Après des années à l’attendre, des mois à patienter avant de découvrir les premières images et des semaines à espérer des extraits vidéos, la série live-action One Piece sur Netflix est sortie, ça y est ! Au terme de huit épisodes particulièrement divertissants et fidèles au manga original, la série nous est apparue terriblement amusante… lorsqu’elle sortait des sentiers battus. Voici comment et, surtout, pourquoi. Cet article contient des spoilers, donc attention : vous voilà prévenus !
One Piece : une série Netflix qui a du faire des sacrifices pour exister
Tenter de résoudre un casse-tête, c’est un peu comme être dans la peau d’un des membres de Netflix ou de l’équipe de Tomorrow Studios et ouvrir un manga One Piece, tout en se demandant comment adapter une œuvre pareille. Il y a des personnages dans tous les sens, un univers d’une immensité folle et des combats particulièrement épiques. Ça, Netflix a clairement dû s’en rendre compte depuis le temps car cela fait facilement six voire sept ans que l’on entend parler du projet. De ce fait, il faut avoir une vision bien définie lorsque l’on se lance un tel challenge car, très rapidement, on peut se retrouver face à un gouffre financier à plusieurs millions de Berry… De dollars, pardon ! Ceci étant dit, la société Netflix sait pertinemment qu'elle n’a pas des fonds illimités pour adapter un tel monument littéraire, même si le coût des épisodes est assez faramineux. Dans ces moments-là, on réfléchit de manière pragmatique et l’on se dit que le temps, c’est de l’argent. Par conséquent, il faut adapter, et l’on voit bel et bien que certains arcs sont taillés pour rentrer dans le format « deux épisodes ». Au prix de quelques sacrifices, néanmoins !
En regardant la série live-action, disponible depuis le jeudi 31 août à 9h sur Netflix, les lecteurs du manga auront très certainement des regrets à un moment ou à un autre. Qu’il s’agisse d’une scène iconique pas assez bien retranscrite à l’écran ou de la structure remaniée de tels ou tels passages, l’adaptation nous a prouvé que même si elle n’était pas parfaite, elle avait essayé d’opérer les choix les plus judicieux pour créer un programme des plus divertissants. Certes, on a dû faire une croix sur le combat entre Luffy et Morge (accompagné de son fidèle Ritchie), sur l’affrontement entre Zoro et Cabaji — première vrai test pour le second de l’équipage de Luffy ! —, sur la manière dont Baggy a récupéré ses pouvoirs liés au fruit du Démon qu’il a ingéré ou encore à la bataille haletante que se livrent Luffy et Don Krieg sur le Baratie, même si l’adversaire du Chapeau de Paille est bel et bien présent dans cette première saison. En quelque sorte, cette salve inaugurale d’épisodes revient à tailler un buisson, c’est-à-dire à conférer une forme solide et originale à l’ensemble, tout en retirant ce qui nous paraît dispensable et superflu comme des portions d'intrigue ou des combats compliqués à adapter.
Absorber l’univers de One Piece tout en se tenant à distance de l’œuvre d’Eiichiro Oda
En réalité, avant de commencer le visionnage d’une telle adaptation, il faut se poser une question toute simple : À quoi bon revoir une œuvre que l’on connaît presque par cœur, tout en espérant que cette nouvelle forme soit identique à nos souvenirs ? Non, la série One Piece de Netflix ne singe pas les cent premiers chapitres du manga, et c’est tant mieux ! Comme on le disait, il a fallu faire des (grandes) coupes dans les arcs d’Usopp et Sanji, ainsi que remodeler et cumuler celui de Zoro et Baggy, tout en essayant de maintenir une cohérence narrative. Rien qu’avec cela, la série se montre fun puisqu’elle réinvente et retravaille certains passages pour remplir le principal objectif de Netflix : nous divertir. Il est vrai que l'on perd la montée en puissance qu’il y avec les péripéties autour de Kuro et de Don Krieg — ainsi que la construction d’Usopp et de Sanji en tant que membre à part entière — mais c’est un choix qui a été fait, d’une certaine manière, pour se concentrer sur un récit plus intime : la relation entre Kaya et Usopp, le traumatisme de ce dernier, la manipulation de Kuro, la relation entre Zeff et Sanji, les valeurs du cuistot au sourcil qui rebique, … Même si, il faut le reconnaître, la série reste très en surface sur toutes ces choses précitées.
Pour palier à cela, Netflix a préféré nous démontrer qu’il avait bel et bien compris la philosophie de l’œuvre et qu’il lui était ainsi possible de nous offrir une autre vision sur le manga d’Eiichiro Oda. D’une part, ces huit épisodes cassent quelque peu la linéarité du manga en apportant des changements de temporalité pour, à la fois, intercaler les flashbacks des Mugiwara et maintenir notre capacité d’attention et de concentration. Son autre technique a été d’apporter des scènes inédites, comme on l’a mentionné, afin de surprendre et de divertir les spectateurs. Parmi les extraits marquants, on peut aisément citer le combat entre Zoro et l’ancien Mr. 7 de l’organisation Baroque Works, les chemins de Luffy (accompagné de Koby), de Zoro et de Nami qui se croisent à la taverne de Shell Town, la participation de Nami à la bataille générale contre Morgan et ses soldats, Luffy qui se retrouve en mauvaise posture face à Baggy et qui est aidé par Nami ainsi que Zoro — alors qu’il est KO après sa victoire sur Cabaji dans le manga — et bien d’autres, comme les multiples apparitions de Garp ou le combat expéditif entre Mihawk et Don Krieg ! Bref, c'est neuf, c'est différent et ça fonctionne plutôt bien à l'écran.
