimètres de ce dernier. Aris déglutit.
Les briques avaient fendu sous l'effet du froid.
https://m.youtube.com/watch?v=V6me8wZ0whg
Une panique abyssale s'empara du rougegarde. Tournant les talons, il se mit à courir, secouant désespérément la tête. Ce n'était pas un rêve, il en était maintenant persuadé. Il s'était retrouvé ici pour une raison précise, et désormais, quelque chose de surnaturel en avait après lui. Ses poumons manquaient d'air, et chaque inspiration emplissait sa trachée d'un air si froid qu'il avait le sentiment de geler de l'intérieur. Son torse s'était changé en un puit de douleur sans fond, envoyant des décharges de souffrance jusque dans son crâne. Ses bottes frappaient le sol avec irrégularité, s'accrochant au sol au moindre contact avec ce dernier, comme si tout avait été mit en oeuvre pour l'empêcher de quitter cette allée. Toujours pas de croisement, rien que cette petite ruelle, démesurément longue...
Une bourrasque glaciale balaya l'allée, impitoyable.
Aris cria peut-être; le son de sa voix se perdit dans le râle impétueux de la tempête, et le rougegarde fut soufflé par le vent comme une brindille.
Il percuta le mur droit du passage à une vitesse vertigineuse, et s'écrasa avec une violence inouïe contre le sol, désormais recouvert d'un bon centimètre de givre. Hoquetant, luttant pour respirer, il roula sur le ventre, et s'immobilisa complètement.
Il n'eût pas le temps de se remette de la chute : presque immédiatement, la morsure de la glace lui pénétra la chair des avant-bras, des coudes et des genoux. Tétanisé par le froid, il hurla et tenta de se dégager, mais ses forces avaient disparu. Il ne sentait plus ses mains. Il avait froid. Si froid...
Lentement, Aris ferma les yeux, incapable même de se recroqueviller dans l'espoir de conserver les dernières bribes de chaleurs qui semblaient le fuir comme un corps déjà mort. Tout s'assombrit, et se mit à tourner lentement.
Il entendit les pas avant de discerner quoi que ce soit. Distordu comme à travers un voile, un claquement régulier se mit à résonner, en dépit du souffle furieux du vent, par dessus lequel il n'aurait pas entendu sa propre voix.
La lumière apparut à travers ses paupières, le poussant à rouvrir les yeux. Au bout de quelques secondes, sa vision se précisa, lui permettant d'apercevoir une lueur oscillante, brûlante et furieuse, se découper à travers le rideau grisâtre de neige. L'éclat d'or, aveuglant, semblait vibrer d'une énergie de plus en plus incroyable à mesure qu'il grossissait et se précisait. Aris éprouva alors le besoin de se replier sur lui-même, dans un coin, comme si cette lumière risquait de l'écraser par mégarde en passant près de lui. Le rougegarde se sentit soudain incroyablement nerveux, non pas par peur, mais à cause d'un tout autre sentiment, bien plus difficile à décrire. Il se sentait nu, faible, inexistant en comparaison de cette lueur approchant dans sa direction, et ce sans même en avoir entraperçu l'origine.
Un pied nu sortit de la brume aussi brusquement qu'une volée de flèches, faisant sursauter le rougegarde, qui tenta désespérément de se décoller du sol. Une deuxième jambe s'extirpa du brouillard, visiblement insensible au givre. En quelques instants émergèrent successivement un bassin, deux bras secs et une paire d'épaules sveltes, laissant la tête de l'être plongé dans la tempête. À travers le rideau glacial, une longue flamme de lumière d'une blancheur éclatante s'agitait autour de son visage invisible, l'auréaulant d'une aura surnaturelle.
- Qu'est-ce que vous voulez ?! gémit Aris, incapable de savoir si la chose était en mesure de l'entendre.
L'être ne répondit pas, mais s'accroupit à côté de lui et posa la main sur son épaule.
Il sembla alors au rougegarde que le froid venait de disparaître, laissant une chaleur rassurante l'envahir. L'effet ne dura cependant que quelques secondes, et, lorsque l'apparition retira sa main, la souffrance revint, plus insupportable que jamais.
- Vous avez fui, mon enfant, sussura-t-elle d'une voix étonnamment douce, mais teintée de ce qui ressemblait fort à une pointe de regret. Vous avez laissé vos deux amis mourir face à l'ennemi. Par votre faute, les nuits seront longues et sans lunes.
