sweet?ceci est un up
Vu que j'ai passé mon BAC blanc, ouais, elle arrive dans la semaine
j'attend avec impatience c'est valable pour toi aussi DaLiar
Bosse toi aussi xD
Une semaine ca dure de lundi à dimanche
Le 09 février 2017 à 16:17:36 TheEbonyWarrior a écrit :
Une semaine ca dure de lundi à dimanche
Pour toi c'est d'aujourd'hui à demain
Le 09 février 2017 à 16:21:45 cathay-raht a écrit :
Le 09 février 2017 à 16:17:36 TheEbonyWarrior a écrit :
Pour toi c'est d'aujourd'hui à demain
Demain
Le 14 février 2017 à 00:30:17 jacquesAudiard a écrit :
La fic continue ? (j'ai pas encore commencé mais j'ai vu le topic a été up, eh beh 2 ans plus tard toujours la)
Eh oh, ça fait à peine un an voyons
Et oui elle continue, je poste peut-être un peu moins souvent, mais je compte bien la finir
On est demain.
Allez allez au boulot !
Le 14 février 2017 à 18:05:52 DaLiar a écrit :
Allez allez au boulot !
Je te rappel que toi aussi tu dois bosser
Chapitre 55
Dans la froide humidité du passage, les grognements d'Aris filtraient à peine au travers du capuchon qui lui recouvrait le visage. Ses genoux butaient régulièrement contre les pavés du corridor à mesure que ses geôliers le traînaient au sol sans ménagement, avec un amusement à peine dissimulé. Ayant perdu toute notion du temps, le rougegarde s'était concentré sur l'écoute des sons, parfois troublée par les brèves conversations entre ses tortionnaires. Même après un temps qu'il avait estimé long de plusieurs heures, il n'avait rien obtenu des hommes qui l'emmenaient, et leur progression s'était poursuivie pendant encore longtemps. Aris, les bras douloureusement liés le long du corps, sentait la fatigue le gagner, peu à peu. Il ignorait l'heure qu'il était, l'endroit exact où il se trouvait, de même qu'il n'avait aucune idée du nom de ceux qui le tenaient captif. Mais cela lui était complètement égal. Car, bien que le couloir dans lequel ils se trouvait lui demeure invisible, masqué par le tissu noir du sac, le rougegarde avait l'intime conviction qu'il était au bon endroit.
Les derniers jours n'avaient pas été de tout repos, tant sur le plan physique que moral. Se faire une place dans les tréfonds de la ville lui avait demandé du temps : dans un milieu où les poignards étaient moins rares que les informations fiables, il fallait cesser de penser rationnellement, et se contenter d'agir par instinct, en espérant que la chance fasse le reste.
Il n'avait malheureusement pas été surpris de voir que la misère était toujours bien présente dans les villes du pays. Ce coin de la cité, passé le coucher du soleil, semblait avoir été déserté par la garde, et ce malgré la révolte dont la clameur enflait chaque jour aux portes du palais de Daric. Aris ne se faisait pas d'illusions quant à l'avenir du quartier. Depuis toujours, la misère entraînait le vol, le vol, le conflit, et le conflit, le chaos. Lorsque la justice venait s'en mêler, les éléments indésirables étaient froidement mis à l'écart du système, et tout repartait de zéro, jusqu'à ce qu'un jour, le problème soit de nouveau là. Et alors, le cercle infernal reprenait, rongeant petit à petit ceux qui avaient le malheur de ne pas s'en extirper à temps, les transformant au fil des mois en bêtes sauvages, hagardes, prêtes à s'entre-déchirer au moindre signal.
Mais, au milieu de tout cet enchevêtrement de crime et de famine, il arrivait parfois que quelque chose vienne perturber ce cycle maintes fois répété. Et, lorsqu'un événement capable de susciter la peur survenait, tout changeait. Le phénomène était toujours violent, radical, et le rougegarde était toujours surpris de voir à quel point les choses pouvaient changer. En quelques jours, les rumeurs les plus folles se répandaient, l'effervescence gagnait les habitants, et les informations s'échangeaient soudain à prix d'or, là où l'argent paraissait pourtant être une douce fable quelques jours plus tôt.
