Chapitre 21 :
Zimo fit signe à Sandre se remettre à nager. Les deux hommes s’enfoncèrent au fond du lac sans cesser de jeter des coups d’œil méfiants autour d’eux, régulièrement. Mais l’eau était si obscure qu’il était déjà difficile de distinguer la forme de ses propres mains.
Dans tous les cas, il était maintenant évident que quelque chose les suivait. La question était : Leur voulait-elle du bien ou… du mal ?
Peu désireux de s’arrêter pour vérifier, Sandre accéléra, battant des jambes plus rapidement et gardant les bras le long du corps, comme le faisait Zimo.
Le Khajiit plissa les yeux en apercevant une faible lueur, une dizaine de mètres plus bas, en profondeur. Sandre la remarqua aussi.
En s’approchant, la lumière devint de plus intense. Ils se rendirent compte qu’il y en avait plusieurs. Des petites sphères lumineuses éparpillées un peu partout. Alors Sandre comprit.
C’étaient les œufs de mermaïd. Ils étaient arrivés au fond !
En effet, continuant à nager, Sandre tendit le bras et sentit le bout de ses doigts entrer en contact avec le sol sous-marin. Il était recouvert de rochers et de galets. La seule source de lumière provenait des œufs.
Ceux-ci éclairaient faiblement les alentours, mais assez pour que Sandre puisse voir assez bien autour de lui. Le spectacle était saisissant.
Il voyait des petites lueurs un peu partout, au loin, et des formes s’en approcher. Des participants. Il y en avait des dizaines, qui descendaient ou remontaient, un œuf coincé sous le bras. Bien évidemment, Sandre n’avait pas pu s’en rendre compte dans les ténèbres mais Zimo et lui n’étaient pas les seuls dans le lac.
Ils se retournèrent et regardèrent vers le haut. Rien. La chose qui avait frôlé Zimo avait disparue.
Rassuré, Sandre se propulsa légèrement en avant d’un battement de jambe et arriva au niveau des œufs. Il y en avait une vingtaine, le long de la paroi d’un rocher. Le jeune homme toucha l’un d’entre eux et se rendit compte avec surprise qu’il était… chaud.
Et qu’il palpitait.
En collant son visage contre l’œuf translucide, on pouvait voir un être minuscule, au centre de la sphère lumineuse. Une sorte de têtard blanchâtre, recroquevillé sur lui-même. C’était donc ça, un mermaïd ? Du moins, sous forme de fœtus.
Sandre n’avait aucune idée de ce à quoi pouvait ressembler un adulte. Etait-ce un poisson ? Ou une autre créature ?
Zimo s’approcha à son tour.
Le nombre d’œufs sur le rocher attira plusieurs autres participants qui surgirent de l’obscurité pour entrer dans la zone éclairée, faisant sursauter Zimo et Sandre. L’un d’entre eux était le Rougegarde qu’ils avaient croisé au début de l’épreuve, devant le panneau.
Ses branchies étaient grandes ouvertes et lui permettaient de respirer. Il fit un clin d’œil à Sandre et posa sa main sur un œuf. A ses côtés, un mage apparut et fit de même. Sa tête était entourée d’une bulle d’oxygène qui l’englobait, lui permettant ainsi de communiquer.
-Magnifique, dit-il en contemplant un œuf. Eh bien, l’épreuve était plus simple que je ne l’imaginais.
Les autres concurrents approuvèrent. Le mage saisit l’œuf le plus proche à deux mains et leur sourit.
-Bon, eh bien bonne chance messieurs. Moi, je remonte.
D’un coup sec, il tira sur l’œuf et le détacha du rocher auquel il était fixé. La sphère n’opposa aucune résistance. Les participants le regardèrent faire. Le mage soupesa l’œuf en haussant un sourcil.
-Tiens, c’est plus lourd que je ne l’imagin…
Il n’eut même pas le temps de terminer sa phrase. Une main monstrueuse jaillit des ténèbres et se referma sur la cheville du mage avant de le tirer violemment en arrière, hors de la zone éclairée. Il ne cria même pas. Il disparut simplement, en lâchant son œuf au passage.
Celui-ci coula lentement et alla heurter le sol.
Les participants restèrent interdits, paralysés. Sandre avait eu le temps de détailler la main.
Elle était hideuse, recouverte d’écailles grises, et aux doigts noueux prolongés par des griffes recourbées. Il avait aussi remarqué des palmures entre ses phalanges.
Personne ne parlait –et personne ne le pouvait, sous l’eau- mais tous pensaient la même chose :
« C’était quoi, ça ?! »
Sandre vit le Rougegarde porter la main à son dos pour attraper le manche d’un harpon, dépassant d’entre ses épaules. A côté, d’autres participants l’imitèrent et dégainèrent leurs armes.
