Qui est le meilleur Assassin ? Si chacun a son petit chouchou, il y a objectivement des noms qui reviennent plus souvent que les autres (Ezio et Edward pour ne pas les citer). Mais ces deux garçons charismatiques et désinvoltes ont du souci à se faire ! Basim arrive et il a le potentiel pour devenir l'Assassin le plus intéressant de tous les temps.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Basim : de voleur des rues à Maître Assassin
Avant de commencer, un court rappel s’impose. Dans Assassin's Creed Mirage, les joueurs vont être plongés dans la peau de Basim Ibn Ishaq en plein âge d’or de la ville de Bagdad. Ce nom sonne certainement familier à vos oreilles et ce n’est pas pour rien. Ce n’est pas la première fois que les joueurs croisent la route de cet assassin, puisqu'il était déjà présent dans Assassin's Creed Valhalla, où il est passé de la posture de mentor à celle d’antagoniste . Ce cas inédit confère à Mirage un engouement un peu particulier concernant son protagoniste. Premièrement, le Basim de Valhalla propose une excellente base de personnage, puisqu’il est aussi mystérieux que complexe et nuancé. Deuxièmement, les joueurs de Valhalla veulent savoir, comprendre comment il s’est peu à peu éloigné de la voie de la confrérie. Que s’est-il passé dans sa vie pour qu’il en arrive à faire ce qu’il fait à la fin de Valhalla ? Forcément, on a tout de suite envie de suivre son histoire avec plus d’intérêt, puisqu’elle s’annonce complexe, loin d’être manichéenne et qu’elle est liée à quelque chose de bien plus grand. C’est à la fois un enjeu double pour les développeurs et les joueurs.
Appliquer de nouveaux visuels et histoires à un personnage existant représente un défi hors du commun.
Anika Mercier, Character concept artist junior (vidéo ci-dessus)
Pour aborder cela, les équipes d’Assassin’s Creed Mirage ont opté pour un récit évolutif. À la manière de la trilogie d’Ezio, on va donc suivre l’évolution de Basim au sein de la confrérie. L’idée est de commencer avec une version plus jeune et insouciante du personnage, presque candide et attachante, alors que ce dernier n’est qu’un simple voleur des rues d’Anbar faisant au mieux pour survivre. On imagine facilement que dans cette situation précaire c’est difficile d’avoir un réel but, de se projeter dans la vie. Et pourtant, Basim va rapidement penser que sa destinée est en fait liée à la mystérieuse confrérie de Ceux que l’on ne voit pas. Il y a une logique assez naturelle là-dedans qui permet de s’intéresser à la fois à des sujets sociétaux, culturels et personnels, mais aussi de poser les bases d’un récit cohérent. Sur le papier, ça change, c’est intéressant et surtout ça fonctionne bien. À voir comment ça se passera en pratique bien sûr.
Et puis une fois que Basim a intégré la confrérie, il va devoir gravir les échelons. C’est ce que propose de suivre l'aventure linéaire d’Assassin’s Creed Mirage, aussi bien au niveau du récit que du gameplay. D’après les développeurs, un effort important a été déployé pour que l’histoire et l’expérience de jeu se répondent l’une et l’autre. Au programme : pas d’expérience et de leveling mais une progression linéaire, ainsi qu’un système de rang correspondant à la place de Basim dans la confrérie et permettant de débloquer de nouvelles choses en jeu… L’évolution de Basim n’est donc pas juste un prétexte narratif. Elle est au cœur du jeu (gameplay, voix, musique…) et on imagine donc que les équipes y ont apporté un soin tout particulier. Si c’est bien le cas, on a de fortes chances de créer un lien fort avec Basim, un lien qui pourrait lui permettre d’être l’un des Assassins les plus appréciés.
Il y a un conflit interne et un conflit externe. Et comment on va marier les deux, et bien très facilement avec cette progression du joueur en tant qu’Hidden One jusqu’à être Master Assassin qui est complètement liée à celle de Basim en tant que personnage et être humain. C’est ça qui était important : comment on fait concilier les deux et comment on fait en sorte que le joueur sente cette évolution de Basim en tant que personnage et en tant qu’Assassin en même temps.
Sarah Beaulieu, narrative director
Et d'ailleurs, ce n’est pas pour rien si Ezio fait partie des Assassins préférés des joueurs. Outre son côté très charismatique, c’est surtout le fait de le voir évoluer qui a permet aux joueurs de s’attacher à ce personnage. Entre le fougueux jeune Auditore en quête de vengeance et le Maître Assassin plus posé et à la recherche des origines de sa confrérie, il y a eu une réelle évolution du personnage. Ezio a grandi avec les joueurs et est forcément devenu plus intéressant, complexe et attachant à leurs yeux. Centrer son récit sur cette évolution au fil des années, c’est donc s’assurer une excellente base pour façonner un Assassin apprécié. Surtout que, qui dit évolution, dit changements et questionnements permettant de rythmer le récit. Et à ce niveau, Basim est certainement l’Assassin avec le plus de potentiel.