Durant la semaine qu'il avait passé à épier furtivement chaque coin de taverne, Aris avait surpris nombre de bourses voyager d'une main à l'autre. Or, si le rougegarde avait bien retenu une leçon de son passé de pillard, c'était celle-ci : partout où l'argent circulait, il y avait une information qui en valait le prix. C'est ainsi qu'il s'était résolu à se délester des quelques milliers de septims à sa disposition, pour finalement apprendre comment entrer en contact avec les rebelles, de la bouche d'un mendiant prostré au fond d'une ruelle, le matin précédent. En entendant le vieillard raconter comment il était par mégarde tombé sur des révolutionnaires, lorsqu'il s'était abrité du froid nocturne dans les égouts de la ville, le rougegarde avait reprit espoir. Dès lors, le voyageur avait tout mit en oeuvre pour retrouver la trace de cette organisation clandestine qui se terrait en ville, quitte à devoir fourbe ou menaçant.
Et, si les choses ne s'étaient pas exactement passées comme prévu, l'odeur et l'absence de courant d'air qui l'entouraient ne trompaient pas. Il se trouvait enfin en compagnie de ces fameux révolutionnaires. Et, si ces hommes l'attiraient bien dans les souterrains, alors il touchait au but.
Le trajet dura encore un moment. Peut-être ses geôliers cherchaient-ils à brouiller les pistes, ou peut-être étaient-ils tout simplement perdus, mais leurs déambulations parurent sans fin pour le rougegarde, qui finit même par se demander s'il n'était pas tombé sur les mauvaises personnes, avant de chasser cette idée d'une secousse de la tête. Bientôt, le sol se fit humide, puis le niveau de l'eau commença à monter à mesure qu'ils s'enfoncaient sous terre. Malgré le liquide glacé qui lui immergait les mollets et la démarche chaotique de ses accompagnateurs, il parvint à dénombrer approximativement le nombre d'individus présents en écoutant attentivement la fréquence de leurs enjambées dans l'eau : trois hommes, deux femmes, et peut-être un jeune adolescent. L'absence de son métallique l'informa qu'ils ne portaient pas d'arme, ou que ces dernières étaient habilement dissimulées. Cependant, il n'avait rien d'autre à faire que de rester tranquille : il ne pouvait pas prendre le risque de fuir, aveuglé, face à un nombre d'ennemis imprécis, et même s'il était parvenu à s'en débarrasser, il n'aurait fait que réduire à néant les efforts qui l'avaient mené jusqu'ici. Non, il devait espérer que ces individus soient bien les rebelles, et attendre qu'ils le conduisent jusqu'à leur dirigeant pour que la suite de ses projets soit menée à bien.
- Relève-toi, lui intima soudain la voix de l'un des hommes. Sauf si tu préfères nager, bien sûr.
Les ricanements du reste de la troupe résonnèrent plusieurs secondes dans les galeries, avant de s'éteindre brusquement, soufflé par un lourd silence.
Aris se remit sur pied, trempé jusqu'à l'os, et laissa échapper un léger gémissement en sentant ses genoux craquer, ce qui eût pour effet de provoquer le rire méprisant de la bande.
- Allez. On reprend, ordonna le même individu d'une voix nettement plus sévère.
Ils se remirent à marcher dans une ambiance plus pesante, comme oppressés par le poids de la ville au dessus de leurs têtes. Très vite, le rougegarde se retrouva à patauger dans une eau boueuse, alors qu'une odeur insurmontable assaillait ses narines, le faisant frisonner de dégoût à chaque enjambée. Il buta soudain contre un morceau de roche délogé du sol, et s'écroula de tout son long dans la vase. Il voulut se relever avec l'aide de ses mains, mais celles-ci, étroitement ligotées, ne lui furent pas d'une grande aide. Il se remit sur pied, secoua la tête pour éviter d'ingurgiter le liquide noirâtre qui lui recouvrait le visage, et s'immobilisa un instant pour essayer de desserrer ses liens. Mais presque immédiatement, une main se posa dans son dos, et le poussa en avant, imperturbable. Ils reprirent leur marche silencieuse, laissant le bruit de leurs pas se répercuter indéfiniment dans les couloirs.