Puis, sans que personne ne s’y attende, la lumière des œufs s’éteignit. Brusquement. Sans prévenir.
Ils se retrouvèrent plongés dans le noir le plus total, à soixante mètres de profondeur, dans l’eau glaciale.
Sandre serra sa chaîne à s’en faire blanchir les phalanges. Il venait de comprendre.
Les œufs de mermaïd ne brillaient pas par hasard. Le jeune homme avait déjà entendu parler d’une espèce de poisson, ne vivant qu’en haute mer, qui possédait une excroissance sur la tête, terminée par une lanterne. Celle-ci ne servait pas à éclairer son chemin et à l’aider à se repérer. C’était un appât. Les œufs avaient la même fonction.
Les fœtus de mermaïd brillaient pour attirer leurs proies. Et les dites proies étaient capturées par… les adultes.
Un piège. Ils étaient tous tombés en plein dedans.
Sandre, dans l’obscurité, crut voir une main écailleuse le frôler. Mais elle attrapa un concurrent à côté de lui. Le Rougegarde.
Le jeune homme ne vit pas exactement comment se déroulèrent les évènements mais il vit des bulles apparaître et sentit de violents remous dans l’eau, signe que le Rougegarde se débattait. Puis, plus rien. Sandre sentit un goût amer dans sa bouche.
Du sang. L’eau était pleine de sang.
Autour, il parvenait à distinguer quelques silhouettes. Ils s’agitaient dans tous les sens, combattant des adversaires invisibles, leurs mouvements ralentis par l’eau. Cela avait quelque chose d’effrayant. Assister à une bataille aquatique, dans le silence le plus total.
Alors la main écailleuse qui avait attaqué le Rougegarde ressurgit, et prit cette fois Sandre pour cible.
Celui-ci garda sa chaîne accrochée à sa ceinture mais la déroula à moitié et saisit la faucille à son extrémité. La main fusa vers lui et ses griffes s’enfoncèrent dans son épaule. Sandre grogna de douleur, mais personne ne l’entendit.
Il attrapa à son tour le membre du monstre, de sa main libre, tout en abattant sa faucille de l’autre. Sa lame heurta quelque chose de mou, puis crissa sur une matière dure. Visiblement, il avait tranché le bras de la créature jusqu’à l’os.
Celle-ci le lâcha, et Sandre crut entendre un hurlement aigue, dans l’eau.
Il battit vivement des jambes pour s’éloigner, paniqué. Autour de lui, le combat entre les mermaïd et les participants faisait rage. Mais les bulles, qui illustraient les efforts des concurrents pour se défaire de leurs assaillants, étaient de moins en moins nombreuses, et le goût du sang dans l’eau du lac, de plus en plus prononcé.
Sandre ne savait pas où était Zimo, ni comment il s’en sortait.
Au loin, il voyait des lueurs s’éteindre aussi, un peu partout, signe que d’autres participants se faisaient également piéger.
Le jeune homme tressaillit quand deux autres mains se refermèrent sur ses jambes et les serrèrent avec force. Au moment où il levait sa faucille pour s’en débarrasser, la zone fut de nouveau éclairée. Mais pas par la lueur des œufs, cette fois.
Par une sphère lumineuse flottant au-dessus de la tête du mage qui avait été happé par un monstre. Il avait vraisemblablement réussit à s’en sortir, mais il était blessé. Son épaule était ouverte et un nuage de sang s’en échappait.
Le fait d’illuminer de nouveau la zone eut un effet plutôt pervers.
Certes, les quelques derniers participants encore en vie purent voir clairement leurs adversaires et leurs positions, mais ils purent également se rendre compte du nombre de cadavre qui flottait autour d’eux.
A peine eut il pensé à cela qu’une main froide attrapa sa gorge et que des crocs s’enfoncèrent dans son bras. Sandre hurla. Des bulles sortirent de sa bouche.
Il tenait toujours sa faucille, aussi la remonta-t-il violemment. La lame se ficha dans le ventre du monstre, sans pour autant lui faire lâcher prise. Le Bréton sentait les crocs déchiqueter sa chaire. Le mermaïd ne possédait pas une force incroyable dans les mâchoires, mais ses dents en forme de crochets étaient redoutables, et ils déchiraient peau et muscle sans effort.
Un autre mermaïd fondit sur lui et entoura sa poitrine de ses bras squelettiques. Le contact visqueux et écailleux était écœurant.
Sandre, réagissant avant que la deuxième créature ne le morde, décrocha entièrement sa chaîne de sa ceinture et l’enroula vivement autour du cou du mermaïd qui était occupé à dévorer son bras. Il serra d’un coup sec.
Cette fois, incapable de faire autrement, le monstre ouvrit ses mâchoires et recula légèrement, en portant les mains à sa gorge.