Aris hoqueta, autant à cause de la douleur nouvelle qui lui irradiait le corps que parce que les paroles de l'apparition venaient de résonner directement dans son crâne. L'être se redressa, et fit quelques pas dans la direction opposée. Le rougegarde voulut suivre l'être du regard, attiré par une force irrésistible, mais sa joue demeura figée contre le sol glacial.
Ce dernier reprit :
- Comment comptez-vous échapper à la mort, dans un état pareil ? Et, si je vous sauvais maintenant, que pourriez-vous bien accomplir, seul et sans soutien ? Vous êtiez l'élite. Aurais-je eût tort de placer mes espoirs en vous ?
Un hurlement suraigu s'éleva soudain dans les airs, brisant le souffle du vent de son intensité gutturale. L'être soupira longuement, et s'apprêtait à reprendre. Cet affreux mélange entre le hululement d'une chouette, et le crissement d'une épée rouillée contre la pierre s'éleva alors une seconde fois, plus puissant encore, faisant naître en Aris une panique indescriptible.
- La revoilà, chuchota l'être en levant la tête en direction du ciel obscur. Elle en a terminé avec vos amis, et maintenant, c'est votre tour à vous, petite chose fragile et brisée.
Un bruit sourd retentit au loin, suivi d'un troisième cri, plus fort, plus proche, plus glaçant que tout ce que qu'il eût jamais été donné d'entendre au rougegarde. Une vague de terreur primitive s'empara d'Aris, qui se mit à gémir et à se tortiller dans tous les sens afin de se relever. Mais ses jambes ne bougèrent pas, immobilisées par le carcan de glace qui s'était propagé sur ces dernières, provoquant d'atroces douleurs dans toute une partie de son corps. Face à lui, l'être sembla soupirer, émettant un son semblable à celui d'une flamme que l'on plonge dans l'eau.
- Laissez-moi partir ! hurla le rougegarde, terrifié. Je vous en prie, laissez-moi partir !!!
L'être se tourna vers lui, et se pencha face au blessé, de manière à ce que ce dernier puisse entrapercevoir son visage.
Un elfe. C'était un elfe, aux traits étrangement familiers, comme s'ils appartenaient à un vieil ami. Son visage, entouré de flammes aveuglantes, semblait divisé en deux par une ligne verticale, comme si son côté gauche eût été bien plus sombre que l'autre. La tête longiligne de l'être oscilla lentement de gauche à droite, avant de s'immobiliser dans un angle improbable.
- Il vous faut du temps, fit la voix dans son esprit. N'est-ce pas ? Du temps, et une seconde chance... Est-ce là votre souhait ?
Derrière le visage grave de son interlocuteur, une masse gigantesque heurta le sol, faisant vibrer jusqu'aux membres meurtris du rougegarde. Une lueur rouge balaya la ruelle, suivit du même cri atroce, dont l'écho fit momentanément vaciller le brasier éclatant ornant la tête de l'elfe.
Ce dernier hocha la tête, puis se releva, et fit face à la chose qui venait d'atterrir.
- N'oubliez pas, Aris, murmura la voix, soudain assourdissante. Il s'agit de votre seconde et dernière tentative d'agir différemment. Ne décevez pas Diagna. Et ne me décevez pas non plus.
Alors que la vision du rougegarde se brouillait, la créature chargea vers l'être de lumière, faisant exploser le sol dans un fracas de roche brisée. Puis ce fut l'obscurité.
Chapitre 59
Aris se redressa dans un sursaut terrifié, se leva en un quart de seconde, et se plaqua dos au mur de sa chambre, haletant.
Autour de lui, le vieux lit, la fenêtre exigue, les planches pourries du sol, du plafond et des murs n'avaient pas différé de la veille. Il se tenait dans une chambre, celle-là même où il s'était endormi quelques heures auparavant.
Le rougegarde se laissa tomber sur sa couche de paille avec un soupir d'épuisement, et prit sa tête entre ses mains. Il resta prostré un long moment ainsi, inspirant avec lenteur le temps que les battements de son cœur reprennent un rythme plus calme. Que s'était-il passé ? Un rêve ? Oui, sans doute. Pourtant, le sentiment de malaise viscéral qu'il ressentait en revoyant cette ruelle sombre et froide suffisait à lui assurer qu'il s'agissait de plus que cela. Quelle était cette chose ? Ces choses ?
