Kaiju n°8, le genre du shonen accueille un nouveau monstre

Il n’y a pas à dire, les amateurs de séries d’animation sont aux anges depuis le début de l’année et, plus particulièrement, en ce doux printemps 2024. Il suffit de jeter un œil au planning hebdomadaire pour se rendre compte du nombre d’épisodes que l’on peut engloutir chaque semaine. Gloutons & Dragons (disponible sur Netflix, qu’on a déjà évoqué il y a quelques mois), Demon Slayer, My Hero Academia, Black Butler, The Fable, Wind Breaker (l’une des nouvelles créations du studio CloverWorks, que l’on connaît pour l’anime Spy x Family) et, l’objet du jour, Kaiju No. 8 ! Nul besoin de vous faire un dessin explicatif sur la thématique de ce manga ou encore de rédiger un long discours : il est en effet question de monstres gigantesques, les fameux « kaiju ». Ces bêtes féroces, créatures gigantesques et étranges très présentes dans la culture nippone ont même donné vie à un genre cinématographique (« kaijû eiga ») vieux de 90 ans. En Occident, l’un des représentants les plus iconiques n’est autre que King Kong.

Aujourd’hui, la popularité des kaiju est toujours aussi forte, comme en témoignent les scores des récentes adaptations cinématographiques : Godzilla : Minus One, Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire, tous deux de franches réussites au box-office. Par conséquent, le timing était parfait pour la sortie de l’anime Kaiju No. 8 (ou Kaiju n°8). Peut-être qu’il est passé sous votre radar, mais le manga de Naoya Matsumoto a prouvé, dès son lancement en juillet 2020, qu’il avait tout d’un colosse. Compte tenu de sa forte dimension culturelle, Kaiju No. 8 est à l’origine d’un véritable raz de marée au pays du Soleil Levant. Au fur et à mesure, avant de s’établir en France et de consolider cette réussite, Kaiju n°8 s’est imposé dans le registre du shonen. Meilleure nouveauté manga de l’année 2020, un million d’exemplaires imprimés au bout de huit mois jusqu’à atteindre, selon les récents chiffres d’avril 2024, la barre des treize millions de copies en circulation.

On aurait pu croire que la barrière culturelle allait limiter le succès de ce shonen mais c’était sans compter la campagne promotionnelle qui a eu lieu au sein de l’Hexagone. On retient particulièrement l’affichage gigantesque placardé sur l’une des faces de la Bibliothèque Nationale de France, située à Paris, en octobre 2021. Pour coller à la thématique de Kaiju No. 8, l’éditeur français, en l’occurrence Kazé, a eu la folie des grandeurs… et elle fut payante ! Un premier tome tiré à 250 000 exemplaires - le plus gros jamais réalisé en France, devant One Piece (230 000) et L’Attaque des Titans (170.000) - et une première semaine de lancement record avec 22 041 copies vendues. Pour apporter un peu plus de contexte sur cette performance, il faut avoir en tête que les précédents records étaient détenus par Dragon Ball Super (17 299) et One Punch Man (17154). Bref, après bientôt quatre ans d’existence, l'œuvre de Naoya Matsumoto bénéficie d’un nouveau coup de projecteur, et c’est l’une des belles découvertes de ce printemps !

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Quand David devient Goliath, l’idée derrière Kaiju No. 8

Comme on l’a suggéré dans notre titre, Kaiju n°8 partage quelques ressemblances avec L’Attaque des Titans. La plus évidente, ce sont les ennemis et leur gigantisme. Ici, les différents kaiju que l’on peut retrouver dans l'œuvre de Naoya Matsumoto sont le miroir des titans imaginés par Hajime Isayama. L’un comme l’autre, ils représentent une menace pour la population, un fléau qui bouleverse la tranquillité des personnages, à la différence que ceux de Kaiju n°8 se sont habitués à leur présence et luttent au quotidien contre eux alors que, dans L’Attaque des Titans, l’humanité a vécu plus d’un siècle en toute sérénité, calfeutrée derrière trois cercles de murs. Là où ces deux menaces se ressemblent également, c’est à travers le principe des personnages infiltrés. Dans l’adaptation du manga d’Hajime Isayama, l’une des plus grandes révélations, c’est cette fameuse mise en scène autour de ces antagonistes sous couverture.

On retrouve ce principe dans Kaiju n°8, bien qu’il y ait de légères différences, à travers deux exemples. Le premier, c'est cette puissante créature douée de raison capable de prendre une apparence humaine et de se dissimuler au sein d’un groupe d’humains. Le second, et peut-être le plus intéressant, c'est cette double nature qui est conférée à Kafka au moment où il inocule un petit kaiju, évènement à l’origine de son pouvoir de transformation. Notons d’ailleurs que le prénom du héros fait étrangement penser à celui de l’auteur Franz Kafka qui n’est autre qu’un écrivain austro-hongrois à qui l’on doit le roman La Métamorphose, une histoire dont le postulat de départ nous décrit la manière dont le personnage principal se réveille un matin en ayant la sensation de s’être transformé en un insecte monstrueux. Entre cette description et celle des kaiju et de l’élément déclencheur autour du destin du héros, il n’y a qu’un pas.