Ce ne fut qu'au bout de quelques minutes qu'ils s'arrêtèrent de nouveau. Mettant en pratique les capacités d'observation qu'il avait perfectionné durant des années, Aris détermina que le groupe se resserrait devant lui, comme s'ils s'apprêtaient à traverser un passage plus exigu. Quelques chuchotements s'échangèrent entre deux femmes en tête de file, qui poursuivirent leur conversation durant quelques minutes sans que le voyageur ne puisse en déterminer la teneur. Les enjambées de plusieurs hommes du groupe se rapprochèrent alors dans sa direction, mais ceux-ci le dépassèrent sans un mot, pour continuer leur route vers l'autre côté de la galerie. Le rougegarde n'eût besoin que de quelques fractions de secondes pour comprendre : visiblement, deux ou trois personnes étaient en train de faire demi-tour pour une raison obscure, réduisant leur nombre total à moins de cinq. Aris sentit son pouls s'accélérer. L'échéance se rapprochait inlassablement. Et bientôt, il lui faudrait peut-être agir pour échapper à la mort.
Sans même que le rougegarde ne s'en rende compte, un sourire d'excitation s'était dessiné sur ses lèvres.
Les membres toujours présents l'emmenèrent à leur suite, toujours dans un silence mortuaire. La troupe tourna deux fois à gauche, puis à droite, et de nouveau à gauche. Au détour du couloir, l'eau dans laquelle ils pataugeaient sembla se réchauffer légèrement, et un bruit d'eau relativement proche alerta le voyageur, qui fronça les sourcils et s'arrêta jusqu'à ce que la main de l'homme le talonnant le pousse de nouveau en avant. Le rougegarde reprit maladroitement sa marche, intrigué.
D'après ses connaissances, les canaux d'évacuation des eaux se trouvaient en périphérie de Daguefilante, tandis que les niveaux inférieurs, anciennes fondations du palais, se situaient plus au centre. Pourtant, l'air des égouts était nettement plus chaud qu'à l'extérieur, ce qui signifiait que les eaux de l'extérieur se réchauffaient peu à peu à mesure qu'elles s'écoulaient dans les entrailles de la ville. Et, d'un infime haussement de sourcils, Aris comprit qu'ils se rapprochaient du palais.
Il n'eût pas le temps de poursuivre ses réflexions plus longtemps. Brusquement, tout le monde s'arrêta.
- Avance, lui ordonna simplement une voix.
Le rougegarde obtempéra, et fit quelques pas en avant.
- Vous êtes prêts ? fit un autre en assant dans son dos. Un, deux, trois...
Les quelques individus présents autour de lui semblèrent se baisser pour attraper quelque chose au sol. Puis un grognement commun monta de leurs poitrines, et un bruit de cascade surgit du silence, sans crier gare.
Soudain, Aris bascula en arrière, happé par une force inexplicable. Il tomba sur le dos, sentit sa tête s'immerger, et fut furieusement attiré en avant par un courant déchaîné. Il s'agrippa par réflexe à la jambe d'un homme, qui se dégagea d'un coup de pied, accélérant le rougegarde dans son élan. Avec une brutalité étonnante, il se sentit attiré vers le bas, et sa tête émergea de l'eau, alors qu'il se mettait à chuter dans le vide. Il tenta de prendre une inspiration paniquée, mais le capuchon, collé à ses lèvres par l'humidité, ne laissa pas filtrer d'air.
