Très attendue, l’adaptation de One Piece en série live-action par Netflix est finalement diffusée à la demande sur la plateforme depuis le 31 août. Tout en restant fidèle à l’œuvre originale, elle arrive à s’émanciper du manga mais surtout de l’adaptation animée. Et c’était essentiel pour qu’elle séduise.
One Piece peut accrocher une nouvelle médaille à son tableau de chasse. Celle pour avoir levé la “malédiction” des adaptations de mangas/de séries animées en live-action. En témoignent ses deux scores sur RottenTomatoes. Le premier de 82% de validation par la presse (34 critiques) et un score de 94% par l’audience (+ de 5000 critiques). S’il est difficile de décortiquer un tel succès, certains facteurs émergent. Tout d’abord, les showrunners (Marty Adelstein, Becky Clements, Matt Owens, Steven Maeda) arrivent à s’émanciper du matériau d’origine pour l’adapter dans un format plus court à une audience probablement différente. Ils parviennent à raconter l’histoire de manière différente sans pour autant trahir le manga : c’est ce qui me vient à l’esprit de leur utilisation du personnage de Garp, que l’on voit bien plus tard en temps normal.
One Piece : des combats au second plan
Par ailleurs, la série live-action One Piece brille aussi parce qu’elle ne veut pas trop en faire. Elle se concentre sur l’essentiel, sur ce qui fait le succès de la saga d’Eiichiro Oda depuis plus de 25 ans : son univers, les histoires qu’il a à raconter son folklore. À la différence de nombreux de ses contemporains, qu’ils s’appellent Hunter x Hunter, Bleach, Naruto, My Hero Academia ou encore Demon Slayer, 'One Piece n’est à la base pas un manga à combat ! Il suffit d’écumer Internet à la recherche des plus grands combats de manga de tous les temps pour s’en rendre compte : One Piece figure rarement dans le top, avec un affrontement du tome 44. C’est peu pour une œuvre qui a dépassé les 100 volumes !
One Piece, c’est avant tout un univers. Le manga fait de la liberté, des rêves et de l’aventure ses thématiques principales. Bien que benêt sur plein d’aspects, Luffy a le mérite de faire avancer spirituellement chaque personne qu’il croise et qu’il affectionne. Koby et Nami pour ne citer qu’eux en sont témoins. Une œuvre qui prend l’humain comme objet d’études à travers différents arcs narratifs : la route de tous les périls ; le Royaume d’Alabasta ; Skypiea … Et encore une fois, à la différence de ses contemporains, Luffy est l’un des rares à afficher une ambition différente de celle d’être le meilleur dans son domaine : être le seigneur des pirates ne signifie pas forcément être le plus fort mais être le plus libre.
En bref, il est évident qu’il doit se battre mais ce n’est pas là l’attrait principal du manga. Quelque chose qui devient de plus en plus clair au vu des ambitions d'Eiichiro Oda. L'auteur parle souvent de fêtes et de divertissement. Que ce soit pour sa manière de dessiner mais aussi pour l'ambiance générale de son manga. Interrogé sur l'absence de décès dans One Piece, l'auteur avait alors dit :
Parce qu'à cette époque, tout le monde utilise sa vie pour se battre pour ses rêves. Pour un ennemi, quand son rêve a été brisé, c'est comme perdre un combat, et c'est aussi douloureux que la mort. Je crois que, pour un pirate, ne pas tuer un ennemi, c'est lui donner une seconde chance de se battre pour ses rêves
Encore une fois, on retombe sur l'une des thématiques du manga et du shônen en général : se battre pour ses rêves et vivre sa propre vie. Son adaptation animée aussi ne met pas l'accent sur les combats : le studio de la Toei s’est souvent contenté du minimum en termes de qualité d’animation dans une optique de profit. C’est même l’un de ses animateurs clés qui en parlent ! Il faut alors attendre l’épisode 893 pour voir une modernisation de la qualité des dessins et des effets spéciaux : des aspects qui viennent surtout enjoliver les combats sans pour autant dénaturer le fond de l'œuvre originale.
Netflix range les épées et les coups de poing
Or, Netflix est assez clair dans son parti-pris puisque les combats ne sont pas légion dans son adaptation. S’il y a, on s’en doute, une question de moyens et d’investissements, c’est probablement sans doute pour mettre l’accent sur l’histoire et la construction des personnages que certains affrontements sont mis au second plan (des séquences courtes) voire complètement supprimés. C’est par exemple dans le cas de l’arc narratif de l’île de Sirop. Normalement garni de duels, plusieurs passages de l’histoire sont vite expédiés. Idem pour Orange avec Baggy. Le seul qui bénéficie d’une mise en scène travaillée reste le duel entre Zoro et Mihawk mais cela reste un cas particulier : il sert la narration, la construction du personnage de Zoro et de sa relation avec Luffy. Il ne s’agit donc pas d’un simple face-à-face d’escrime mais d’un passage obligé pour que le bras-droit du Chapeau de Paille mûrisse.
La série Netflix a donc appuyé sur les moments importants du background de chaque personnage et a décidé de rester fidèle en tout point à l’œuvre originale de ce côté-là. On peut toutefois regretter, parfois, le manque d’impact de certains passages. Si One Piece manque de combats clés, surtout dans ses débuts, ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de moments forts. Avant la sortie de la série, on en avait listés huit. Huit épisodes visionnés plus tard, il est clair que certains n’ont pas le même effet qu’à la lecture.
Pour prendre la défense de la série, il faut dire que le médium joue un rôle déterminant dans la retranscription des émotions. Des scènes comme le “Shanks, ton bras !” ou le “Luffy, aide-moi” de Nami ont une saveur bien particulière sur le papier. Eiichiro Oda a joué avec le découpage de ses planches. Les bulles de dialogues permettent de figer une phrase dans le temps tout en l’associant à une image particulière. Dans une adaptation animée ou en série live-action, il est bien plus difficile de le faire pour la simple et bonne raison que l’image et le son défilent. Or, avec un manga, c’est le lecteur qui décide de quand tourner la page.
Enfin ce ne sont là que des petits détails qui viennent ternir une prestation plus que maîtrisée de la part de Netflix : tant que les scènes importantes sont là, il n’y a pas réellement de raison de se plaindre. L’essentiel est là, et c'est le plus important.