Alors le jeune homme replia ses jambes, puis les détendit violemment. Ses pieds joints percutèrent la poitrine de la créature avec une force étonnante, lui explosant la cage thoracique instantanément, comme si un boulet de canon l’avait heurté.
Le mermaïd fut projeté en arrière, mort.
Le second approcha sa gueule de la nuque de Sandre. Le Bréton, sans le voir, balança sa faucille vers l’arrière. Sa lame passa à côté de la créature, mais quand il la ramena vers lui, elle sembla trancher quelque chose. Si bien que le monstre le lâcha.
Il se retourna et frappa de nouveau, sachant très bien que le mermaïd n’avait pas eu le temps de s’éloigner. Malgré l’obscurité, il parvint à apercevoir les yeux globuleux de la créature. Ajustant son coup en fonction de leur position, il ouvrit la gorge du monstre.
Il sut qu’il avait touché sa cible grâce à l’eau qui prit immédiatement le goût du sang.
Soudain, il se rappela quelque chose. Les effets de la potion étaient limités dans le temps !
Depuis combien de minutes se trouvait-il sous l’eau ? Cinq ? Dix ? Quinze ? Combien de temps la bataille avait-elle durée ?
Oubliant la douleur qui vrillait son bras pour se focaliser sur plus urgent, Sandre se mit à chercher frénétiquement Zimo des yeux, geste bien inutile étant donné la noirceur de l’eau, au fond du lac.
Bien heureusement, le Khajiit apparut, tenant deux œufs. Sandre en prit un et voulut informer son compagnon de ses craintes. Il n’en eut pas le temps. Comme si tous les éléments étaient liés contre eux, et que les dieux eux-mêmes refusaient de les voir gagner l’épreuve, les effets de leur potion prirent fin à ce moment-là.
Ayant tous deux bus leur mixture en même temps, ils le sentirent instantanément.
Le Khajiit ouvrit des yeux ronds. Sandre, qui s’était apprêté à parler, ferma la bouche et tâcha de ne pas inspirer par le nez.
Paniqués, les deux hommes se mirent à nager vers le haut.
Sandre battait ses jambes le plus vite possible, dans l’impossibilité de se servir de ses bras. Sa blessure le faisait horriblement souffrir, mais il n’en avait cure. Seul comptait le fait de remonter.
« Plus vite ! pensa-t-il. Plus vite ! »
L’eau commença lentement à s’éclaircir, autour d’eux, à mesure qu’ils se rapprochaient de la surface. Ils parcoururent ainsi une grande distance à une vitesse stupéfiante. Sandre remarqua brièvement que d’autres participants remontaient en même temps, beaucoup d’entre eux étant blessés.
Certains remontaient sans œufs, fuyant sans doute les mermaïds.
Ils croisèrent d’autres participants qui, eux, descendaient, ignorant tout de ce qui les attendaient en bas.
Le jeune homme n’en pouvait plus. La surface se rapprochait.
Alors Zimo s’arrêta brusquement de nager et partit en arrière. Sandre stoppa son ascension et ouvrit des yeux horrifiés.
Un mermaïd les avait suivis, attiré par l’odeur du sang du Bréton. C’était celui à qui il avait crevé un œil. Motivé par la haine, le monstre avait quitté les profondeurs du lac pour s’aventurer en haut. Il avait saisis Zimo par le pied et le retenait.
Le Khajiit tenta de le frapper de son pied libre mais en vain, l’œil globuleux qui restait à la créature était rivé sur Sandre, comme si les coups de Zimo l’indifféraient.
Il était visiblement plus intelligent que ne le laissait penser son apparence de poisson. En s’en prenant à son compagnon, il savait que Sandre ferait demi-tour et se jetterait droit dans sa gueule. Et c’est ce que fit le jeune homme.
Prenant un risque considérable, et alors qu’il aurait pu simplement abandonner Zimo à son sort, il lâcha son propre œuf et se propulsa vers le bas. Alors que l’œuf commençait à couler lentement, Sandre tira sa faucille et la leva.
Le monstre lâcha Zimo et se précipita sur sa véritable proie, d’un battement de queue. Il ouvrit grand les bras avant de les refermer, ses griffes fusant vers la gorge de Sandre. Le jeune homme, lui, abattit sa lame. A une vitesse irréelle. Tellement rapide qu’elle traversa la gorge, puis ouvrit la poitrine du monstre sans que celui-ci ne s’en rende d’abord compte.
Son mouvement ne créa presque aucun remous dans l’eau, ni bulle. Zimo écarquilla les yeux.
Sandre, la mine sombre et fermée, regarda la créature baisser les yeux sur la plaie béante qui laissait s’échapper son sang et ses organes. Il ôta sa faucille du corps du mermaïd. La créature se recroquevilla, prise de spasmes. Sa queue de poisson fouettait l’eau, derrière elle.