Quatre secondes. C'est le temps qu'il lui fallut pour venir se fracasser près de cents mètres plus bas, contre la surface de l'eau rendue presque solide par la vitesse. Ayant par chance évité de tourner sur lui-même, il parvint à pénétrer sous la surface sans problème, mais les flots se refermèrent avec avidité sur lui, compressant chaque partie de son corps avec une force incroyable. C'est en tentant de battre des bras pour remonter à la surface qu'il se remémora avec horreur que ces derniers étaient toujours fermement liés dans son dos. Ses poumons, déjà vides, se contractèrent frénétiquement alors qu'il se démenait pour libérer ses bras de la corde qui les entravait. Mais, n'ayant déjà plus la force de battre des jambes, il continua de glisser lentement vers le fond, dans l'obscurité, le froid et le silence.
<><><>
Dakin dépassa un groupe de marchands à la hâte, et poursuivit d'une allure tout aussi rapide, jetant de brefs coups d'oeil anxieux autour de lui. Aris n'était sans doute plus très loin. L'elfe noir prit plusieurs embranchements, sans vraiment y prêter attention, et s'enfonça peu à peu dans un véritable labyrinthe de ruelles. Alors qu'il avançait noyé dans la foule, les façades des habitations se faisaient plus sombres, plus sales, et se couvraient de craquelures, transformant les splendides résidences des quartiers aisés en taudis misérables vacillant sur leurs propres fondations. Bientôt, il se rendit compte que sur certains bâtiments, des pans entiers de murs manquaient, dévoilant leur squelettes rongés par les intempéries et le givre hivernal. Dakin se retourna, et jeta un regard décontenancé à la rue de laquelle il venait. Là-bas, les rires et les cris semblaient toujours présents, transmettant leurs sonorités animées dans ce monde de silence et d'horreur, séparé du reste de l'univers par une barrière intangible.
Le Dunmer avait déjà été témoin du changement parfois brutal entre les différents quartiers de certaines ville. Mais jamais il n'avait observé de frontière si marquée entre deux milieux si radicalement opposés. C'était à se demander si deux réalités ne cohabitaient pas miraculeusement côte à côte, l'une remplie de vie, l'autre d'une méfiance viscérale et de regards inquisiteurs.
Dakin poursuivit sa route, et observa les facades continuer à se décomposer lentement à mesure qu'il avançait, comme si son trajet avait accéléré le passage du temps autour de lui. Mais malgré la sensation de malaise inexplicable qui s'était emparé du Dunmer, rien ne pouvait le détourner de son objectif. Il n'avait pas oublié ce qu'il était venu faire ici.
L'important était d'atteindre la place de la Fontaine, cœur du quartier, avant le coucher du soleil. Ne sachant pas réellement ou celle-ci se trouvait, il était parti sans avoir conscience de l'avancée précise du jour, mais la luminosité déclinait déjà, aussi devait-il se hâter. Lorsqu'Aris partirait en quête d'informations, une fois la nuit tombée, il serait bien plus repérable qu'au milieu de cette cohue silencieuse, si méfiante à l'égard des nouveaux arrivants dans leur genre.
En effet, le Dunmer, toujours vêtu de sa chemise rouge rubis, attirait les regards de la foule, comme si la moindre preuve de richesse eût été trop improbable hors des quartiers nobles pour être porteuse de bonne augure. Les gens s'écartait néanmoins sur son passage, intimidés par sa mine indéchiffrable et sa marche déterminée. Malgré cela, il pressa le pas, et finit même par se remettre à courir, ne se préoccupant plus que de ce qu'il avait en tête.
Après une vingtaine de minutes à errer pour trouver son chemin, il tomba enfin sur la place de la Fontaine, presque par hasard. Avec un léger soupir de soulagement, il avança et observa ce lieu dont lui avait parlé Arano, quelques heures plus tôt.