Sans savoir pourquoi, il plaqua sa main sur sa poitrine, gagnée par une douleur sourde. Il regarda avec inquiétude sa cicatrice, presque invisible. Pas la moindre trace de sang, et pourtant...
Un rayon de soleil filtra entre les volets cassés de la fenêtre, aveuglant momentanément le voyageur. Ce dernier tourna la tête avec surprise, et se leva. Le jour s'était levé.
Il fut brièvement tenté de se replonger dans ses pensées pour déterminer le sens de ce qu'il avait vu, mais se ravisa. Il avait suffisamment dormi, et une nouvelle journée avait commencé. Et avec cela, le temps de sa discussion avec Dakin était finalement arrivé.
Aris se dirigea vers la porte de la chambre, saisit la poignée de fer rouillé, et sortit dans le couloir, provoquant un craquement de mauvais augure qui se répercuta dans tout le corridor. Encore ensommeillé, il passa devant quelques portes closes, assaillies par la mousse et la moisissure, descendit avec lenteur les escaliers, et déboucha dans la salle principale de l'auberge.
Comme il l'avait prévu, Dakin l'attendait, assit à une table au centre de la pièce. Le regard perdu dans le vague du Dunmer pivota vers le rougegarde, et le fixa froidement pendant quelques secondes.
- Bien dormi ? fit-il simplement.
- Moins bien que je ne l'aurais voulu, répondit Aris en étouffant un baillement. Enfin, cela n'a pas d'importance. Ne me dis pas que tu as veillé ici toute la nuit ?
Seul le silence accueillit sa question.
- Tu ne devrais pas te démener à ce points, reprit le rougegarde. Prends un peu de repos, d'accord ?
- Alors tu te soucies des autres, maintenant ? ricana l'elfe noir avec un sourire sarcastique. Un peu de sommeil à donc suffit à te faire retrouver un semblant de raison ?
- Dakin, ne...
- Non, je ne veux pas de tes excuses. Nous avons à parler.
Aris déglutit silencieusement en ressentant une colère et une désapprobation profonde dans le ton de son ami. S'expliquer serait difficile, probablement plus que prévu.
- Tu as une nouvelle tenue, fit le rougegarde en observant la tenue pourpre chatoyante du Dunmer.
- Assied-toi, répondit ce dernier.
Le rougegarde hésita, puis hocha la tête et s'installa en face de son partenaire. Trois choppes étaient posées sur la table. Celle destinée à Aris était encore vide, tandis que les deux autres, du côté de Dakin, ne contenaient plus que quelques millimètres de boisson. Son camarade fronça les sourcils : ce n'était pas dans les habitudes de l'elfe noir de boire autant, et encore moins de si bon matin.
Le Dunmer secoua la tête en grimaçant, comme s'il se retenait de fracasser la table du poing. Il inspira, expira, puis releva les yeux vers le rougegarde.
- Pourquoi ?
Aris bafouilla, incapable de déterminer le sens exact de la question.
- Pourquoi ? reprit Dakin, plus fort cette fois-ci.
L'état de l'elfe noir était inquiétant. Tandis que sa main gauche demeurait serrée, faisant blanchir les jointures de ses doigts, celle de droite s'agitait follement, se crispant et se décontractant nerveusement, frottant avec régularité sur le bois de la table, comme envoûtée ou animée par une volonté extérieure.
Le rougegarde déglutit de nouveau. Dakin était visiblement plus qu'en rogne, à tel point que lui-même n'en avait probablement pas conscience. Chaque réponse devait être mesurée avec une précaution redoublée, car une seule d'entre elle pouvait avoir des conséquences irréversibles sur leur relation, et donc sur le bon déroulement de leur quête.
- Je... Je suis désolé.
Le simple silence du Dunmer le forca à reprendre, de peur de provoquer un accès de rage chez ce dernier.
- J'ai passé une semaine, à croûler sous la boue et la puanteur, à me faufiler entre les mercenaires cupides et les gosses qui en avaient après ma bourse. Une semaine pendant laquelle j'ai fait tout mon possible pour retrouver Nash. Mais rien. Rien que des mensonges, et des rumeurs, si chères payées que je devins incapables de me payer les services du moindre informateur de confiance au bout de seulement trois jours. J'ai fouillé les tavernes, les greniers, les entrepôts, les ruelles, le jour comme la nuit. Et pas une trace, à croire qu'il n'existait pas.
