De “film qui se contente d'empiler les insectes” en 1997 à “référence de la science-fiction moderne” en 2022, l'œuvre de Paul Verhoeven qui a inspiré les développeurs d’Arrowhead Game Studios connaît un retour en grâce mérité chez les critiques. Fustigé pour de mauvaises raisons, il est encore aujourd’hui un film à grand spectacle, à la fois cynique et violent, qui mérite d’être (re)visionné.
Sommaire
- Chercher la petite bête
- Arracher les pattes
- La bestiole qui (re)monte
Chercher la petite bête
Les producteurs de Starship Troopers se seraient-ils fait rouler dans la farine par Paul Verhoeven lorsqu’ils ont aligné les billets ? C’est forcément la question que l’on se pose quand on analyse la fuite en avant de ce drôle de film aussi imprédictible que les mouvements d’un cafard paniqué. Qu’est-ce que le réalisateur de Robocop et de Basic Instinct a bien pu dire aux financiers pour que ces derniers acceptent de signer un chèque d’environ 100 millions de dollars pour une guerre contre des insectes géants ? Peut-être a-t-il assuré qu’il ne s’agira que d’un film d’action avec des aliens belliqueux que des space-marines devront éradiquer pour la survie de l’humanité ? Ou peut-être a-t-il promis qu’il ne sera qu’une adaptation extrêmement impressionnante du livre de SF à succès “Étoiles, garde-à-vous !” (Starship Troopers en version originale) de Robert A. Heinlein, publié en 1959 ?
“Un nouveau type d’ennemi, un nouveau genre de guerre” lit-on sur les affiches originales de l’époque. Tous les ingrédients du blockbuster implacable semblent réunis : un réalisateur dont la popularité a explosé grâce à deux films de SF (Robocop, Total Recall), un scénario s’inspirant librement d’un livre qui a cartonné, une brochette d’acteurs au physique impeccable et un budget supérieur à celui de Men in Black. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer au point de voir la presse et le public le bouder au moment de sa sortie ? C’est simple : l’art de la caricature, de la satire, de l’humour utilisé par Verhoeven n’a pas été apprécié à sa juste valeur. Le film qui a coûté environ 100 millions de dollars n’en rapportera qu’un peu plus de 120 millions.
“L’humour est l’arme blanche des hommes désarmés” écrivait Romain Gary dans “Le Sens de ma vie”, “parce que c’est une des meilleures armes que l’homme eût jamais forgées pour lutter contre lui-même” lisait-on dans "Les Racines du ciel". Avec Starship Troopers, Paul Verhoeven s’est servi des armes du fascisme pour mieux lutter contre le militarisme primaire. Sauf qu’une partie de la presse et des spectateurs n’a pas compris la subtilité. L’esthétisme guerrier, les codes du film de propagande, la jeunesse sacrifiée sur l’autel de la cruauté… tout ce sur quoi s’amuse le réalisateur pour mieux prendre de la distance a malheureusement été pris au pied de la lettre. La critique n’a pas eu à chercher bien loin pour accuser Starship Troopers de fascisme, puisque le livre dont il s’inspire, “Étoiles, garde-à-vous !” est une œuvre que beaucoup considérèrent comme prônant l'impérialisme.
Arracher les pattes
Qu’il soit qualifié de “film épouvantable”, de création “vulgaire”, ou “d’éclaboussure sans fin”, Starship Troopers est malmené par la presse au moment de sa sortie. En France, dans les Cahiers du Cinéma n°523, il est dit que “Starship Troopers n'est pas un film destiné aux spectateurs expérimentés. Il a été élaboré juste pour faire un maximum d'entrées auprès de jeunes Américains pendant un week-end de vacances, des puceaux accros aux jeux vidéo qui entrent dans une salle comme ils se mettent aux manettes d'un Doom-like, avec pour seul objectif de voir bousiller tout ce qui apparaît dans leur champ visuel”. Plus loin, on peut lire que “voir aujourd'hui le film, sur un écran à Paris, est un malentendu. Une indiscrétion. Une malveillance”.
