La lumière fut

C’est à l’intérieur de toilettes sales que James Sunderland se rafraîchit les idées. En pleine déroute, il s’est garé à Silent Hill afin de retrouver sa femme, Mary, qui l’a invité via une lettre romantique à retourner dans la petite bourgade qui fut naguère un lieu bourré de bons souvenirs. Le hic, c’est que sa chère et tendre est morte il y a trois ans. Il a beau se dire que c’est ridicule, il s’enfonce dans le brouillard et affronte des démons. Les choses se compliquent encore plus quand James croise la route de Maria, un sosie de sa défunte épouse. De l’immeuble de Wood Side à la prison de Toluca en passant par l’hôpital de Brookhaven, les joueurs qui commandent tant bien que mal la destinée de Sunderland vont devoir faire face à des horreurs indicibles.

Certes, le scénario ne s’éloigne pas tant que cela de ce que nous connaissons déjà, mais le studio a effectué des choix judicieux particulièrement intéressants. Les nombreux documents supplémentaires permettent d’expliciter le scénario sans pour autant livrer toutes les clés de compréhension, tout en multipliant les pistes intrigantes. Les dialogues originaux ont été retouchés afin d’apporter plus de subtilité, de mystère, ou, au contraire, de clarté.

Repoussant et attirant

Comme vous le verrez en regardant nos captures de ce vidéo test, le remake de Silent Hill 2 (2024) est beau. Très beau même, en mode “Qualité”. Modélisés avec brio et salis avec de la mauvaise herbe, des ustensiles souillés, des insectes et autres traces plus ou moins suspectes, les environnements respirent ce désespoir sombre tel qu’il est ancré dans nos mémoires. Les textures sont bien choisies, les effets de lumière sont réalistes, les détails sont nombreux. Quant au brouillard, il crée de superbes dégradés exposant toutes les nuances possibles de gris, que ce soit sur les bâtiments ou sur les créatures. La direction artistique, influencée par l’adaptation cinématographique de Christophe Gans, rend ce monde plus torturé que jamais.

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Nous pourrions toujours nous plaindre d’animations pas toujours au top, et de quelques soucis visuels sur les reflets, mais nous ne pouvons que constater les efforts surhumains orchestrés par la Bloober Team et Konami pour rester fidèles au jeu de base tout en apportant de nombreuses nouveautés. Les nouvelles versions des créatures sont impressionnantes, et le jeu est toujours aussi sombre qu’auparavant… peut-être même plus !

Abandonnez tout espoir

Survival-horror oblige, le gameplay de Silent Hill 2 pourrait être résumé en une ligne, à savoir diriger un héros dans des décors sombres, infestés d’ennemis, à la recherche de munitions, soins, documents importants et items notables permettant de résoudre des énigmes ou d’ouvrir des portes. Les puzzles sont très présents ici, et il faut aimer faire de nombreux allers-retours en fouillant partout pendant des heures afin de réunir toutes les pièces exigées pour progresser. Au niveau des changements majeurs du gameplay par rapport à l'œuvre de 2001, il y a bien évidemment cette caméra épaule qui engendre des combats totalement réinventés. Ce n’est pas parce que James a gagné une esquive qu’il devient intouchable. Chaque affrontement est un défi. En rendant son bestiaire plus dangereux, le remake complique la fuite.

De plus, la ville est envisagée comme un monde plus ouvert, c’est-à-dire que les bâtiments et les divers lieux sont réellement intégrés à la bourgade et ne sont plus considérés comme des instances à part, se dévoilant après un chargement. Concrètement, les portes se poussent à la volée et les transitions intérieur/extérieur se font instantanément, à l’image de ce que l’on voit dans les productions d’aujourd’hui. Cela insuffle pas mal de tension, puisque les ennemis sont capables de poursuivre James partout, allant jusqu’à entrer dans les immeubles, passer par les fenêtres cassées ou à se faufiler dans les trous.

Silent Hill revisitée

Silent Hill 2 cuvée 2024 n’est pas un simple rafraîchissement du soft de la Team Silent proposant la même aventure qu’auparavant avec seulement des graphismes refaits, une caméra plus moderne et un redesign des personnages. À la fois version extended généreuse, remake soigné et adaptation solide, il est à voir comme une réinterprétation de l'œuvre originelle plutôt qu’une copie carbone, bien que les passages clés de 2001 soient toujours là et s'enchaînent dans le même ordre. Les cinématiques inédites et les situations de jeu jamais vues, dont nous tairons la nature, se comptent à la pelle.

Poussée à faire endurer un enfer même aux incollables de la série, la Bloober Team a appliqué à la lettre une des maximes de la Team Silent : faire vivre à autrui une angoisse dont on ne voit jamais le bout. Tout est plus long dans ce remake. Est-ce que les heures de jeu supplémentaires sont toutes nécessaires ? Pas forcément. Il y a des séquences sûrement trop longues pour satisfaire l'envie de rythme effréné des aventuriers d'aujourd'hui. Cette démarche jusqu'au boutiste – vivre un cauchemar dont on ne se réveille jamais – divisera à coup sûr. Ce remake éprouvant est un rêve pour les fans qui pourrait être perçu comme un supplice pour les autres. De notre côté, on adore le courage de la proposition, mais à l’instar de l’ancien épisode, il n’est pas à mettre entre toutes les mains.