Face à lui, le regard de Dakin, impassible, continuait de le fixer.
- Alors j'ai dû trouver autre chose. Le roi espérait que je puisse lui révéler les causes de la révolte, et j'ai finit par céder. Mais je l'ai fait pour une bonne raison.
Une lueur d'intérêt passa furtivement dans les yeux du Dunmer, mais fut noyée sous un flot de froideur redoublée l'instant suivant.
- Nash se souvient, reprit Aris. Il sait ce qu'il s'est passé, quinze ans plus tôt. Alors, je me suis dit que ma meilleure chance de le retrouver était encore de le chercher parmi ceux qui se rappelaient. Parmi les rebelles.
- Une bonne raison, hein ?
https://www.youtube.com/watch?v=eD0XEH3qVCk
Avant que le rougegarde ne puisse réagir, la main gauche de Dakin se leva, puis s'abattit avec une rapidité et une violence inouïes. Le bois de table, pourtant épais de plusieurs centimètres, se fendit puis s'ouvrit en deux sous l'effet du coup, renversant les choppes des deux hommes, qui vinrent s'écraser au sol.
Le bruit du verre brisé fit sursauter le rougegarde, comme si la scène précédente eût été trop surprenante pour que son corps puisse réagir à temps. Il baissa la tête pour contempler les deux moitiés brisées de la table gisant sur le plancher de la salle, interdit.
- Une bonne raison, n'est-ce pas ?
Aris releva les yeux vers le Dunmer, qui s'était levé sous l'effet d'une colère incontrôlable. Le visage de Dakin était devenu incandescent, brûlant d'une rage sans limite, exempt de toute forme de compassion.
- C'est ainsi que tu conçoit les choses, alors ? Ces trente hommes que tu as massacré dans une rue sont morts, POUR UNE BONNE RAISON ?!!
- Dakin, je suis...
- Non ! Non, tu n'es pas désolé ! Tu n'as rien d'un homme accablé de remords, ce que tu devrait pourtant être devenu, après les actions irraisonnées auxquelles tu t'es adonné pour une "bonne raison" !!! Des projets ont avorté à cause de toi ! Des fermiers, des éleveurs dont les enfants étaient la seule source de revenu finiront à la rue ! Des enfants grandiront sans leurs pères, parce qu'un imbécile manipulé par plus grand que lui a décidé qu'il existait une "bonne raison" de les tuer sans une once de réflexion !
Le rougegarde resta prostré sans rétorquer. Il n'y avait rien à répondre.
- Alors, bien sûr, prendre des responsabilités et mesurer les conséquences de tes actes est au-dessus de tes forces ! Mais pour massacrer quelques dizaines de rebelles, eux et les rêves qu'ils portent, aucun problème ! Où as-tu la tête, imbécile ?! As-tu passé une grasse et bonne nuit, à penser à ces hommes que tu as envoyé dans une fosse commune parce que l'idée de débarrasser le monde de quelques marginaux te semblait être une manière agréable de passer le temps ? Tu es une honte, Aris, une honte envers l'Ordre qui t'avait accordé une seconde chance de t'accomplir ! Mais plus encore, tu es une honte que je devrait porter pour le restant de mon existence, en sachant que c'est par ma faute si nous sommes arrivés à Daguefilante, et par ma faute si un idiot comme toi a dérapé parce que personne n'était là pour le surveiller ! Bon sang, certains n'avaient pas l'âge d'être pères !!!
Dakin se laissa tomber sur sa chaise, comme accablé par sa propre colère.
- Pourquoi, Aris ? demanda le Dunmer d'une voix emplie d'une peine si profonde que toute sa frustration sembla s'envoler en un instant. Pourquoi donc ?
- Tu le voulais, n'est-ce pas ?
- Quoi ?
- Tu voulais que la rébellion porte ses fruits, annonça Aris d'un air accusateur.
L'elfr noir se figea.
- Aris, reprit-il d'un ton impitoyable, ne tente pas d'excuser ce que...
- Tu voulais que la révolte gagne chaque porte, chaque foyer, et que le roi Daric soit renversé, parce que tu es toujours obnubilé par cette foutue vengeance !
