Une guerre fratricide

La guerre fait rage dans le monde fantaisiste d’Aperion. Les chevaliers de Valorian autrefois garants de la paix, s’entredéchirent pour le pouvoir. Macros, un guerrier divin en quête d’ascension, trahit les siens, et laisse pour mort son frère d’armes Orin. Tel est le postulat de départ de cette histoire qui n’est au final qu’un prétexte servant d’enrobage à une expérience ludique centrée sur le gain de puissance et l’appât du loot. La mise en scène se contente sans grande surprise du strict minimum, exception faite de la scène d’introduction épique à souhait, pour conter un récit éparse ayant le mérite de cimenter l’aventure autour d’un objectif clair… vaincre Macros et empêcher l'apocalypse annoncée.

La narration passe simplement par une succession de dialogues sans grand intérêt avec le Septième Oracle, un entité éthérée, dont la raison d’être se résume à faire de l’exposition avant chaque mission. La structure même de l’aventure peine à surprendre avec ses différents royaumes (Terre, Eau et Air) reliés par une tour centrale menant in fine au dernier affrontement. Godfall est contre toute attente extrêmement linéaire et structuré autour de l’obtention de sceaux essentiels pour progresser dans l’histoire, une progression artificielle qui éloigne d’autant plus les joueurs d’un récit aux velléités héroïques et à l’univers tout juste effleuré.

Les guerriers peuvent toutefois en apprendre davantage sur les principaux acteurs de cette apocalypse et sur le monde qui les entoure en dénichant dans les niveaux divers codex. Insuffisants pour réellement donner vie au monde d’Aperion, ces derniers étanchent pour un temps la soif de connaissances des curieux. Car en réalité l’univers dépeint par les artistes de Counterplay Games invite à la découverte. La seule direction artistique contrastée faite de couleurs vives et d’inspirations mythologiques incite à l’exploration et à profiter de tableaux de pixels dignes de la Next Gen. Sans être une prouesse visuelle, Godfall retient notre attention avec ses panoramas majestueux ainsi que son appétence pour la démesure et le gigantisme de ses architectures.

Cependant, le manque de renouveau des environnements et l’obligation de traverser les mêmes zones à de multiples reprises ruinent partiellement une excellente première impression. A force de voir et revoir les mêmes décors, la lassitude prend le pas sur l’émerveillement. Si Godfall peut espérer se démarquer, c’est bien par le chara design de ses armures (au nombre de 12) inspirées de la mythologie ainsi que de nombreuses oeuvres cultes de la pop-culture (Saint Seiya, Shurato, Guyver…). Le bestiaire n’est pas en reste et corse l’aventure avec sa soixante-dizaine de créatures belliqueuses. Mais une fois encore, la structure redondante de l’aventure finit par placer sur la route des chevaliers les mêmes ennemis en boucle.

La voie du guerrier

Godfall est, selon les dires des développeurs, un Slasher-Looter, et sur ce point précis il tient ses promesses. Si le scénario et le lore font de la figuration tout au long du périple d’Orin, les combats et le loot occupent une place de choix, pour ne pas dire la seule place disponible. Les chevaliers de Valorian maîtrisent à la perfection l’art d’occire leur prochain, et le système de combat rend justice à leur savoir-faire. L’Action-RPG de Gearbox Publishing se veut à la fois accessible afin de ne pas décourager les nouveaux venus, et technique histoire de défier les joueurs aguerris.

Les studios Counterplay Games misent sur un savant mélange d’esquives, de parades au bouclier et de frappes lourdes pour dynamiser des échanges aux impacts bien réels. Mieux encore, les guerriers sont en mesure de percer la garde adverse, de déclencher diverses aptitudes selon les armes équipées et de profiter des points faibles ennemis pour en finir rapidement. A cela s’ajoute le concept de Brise-Âme qui permet d’infliger de lourds dégâts suite à des attaques légères et la colère d’Archon pour libérer toute la puissance des chevaliers de Valorian. Toutes ces mécaniques et bien d’autres, qui se débloquent au gré de l’aventure, brisent une certaine monotonie qui pourrait facilement voir le jour après des dizaines de combats.

Il en résulte des affrontements explosifs et tactiques où la moindre erreur se paye comptant, et où le sentiment de maîtriser son destin l’épée à la main se veut grisant. Les combats de boss sont l’occasion rêvée de mettre à l’épreuve vos aptitudes guerrières. Une quinzaine de ces combattants se dressent ainsi entre Orin et sa destinée, et épicent l'aventure avec leurs patterns singuliers ainsi que leur propension à la dévastation. Certains de ces mêmes boss reviennent régulièrement au cours du récit. En effet, Godfall pousse sans cesse les joueurs à revivre en boucle des événements similaires sans réellement parvenir à se renouveler. Pour finir, le bestiaire souffre en général d’une intelligence artificielle bien trop attentiste, et d’un manque cruel de capacité d’adaptation pour surprendre, ce qui finit par altérer un ressenti de prime abord enivrant. A noter que Godfall est intégralement jouable en coopération jusqu'à 3 joueurs, une fonctionnalité qui se limite à des sessions entre amis.

L'Empire du Loot

L’expérience “Godfall” se focalise certes sur les combats, mais également sur la montée en puissance d’un avatar. Entre le gain d’expérience, les armures aux aptitudes variées à fabriquer, les armes et items à trouver puis améliorer ainsi que les dizaines de compétences à acquérir, le titre de Gearbox Publishing est sans aucun doute possible le Slasher-Looter attendu. Et pour looter, il va falloir looter à en perdre son latin. L’exploration labyrinthique des royaumes est justifiée par un besoin chronique de ressources et de nouveaux équipements dans l'espoir de survivre face à des ennemis toujours plus puissants. Counterplay Games intègre même quelques énigmes qui incitent à parcourir de long en large les différents environnements et à en scruter les moindres recoins. Fort heureusement, la Vision de l'Esprit permet de s'orienter dans ces dédales et de répérer facilement les éléments importants.

Une fois l’Histoire terminée, les "Pierrêves" entrent en jeu. Ce sont à proprement parler des instances pensées pour glaner toujours plus de ressources et de loot, et ainsi poursuivre cette fameuse quête de puissance des dizaines d’heures durant. Par chance, Godfall autorise les joueurs à réattribuer sans aucune contrainte les points de compétences dépensés au préalable afin d'harmoniser aptitudes et nouvelles armures (ou "Valorplate”) fraîchement obtenues. Ce gain de temps considérable permet de changer à la volée et sans trop de peine de build de personnage, et ainsi s’essayer à toutes les combinaisons consenties par cet Action-RPG. Avec ses 12 armures, ses 125 armes et accessoires, et sa personnalisation aussi bien ludique qu'esthétique, Godfall se dote d’arguments solides qui devraient parler aux amateurs de "farming" et de loot.