Dans un cas comme dans l’autre, les créatures sont à l’origine d’un véritable traumatisme pour les personnages, et ces derniers leur vouent une haine à nulle autre pareille. Au tout début de L’Attaque des Titans, Eren et Mikasa voient leur vie complètement chamboulée après l’apparition d’un titan suffisamment puissant pour ouvrir une brèche dans le havre de paix que les personnages pensaient s’être créé. Dans la panique générale, les deux enfants assistent à la mort de leur mère, dévorée par l’une de ces gigantesques créatures assoiffées de sang. Depuis ce jour, ils ont décidé de se venger et de tous les anéantir. Cette trajectoire, on la retrouve à travers le héros de Kaiju No. 8, Hibino Kafka.

Après la destruction de leur village natal par un kaiju - dans le folklore japonais, ils sont davantage considérés comme des manifestations des dangers de la nature et ne sont pas vus comme des entités maléfiques -, Kafka et Mina, une amie de cinq ans sa cadette, se jurent de rejoindre les rangs des membres des Forces de défense pour combattre cette menace. Une fois de plus, tel un miroir, c’est un élément de scénario que l’on retrouve dans L’Attaque des Titans. Dans le manga d’Hajime Isayama, on suit la lutte de toute une armée, organisée en différentes factions ayant chacune leur propre mission : la garnison, le bataillon d’exploration et les brigades spéciales. Mais, contrairement à Eren qui a le privilège de rejoindre la troupe du caporal-chef Livaï, Kafka n’a pas la chance d’être au côté de Mina, devenue capitaine de la troisième division des forces de défense.

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Un anime qui se prend tout sauf au sérieux et qu'on adore suivre

Maintenant que l’on vous a partagé quelques informations sur le manga, ainsi que sur son succès à l’échelle planétaire, puis de multiples éléments scénaristiques, on peut revenir sur ce qui nous a convaincu dans cette adaptation. La première chose, c’est que Kaiju No. 8 prend pas mal à contrepied les codes du shonen en nous faisant suivre le parcours d’un personnage qui a les caractéristiques d’un loser. Il n’arrive pas à concrétiser son rêve de rejoindre les Forces de défense à cause de ses multiples échecs à l’examen, vit dans une petite pièce où s’entasse la vaisselle et les traces de repas et doit se contenter d’un travail plutôt ingrat au sein de l’équipe de nettoyage, celle-là même qui a pour tâche de faire disparaître les restants des kaiju éliminés par les Forces de défense. Le plus à l’opposé des codes habituels du shonen, c’est l’âge de notre héros puisque Kafka a… 32 ans !

Au-delà de s’amuser à créer un côté décalé, permettant peut-être à certains lecteurs de mieux s’identifier à un personnage en pleine crise générationnelle, Kaiju n°8 est aussi une belle surprise dans sa manière de tordre les caractéristiques du nekketsu - un procédé narratif assez codifié que l’on retrouve dans de grandes oeuvres telles que One Piece, Dragon Ball, Naruto, My Hero Academia - pour insuffler de l’humour à une oeuvre qui se base, initialement, sur des situations et des événements dramatiques. L’un des exemples les plus drôles, c’est lorsque Kafka se soumet à l’évaluation de ses capacités physiques et qu’on ne décèle aucun potentiel de combat chez lui. C’est seulement parce qu’il peut se transformer en kaiju qu’il peut rivaliser avec les créatures les plus puissantes, un peu à la manière de Saitama dans One Punch Man, renforçant son côté pathétique et attachant. En temps normal, en comparaison de ses camarades, il ne brille pas par sa condition physique - il se relève tout de même d’une lourde blessure mais l’auteur tourne cette situation au ridicule en montrant que son potentiel n’a augmenté que de 0,01% - et, sur le champ de bataille, il ne peut compter que sur sa connaissance très pointue des différents types de kaiju (honjû, yojû, …) pour aider ses camarades.

Quoi qu’il en soit, si Kaiju n°8 ne brille peut-être pas par la qualité de son character design - la révélation des premiers visuels de ces derniers avait quelque peu réveillé la colère des fans -, l’adaptation se montre particulièrement savoureuse et généreusement ponctuée de moments cocasses. Tout est prétexte à un trait d’humour et, pour l’instant, les cinq épisodes disponibles nous ont déjà convaincus de l’intérêt d’une telle adaptation. Et, à côté de ça, le scénario, classique de prime abord, nous embarque et nous fait suivre sans mal les péripéties de Kafka ; les acolytes du héros ont chacun une identité bien marqué qui ajoute plus de poids à l’aspect comique du shonen - on est bien loin du sérieux de L’Attaque des Titans - et les rebondissements sont suffisamment bien amenés pour que l’on attende l’épisode suivant avec beaucoup d’impatience. Bon, on n’est pas sur le même niveau d’animation des affrontements que dans L’Attaque des Titans, mais Kaiju n°8 n’a pas besoin d’être un monstre de puissance pour nous mettre une jolie claque en matière de divertissement. Pour continuer à suivre tout cela, ça se passe chaque samedi à 16h sur Crunchyroll jusqu’au 29 juin prochain.

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