La surprise envahit le regard de Dakin, comme pour mieux confirmer les dires du rougegarde. Il voulut secouer la tête, mais suspendit son mouvement.
- Bien sûr, dit-il finalement en guise d'aveu. Bien sûr que je veux voir ce régime corrompu s'effondrer ! Bien évidemment ! Comment pourrais-je oublier la famille, les amis que j'avais, et que les troupes royales ont écrasé sous leurs bottes comme de vulgaires insectes ? Comment dois-je pardonner à ces ordures d'avoir piétiné tous ces souvenirs, comme s'ils ne valaient rien, comme si nous étions juste des déchets, prêts à ramper dans la poussière à la recherche d'un futur meilleur qui resterait à jamais hors de notre portée, parce que nous étions nés parmi les hommes, et pas parmi les rois ?!
Soudain, alors qu'Aris écoutait le discours de Dakin avec un mélange de stupeur et de satisfaction, le visage du Dunmer se superposa à un autre, celui d'Azir. Presque immédiatement, les hurlements de désespoir de ce rougegarde dont il avait brisé les rêves ressurgirent dans son esprit, avec une intensité si chargée de détresse qu'il se plia en deux en gémissant.
- Pour qui te prend-tu, enfin ? continua l'elfe noir Pour un parangon de vertu ? Pour un dieu salvateur, purifiant le mal en envoyant des innocents se balancer au sommet des remparts, parce qu'ils ont eu la prétention d'agir comme nous l'aurions fait à leur place ?!
- Mais tu vas la fermer, oui ?! hurla le rougegarde et adressant un coup de tibia magistral à une moitié de table, qui vint se fracasser contre le comptoir de l'auberge dans un bruit sourd.
- Et comment oses-tu me parler de haine ?! ajouta Dakin sans se préoccuper de l'état de son interlocuteur. Comment oses-tu me reprocher la vengeance que je convoite, alors que c'est celle-là même qui t'animes ?! Penses-tu que j'ignore pourquoi tu m'a rejoint afin de m'aider à rassembler les anciens membres de l'Ordre ? Afin de protéger la stabilité de Tamriel ? Non ! Bien sûr que non ! Parce que la seule chose qui t'importe est de rencontrer tous les membres pour retrouver et tuer le meurtrier de Jira-Ko !
- NE PRONONCE PAS SON NOM !!! tonna Aris en balayant sa chaise avec rage.
- Alors quoi ?! rétorqua Dakin en haussant le ton à son tour. Tu penses peut-être que j'ignore pourquoi tu as tenté de rentrer en contact avec les rebelles ? Parce que tu es persuadé que c'est Nash qui mène la rébellion, bien évidemment ! Parce que tu espère que, s'il est, par hasard le traître que tu recherches, mater la rébellion le forcera à venir à nous pour que tu puisses ten débarrasser ! Me prends-tu donc pour un aveugle ?!
Aris s'immobilisa, le souffle coupé. Il voulut crier, hurler, faire exploser la colère démesurée qui le rongeait, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il tenta d'avancer vers le Dunmer, peut-être pour le frapper, peut-être pour enserrer ses mains autour de son cou, mais quelque chose au fond de lui l'empêcha même de bouger.
Dakin avait raison. Bien sûr. Alors que lui-même avait cherché la réponse sans parvenir à la trouver, en déambulant, désespéré, dans les souterrains de la ville, le Dunmer venait de mettre le doigt dessus, avec une facilité et une justesse déconcertantes. Comment avait-il pu frôler l'évidence tant de fois, sans jamais la découvrir ?
Le rougegarde baissa les yeux vers ses mains, tremblant. Était-ce donc la vérité ? Était-il finalement devenu, sans même s'en apercevoir, une coquille de rancœur et de haine, obsédée par la vengeance ?
Dakin, à bout de souffle, s'assit sur le sol, et prit sa tête entre ses mains.
- Cette guerre nous a détruit, Aris. Regarde nous.
En jetant un oeil à son camarade, un sentiment de chagrin d'une profondeur indescriptible s'empara d'Aris. Presque immédiatement, il fondit en sanglots, incapable de résister plus longtemps.
Un torrent de frustration et de regrets se déversa en lui, alors que ses larmes commençaient à baigner ses joues creusées par la fatigue et la crasse.