De son histoire à son apparence à la progression du personnage, Basim diffère de l’archétype de l’Assassin classique.
Sarah Beaulieu, narrative director (vidéo ci-dessus)
Questionnements et recherche d’identité
D’après Sarah Beaulieu, Basim n’est pas un assassin comme les autres. Et de ce que l’on sait, on ne peut que lui donner raison. Le bonhomme a un background, comme on dit. Contrairement à Ezio, Arno ou les Frye, il n’a pas connu une jeunesse dorée. Il n’a a priori pas de grande volonté de vengeance en tête comme Connor ou des ambitions folles de richesse comme Edward. Il est juste un gars pauvre d’Anbar, apprécié de ses paires (qui le hèlent d’ailleurs dans la rue quand il passe), assez doué pour voler des choses, s’en sort comme il peut dans la vie et qui cherche juste des réponses à ses questions. Et ses origines atypiques, elles vont forcément avoir un impact sur son rapport à la confrérie et aux événements qui se déroulent à Bagdad. Tout comme il était intéressant d’incarner Adéwalé, ancien esclave, se retrouvant à soutenir la cause des Marrons pour mener à bien sa mission dans le DLC Le Prix de la Liberté d’Assassin's Creed IV : Black Flag, les origines de Basim lui feront certainement appréhender différemment la rébellion des Zanj ou même certaines décisions prises par ses confrères et consœurs.
Et puisque l’on parle de la rébellion des Zanj, sachez qu’elle aura a priori un lien avec le ruban que porte Basim au bras dans Valhalla. Les équipes de Bordeaux ont tenu à donner une signification à cet élément. Et si ça n’a l’air de rien dit comme ça, ça ne présage que du bon. En effet, ça veut dire qu’aucun détail n’a été laissé de côté et ça montre une volonté de construire un personnage cohérent, d’expliquer certaines choses. Et si ça concerne des détails qui auraient pu facilement passer à la trappe comme le dit ruban, on peut imaginer que rien ne sera laissé au hasard dans la construction du personnage et de son histoire. Et ça tombe bien puisqu’il y a des points sur lesquels on attend tout particulièrement le récit de Basim.
Nombreux seront les dilemmes pour Basim, les développeurs l’ont bien précisé. Il y a bien sûr celui opposant ses racines et sa destinée (comme vu plus haut), mais aussi sa quête de liberté et les démons qui le hantent. À partir de ce point, on va parler d'n spoil important de l’intrigue et surtout de la fin de Valhalla, spoil lié à la méta-histoire. Si vous voulez vous en préserver, passez ce paragraphe. À la fin de Valhalla, on comprend en effet que Basim n’est autre que la réincarnation du dieu Loki, qui est lui-même un Isu. Basim a donc un rôle important à jouer dans la méta-histoire et son destin est lié à quelque chose de plus grand. Les questions de destinée prennent donc un tout autre sens avec lui. Mais au moment où commence Mirage, il n’a pas encore conscience du fait qu’il abrite en lui un être supérieur. Pourtant, il est bien là, Basim le sent, même s’il n’arrive pas encore à identifier que c'est lui qui se cache derrière ses visions cauchemardesques.
C’est quelque chose que je dis régulièrement mais ce que je trouve important c’est que Basim c’est un homme qui vivait au IXe siècle, du moins dans la fantasy qu’on a créé, et moi je suis une femme qui vit au XXe mais je m’identifie très fort à Basim et j’espère que les gens vont ressentir ce que j’ai essayé de mettre dans ce personnage, à savoir cet aspect identitaire, ce moment où on se cherche, où on sait plus qui on est et pourquoi est-ce qu’on est cette personne, ce qu’on représente pour les autres, ce qu’on représente pour soi-même…
Sarah Beaulieu
Ça nous amène donc à un autre questionnement, qui sera a priori central dans Mirage : qui suis-je ? Avec Basim, on a enfin l’occasion d’explorer des questionnements profonds et véritablement complexes. Des questionnements qui peuvent peut-être même faire écho à ceux de certains joueurs. Ça fait longtemps que je rêve d’une construction de personnage aussi poussée pour un Assassin, et Basim a, avec ce genre de questionnenments, le potentiel pour y répondre. Sur le papier, en termes de narration, Basim est un petit bijou. Reste à voir s’il s’est transformé en diamant éclatant ou en breloque en toc dans les mains des équipes d’Ubisoft Bordeaux. Et oui, autant de matière pour un même personnage, ça peut être à double tranchant : soit on se retrouve avec un véritable bon personnage, soit on s’emmêle les pinceaux et on y comprend plus rien. Mais personnellement, j’ai assez confiance en Basim et son potentiel. Et ça ce n’est pas dû à ma preview du jeu, trop courte pour me permettre d’avoir un réel aperçu de l’histoire proposée, mais de ma rencontre avec ses équipes.