L’œuf de Sandre continua à couler. Il arriva à son niveau. Le Bréton raccrocha sa chaîne à sa ceinture et saisit l’œuf.
Zimo le vit se remettre à nager à toute vitesse vers la surface. Sortant de sa torpeur, provoquée par la vitesse et la précision du coup de Sandre, il l’imita.
Ses poumons étaient en feu. Ils menaçaient d’exploser. Des points noirs dansaient devant ses yeux, et son sang battait contre ses tempes, tels deux tambours de guerre accompagnant la marche d’une armée.
Les battements de ses jambes ralentissaient. Le Khajiit maintenait sa bouche close par la force de sa volonté, mais il allait craquer. Il allait prendre une inspiration.
Et soudain, il se retrouva à la surface.
Sa tête fendit les flots et il aspira une grande goulée d’air. A ses côtés, Sandre fit de même. Les deux hommes se laissèrent flotter sur le dos un instant, leurs poitrines se soulevant à un rythme irrégulier et frénétique, peinant à reprendre leur souffle, haletant.
Ils avaient tous deux vus la mort de près. De très près.
Une bonne minute passa avant que Zimo ne soit capable de dire un mot.
Grimaçant, les yeux fermés, éblouit par le soleil, il se tourna légèrement vers son compagnon.
-Tu… Tu… Tu l’as tué…
-Oui, répondit Sandre péniblement.
-Non… Je veux dire… La façon dont tu l’as tué… Ton coup… Je n’ai jamais vu ça. Dans de l’eau… Même Raedyn Levenni maniait son épée moins… rapidement. Et frappait… moins fort…
-Ecoute, on… on en reparlera… Plus tard. D’accord ?
-Ouais… On va avoir… beaucoup de choses… à se dire… je crois. Je me disais bien que… ton petit numéro lors de la première épreuve… cachait quelque chose.
-Plus tard, j’ai dit. Pour l’instant… retournons à la barque. Toutes nos affaires s’y trouvent.
Les deux hommes nagèrent mollement jusqu’à leur embarcation, qui flottait toujours au milieu du lac. Leurs membres étaient douloureux et brûlants. Ils jetèrent leurs œufs à l’intérieur et grimpèrent avec difficulté, avant de s’étaler au fond.
-J’en peux plus, gémit Sandre.
-C’est que… la deuxième épreuve, fit Zimo.
Ils finirent par se rhabiller. Zimo constata avec dépit qu’il avait perdu son poignard en affrontant les mermaïds. Il avait dû le lâcher, dans le feu de l’action.
-Tu en trouveras un autre, dit Sandre. On alors tu t’en fabriqueras un.
-Ouais, je sais…
Ils ramèrent jusqu’à la rive. Ils replacèrent ensuite leur barque le long du ponton, afin que d’autres puissent s’en servir, et se dirigèrent vers la tente des organisateurs. Leurs pantalons étaient toujours trempés et ils laissaient des flaques d’eau derrière eux, en marchant.
Sandre jeta des coups d’œil à droite et à gauche mais n’aperçut personne qu’il connaissait. Il espérait que l’épreuve s’était bien passée pour Yolin, Jenna et Gus. Peut-être étaient-ils déjà remontés ? Peut-être avaient-ils échappés aux mermaïds ? Ou peut-être étaient-ils toujours en bas ?
Quoiqu’il en soit, ils arrivèrent devant le comptoir des organisateurs. L’individu qui était derrière était un gros Bréton joufflu. Zimo posa les deux œufs sur le comptoir et attendit, les bras croisés. L’organisateur inspecta quelques instants leurs prises avant de relever les yeux.
Il prit deux fiches, les tamponna, et ouvrit la bouche, sans même regarder Sandre et Zimo.
-Bravo, vous avez réussis avec brio la deuxième épreuve. Vous pouvez continuer la course.
j'aime bien ce chapitre
Excellent, c'est un super chapitre complètement épique ! J'adore /
J'ai cru que Zimo allait y passer
le moment des révélation serait il venu pour sandre ? en tout cas j'amerais que se soit le cas
Ouh bordel quel chapitre !
la façon avec laquelle tu décris les combats, l'ambiance glauque du lac , la mort qui flotte dans ses profondeurs est juste épique et halletante !
GG mec tu est un vrai écrivain ! Et je pense que tu as des projets pour ton avenir dans cette voie , non ?
Bizarrement personne d'important n'y est encore resté (en même temps avec deux personnages), tu serais pas en train de t'adoucir Peil ?
Sinon beaux chapitres et bonne idée pour l'épreuve
c'était super quel suspens quel frayeur, quel punch !! merci!!
