Comme à chaque sortie d'un nouveau Final Fantasy, les joueurs sont divisés et le débat de savoir ce qu'est un FF revient sur la table. C'est évidemment ce qui s'est passé avec le lancement de Final Fantasy XVI, surtout que sa nature de jeu d'action a encore plus ravivé les passions. Pour calmer un peu tout ça, et si on se penchait sur les origines de la série et les intentions initiales de son créateur ?
Sommaire
- Un mythe fondateur un peu trop romancé
- Des origines plus simples qu'imaginées
- Le véritable sens de Final Fantasy
Comme beaucoup de grandes sagas du jeu vidéo, les origines de Final Fantasy ont souvent été romancées pour renforcer l'aura de la série. Pourtant, le choix de ce titre est beaucoup plus terre à terre qu'on ne le pense, ce qui peut avoir des allures de retour à la réalité pour certains. Mais passé cette froide vérité, ce nom n'a pas été choisi au hasard par son créateur qui, au-delà de raisons commerciales, souhaitait transmettre à travers ces mots sa vision de la saga. Mais d'abord, allons-y étape par étape.
Un mythe fondateur un peu trop romancé
Aux yeux du grand public, l'origine de Final Fantasy est une belle histoire inspirante, mais qui est en réalité fortement romancée. Pour remettre les choses dans leur contexte, tout commence dans les années 1980, au Japon, au sein de l'entreprise de jeu vidéo Square. À l'époque, le studio crée des jeux de rôle simples et des jeux de course qui lui permettent de rester à flot, sans plus. En 1983, un jeune homme de Hironobu Sakaguchi rejoint la compagnie et propose en 1987 un titre de fantasy qui serait au croisement de Dragon Quest, The Legend of Zelda et de la série Ultima. Vous l'aurez compris, mais il s'agit du créateur de Final Fantasy à l'époque où l'idée du premier FF germe dans son esprit. Si jusque-là tout est vrai, c'est lorsque l'on évoque l'esprit dans lequel a été développé le jeu que beaucoup d'éléments sont romancés.
Dans l'inconscient collectif, Square était au bord de la faillite au moment du développement du premier FF et puisque l'entreprise misait tout sur ce projet de la dernière chance, ils auraient décidé de l'appeler Final Fantasy, le jeu final du studio. En réalité, si la compagnie n'était pas en grande forme financière à ce moment-là, dire que Square était sur le point de fermer est romancé pour donner une aura légendaire aux origines du premier FF. En revanche, ce qui est vrai, c'est que le projet était la dernière tentative personnelle de Hironobu Sakaguchi dans le monde du jeu vidéo. Dans une interview au célèbre magazine Famitsu à l'occasion des 20 ans de Final Fantasy, son créateur déclare :
Le nom "Final Fantasy" traduisait mon sentiment que si le jeu ne se vendait pas, j'allais quitter l'industrie du jeu et retourner à l'université. J'aurais dû redoubler une année, je n'aurais donc eu aucun ami - c'était vraiment une situation "finale". - Hironobu Sakaguchi, papa de Final Fantasy
Encore une fois, il s'agit d'une jolie histoire... qui en cache une autre beaucoup plus terre à terre.
Des origines plus simples qu'imaginées
Derrière le nom Final Fantasy se cache une explication plus simple qu'on ne l'imagine. Certes, le mot "Final" permet de symboliser le dernier essai de son créateur, mais en réalité, ce ne fut pas le premier nom choisi par l'équipe de développement. Ce qui est sûr, c'est que le titre devait contenir le mot "Fantasy" dans son titre puisque c'est l'un de ses aspects centraux. Alors, durant la production du jeu, les développeurs voulaient que le titre puisse être abrégé en FF pour que cela sonne bien en japonais. En premier choix, ils avaient alors pensé à Fighting Fantasy, vu que les combats occupent une partie importante de l'expérience. Malheureusement, ce choix ne fut pas possible pour des raisons légales à cause d'une série de livres de jeux de rôle du même nom déjà populaires à l'époque.