L'endroit était pour le moins lugubre. Encerclée de bâtiments à moitié écroulés, la place était infestée par la mousse et la boue, retournée à l'état sauvage depuis des années. De l'herbe semblait même pousser sous le sol, causant de multiples bosses et irrégularités sous les pavés humides. À chaque tournant, de vieilles pancartes de bois pourri indiquaient diverses destinations, rendues indéchiffrables depuis bien longtemps. Le soleil lui-même semblait ne pas vouloir s'aventurer jusqu'ici, plongeant les passants dans une semi-obscurité presque surnaturelle.
Conscient qu'attirer les problèmes n'était ici qu'une affaire de temps, l'elfe noir reprit sa marche de manière plus discrète, rasant les murs comme un voleur. Il s'adossa à un mur près d'un groupe de mendiants, et en profita pour jeter un coup d'œil circulaire autour de lui, afin de déterminer dans quelle direction pouvait bien s'être dirigé le rougegarde en attendant la nuit. Une auberge ou une taverne, sans doute. À contrecœur, il arrêta un passant pour se diriger, mais ce dernier le repoussa vivement.
- Barre-toi, peau-grise ! cracha l'homme, un quadragénaire barbu, en jetant un coup d'oeil rageur à son accoutrement. Vous en foutre plein les poches vous suffit pas, hein, faut aussi que vous veniez nous narguer jusque chez nous ? Allez, fous-moi le camp maintenant !
Le Dunmer s'apprêtait à rétorquer d'une pique acérée, lorsqu'un son tristement familier lui parvint. Le bruit d'une lourde masse métallique frappant le sol, avec une régularité imperturbable, sans jamais faillir. Dakin su avant même de le voir qu'un groupe de soldats approchait. Il baissa les yeux, constatant avec stupeur ses mains tremblantes. Des années après avoir vécu le siège d'Abondance, la marche d'un bataillon, en plus de le faire frissonner, continuait de l'emplir d'une appréhension inexplicable. Il se retourna, à temps pour apercevoir un petit bataillon de soldats défoncer la porte d'une maison, provoquant les cris de ses occupants.
Loin de venir se mêler à la foule qui se pressait déjà autour de la scène, il détourna simplement le regard. La révolte avait fini par provoquer la répression, et d'ici peu, les affrontements entre rebelles et gardes seraient là, à chaque coin de rue.
Mais sa mission n'avait pas changé : il devait absolument retrouver son compagnon et mettre les voiles loin d'ici avant de se retrouver dans l'obligation de prendre part au conflit.
Soudain, une seconde patrouille armée déboucha d'une rue adjacente. Le voyageur pivota brusquement, aperçevant quarante hommes, le blason du roi à l'épaule, repoussant sans ménagement la foule passant devant eux.
Le Dunmer s'arrêta complètement de bouger, prit d'un mauvais pressentiment. Deux groupes conséquents de soldats à quelques mètres d'intervalle, dans les quartiers pauvres de la ville, à moins de trois heures du coucher du soleil ? Quelque chose devait avoir causé du trouble. Quelque chose de suffisamment gros pour forcer la garde à pénétrer dans un territoire aussi dangereux... Pourquoi le roi prendrait-il un tel risque, à moins de savoir précisément où frapper ? La rébellion pouvait-elle avoir commencé ?
Suivant avec une prudence redoublée la seconde file militaire, le Dunmer observa les regards méfiants des habitants à l'égard des hommes du roi, visiblement aussi perturbés que lui de voir surgir sans prévenir une quantité pareille de soldats. Ces derniers marchaient étonnamment vite, et semblaient suivre un chemin précis, se faufilant sans hésiter dans le dédale que constituait cet enchevêtrement de bâtiments désordonnés.
Les gardes s'arrêtèrent d'un bloc. Dakin posa instinctivement la main sur le manche de son poignard, dissimulé à la hâte sous la lanière de son ceinturon. Au milieu d'une clameur grandissante, il se faufila entre deux groupes de passants agglutinés au détour d'une ruelle. Il parvint, non sans jouer des coudes, à avancer jusqu'au niveau du barrage formé par les gardes.
- Allez, on circule ! tonna l'un d'entre eux d'une voix autoritaire. Désobéir vous exposera à de lourdes sanctions !
