Récemment, la planète entière s’est émue de la disparition aussi soudaine que tragique du célèbre mangaka Akira Toriyama. Véritable icône de la pop-culture, cet illustrateur de renom a donné vie à l’une des œuvres les plus connues du grand public : Dragon Ball. De ses débuts à son héritage actuel, en passant par son travail sur le manga le plus culte à ce jour, on revient dans cet article sur l’homme qui a imaginé les aventures de Son Goku et marqué plusieurs générations à lui tout seul.
Le monde du manga est en deuil : Akira Toriyama nous a quittés
Le 8 mars dernier, en vous baladant sur les réseaux sociaux, vous avez sûrement dû tomber sur un nombre de messages considérables citant un certain Akira Toriyama. Que vous soyez un lecteur assidu de mangas ou un néophyte complet, Akira Toriyama est un dessinateur qui représente à lui seul un pan tout entier de la culture populaire. Pourtant, lors de ses jeunes années, rien ne laissait penser qu’il atteindrait de tels sommets. Durant son enfance, le jeune Akira baigne dans de nombreuses influences : les mangas, forcément, même s’il en lit peu, avec les œuvres d’Osamu Tezuka (Astro Boy) et, étonnamment, les films de Walt Disney. Celui qui a le plus retenu son attention, c’est Les 101 Dalmatiens. Alors âgé de six ans, Akira Toriyama se passionne pour le dessin et monopolise la table du salon de ses parents pour reproduire les illustrations de son dessin animé fétiche. En grandissant, il se découvre d’autres passions comme le cinéma (notamment les films d’arts martiaux, auxquels il fera de nombreuses allusions dans ses dessins et personnages, comme Jackie Chun), le modélisme (véhicules, engins et constructions mécaniques sont légion dans ces œuvres) et la science-fiction.
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— DRAGON BALL OFFICIAL (@DB_official_en) March 8, 2024
Pour faire plaisir à ses parents, il suit un cursus traditionnel et envisage même de poursuivre des études supérieures dans le domaine créatif. Cependant, Akira Toriyama ne lutte que très peu face à l’un de ses plus gros défauts : la flemmardise, un trait de caractère qui le suivra tout au long de sa carrière comme il le rappelait souvent dans ses prises de parole. Le souci, c’est qu’il ne se sent pas réellement à sa place dans le monde du travail qu’il côtoie : après avoir passé quelque temps - trois ans - dans une agence de publicité où il officiait comme illustrateur, il démissionne. C’est à ce moment-là qu'il se plonge davantage dans les mangas, même s’il doit se rendre à l’évidence : il ne peut pas rester sans rien faire et, surtout, il lui faut de l’argent. Ce qui le motive, sans savoir qu'il est à un tournant de sa carrière, c’est… d’avoir quelques yens pour continuer de se payer des cigarettes. L’aubaine pour lui, c’est que les quelques magazines Shonen existants (comme le Weekly Shōnen Jump) organisent des sortes de concours pour découvrir de nouveaux talents.
Un mangaka à l’influence considérable, Dragon Ball a marqué des générations
À cet instant, Toriyama croit en son talent et en sa capacité à dessiner - alors qu’il passe son temps à se décrire de manière négative -, mais rien ne se passe comme prévu. Malgré les aléas, il est tout de même repéré par son futur éditeur, Kazuhiko Torishima, qui l’encourage à poursuivre ses efforts, ce qu’il fait. En 1978, il se taille une place dans le Weekly Shōnen Jump grâce à Wonder Island, sa véritable première œuvre, sauf que le public de lecteurs ne la plébiscite pas vraiment et Toriyama se retrouve tout en bas du sondage du Jump. Persévérant, il continuera d’écrire des histoires sans jamais connaître le succès, et ce, pendant un an. Finalement, c’est lorsque Torishima lui demande de créer un personnage féminin qu’il commence à trouver sa voie : Tomato the Cutesy Gumshoe (désormais compilé dans l’anthologie Akira Toriyama’s Manga Theater), et puis Dr. Slump.
Entre 1980 et 1984, Dr. Slump sera le manga à l’origine de la légende d’Akira Toriyama. Grâce à lui, il décroche même le prestigieux prix Shōgakukan. Durant cette période, il laisse pleinement s’exprimer son style atypique, son côté décalé qui le fait s’écarter du moule des mangakas de l'époque : jeux de mots, humour scatologique, allusions sexuelles… Le souci, c’est que Toriyama se lasse vite : au début de Dr. Slump, il souhaitait rapidement passer à autre chose, ce que son éditeur lui refusera jusqu’en 1984. Sans le savoir, celui-ci lui fait une proposition qui est sur le point de véritablement tout changer : Torishima lui donne quelques billes pour créer un nouveau manga, de préférence porté sur les arts martiaux et dans la lignée du Dragon Boy qu’il vient de publier. Pas plus emballé que ça, préférant « les trucs simples et idiots », Toriyama est finalement obligé d’accepter et se retrouve, contre son gré, à dessiner… Dragon Ball.
