La plupart du temps, nous fêtons les anniversaires en soufflant sur des bougies. Mais aujourd’hui, nous allons écouter religieusement le vacarme causé par une sirène. Elle annonce les 25 ans d’une série culte qui est parvenue, le 31 janvier 1999, à nous effrayer en misant sur l’horreur psychologique plutôt que sur les sursauts faciles.
Sommaire
- Le Mal incarné
- Have you seen a little girl ?
- Le diable est dans le détail
- Silent Hill fait du bruit
Le Mal incarné
Le 31 janvier 1999, trois années après la sortie de Resident Evil sur PlayStation, le petit monde du jeu vidéo horrifique assiste à la naissance d’une entité sortant de l’ordinaire. “La série a toujours visé une expérience inédite, risquée, excessive, qui dépasse largement le spectre du divertissement” lit-on dans le livre “Bienvenue à Silent Hill, voyage au cœur de l’enfer” de Damien Mecheri et Bruno Provezza (Third éditions, p.19). Il est vrai que le Survival-Horror conçu par Konami et la Team Silent a réussi à proposer quelque chose de novateur tout en utilisant des mécaniques ayant fait leurs preuves.
À l’image de Dahlia qui cherche à réunir les deux parties d’Alessa, Keiichiro Toyama et son équipe ont su rassembler divers éléments pour faire de Silent Hill une expérience à part. À la fois jeu culte qui parle d’un culte, oeuvre horrifique qui s’intéresse à l’amour (qu’il soit parental ou non), le titre s’appuie sur des fondations solides – exploration, énigmes – afin de nous mettre mal à l’aise avec ce qui sort des clous. Se baser sur ce qui existe pour y apporter des modifications dérangeantes a toujours été la marque de fabrique de la saga.
Have you seen a little girl ?
Les mésaventures d’Harry Mason, le héros du premier Silent Hill, sont introduites via une scène cinématique en CGI mémorable. Sous une musique enivrante composée par Akira Yamaoka, nous découvrons le jeune papa au volant de sa voiture, tandis que différents extraits du jeu défilent en même temps que le paysage. Derrière lui, sa fille, Cheryl, est paisiblement endormie. Elle n’ouvre les yeux que lorsque l’automobile se fait doubler par une policière pilotant une moto. Cependant, quelques kilomètres plus loin, Harry découvre la bécane renversée sur le bas-côté, sans trace de sa propriétaire.
Un lugubre présage pour notre super papa, puisqu’il va lui-même être victime d’un accident alors qu’il tente d’éviter de renverser une ombre se jetant sous ses roues. Quand il reprend ses esprits, le héros découvre, effrayé, que sa fille n’est plus avec lui. Le jour s’est levé et la neige s’abat sur cette mystérieuse ville fantôme. Une bourgade désolée dans l'État du Maine dénommée Silent Hill, qui va retenir prisonnier Harry ainsi que les quelques âmes qui y vivent encore.
Le diable est dans le détail
Si Silent Hill a marqué les esprits il y a 25 ans sur la première PlayStation, c’est parce qu'il a su prendre ses distances avec l’autre maître du genre : Resident Evil. Il est en 3D intégrale et peut donc s’amuser avec une caméra mobile qui emprunte des chemins improbables, les personnages ont une personnalité complexe, le scénario est tout sauf un prétexte à créer des scènes d’action et les ennemis sont à fuir plutôt qu’à combattre.
Par rapport au soft de Capcom sorti en 1996, Silent Hill ajoute deux accessoires qui lui confèrent un gros plus en matière d’ambiance : la lampe torche et la radio. La lampe permet de plonger le joueur dans le noir complet et de lui faire craindre l’arrivée d’adversaires dans l’ombre qui danse autour de lui. La radio, qui émet un son inquiétant quand un ennemi approche, insère une bonne dose de suspense tout en faisant monter la tension avec des éléments parfois situés en dehors du champ de vision. En outre, les limitations techniques de la 32 bits de Sony ont été astucieusement contournées grâce à l’utilisation du brouillard… qui a un sens, dans cet univers.
Avec son histoire qui oscille régulièrement entre cauchemar et réalité au gré des grognements des sirènes, Silent Hill tient son aura de son scénario complexe, de ses réflexions sur l’occultisme et de ses thèmes dérangeants. Les réalisateurs David Lynch (Twin Peaks), Adrian Lyne (l’Echelle de Jacob) et le peintre Francis Bacon sont souvent cités comme faisant partie des artistes ayant inspiré les développeurs de la Team Silent. Tous ont laissé leurs créations être submergées par des représentations au mieux bizarres, au pire dérangeantes.
Silent Hill fait du bruit
Nous ne dirons jamais le contraire : les mécaniques utilisées sont au final assez proches de celles des autres jeux horrifiques sortis à l’époque, pour le meilleur (de grandes zones à visiter) comme pour le pire (des énigmes tirées par les cheveux). Le joueur doit – une nouvelle fois – explorer de vastes niveaux labyrinthiques à la recherche de clés ou d’éléments nécessaires à la résolution de puzzles. Mais Silent Hill multiplie les éléments inquiétants et les passages effrayants, comme la fameuse séquence de l’école, la vidéo de Cheryl implorant son père, ou encore la scène choquante avec Lisa Garland, à l’hôpital. On en tremble encore !
Après un succès à la fois critique et commercial (entre 1,5 et 2 millions de ventes estimées, ce qui en fait en chiffre honorable), Konami décidera de maintenir ouvertes les portes de l’enfer avec d’autres épisodes. Silent Hill 2 bouleversera une nouvelle fois le monde du Survival-Horror en 2001. Écrit avec virtuose, il confronte l’amour et la mort pour mettre en scène des personnages marquants tout en plongeant le joueur dans des situations terrifiantes. L’intrigue de ce pauvre Harry Mason sera quant à elle revisitée dans Silent Hill : Shattered Memories en 2009, puis conclue, dans un certain sens, avec Silent Hill 3.
Après un Silent Hill 4 : The Room largement critiqué par les fans, Konami décidera de confier sa licence à des studios situés hors du Japon tels que Climax, Double Helix, Vatra ou encore WayForward. La franchise ne parviendra malheureusement plus à atteindre le niveau de qualité auquel elle nous avait habitués, à cause d’une écriture moins inspirée, d’éléments de gameplay discutables, et de sorties à peine croyables (un Silent Hill Hack’n Slash, vraiment ?!).
Aujourd’hui, Silent Hill est plus que jamais de retour dans l’actualité. Malgré un Silent Hill Ascension qui peine à convaincre, nous sommes dans l’attente de 3 nouveaux titres avec Silent Hill 2 Remake (Bloober Team), Silent Hill f (NeoBards) et Silent Hill : Townfall (Annapurna Interactive). De plus, un nouveau film basé sur la franchise, réalisé par Christophe Gans, est dans les tuyaux. Joyeux anniversaire Silent Hill, nous avons hâte d’ouvrir nos cadeaux !