- Allez pourrir en Oblivion, vous et votre sanction ! répliqua une femme en plongeant brutalement entre les soldats, ouvrant le passage à la foule qui s'engouffra à l'intérieur de la ruelle.
Dakin se laissa emporter sur quelques mètres par les habitants, mais une exclamation commune les fit s'arrêter. Le Dunmer, profitant de sa grande taille, s'accrocha au rebord d'une fenêtre, et se hissa sur l'écriteau d'une auberge délabrée.
Soudain, ce fut le silence. Un silence glaçant, froid, sinistre. Un silence de mort, pesant sur les lèvres de chacun comme pour les sceller à jamais.
La ruelle était en réalité une impasse, longue d'une quinzaine de mètres, large comme cinq hommes. Remplie de corps ensanglantés.
Pas un, pas cinq. Une bonne vingtaine, au bas mot. Égorgés pour la plupart, éliminés proprement pour d'autres, simplement laissés à moitié morts dans le cas de quelques-uns. Déjà, la foule reculait précipitamment, laissant les soldats reformer leur barrage de sécurité.
Mettant de côté la surprise passagère que la vision de ce massacre avait provoqué chez lui, l'elfe noir observa rapidement les cadavres. Des hommes, majoritairement. Portant des vêtements propres, possédant presque tous une épée, chose étonnante dans un tel quartier. Le Dunmer se laissa tomber de son perchoir, et s'approcha, intrigué, négligeant l'avertissement d'un soldat dans son dos.
Les victimes étaient toutes vêtues de la même façon : une paire de bottes, un pantalon de toile, une chemise ou un gilet, et une capuche de couleur sombre. Certainement pas des soldats, ni des habitants de ce quartier. Un groupe organisé, peut-être même une guilde.
Dakin secoua la tête, confus. Pourquoi n'y avait-il aucun autre corps ? S'il s'agissait d'un affrontement entre bandes rivales, il était tout à fait impossible que seul un côté subisse de pertes. Les vainqueurs auraient-ils nettoyé la zone au préalable, afin que leur identité reste inconnue des autorités ? Et même alors, pourquoi laisser les épées ? L'acier valait son pesant d'or en temps de crise.
- Que savez-vous ? Parlez, et vous aurez la vie sauve !
Le Dunmer fit volte-face, et considéra un instant un soldat, tenant le poignet d'un homme adossé au mur. Ce dernier respirait faiblement, et plaquait désespérément sa main sur sa poitrine, couverte de sang.
- Allez crever, pourritures royalistes, souffla le blessé d'une voix éteinte. Vous et vos crevures d'espions...
- De quoi parle t-il ? fit un second garde en s'approchant de son collègue.
- Il divague, mon général, répondit le premier en se relevant dans un soupir. Il m'a dit qu'il ne s'agissait pas d'un affrontement entre deux groupes de rebelles. Que tout ceci était l'oeuvre d'un seul homme. Mais il refuse d'en dire davantage pour nous faciliter la tâche, évidemment. Un autre de ces stupides révolutionnaires bornés, il faut croire.
- Qu'est-ce que tu racontes ?! fit alors le commandant en adressant une puissante gifle au mourant. De quel homme parles-tu ? As-tu perdu la raison ? Répond-moi, ou ta famille te rejoindra dans la fosse commune !
Alors que le militaire continuait de malmener le mourant, Dakin fit brusquement demi-tour. Il se faufila entre les gardes contenant la foule, tourna une fois, puis une autre, et se mit à courir. Il venait de comprendre, peut-être trop tard. Comment avait-il pu ne pas s'en douter plus tôt ?
«Aris, murmura le Dunmer sans s'arrêter dans sa course effrénée. Aris, qu'est-ce que tu as fait ?»
<><><>
Les genoux d'Aris s'écrasèrent violemment contre le sol, le faisant revenir à lui dans un sursaut. Il ouvrit les yeux et tourna frénétiquement la tête pour se repérer, prit d'une panique incontrôlable. Seul les ténèbres l'accueillirent, mais un soulagement sans nom s'empara de lui : quelqu'un l'avait visiblement hissé hors de l'eau.