+1 MoulinWesh surtout si les nordiques n'y sont pas passés
MoulinWesh, ne le provoque pas
quelqu'un peut m'expliquer l'arme de Sandre SVP ?
Une chaine avec à un bout un boule d'acier (ou autre métal) et de l'autre un lame recourbée, aussi appelée faucille.
Peil pourra confirmer ou infirmer mes dires.
C'est une arme de ninja : http://3.bp.blogspot.com/_V1YzK-c6WuY/TFsKx4YCj6I/AAAAAAAAIhA/1oxZw6bglhs/s1600/kusorigama+desbaratinando+(18).jpg
Je confirme
Chapitre 22 :
Aris se réveilla en bâillant. Il s’étira longuement avant de se lever et de s’épousseter. Il avait toujours eu le sommeil très léger, et les pas, pourtant lointains, qui s’étaient mis à résonner dans le couloir, derrière la porte de sa cellule, l’avaient instantanément tiré de ses doux songes.
Le Khajiit pivota et se tourna vers un des murs de la cellule auquel était accroché un miroir brisé.
Il passa sa main sur son crâne et tâcha d’aplatir sa fourrure ébouriffée. Grand, fin, plutôt bel homme, aux poils d’un jaune vif et brillant, et aux yeux d’un bleu chatoyant, Aris était quelqu’un qui prenait soin de son apparence, quelle que soit la situation.
Et ce, même au fin fond d’une geôle sordide et humide, dans les cachots du palais de la Cité Impériale, avec pour seule compagnie l’odeur d’urine et de vomi qui flottait dans l’air, les blattes sur les murs, et le regard torve de son compagnon de cellule, un Impérial décharné au visage à moitié dissimulé sous une épaisse barbe grisâtre.
Aris se tourna brièvement vers celui-ci et lui sourit de toutes ses dents. Des dents d’une blancheur éclatante, plus blanches que la voile immaculée d’une galère Altmer.
-Alors, s’exclama-t-il d’un ton enjoué en se penchant vers l’Impérial. On va se faire libérer aujourd’hui ? Hein ? Après plus de trente ans de détention, on va enfin se retrouver à l’air libre et revoir sa famille ?
L’Impérial détourna les yeux et grogna. Aris fit un pas de côté pour rester devant lui.
-Dis quelque chose, enfin ! C’est un grand jour pour toi ! Tu n’entends pas les gardes qui arrivent ? Dans quelques instants, ils vont venir te sortir de là ! Tu n’es pas heureux ?
Le prisonnier grommela dans sa barbe. Aris haussa un sourcil et plaça sa main en cornet, derrière son oreille.
-Plait-il, vieil homme ? Tu as semblé me dire quelque chose.
-Tais-toi, fit l’Impérial en gémissant et en s’efforçant de ne pas regarder le Khajiit. Laisse-moi tranquille. Pitié.
-Oh, ça me blesse ce que tu dis là, poursuivit Aris en se rapprochant. Et dire que je ne vais plus avoir l’occasion de te revoir, après ta libération !
La porte de la cellule s’ouvrit en grinçant, et la voix rauque du capitaine de la garde retentit.
-Cesses d’harceler ce pauvre diable, Aris, lança-t-il. Amène-toi.
Le Khajiit ouvrit des yeux ronds, faussement étonné. Il se pencha vers l’Impérial.
-Ben mince alors, on dirait que c’est moi qu’ils sont venus libérer. Je crains que tu ne doives passer encore quelques années dans ce trou. Allez, tu finiras bien par trouver un moyen de te suicider, hein, l’ami ? Ça ne doit pas être très compliqué. Mord-toi la langue, cogne-toi la tête contre le sol, pends-toi avec… Hum… Dommage que tu n’aies pas de ceinture.
-Dépêches-toi ! rugit le garde.
-J’arrive, j’arrive, répondit Aris.
Néanmoins, juste avant de se détourner, en bon tourmenteur, le Khajiit lâcha une dernière phrase à sa victime.
-Eh, pour ta famille, tout à l’heure, je plaisantais. Ta femme et tes parents doivent être morts, depuis le temps.
Il lança un dernier clin d’œil au pauvre Impérial –qui se mit doucement à pleurer- puis rejoignit la sortie de sa cellule.
Le capitaine de la garde referma la porte. Aris fut immédiatement entouré de quatre soldats aux airs patibulaires. L’un d’eux le poussa rudement du bout de sa lance pour le forcer à avancer.
Aris grimaça et se gratta la tête.
-Inutile d’être aussi brutaux, les gars.
-La ferme.
-Et grossiers, avec ça.
Cette fois, il reçut carrément un coup sur la nuque. Il se tut. Mais se mit néanmoins à sourire.