- Tous ces hommes, méritaient de vivre, sanglota Aris en secouant la tête. Je ne voulais pas que les choses tournent ainsi ! Rien ne s'est passé comme prévu !
La main de Dakin se posa sur son épaule, ferme et chaleureuse. Les deux amis restèrent immobiles ainsi, de longues minutes, ravalant leur fierté pour mieux se souvenir qu'ils ne seraient toujours que deux enfants arrachés à leur famille et plongés trop tôt dans un monde de souffrance et de désillusions.
- Nous allons le retrouver, Aris, murmura Dakin, le regard humide. Nous allons retrouver le salaud qui l'a livrée au Thalmor, et il aura ce qu'il mérite. Je te le promet.
Le rougegarde leva les yeux vers lui, le regard empli d'une gratitude infinie.
- Merci, fit-il simplement.
Ils restèrent dans le silence pendant quelques minutes supplémentaire, jusqu'à ce que leur rancoeur mutuelle se soit dissipée.
Dakin se leva le premier.
- Tu as des informations à propos de Nash ? demanda-t-il.
Aris sécha ses larmes, puis secoua la tête.
- Rien de bien encourageant, j'en ai peur. Et de ton côté ?
L'elfe noir secoua la tete à son tour.
- J'ai parlé au chef des rebelles, ajouta Aris. Il n'a pas réagit lorsque je l'ai décrit, en revanche il semblait connaître son nom. Tout cela m'amène à penser qu'il utilise une fausse apparence, où qu'il sort peu de là où il est.
- Tu as pu en obtenir plus ? demanda Dakin, intrigué.
- J'aurais bien aimé, mais les hommes de Daric sont arrivés au mauvais moment.
Le rougegarde resta pensif durant une seconde, puis reprit.
- Si Nash est aussi difficile à trouver, je ne pense pas que ce soit pour être à l'abri du traître qui a livré Jira-Ko.
- Il sait amplement se défendre, c'est vrai, acquiesca Dakin. Alors pour quelle raison ?
- Je pense qu'il à simplement besoin de rester dans cette région, mais qu'il doit rester invisible pour des questions de commodité. Ce qui m'amène à penser qu'il est recherché par les espions de Hauteroche, ou même simplement par la garde de Daric.
- Alors, il aurait changé d'apparence simplement pour avoir la paix ?
- Ca lui ressemblerait bien, en tout cas. Quoi qu'il en soit, je ne pouvais pas prendre le risque que les hommes du roi entendent quoi que ce soit à son sujet. Même si Azir m'avait donné une piste concrète, mon état ne m'aurait pas permit d'agir plus rapidement que les soldats, et ceux-ci l'auraient trouvé bien avant nous.
Le Dunmer soupira.
- Alors c'est peine perdue ?
- C'est bien ce que je crains, avoua Aris. De ton côté, tu as réussi à découvrir pourquoi le sortilège d'il y a quinze ans commençait à s'estomper ?
- Non, fit l'elfe noir avec un sourire désolé. J'ai fait quelques essais, mais la mémoire de la guerre civile semble leur revenir par palliers.
Aris acquiesca. Cela correspondait bien avec la remontée progressive des souvenirs dont lui avait parlé Azir.
- Et tu as pu trouver des symptômes ? demanda le rougegarde.
- Disons simplement que leur mémoire est... formatée. Comme s'ils étaient des automates programmés pour ne pas se souvenir de certains événements en particulier. J'ai essayé sur un conseiller qui venait m'apporter des vivres tous les quelques jours, sans pouvoir forcer le sort. En bref, j'ai le sentiment que quelque chose de gros se trame, et que seuls certains habitants sont voués à se souvenir de ce qu'il s'est passé.
- En somme, celui ou ceux qui sont à l'origine du sortilège sont en train de former des hordes de petits soldats aux penchants révolutionnaires, conclut Aris, le regard sombre.
- C'est également ce à quoi j'avais abouti, soupira Dakin. Quoi qu'il en soit, nous n'avons plus rien à faire dans cette ville.
- Au moins, nous sommes d'accord sur ce point, répondit Aris en observant silencieusement la porte de la taverne.
- Il reste de l'eau dans la cave, l'informa Dakin. Profites-en pour te laver avant de partir. Tu empestes le rhum et la boue.
Le rougegarde opina du chef, et s'aventura dans un coin sombre de la pièce pour y ouvrir une petite trappe rectangulaire, à travers laquelle il disparut bientôt.