Presque immédiatement, le rougegarde fut prit d'un long frisson : ses vêtements trempés lui collaient froidement à la peau et semblaient peser bien plus lourd que d'ordinaire. Sentant ses bras meurtris, toujours fermement liés dans son dos, il tenta de gesticuler pour se libérer de ses entraves, mais le cordage était épais, et ses forces nettement amoindries ne lui permirent pas de se détacher. Le prisonnier voulut se relever, mais reçut aussitôt un violent coup dans le dos, qui le projeta face contre terre. Haletant, presque incapable de respirer à travers le sac de toile noire étouffant le privant de ses repères, il se traîna sur quelques mètres, à même une surface rugueuse et sèche, avant que plusieurs voix diffuses ne lui parviennent. Avant de pouvoir agir, il fut brutalement hissé en l'air, probablement par plusieurs personnes, et se débattit vainement pendant quelques instants. Soudain, il fut lâché, et percuta le sol, contre lequel il resta prostré plusieurs secondes. Alors qu'il reprenait tout juste ses esprits, une main lui saisit chaque bras, et il fut traîné en arrière sans ménagement.
Il lui fallu quelques secondes avant de recouvrer ses moyens. La capture, le voyage, la chute, le réveil, tout se remit finalement en place dans son esprit, lui permettant de faire brièvement le point sur les événements passés. La tête encore bourdonnante, les épaules en feu et le souffle court, il demeura ainsi, traîné au sol comme une poupée de chiffon, incapable de tenter quoi que ce soit.
Décidant de faire preuve d'un peu d'observation, Aris écouta attentivement la répercussion des sons autour de lui, et comprit rapidement qu'il se trouvait dans un tunnel. Au vu de la longueur de la chute qu'il avait effectué auparavant, il devait se trouver loin, très loin sous la surface de la ville. Sachant qu'ils faisaient actuellement route quelque part sous le palais, il en déduit qu'ils se situait vraisemblablement au niveau d'une ancienne carrière, peut-être même dans une mine ou une grotte datant d'avant la construction de Daguefilante. En bref, remonter à la surface seul et sans aide extérieure risquait de se révéler extrêmement hasardeux tant qu'il ne serait pas complètement libéré de ses entraves. Pour le moment, mieux valait se contenter d'attendre, en espérant que ses geôliers n'aient pas simplement l'intention de se débarrasser de lui.
Les hommes s'arrêtèrent au bout d'une cinquantaine de mètres, ce qui lui laissa quelques secondes pour récupérer. Il fut retourné sur le ventre, et hissé sur ses genoux, dans un calme surprenant. Autour de lui, la respiration de nombreux individus l'alerta : cinq personnes, peut-être plus. Aris sourit discrètement sous son capuchon. Une telle escorte pouvait signifier deux choses : la première option impliquait qu'une demi-douzaine d'hommes était nécessaire pour l'empêcher de fuir, ce qui était hautement improbable vu son état physique désastreux. La seconde, en revanche, admettait que le nombre d'individus présents n'était que pure formalité. Dans ce second cas, leur arrêt ne pouvait avoir qu'une signification : ils étaient arrivés à destination.
Le bruit d'une porte que l'on ouvre résonna un instant dans un écho caverneux, faisant taire les chuchotements autour du rougegarde. Une démarche lente et mesurée suivit alors, et la tension monta imperceptiblement.
- Laissez-nous.
La voix, étonnamment grave, perça le silence de son intonation impartiale. L'ordre, acéré comme une lame, fut exécuté dans la seconde par les geôliers du rougegarde, qui rebroussèrent chemin dans un mutisme religieux, laissant le voyageur seul avec ce nouvel individu. La respiration des deux hommes seule continua de bercer l'écho des pas du groupe, et continua encore, bien après que le silence fut revenu.