Dans ce cas, puisque les développeurs tenaient à tout prix à ce que le jeu s'appelle FF, le nom de Final fut choisi car il était déjà bien connu au Japon. Dans une interview, Hironobu Sakaguchi a même reconnu un peu plus tard que n'importe quel autre terme qui aurait formé l'abréviation FF aurait fait l'affaire. Pour toutes ces raisons, on aurait l'impression que Final n'est pas si important dans la saga et que tout ce qui est raconté autour sert avant tout à faire du story-telling pour renforcer son aura. Cependant, on ne peut pas mettre de côté l'état d'esprit de Hironobu Sakaguchi à l'époque qui colle à ce terme qui a, en plus, un sens qu'on ne soupçonne pas au premier abord.
Si vous êtes joueur depuis des années, vous avez sûrement déjà entendu ces explications et vous ne découvrez rien de nouveau jusque-là. Cependant, ce que peu de gens savent, c'est que le terme de Final traduit la vision de Hironobu Sakaguchi sur la saga que peu de personnes semblent avoir saisie... même au sein de Square Enix.
Le véritable sens de Final Fantasy
Au-delà des versions romancées et réalistes de l'origine du nom Final Fantasy, le choix du mot "Final" a un sens tout particulier pour Hironobu Sakaguchi qui est finalement peu connu du grand public. Pour l'expliquer, rappelons d'abord que Final Fantasy est une série d'anthologie dans laquelle chaque épisode est indépendant et se déroule dans son propre univers. Cela permet à la franchise de se renouveler à chaque opus et c'était le souhait de son créateur dès le départ. Au-delà de cette idée de recommencement perpétuel, il y a un autre élément central qui définit la saga selon Hironobu Sakaguchi et qui se retrouve dans le terme "Final". Encore une fois, lors d'un entretien avec Famitsu pour les 20 ans de la franchise, quand on lui demande ce qui signifie Final Fantasy pour lui, il explique :
À l'époque, notre état d'esprit était que nous ne faisions pas un produit mais une création. Il s'agissait de mettre son âme dans la production, de déverser toutes ses idées dans le jeu, même si elles surgissaient au cours du développement, et de ne rien garder pour la suite.
Lorsque vous terminez (le développement d'un Final Fantasy), vous êtes vide, vous n'avez aucune idée de ce que vous allez faire ensuite. Mais en allant de l'avant, de nouvelles choses apparaissent. Je pense qu'il est bon que cet esprit se poursuive avec Final Fantasy à partir d'aujourd'hui. - Hironobu Sakaguchi, papa de Final Fantasy
Voilà donc le véritable sens de Final Fantasy pour Hironobu Sakaguchi : proposer aux joueurs une expérience dans laquelle les développeurs se sont donné à fond, sans garder des éléments de côté, pour offrir la version finale, la vision ultime du jeu voulue par ses créateurs. Il faut dire que le producteur japonais a horreur des suites et c'est pour cette raison qu'il a souhaité que la saga se renouvelle à chaque épisode. Malheureusement, à une époque où les coûts de développement explosent ce qui poussent les éditeurs à se focaliser sur des suites, DLC et autres reboots, cette vision des choses ne semble plus d'actualité, voire difficilement tenable. D'ailleurs, cela commençait déjà à être le cas lorsque Hironobu Sakaguchi était encore chez Square Enix.
Tout cela a débuté avec Final Fantasy X-2, première suite d'un FF numéroté, qui a en partie été développé pour rentabiliser les assets créés pour la production du jeu original et surfer sur son succès. Même chose pour ce qui est de la trilogie Final Fantasy XIII par exemple, mais aussi des DLC de Final Fantasy XV qui devait recevoir plusieurs suites, fut un temps. Si on continue dans cette logique, on pourrait se demander si le projet Final Fantasy VII Remake n'irait pas deux fois à l'encontre des volontés de Sakaguchi, puisqu'il s'agit de plusieurs jeux et en plus dans un univers déjà connu. Et puis, il faut reconnaître que cette vision est assez idéaliste, car même à l'époque où le producteur était encore à la tête de la franchise, elle n'était pas toujours réalisable, malgré des coûts de développement plus faibles qu'aujourd'hui. Par exemple, on pense à Final Fantasy VIII où les séquences avec Laguna devaient constituer la moitié du jeu, et non uniquement quelques passages comme dans l'expérience finale.
En réalité, la question n'est pas de savoir si cette vision des choses s'est réalisée à chaque fois, mais de soulever que cette intention parcourt tout Final Fantasy et la définit, peu importe les complications rencontrées lors de la production, ce qui explique sa longévité depuis plus de 35 ans.