Le sous-sol était aussi sombre et humide que le reste de la bâtisse. Une fois les quelques barreaux de l'échelle descendus, Aris tendit la main gauche vers le sol, où se trouvait, de mémoire, une petite lanterne. Il mit la main sur la cage métallique, fit quelques mètres dans le noir à la recherche d'une allumette, et mit feu à la mèche, qui illumina la pièce d'une lueur tamisée. Quatres murs couverts de toiles d'araignée, une armoire pleine de plats en céramique, une pile de bassines en fer, et un tas de bouteilles de vin remplies d'une eau discutablement propre. Au fond de la pièce reposait un petit coffre, dans lequel reposaient ses effets personnels depuis déjà huit longues journées.
Aris examina les bassines à la faible lumière de son flambeau, en saisit une qui ne lui découperait pas la plante des pieds à cause de la rouille, et y vida le contenu de quelques bouteilles avant de se dévêtir.
Son corps était dans un piètre état. Malgré les efforts qu'il avait déployé pour rester en forme au cours des dernières semaines, ses épaules et ses jambes lui semblaient déjà moins vigoureuses et musclées qu'auparavant. Ses ongles, longs d'un demi-centimètre, étaient noirs de saleté, et la peau de ses mains semblait incrustée par la terre séchée qui devait probablement couvrir la majeure partie de son corps. Sans chercher à se compliquer davantage la tâche, il saisit un morceau de son pantalon de jute encore à peu près propre, le déchira pour obtenir l'équivalent d'un linge, le plongea dans l'eau, et commença à frotter avec acharnement.
L'eau devint noir en seulement quelques secondes. Effaré par la quantité de saleté qui recouvrait sa peau, il saisit une vieille cuve rouillée, et vida le contenu de la sienne à l'intérieur, avant de la remplir de nouveau d'eau claire.
Alors que le niveau du liquide se stabilisait aux deux tiers du récipient, Aris entraperçu par mégarde son reflet dans l'eau, et s'en détourna brusquement, confus. Il avait toujours su l'éviter auparavant, et voilà qu'il se mettait à jeter un oeil à chaque surface réfléchissante qui passait à sa portée.
Cependant, il passa de nouveau la tête au dessus de la bassine, sous l'effet d'une curiosité gênée. Pour une fois, il voulait avoir le courage de se faire face.
La première chose qui le frappa fut bien évidemment la cicatrice. Celle-ci s'était refermée depuis quelques années, mais sa vue le rebutait toujours autant que la première fois qu'il l'avait découverte. Même lorsqu'il était petit, les bandits de son groupe s'accordaient à dire que son visage avait quelque chose d'apaisant, comme s'il avait frôlé la perfection. Aris n'avait jamais sû si cela était pour eux une simple façon de s'attirer les faveurs de ses parents, alors dirigeants des raids contre les convois marchands de passage dans la région, ou s'il y avait eût une part de vérité dans ces affirmations, toujours était-il qu'il avait grandi avec un grand souci de son apparence, et plus précisément de son visage. Car, il l'avait découvert très rapidement, la première image que l'on donnait de soi-même aux autres était bien souvent décisive. Mais cette blessure était venue briser l'harmonie de ses traits, et ornait depuis son œil et sa joue gauche, comme le lourd tribut que la justice avait prélevé pour le punir des erreurs qu'avaient commit ses parents.
Il se souvenait encore du jour ou cette créature l'avait happée, sortant de la brume des eaux Yokudanes, et dont il n'avait échappé à l'emprise funeste qu'au prix d'une longue balafre, si fine, et pourtant suffisamment douloureuse pour le plonger dans un océan de souffrance pendant plusieurs jours. Sa vision avait mit des mois à revenir, et même aujourd'hui, il lui arrivait de devoir cligner plusieurs fois des yeux en se réveillant afin d'obtenir une image parfaitement nette.
Sous la lueur de la torche, la cicatrice semblait se consumer lentement, brillant d'un éclat incandescent comme si la plaie s'était rouverte sous l'insistance de son propre regard. Incapable de soutenir plus longtemps la vue de la marque, il secoua nerveusement la tête, et reprit sa quête de propreté.