Quarante ans plus tard, du haut de ses onze années de publication (1984-95), cinq cent dix-neuf chapitres et quarante-deux volumes, Dragon Ball culmine à plus de 260 millions d’exemplaires vendues à travers le monde et s’est décliné sous de nombreux arcs et adaptations (Dragon Ball, Dragon Ball Z, Dragon Ball GT, Dragon Ball Super), formats (animes, films d’animation, jeux vidéo) et produits dérivés. En France, c’est sûrement l'œuvre qui a amorcé la popularité des mangas et des animes, marquant successivement plusieurs générations. De celle qui découvrait Dragon Ball sur écran cathodique grâce au Club Dorothée, entre émerveillement et inquiétude parentale, à celle qui dévore, aujourd'hui et grâce à Internet, des dizaines et des dizaines de mangas et animes grâce aux nombreux services (lecture en ligne, streaming). Bref, Dragon Ball a été et restera sûrement le manga qui a rassemblé des personnes de tout âge autour d’une culture et d’une passion communes.
Un héritage éternel : son oeuvre continue de vivre, 40 ans plus tard
Même s’il a une relation particulière avec son œuvre phare, Akira Toriyama en est indissociable et a dû composer avec, ce qui le fera avouer, tardivement, que « Dragon Ball est devenu une série que j’aime trop pour m’en séparer ». C’est notamment pour cette raison, après des années à s’être tenu à distance de cet univers, qu’il reviendra prêter main forte à la production des nouvelles adaptations, telles que les films Battle of Gods, La Résurrection de F et les nombreux projets autour de Dragon Ball Super (manga (aidé de Toyotaro), anime, films (Super : Broly, Super : Super Hero). En fin de compte, depuis la conception du manga, Dragon Ball n’a jamais quitté Toriyama, quand bien même il a essayé de s’en émanciper et de prêter son talent d’illustrateur dans d’autres domaines, comme le jeu vidéo (Dragon Quest, Chrono Trigger, Blue Dragon).
Au-delà de rester chevillé à Akira Toriyama, Dragon Ball est également devenu une référence pour de nombreux mangakas qui ont emboîté le pas. Pour bon nombre d’entre eux, Toriyama est considéré comme un maître, une figure à égaler voire même à dépasser et, aujourd’hui, tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer ou de s’inspirer de ses multiples œuvres lui ont rendu hommage sur les réseaux sociaux. Pêle-mêle, on peut citer Yusuke Murata (One-Punch Man), Yuji Horii (créateur de Dragon Quest), Masashi Kishimoto (Naruto), Eiichiro Oda (One Piece), Hironobu Sakaguchi (Chrono Trigger, Final Fantasy), Yuki Tabata (Black Clover), Raita Kazama (Xenoblade Chronicles), Takehiko Inoue (Vagabond, Slam Dunk), Katsuhiro Harada (Tekken), Yoshinori Ono (Street Fighter), Yoko Shimomura (compositrice, Kingdom Hearts et Final Fantasy XV) ou encore Masahiro Sakurai (Super Smash Bros).
I just remembered this Japanese commercial for DBZ: Kakarot and how perfectly it reflects how much Toriyama's work really affected so many people's lives.
— Ultima (@UltimaShadowX) March 8, 2024
May he forever rest in peace. pic.twitter.com/AiVGRFpJ7F
Nul doute que l’héritage d’Akira Toriyama n’aura de cesse d’être perpétué par ces nombreux artistes et ceux qui encore maintenant grandissent et développent leur imaginaire avec Dragon Ball. Au-delà de ça, ce sont quasiment tous les univers qui, un jour, ont eu envie d’adresser un clin d'œil, autant à l'œuvre qu’à l’immense homme et mangaka qui se trouve derrière. La pose du commando Ginyu dans Persona 5, le look de Cloud dans Final Fantasy VII (1997) qui rappelle celui de Gohan ado en Super Saiyan 2, le dessin animé dont on a une description sur l’une des télés du premier jeu Pokémon, Belle des Super Nanas qui esquive un rayon laser à la manière de Trunks… Il y a eu et il y aura toujours des idées pour faire vivre Dragon Ball. Et puis, ni l’engouement autour des créations de Toriyama ni la franchise Dragon Ball risquent de s’éteindre de sitôt.
D’ici quelques jours (le 20 mars), les abonnés Disney+ pourront découvrir l’adaptation animée Sand Land qui met en scène l’un des mangas créés par Toriyama en l’an 2000, un projet annoncé en décembre 2022 et qui sera complété par la sortie d’un jeu vidéo le 26 avril prochain. De la même manière, à l’automne, les fans de Dragon Ball pourront découvrir l’un des derniers projets sur lesquels Toriyama était impliqué, à savoir Dragon Ball Daima qui, comme pour mieux boucler la boucle, nous fera découvrir les nouvelles aventures, entre les événements de Dragon Ball Z et Dragon Ball Super, d’un Goku revenu (tout comme ses compagnons) à l’état d’enfant et de nouveau armé de son Nyoibo (le fameux bâton magique). Ne manque plus que le Kinto-un, son célèbre nuage magique jaune, et les fans seront eux aussi sur un petit nuage : il faudra bien cela pour honorer la mémoire de l’une des plus grandes figures de la pop-culture et du manga !