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L’art de la narration
Après avoir joué quelques heures à Mirage, j’ai pu m’entretenir avec plusieurs membres de l’équipe, dont la narrative director Sarah Beaulieu. Et d’ailleurs, je lui ai fait part de cette petite réflexion sur le potentiel de Basim de devenir l’un des meilleurs Assassins jamais créé. Forcément, il y a eu quelques rires, et puis la conversation a pris un tournant un peu plus solennel : “c’est forcément très personnel, quand on écrit des personnages, on les aime profondément.” Et quand on aime quelqu’un, on en prend soin. Et le soin apporté à la création de l’histoire de Basim, il est presque millimétré. Encore une fois, rien n’a été laissé au hasard.
On a la responsabilité de respecter le lore et surtout de respecter les gens qui ont grandi avec AC et qui connaissent le lore très bien. C’est pas facile, c’est sûr, mais on sait vers qui aller.
Sarah Beaulieu
Tout a commencé avec un entretien avec Darby McDevitt, narrative director sur Valhalla, afin de comprendre “sa vision de son Basim”'. De nombreuses rencontres ont aussi eu lieu avec les équipes transmedia afin de s’assurer une nouvelle entrée cohérente dans un lore bien complexe et riche. Et puis il a fallu prendre une direction, en suivant quelques influences.' Et non, le passé de voleur des rues d’Aladdin n’a pas été une inspiration, au contraire et c’est tant mieux : “Aladin n’est pas très authentique. Et nous on a fait l’effort justement de sortir du cliché du voleur des rues de cette époque-là comme vous pouvez le voir dans Aladdin. Et on aborde plus frontalement les sujets” nous a expliqué Sarah Beaulieu. Au final, les influences qu’y ont mené au récit de Mirage ce sont plutôt les pièces de théâtre de Shakespeare dans lesquelles la notion de destinée tragique est presque omniprésente.''' Sans parler inspiration, le fait de jouer et de s’attacher à un personnage que l’on considérait comme un antagoniste avant de prendre la manette, ça rappelle aussi vaguement The Last of Us Part II, qui est tout de même une pépite en termes de narration.
Il y a quelque chose d’assez tragique dans ce rapport à la destinée. Evidemment, Altair et Ezio avaient leurs tragédies aussi, et puis pas qu’eux, mais pour moi ça fait de Basim un personnage avec beaucoup de dimensions et de couches différentes {...} J’espère que ça va faire de lui un personnage dont on se rappelle, parce que voilà il est pas unidimensionnel.
Sarah Beaulieu
Puis après avoir écrit le personnage, lui avoir donné un visage, une allure, une personnalité, une histoire, il a fallu l’incarner. D’ailleurs, l’une des choses dont est la plus fière Sarah Beaulieu c’est justement le travail qui a été réalisé avec Lee Majdoub, voix master du jeu - c’est à dire celle avec laquelle les équipes ont travaillé le personnage de Basim et à partir de laquelle toutes les autres voix ont été doublées. Peut-être avez-vous vu sur X (anciennement Twitter) l’enthousiasme de l’acteur concernant Assassin’s Creed Mirage. Et bien sachez qu’il ne s’agit pas d’une façade. L’acteur s’est énormément impliqué avec les équipes de Sarah Beaulieu et d’Ubisoft Bordeaux pour faire transparaître l'évolution de Basim dans les moindres détails de son interprétation (façon de respirer, onomatopées…). “Je n’ai jamais vu un acteur s’investir autant dans un rôle” nous a confié la narrative director. Et la raison, je vous la donne en mille : le bonhomme est un fan de la première heure de la licence. Et c’est ça aussi qui me rend assez confiante sur l’histoire que va nous proposer Mirage : ça sent la passion et l’amour du travail bien fait, le sens du détail. On le redit (une dernière fois promis), vraiment rien n’a été laissé au hasard !
Tous les éléments du titre ont été mis au service de la narration, car après tout c’est comme ça que doit être pensé un jeu vidéo. Et cette vision, Sarah Beaulieu l’a bien en tête. Elle est d’ailleurs invitée fréquemment à des événements et autres masterclass pour parler justement de comment “renforcer l’expérience de jeu en (ré)conciliant mécaniques et narration”. Si ses réponses et sa vision ont une place importante dans ce billet, c’est aussi parce qu’elle est une personne reconnue dans le milieu. C’est en partie sa présence sur le projet qui me rend très confiante au sujet du personnage de Basim. Il n’a pas juste du potentiel sur le papier, il a une véritable vision qui se cache derrière et c’est plus qu’encourageant. En somme, tous les signaux sont au vert pour permettre au potentiel de ce nouvel Assassin de s’exprimer pleinement et d’en faire, qui sait, l’Assassin le plus complexe et intéressant imaginé à ce jour. Maintenant, j’ai hâte de voir si l’histoire de Basim réussira à me transporter et m’émouvoir plus que celles de ses prédécesseurs.
Je pense que ça se ressent dans le jeu in fine, la sensation d’avoir évolué en tant qu’Assassin mais aussi d’avoir été au centre de cette évolution de personnage, de l’avoir ressenti et de l’avoir vécu. C’est pourquoi j’espère aussi que les gens vont y jouer de la manière la plus condensée possible pour vivre l’expérience comme ça, parce que ça a été pensé comme ça.
Sarah Beaulieu