En fin de compte, c’est lorsque la série Netflix s’éloigne du manga qu’elle est la plus fun puisqu’elle mise à fond sur les codes du divertissement et de l’implication émotionnelle. Par exemple, il est vraiment surprenant de voir que le personnage de Merry est tué par Kuro dans la série alors qu’il s’en sort in extremis dans le manga, non sans quelques graves blessures, ou encore de découvrir que Zeff a sacrifié sa jambe pour Sanji à la fin du flashback, et non au milieu. À l’extrême opposé, la carte de l’humour fonctionne particulièrement bien. Il y a d’ailleurs une scène précise, impliquant Zoro, qui rend le personnage d’Hermep encore plus grotesque. De ce fait, ces nouvelles manières d’articuler l’univers, de sortir des sentiers battus en improvisant des scènes inédites ou de rebondir sur des éléments qui peuvent paraître anodins donnent une saveur encore plus jubilatoire aux aventures de Luffy et sa bande. Le plus intéressant, au final, c’est de constater que les équipes de production ont intégré des passages qui ont tendance à multiplier les interactions entre les Mugiwara. Déjà bien aidés par le fait qu’ils sont campés par des acteurs de chairs et d’os, ils nous paraissent plus humains et, surtout, plus liés d'amitié : Nami et Luffy qui récupèrent la carte à Shell Town, Nami qui choisit un vêtement pour Zoro, le côté huis-clos dans la demeure de Kaya et les échanges entre Zoro, Usopp et Luffy, Sanji qui prend la commande de l’équipage à la table du Baratie… Malgré tous ces exemples, c’est clairement grâce à Baggy que la série tire son épingle du jeu !
Baggy le Clown, l’exemple parfait de la compréhension de l’univers de One Piece par Netflix
Ce qui est rafraîchissant avec la série One Piece de Netflix, c’est de constater qu’elle a parfaitement compris l’univers du manga et qu'elle s'en sert. S’il fallait retenir un exemple, ce serait l’utilisation de Baggy tant elle est parfaite et colle à merveille au divertissement proposé. On le soulignait précédemment, l’arc de Baggy n’a rien à voir entre le manga et cette version en prises de vues réelles. Premièrement, parce qu’il serait trop laborieux d’en adapter chaque passage. Alors, chez Netflix, on a trouvé une pirouette qui parvient néanmoins à retranscrire l’image dangereuse que se donne ce corsaire aux pouvoirs de fragmentation. Comme dans le manga, Baggy apparaît comme la première grande menace qui s’abat sur les Chapeaux de Paille, et pourtant… L’ancien acolyte de Shanks est avant tout un bouffon, à la fois dans le sens littéral et péjoratif du terme, et ça Netflix l’a complètement assimilé dans l'aspect inédit de sa mise en scène. Dans les pages noircies d’Oda, il n’y a pas vraiment de cadre délimité, à part une ville dont on observe plus souvent les décors une fois ravagés qu’en parfait état.
À la place, Netflix propose une mise en scène inédite et bien plus fun en plaçant cette rencontre sous un chapiteau de cirque ! Tout est là pour coller, à la fois, à l’identité que le personnage souhaite se donner (un tyran menaçant et un pirate redouté) et à sa véritable nature, lui qui apparaît comme un clown pathétique dans l’obligation de garder captifs des habitants forcés de rigoler aux moindres de ses blagues et traits d’esprits. Le fait que Baggy est, en quelque sorte, une fraude et un beau parleur, on ne fait que le comprendre au fur et à mesure du manga, mais Netflix a fait le choix de le mettre en scène dès maintenant, au grand plaisir des fans rassurés de la compréhension du personnage d’Oda. Considéré comme un ressort comique de cette saison 1, c’est presque Baggy qui, avec ses passages inédits, donne le tempo de ces épisodes. Par exemple, c’est lui qui rejette la faute sur Luffy pour échapper aux représailles d’Arlong, qui mène l’homme-poisson au Baratie (alors qu’il n’est pas censé y mettre les pieds) et qui dirige Luffy, Zoro, Usopp et Sanji jusqu’à l’archipel de Konomi afin de retrouver Nami au village Kokoyashi et faire le ménage à Arlong Park.
Certes, Netflix a du faire des sacrifices mais les équipes derrière ce projet ont habilement trouvé la parade pour nous faire oublier cela. Avec des passages inédits, Netflix nous donne à voir le début de la saga One Piece autrement, tout en nous démontrant l’amour que la plateforme porte à l’œuvre et la compréhension qu’elle en a. Grâce à ça, la série est en mesure de proposer des extraits auxquels on ne s’attendait pas, tout en réunissant cohérence et divertissement : c’est tout ce que l’on était en mesure d’espérer !