Bientôt, ils quittèrent les cachots et arrivèrent à l’air libre, dans la rue. Le Khajiit fit craquer ses articulations avec un soulagement de plaisir. Le capitaine de la garde se tourna vers Aris. Le Khajiit lui sourit d’un air affable et frappa dans ses mains.
-Alors, mon cher, puis-je savoir pourquoi j’ai été libéré ?
-Quelqu’un a payé.
-Pardon ?
-Ouais, moi aussi j’me demande bien pourquoi quelqu’un voudrait voire une satanée crapule comme toi sortir de taule, mais bon…
Aris fronça les sourcils. Mais son expression de perplexité disparut bien vite pour laisser place à un nouvel air aimable et confiant. L’un des principes d’Aris était de ne jamais montrer à qui que ce soit le moindre doute, ou la moindre faille.
Il devait donner l’impression en permanence d’être parfaitement maître de la situation. Et on pouvait dire qu’à cet exercice, il excellait. Il était capable de neutraliser le moindre tic nerveux sur son visage en une fraction de seconde, de contrôler chacun de ses muscles zygomatiques, et de rester de marbre face aux évènements les plus étonnants.
Le capitaine de la garde tendit son doigt vers un coin de la ruelle.
-Tiens, voilà ton bienfaiteur.
Le Khajiit tourna lentement la tête et aperçut, adossé à un mur, un individu encapuchonné, portant un manteau de laine brune qui dissimulait intégralement son corps, ainsi qu’une écharpe. Une goutte d’eau tomba alors et alla s’écraser sur le bout du museau d’Aris.
Quelques secondes plus tard, une pluie diluvienne s’abattait sur la Cité Impériale. Les gardes rendirent les quelques affaires que possédait Aris à leur propriétaire –à savoir une bourse vide, un couteau, une boussole, une fausse bague en or, et un vieux morceau de fromage qu’il avait sans doute dans ses poches lorsqu’on l’avait arrêté, la veille-, avant de déguerpir.
Le tonnerre gronda, et le ciel se déchira dans un craquement apocalyptique. Un éclair illumina la ville. Aris, comme à son habitude, ne montra pas le moindre signe que le temps le gênait.
Il se dirigea vers l’individu d’une démarche assurée, avec un sourire tranquille flottant sur le visage, malgré les trombes d’eau qui lui tombaient dessus et qui trempaient sa fourrure.
Quand il arriva enfin au niveau du mystérieux personnage, il se stoppa et le détailla. Sa silhouette était féminine. La voix qui sortit d’en-dessous la capuche ne fit que confirmer ce qu’il pensait.
-J’ai bien affaire à Aris Darion ?
-Lui-même, gente dame.
Le Khajiit s’inclina avec grâce et baisa la main de la femme. Celle-ci regarda à droite et à gauche avant de soupirer.
-Allons-nous abriter quelque part, ou nous serons tous deux cloué au lit par une fièvre de cheval, demain.
-Ne vous en faites pas pour moi, milady. Je suis né avec la santé dure à ébranler, et j’ai l’habitude de braver les éléments déchaînés.
-Certes, mais j’ai froid.
-Dans ce cas, ouvrez la marche, je vous suis.
Ils quittèrent la ruelle et se rejoignirent la première auberge qu’ils trouvèrent. Là, ils allèrent s’installer à une table libre. Etonnamment, la femme n’ôta ni son manteau, ni son écharpe, ni sa capuche, une fois à l’intérieur.
Aris s’assit en face d’elle et croisa les mains sur la table, avant de se pencher en avant.
Il y avait peu de monde à l’intérieur de l’auberge, aussi n’avait-il pas besoin de crier pour se faire entendre.
-Alors, qu’est-ce qui vous a poussé à faire sortir de prison un pauvre bougre comme moi ? Nous connaissons-nous, par le plus heureux des hasards ?
-Hélas non, et j’aurais bien aimé que ce fusse le cas. J’aurais passé moins de temps à chercher un homme comme vous, puisque je vous aurais eu sous la main.
-Un homme comme moi ? C’est-à-dire, très chère ?
Si Aris savait s’exprimer avec un langage assez fleuri, il était surpris que son interlocutrice soit capable d’en faire de même. Elle ne venait visiblement pas de la rue, ou alors elle avait reçu un enseignement assez complet.
Plutôt que de répondre à la question du Khajiit, la femme en posa une autre.
-Tuer est-il un acte qui vous répugne, messire Darion ?
-Nullement. Et vous ?
-Je pâlis à la vue du sang, mais commanditer la mort de quelqu’un ne me pose aucun problème.
-Vous désirez que je…
-Non, vous vous méprenez. Le travail que je m’apprête à vous confier n’est pas un assassinat. Cependant, sur votre route, il est possible que vous ayez parfois à jouer de la lame. Et je ne garantis pas que vous ne soyez pas blessé, ou tué. Aussi, je voulais m’assurer que vous ayez conscience des risques.