Le rougegarde soupira. Finalement, peut-être aurait-il dû laisser à Dakin l'honneur de se charger des recherches dans les bas-fonds de la ville, et prendre sa place dans les quartiers nobles. Il aurait sans doute obtenu une nouvelle tenue au moins aussi raffinée que le pourpoint écarlate du Dunmer, et il ne serait pas là, en train de se démener pour retrouver une parcelle de peau propre sous toute cette crasse.
Une pensée plus sombre s'imposa dans son esprit : si sa place et celle de son ami avaient été inversées, peut-être qu'une quarantaine de rebelles seraient toujours en vie à l'heure actuelle, trônant sur le corps sans vie du roi Daric.
Le rougegarde se débarrassa des sombres considérations qui hantaient ses pensées, et reprit ses tentatives désespérées de retrouver un semblant de présentabilité.
Au bout d'une vingtaine de minutes, n'étant plus capable d'améliorer le résultat obtenu en raison de la faible intensité de sa seule source lumineuse, Aris se dirigea vers le coffre situé au fond de la pièce, et en souleva le lourd battant. Au fond, une tenue de tissu vert y reposait, l'attendant fièrement. Il l'enfila avec hâte, et soupira de contentement, sachant désormais sa peau en contact avec un vêtement propre.
Simple, la tenue n'en possédait pas moins une valeur symbolique aux yeux du rougegarde. Au dessus de ses sandales artisanales, d'épaisses bandelettes de tissu émeraude s'enroulaient avec grâce autour de ses chevilles, pour se métamorphoser comme une chrysalide en un pantalon assez épais pour protéger ses jambes des ronces et fourrés dans lesquels il était susceptible de s'aventurer. Sa tunique, par dessus laquelle une plaque de cuir bouilli venait former une protection aussi efficace que légère, ne possédait à l'origine pas de manches, mais il s'était débrouillé au fil des mois pour trouver une étoffe de même couleur et la coudre aux épaulières de manière à former des manches. Il avait à l'époque été assez fier du résultat, mais avait cependant découpé le tissu un peu au dessus des poignets afin de pouvoir mettre des gants sans être gêné. La paire qu'il avait choisit parmi la garde-robe du roi pendant son bref séjour au palais était constituée de fin cuir noir, découpée au niveau des secondes phalanges pour ne pas entraver ses gestes.
Ainsi équipé, Aris se pencha de nouveau au-dessus du coffre, et poussa brièvement le fond de ce dernier afin de révéler un double-battant. Dans l'obscurité, un éclat d'acier brilla timidement. Avec un émerveillement intarissable, le rougegarde plongea le bras dans le compartiment secret, en en ressortit la splendide arme que les Maîtres de l'Ordre lui avaient offert lors de son départ du continent submergé. Le pommeau d'argent, dissimulé pudiquement par une inestimable grippe en cuir de dragon des mers, finissait par jaillir de part et d'autre de la lame en une dizaine d'arcs de cercles gravés, formant ainsi une garde à la beauté étourdissante. La lame, étincelant d'une pureté surnaturelle, se prolongeait sur une soixantaine de centimètres, blanche comme étoile, exhibant ses courbes mortelles à quiconque serait assez chanceux pour l'entrapercevoir à la dérobée, ou assez malchanceux pour en subir la morsure glaciale. Cette épée courbe était plus que ce que son nom laissait présager. Il s'agissait d'une oeuvre d'art, destinée à accomplir la tâche paradoxale qu'était celle de jaillir de son étui pour semer la mort en spirales écarlates, afin de mieux garantir la vie de celui qui avait l'honneur de la porter.
Le rougegarde hésita un long moment avant de plonger le sabre dans son fourreau ; était-il encore digne de porter cette ultime marque de confiance de ceux dont il n'avait su suivre les enseignements ? Il l'espérait sincèrement, sans toutefois pouvoir en être certain. Mais il devait rester en vie s'il désirait se racheter un jour, et quoi de mieux pour ce faire que cette lame sélénite qu'il exhibait avec fierté depuis désormais presque quarante-huit mois, à travers Elsweyr, Martelfell, et maintenant Hauteroche ?
Sans plus tarder, Aris fit pénétrer le sabre dans sa gaine, qui sembla vibrer de satisfaction pendant un instant. Entièrement équipé, le rougegarde souffla la flamme de la lanterne, la jeta nonchalamment dans un coin de la pièce, et rejoignit son ami.
Bonne lecture du coup