La mâchoire carrée de Casper Van Dien, le costume inspiré de ceux des nazis porté par Neil Patrick Harris, les batailles à la violence démesurée… ce qui devait servir les propos du réalisateur et du scénariste se retourne définitivement contre eux. Les scènes aux limites du burlesque qui ponctuent le long-métrage, comme ces publicités propagandistes où l’on voit des enfants écraser des vermines dans une cour de récréation, sont vues comme désolantes. Le fait que les stratégies militaires soient toujours plus aberrantes, qui est une critique de Verhoeven envers l’armée, est perçu comme une faiblesse scénaristique. Enfin, les histoires d’amour entre les différents protagonistes, insistant sur le fait qu’il ne s’agit que de jeunes adultes envoyés dans un conflit qui les dépasse, sont analysées comme étant intégrées mécaniquement pour plaire à un public d'adolescents. Quand bien même le film aurait été classé “Restricted” (interdit aux moins de 17 ans, sauf si accompagné d'un parent) lors de sa sortie.
Au moment de l’arrivée du film dans les salles obscures américaines en 1997, Sony diffuse un petit making of où l’on voit un Paul Verhoeven désinvolte, tentant d’expliquer les thèmes du film de la manière la plus simple qui soit. “Vous entrez dans l’armée et c’est bien. Si vous voulez devenir citoyen, il vous faut entrer dans le service fédéral” déclare-t-il, avant d’ajouter “cela rejoint l’idée que le sacrifice de soi-même pour son pays est une bonne chose. Aider ses amis à survivre est une bonne chose… même si on meurt soi-même”. Il conclut : “c’est aussi un film sur le paradis perdu. L’innocence de la jeunesse est remplacée par la cruauté et la difficulté de la guerre” avant d’avouer s’être inspiré de la Seconde Guerre mondiale pour certains éléments de son film, comme la monstruosité des ennemis. Il n’est pas certain que ces déclarations, placées dans un outil marketing dédié au plus grand nombre, aient invité la critique comme les spectateurs à creuser le véritable propos du film.
La bestiole qui (re)monte
Porté par des acteurs au meilleur de leur forme, tels que Casper Van Dien (Sleepy Hollow), Denise Richards (Sexcrimes), Neil Patrick Harris (How I Met Your Mother), Clancy Brown (Detroit : Become Human), Dina Meyer (Saw), Michael Ironside (Total Recall) ou encore Jake Busey (Shasta), Starship Troopers est une film à voir, même en 2024, si aimez un tant soit peu la SF. Ces derniers jours, il connaît d’ailleurs un regain d’intérêt grâce à la sortie d’Helldivers II.
Selon les données de Television Stats, alors qu’il était classé au-delà de la 100e place le 14 février dernier dans le classement des films les plus populaires, le long-métrage a bondi telle une sauterelle en se positionnant à la 19e place le 20 février 2024. Comme nous le disions dans un précédent article, avec un pic de 457 000 joueurs simultanés sur Helldivers 2 ces dernières 24 heures, il était presque certain que de nombreux curieux allaient voir (ou revoir) ce film dont la série Helldivers s’inspire depuis le premier épisode.
Les ressemblances entre les deux productions sont effectivement nombreuses, que ce soit au niveau de l’apparence des Terminides, des adversaires en surnombre, du ton général du jeu, des éclaboussures vertes, etc. Le plus gros point commun entre Helldivers 2 et Starship Troopers ? C’est qu’il y a des bugs partout ! De gros touffus, des p'tits joufflus, des grands ridés… il y en a pour tous les dégoûts. Nous pourrions aussi écrire avec une pointe d’ironie vacharde que les séquences de guerre de Starship Troopers ne commencent qu’après une heure de film, ce qui, d’une certaine façon, rappelle les queues interminables avant de commencer une partie dans Helldivers 2. Un défaut qui est en train d’agacer des early adopters qui ne sont pas tendres dans leurs commentaires sur Steam, où la moyenne des avis récents est descendue à “moyenne”.
Aujourd’hui, Starship Troopers peut être vu sur Disney+, Amazon Prime ou Apple TV. Il peut bien évidemment être acheté en DVD, Blu-ray, et Blu-ray 4K. Sur les jaquettes des versions physiques, on peut lire en guise d’accroche : “l'humanité vient de devenir une espèce en voie de disparition” ou bien : “un seul but : survivre”. Alors qu’il aurait peut-être été plus judicieux d’imprimer : “le pire dans la guerre, ce sont les cerveaux”.