-Ne vous en faites donc pas pour moi, roucoula Aris avec un large sourire. Pour ma bienfaitrice, je suis prêt à tout. Ordonnez, et j’exécuterais.
-Je…
Elle jeta un coup d’œil derrière son épaule avant de poursuivre. En murmurant.
-Je voudrais que vous retrouviez quelqu’un pour moi, et que vous me le rameniez ici. En Cyrodil.
-Au ton que vous prenez, j’imagine que ce n’est pas n’importe qui ?
Par égard pour son interlocutrice, Aris avait également chuchoté. Il crut voir un sourire sous la capuche de la femme.
-Effectivement. C’est mon frère.
Aris hocha lentement la tête, sans montrer de quelconque surprise, bien entendu. Comme s’il savait d’avance qu’elle dirait cela. Ce qui n’était pas le cas. Dans tous les cas, cela surpris quelque peu la femme, dont le sourire s’effaça.
Discuter avec Aris provoquait souvent ce genre d’effet. Le Khajiit se frotta le menton.
-Cela peut se faire. En quel état désirez-vous que je vous le ramène ?
-Que voulez-vous dire par là ?
-Le capturer n’est pas un souci. Mais m’autorisez-vous à utiliser la… violence ?
-S’il survenait que des individus puisse vous gêner dans votre mission, agissez selon votre instinct. Cela m’est égal. Mais ne touchez pas un seul cheveu de mon frère, ou il vous en cuira.
-Oh, très bien, très bien.
La femme soupira.
-J’imagine que vous voulez savoir où il se trouve ?
-Eh bien… Cela m’aiderait.
-Il participe actuellement à la Grande Marche.
Aris croisa les bras, songeur –bien qu’il ne le montra pas-. La Grande Marche… Il l’avait suivie, comme tout le monde. Il aurait d’ailleurs bien parié quelques centaines de septims sur Barahk Gro-Tragnan, s’il n’avait pas été aussi fauché.
Il avait même raté la deuxième épreuve, puisqu’il avait été jeté derrière les barreaux avant que les premiers participants n’y arrivent. Rageant.
Mais si le frère de cette femme y concourait, cela était plus problématique qu’il ne voudrait l’avouer. D’abord se posait la question de la distance. De Cyrodil à la Baie d’Illiaque, il y avait une trotte. Ensuite… Le temps qu’il arrive sur les lieux, sa cible serait peut-être morte.
Tout pouvait arriver lors de la Grande Marche.
Aris ouvrit la bouche et parla d’une voix on-ne-peut plus calme.
-De quel participant s’agit-il ?
-Armand Nerricus, aussi connu sous le nom de la Colombe.
Un autre qu’Aris aurait tressaillit, puis déglutit, avant de se jeter au sol et de s’incliner face à la femme. Le Khajiit ne bougea pas. Mais il eut toutes les peines du monde à se retenir de ciller. Armand Nerricus ? Mais alors, si c’était son frère, cela voulait dire que son interlocutrice n’était autre que sa sœur… Lyana Nerricus !
Les Nerricus, une des familles de noble les plus puissantes de Cyrodil, et même de Tamriel tout entier.
Leur fortune était considérable, et on disait qu’ils étaient presque tous aussi influents dans les hautes sphères de l’Empire que n’importe quel membre du Conseil.
La femme releva très légèrement sa capuche, de façon à ce qu’Aris puisse constater qu’elle disait la vérité. Le Khajiit reconnut immédiatement ce visage pâle, ces boucles blondes tombant en cascade sur son front, ces yeux verts émeraude, ces lèvres rouges et pulpeuses, ces pommettes hautes et ce nez fin.
Une beauté. Un ange parmi les hommes.
N’importe qui se serait damné pour elle. Aris lui-même sentit son cœur battre dans sa poitrine. Ce visage était partout. Dans les journaux, dans les Miroir de Divination… Impossible de ne pas la reconnaître.
-Si… Si je puis me permettre, balbutia Aris en tentant de dissimuler son trouble derrière un sourire, pourquoi voulez-vous que je capture votre frère ? Ne participe-t-il pas à la Grande Marche pour l’honneur de votre famille ?
Elle rabaissa sa capuche instantanément, mais Aris crut la voir détourner les yeux d’un air gêné.
-C’est vrai… Vous savez aussi bien que moi que ma famille va mal. Ce n’est un secret pour personne. Les Nerricus jouissent encore d’un grand pouvoir grâce à leur illustre réputation et leur sang, mais nos richesses ne sont plus celles qu’elles étaient avant. Mais… Je m’inquiète pour lui. Mon frère est fort, certes…
C’était un euphémisme. La Colombe était un escrimeur de génie, renommé partout dans le continent. On disait qu’il était né avec une rapière dans les mains, et qu’un aedra avait pris possession de sa main d’épée, dès qu’il avait eut l’âge de manier les armes.