Malgré sa fatigue, une sensation de calme inexplicable s'empara alors d'Aris. Durant les quelques minutes qui suivirent, pas une seule fois il ne sentit les yeux de l'homme se detourner de sa silhouette agenouillée. Pas un mot, pas un écart à ces inspirations régulières, juste ce regard persistant, imperceptible et pourtant si omniprésent. Peu à peu, le rougegarde prit conscience de ce qu'il se produisait : son observateur le jugeait du regard, scrutait ses faiblesses, estimait sa valeur, comme pour déterminer s'il était libre de vivre, ou condamné à errer en Oblivion jusqu'à la fin des temps. Le temps s'étira, se déforma, et cette observation cérémonielle lui parut durer des heures entière, mais rien ne se produisit, rien d'autre que ce silence entrecoupé de sifflement dans lequel deux êtres se jaugeaient mutuellement.
L'espace d'un instant, un frottement métallique retentit, et le rougegarde eût l'intime conviction que l'homme s'apprêtait à le tuer. Mais le silence revint bientôt, et avec lui, cet intensité solennelle qu'un seul mot aurait définitivement brisé.
Soudain, le rougegarde sentit son capuchon être saisit vers le haut, et une lumière aveuglante surgit du néant sans crier gare. Aris ferma les yeux par réflexe, se plia en deux, et laissa émettre un grognement d'inconfort le temps que sa rétine récupère du choc.
Lorsqu'il rouvrit prudemment les yeux, il dut laisser les couleurs affluer pendant plusieurs secondes avant de constater qu'un rougegarde d'âge moyen lui faisait face. L'étranger portait de longues tresses, plaquées en arrière au sommet de son crâne, mais ses cheveux et sa barbe, laissées sans soins depuis bien longtemps, encadrant désormais son visage d'une auréole sombre. Un menton fin, un nez quelconque, des sourcils bien dessinés, les yeux clairs. Et cette énorme cicatrice verticale lui barrant le visage du sourcil à la commissure des lèvres, effleurant son oeil droit d'une marque indélébile.
Ce ne fut qu'en se retrouvant confronté à cette blessure qu'Aris se rendit compte qu'il contemplait son propre reflet, agenouillé au dessus d'une flaque d'eau boueuse. Il déglutit lentement, décontenancé.
Après des années passés loin de son propre regard, à éviter à tout prix la vision de son visage pour fuir cette cicatrice, la contemplation de sa propre personne lui parut presque malsaine, et il fut forcé détourner le regard, prit de nausée.
Encore déconcerté, Aris releva la tête vers son interlocuteur silencieux, et fit face à un second rougegarde, réel cette fois-ci.
L'homme se tenait debout, face à lui, et le dominait de toute sa hauteur, ses traits disparaissant à moitié sous l'éclat insupportable de la torche qu'il brandissait à hauteur d'épaule. Seul l'armure de cuir qu'il portait restait visible, projetant au plafond une large silhouette difforme et fugace.
Le rougegarde se tourna sans un mot, et disparu dans l'obscurité du passage, au fond duquel une porte de bois vermoulu se dessinait. Estimant qu'il s'agissait là d'une forme d'invitation, Aris se mit sur pied, non sans sentir ses genoux craquer douloureusement.
L'autre avait avancé de quelques mètres, et s'était engouffré dans la pièce du fond, dont la porte était encore entrouverte. Aris l'y suivit sans un mot, conscient qu'il se tenait peut-être à quelques pas du meneur de la révolution. Conscient que l'avenir de Hauteroche toute entière dépendait peut-être de ce qu'il allait se passer au cours des minutes à venir.
Lisez-moi ca au lieu de vous disputer
Non
Sacré Aris, j'espère qu'il va encore bien foutre le bordel
Qui sait ?
J'ai déjà commencé à bosser sur la suite, d'habitude je laisse deux ou trois jours de flottement, mais j'ai pas grand-chose d'autre à faire pour être honnête
J'ai quasiment terminé, je vais essayer de poster la suite ce week-end