À la fin de sa vie, la Super Famicom a accueilli l'un de ses derniers jeux de rôle qui est aujourd'hui encore unique grâce à un élément bien précis : son système de magie. Presque trente ans plus tard, on n'a (presque) pas fait mieux et surtout dans une aventure aussi originale.
Dans la seconde moitié des années 90 au Japon, la Super Famicom a continué à accueillir des jeux alors que la génération de consoles d'après était déjà là, la première PlayStation étant disponible depuis 1994. Durant ces dernières années, la machine 16-bit de Nintendo a reçu plusieurs perles, notamment en ce qui concerne les jeux de rôle. Rien qu'en 1996, soit l'année de lancement la Nintendo 64, les joueurs japonais ont eu droit à Super Mario RPG : Legend of the Seven Stars, Fire Emblem : Genealogy of the Holy War, Star Ocean, Bahamut Lagoon... Bref, que des dignes représentants du genre sur la console. Cette même année, Squaresoft publie un jeu de rôle encore unique aujourd'hui pour son système de magie d'une originalité folle : Rudora no Hihou.
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Une originalité dans le catalogue de Square
Connu également sous le nom de Treasure of the Rudras, Rudra no Hihou est sorti le 5 avril 1996 exclusivement au Japon et sur Super Famicom et a la particularité d'être le tout dernier jeu de Squaresoft à être publié sur la console. Ce projet est aussi très particulier car on ne retrouve aucun des grands noms habituels de l'entreprise au développement. À la réalisation, c'est Kouzi Ide qui occupe le poste de director, comme cela avait déjà été le cas sur Final Fantasy : Mystic Quest et Final Fantasy Legend III, soit le troisième épisode la franchise SaGa. Si le monsieur est un habitué des spin-off de Final Fantasy, il est assez étonnant de noter qu'il s'agit des trois seuls titres sur lequel il a travaillés car Rudora no Hihou est le dernier jeu qu'il a dirigé avant de quitter le monde du jeu vidéo. Ce constat s'applique aussi à l'artiste principal, Keita Amemiya, ou au compositeur, Ryuji Sasai, qui ne sont pas les noms les plus connus de Squaresoft. Leur présence confère ainsi au titre une aura unique qui le distingue des autres jeux du catalogue de Squaresoft.
Pour ce qui est du jeu en lui-même, Rudora no Hihou a une structure assez classique puisqu'il s'agit d'un jeu de rôle avec des combats au tour par tour, avec une vue de côté qui n'est pas sans rappelé les Final Fantasy de la SNES. Cependant, la première originalité se retrouve du côté de l'histoire. Le titre nous présente un univers où tous les 4000 ans, les Dieux envoient une entité appelée Rudra pour supprimer une race de la surface de la Terre pour qu'ils laissent place à une nouvelle race. Ainsi, après les Danans, il y a eu les Sirènes, les Reptiles, les Géants et ce sont désormais les humains qui peuplent la planète. L'action du titre commence alors que l'arrivée du prochain Rudra est dans quinze jours et que les Hommes ont pollué l'environnement et plonger le monde dans une obscurité sans fin. Pour empêcher l'éradication de l'Humanité, le joueur va incarner quatre héros qui vont pouvoir combattre à l'aide de jades, des pierres créées à partir des Rudra après qu'ils aient accompli leur mission.
Avec son cadre apocalyptique, la base de l'histoire de Rudora no Hihou est déjà assez originale pour être soulignée, mais cela ne s'arrête pas là puisque sa structure est tout aussi atypique. À la manière d'un Live a Live ou d'un SaGa, le jeu est divisé en trois scénarios pour chacun des personnages principaux : Sion le soldat, Riza la prêtresse, et Surlent l'archéologue. Une fois ces trois intrigues terminées, le joueur peut découvrir la quatrième aventure avec Dune, voleur, qui se déroule au bout des quinze jours et qui rassemble nos quatre héros pour aller affronter la menace finale.
Cette structure est aussi originale car le joueur peut jouer à n'importe quel scénario dans l'ordre qu'il veut et même le quitter en cours de route pour avancer avec un autre personnage. Cela peut être pratique puisque les actions dans une histoire peuvent avoir des conséquences dans une autre, aussi bien dans le scénario que dans le gameplay. Par exemple, il est possible de laisser un objet à un endroit pour qu'un héros différent le récupère. Pour couronner le tout, un cycle jour/nuit est même présent et plus le joueur accomplit de tâches, plus les quinze derniers jours de l'Humanité s'écoulent vite. Enfin, il faut souligner que le titre propose des graphismes particulièrement beaux pour de la Super Famicom, avec des sprites assez détaillés, ce qui est assez logique puisqu'il est sorti en fin de vie la console. Si avec tout cela Rudora no Hihou a de quoi être l'un des plus solides jeux de rôle de la Super Famicom, c'était sans compter son système de magie qui a fait la réputation du jeu au fil des années.
Un système de magie riche en combinaisons
Dans l'écrasante majorité des jeux de rôle, le joueur ne peut utiliser qu'un nombre limité de sorts préconçus à l'avance par les développeurs comme des boules de feu, des éclairs, des séismes... Là où Rudora no Hihou se distingue du lot, c'est qu'il donne une totale créativité au joueur à l'aide de son système de magie. Concrètement, chaque personnage dispose d'un grimoire dans lequel il peut entrer des mots magiques qui peuvent ensuite être combinés pour faire un sort appelé mantra. Ainsi, il y a principalement neuf kotodama, c'est-à-dire des mots, pour désigner les éléments (feu, eau, vent, électricité, lumière, ténèbres, terre, néant et soin) et à cela, on peut ajouter un préfixe et un suffixe pour donner un nouvel effet au sort. Cela peut le rendre plus fort, faire en sorte qu'il frappe plusieurs ennemis ou qu'il applique une altération d'état. Par exemple, Aku est le kotodama de l'élément de l'eau, Aku-tei-umu est la version renforcée qui ne cible qu'un seul ennemi, tandis que Guran-aku-na touche tous les adversaires à la fois.
Au début, les personnages ne connaissent que certains mots, mais ils peuvent évidemment en apprendre de nouveaux tout au long de l'aventure. C'est par exemple le cas en recopiant ceux utilisés par des ennemis en combat ou bien en observant des formules écrites au fond de certains coffres. En plus de ces sorts à créer soi-même, il existe des mantras composés d'un mot unique, la plupart du temps en anglais, qu'il est possible d'obtenir en parlant avec des personnages ou en lisant des livres. Il s'agit souvent de magie puissante dont il ne sert d'à rien d'utiliser des préfixes et suffixes car cela a parfois tendance à les rendre moins efficaces. Mais ce n'est pas tout. L'un de ses mantras permet de copier les sorts des ennemis qui sont encore plus puissants, même si très gourmands en points de magie.
Grâce à ce système, Rudora no Hihou permet de créer un nombre impressionnant de combinaisons pour obtenir les sorts les plus puissants. Évidemment, tous les sortilèges ne sont pas aussi efficaces les uns que les autres et certains mélanges peuvent être complètement inutiles. Malgré tout, il y a de quoi laisser place à la créativité des joueurs qui peuvent constamment profiter d'un sentiment de découvert. Par toute la richesse qu'il propose, il y a de quoi être assez déçu de voir que Rudora no Hihou n'a jamais quitté les frontières du Japon. Mais quand on voit le traitement qui a été accordé à Live a Live qui a eu droit à un remake 2D-HD sur Nintendo Switch alors qu'il était jusque-là dans la même situation, il y a de quoi se mettre à rêver...