D’ailleurs, la dernière fois qu’Aris avait regardé la Grande Marche, Armand était deuxième dans le classement des participants.
-Enfin, conclut Lyana Nerricus, je veux que vous me le rameniez, point.
Aris hocha la tête.
-Cela peut se faire. Mais je doute d’arriver en Hauteroche avant la fin de la course. A pied, du moins.
-Je le sais. J’ai déjà préparé un navire, pour vous, et un équipage.
-Euh… Pardon ? Vous avez bien dit « un navire et un équipage », milady ?
-C’est effectivement ce que j’ai dit.
Un navire… Et un équipage…
Lyana posa un chapeau sur la table. Un chapeau de pirate. Le chapeau fétiche d’Aris, qu’il avait perdu il y avait fort longtemps de cela. Il lui restait encore des plumes. Comment était-elle parvenue à le retrouver ?
Le Khajiit le vissa sur sa tête, ému intérieurement.
-Alors…
-Oui, répondit Lyana. Je connais votre passé. Je sais que vous étiez un corsaire, avant de devenir ce que vous êtes maintenant, un simple bandit écumant les bas-fonds de la Cité Impériale en quête d’argent. Un corsaire redouté, connu sous le nom de Langue-de-Chat. Je vous offre de reprendre du service, Aris Darion. De faire de nouveau retentir votre nom sur les mers. De remplir de nouveau vos cales d’or. Mais pour cela, vous devez retrouver mon frère.
-Eh bien… Je ne sais que dire.
-Contentez-vous de m’assurer que vous remplirez votre rôle.
Aris gonfla la poitrine.
-Je vous le promets, sur mon honneur.
Lyana posa encore deux objets sur la table. D’abord, une paire de gants de velours, d’une qualité exceptionnelle. Les toucher était, en soit, un sacrilège. D’un blanc immaculé, avec l’emblème de la Maison Nerricus cousu au fil d’or sur le dos, chaque gant était une œuvre d’art.
Ensuite, une épée. Un sabre de pirate, pour être précis, évoquant un cimeterre. Une arme à la lame effilée et légèrement courbée, adaptée au combat en haute mer. Aris passa son doigt dessus, admiratif intérieurement, mais nonchalant extérieurement. Comment la jeune femme avait-elle réussie à cacher cela sous son manteau, en revanche, était un mystère.
Lyana tapota les gants du bout des doigts.
-Ceci vous assurera d’être intouchable durant votre voyage. Du moins, par la justice. Montrez l’emblème sur ces gants, si l’on tente de vous arrêter, et vous serez immédiatement relâché. Quant à ceci…
Elle désigna le sabre d’un mouvement de la tête.
-Eh bien, quant à ceci, vous saurez mieux de quelle manière vous en servir que moi, j’imagine, messire Darion.
-En effet. Je n’ai pas besoin de davantage d’explications.
Le Khajiit se leva, saisit le sabre, et l’accrocha à sa ceinture, avant de fourrer les gants dans sa poche. Lyana secoua la tête.
-Mettez-les.
-Hum… Très bien. Mais ils risquent de se salir.
-Ils sont enchantés. Impossible de les déchirer, ou de faire la moindre tâche dessus. Vous pouvez essayer.
-Je vous crois.
Aris les enfila soigneusement. Il jeta un coup d’œil à la fenêtre. La pluie avait redoublée d’intensité, dehors, et elle martelait les pavés, évoquant les pas d’un millier de souris galopant à travers les rues. Pourtant, le Khajiit était prêt à partir sur le champ pour les quais.
Lyana le comprit.
Elle se redressa et attrapa la main d’Aris avec douceur, avant de le regarder dans les yeux, sous sa capuche.
-Soyez prudent, Aris Darion. Je prierais pour vous.
-Priez plutôt pour ceux qui se dresseront sur ma route, très chère, répondit Aris avec un sourire éclatant. Je serais bientôt de retour.
-Et mon frère ?
-Votre frère sera avec moi.
-Bien. Alors nous n’avons plus rien à nous dire. Bonne route.
Aris s’inclina.
J'aime bien mais je ne comprend pas vraiment le lien entre ce chapitre et les autres (mise a part Armand Nerricus et la Grande Marche) mais bon je te fais confiance pour la suite
On l'allai enfin savoir ce qu'était Sandre et toi tu nous fout ce Aris dans la gueule méchant
Très intéressant ce nouveau personnage, sa fourberie n'a l'air d'avoir d'égal que sa capacité à manier les mots. Je l'aime bien