L’ancre est levée. L’adaptation du manga One Piece en série live-action par Netflix est diffusée, à la demande, depuis ce matin. Outre la qualité générale du show, plusieurs points d’interrogation subsistent avant la sortie. Parmi eux, la présence du vice-amiral Garp dans le casting. Un choix pas si anodin mais qui a eu le mérite de répondre à plusieurs questions à la fois.
Les lignes qui suivent traitent de scènes avancées de la série One Piece par Netflix. Si vous n'êtes pas à jour ni dans la série (au moins l'épisode 5 inclus), ni dans le manga (tome 45 inclus) ni dans l'adaptation animée (épisode 313), il est déconseillé de lire l'article si vous souhaitez vous gardez la surprise de la découverte.
Sommaire
- Un personnage présent tard dans le manga
- Sous les projecteurs bien plus tôt dans la série One Piece par Netflix
- Un traitement qui résume bien la bonne adaptation par Netflix
Un personnage présent tard dans le manga
Présent au casting de la série One Piece par Netflix, Vincent Regan joue le rôle de Garp : un vice-amiral de la Marine, la force militaire principale du gouvernement. Une position mais surtout un grade qui inspire le respect puisque seuls les amiraux et l’amiral en chef en ont un supérieur. Sur le papier, c’est le genre de militaire qu’aucun pirate ne veut croiser, que ce soit pour les plus aguerris ou même pour le personnage principal de One Piece qu’est Luffy.
C’est probablement pour ces raisons que dans le manga et l’animé, Garp n’est pas présent de sitôt. S’il apparaît au départ tome 11 et épisode 92, ce n’est qu’à travers des mini-aventures. Des dessins annexes pour raconter la suite du voyage de deux personnages rencontrés au début de l’histoire. Il faut alors attendre bien plus longtemps pour voir le vice-amiral être sous les projecteurs. C’est précisément dans le tome 45 (épisode 313) que l’on voit "le Héros" de la Marine. Et depuis, il prend une place de plus en plus prépondérante dans le manga.
Sous les projecteurs bien plus tôt dans la série One Piece par Netflix
En résumé, Garp est construit comme un personnage important restant secondaire dans le manga. Ce n’est pas du tout le cas dans l’adaptation faite par Netflix. Il est présent dès les premières secondes de la série puisque c’est lui qui chapeaute l’exécution de Gol D. Roger. Quelque chose de cohérent quand on connaît le manga mais qui aurait pu s’arrêter là et faire office de simple clin d’œil. Sauf que l’on revoit le vice-amiral. Et plutôt dix fois qu’une.
Dans la série, c’est Garp qui fait office de responsable de la Marine sur la mer d’East Blue. Un état de fait pas spécialement illogique : dans le manga, sa première parution arrive dans les mini-aventures de Kobby et Hermep. Or, les trois viennent de la région : le premier veut profiter de sa liberté dans un coin tranquille du globe tout en s’occupant de son petit-fils ; le second a été séquestré par Alvida ; tandis que le troisième est le fils de Morgan (chef militaire de la Marine de Shells Town). Donc forcément, en tant que patrouilleur de la mer de l’est, l’émergence de nouveaux pirates redoutables lui fait toujours siffler les oreilles.
À travers les premiers épisodes de la série, Garp est donc présenté comme un antagoniste. Quiconque ne sait pas qui c’est se le voit présenté comme le grand militaire de la Marine, qui ferait office de boss final de la saison 1 pour l’équipage du Chapeau de paille. Une construction en tant que méchant assez étrange pour ceux étant familiers avec l’œuvre originale. Assez rapidement (bien plus tôt que dans le manga), le silence est levé : Garp est le grand-père de Luffy. Les plus conservateurs auront peut-être du mal avec l’utilisation du personnage tant, à plusieurs reprises, cela ne respecte pas l’œuvre originale. Mais j’aime penser que cela a été fait pour plusieurs raisons en plus d’être bien réalisé.
Un traitement qui résume bien la bonne adaptation par Netflix
Certains pourraient être frustrés de voir des révélations aussi tôt parce que “ce n’est juste pas comme le manga”. Mais moi le premier à avoir été réticent à cette idée, je m’y suis résolu. Et je dois dire qu’après quelques réflexions, l’idée n’est pas si problématique.
Sur le papier déjà, ça ne semble pas poser de problème pour le futur de la série si elle venait à continuer. La révélation de liens de sang entre Garp et Luffy aussi tôt dans l’histoire n’est pas un problème en soi : elle n’a pas son lot de conséquences dans l’histoire originale même si son impact reste aujourd’hui marquant. C’est d’ailleurs aussi une question de médium : c’est le type de retournements de situation qui a toujours plus de saveur à la lecture. La bulle de dialogue fige la révélation l’espace d’un instant. Elle reste collée à nos yeux et c’est à nous de tourner la page ou non. Or, l’animé et le live action par leur nature ne peuvent arrêter le temps lors d’une révélation de ce type puisque les dialogues doivent s’enchaîner.
Néanmoins, il est vrai que cette séquence peut poser problème. S’il devient notoire dans le live-action que Garp est le grand-père de Luffy, cela peut porter un coup à la fidélité par rapport à l’œuvre originale de celui-ci. Mais il existe d’ores et déjà plusieurs façons de contourner ce problème : considérer que la relation familiale n’est pas ébruitée à travers les mers, ou alors en jouer pour proposer de nouvelles scènes.
C’est là tout le mérite des quatre producteurs (Marty Adelstein, Becky Clements, Matt Owens, Steven Maeda) avec la présence et la construction de Garp.Tout d’abord, l’adaptation parle aux initiés en intégrant dès le début des moments populaires du manga. De quoi accrocher leur attention tout en arrivant à retomber sur leurs pattes. La saison 1 se conclut de manière assez cohérente de ce côté-là (tout le monde n’est pas logé à la même enseigne malheureusement, on aura le temps d’y revenir dans les jours qui viennent). Par ailleurs, je ne peux m’empêcher que Garp et ses nouvelles recrues devraient pointer le bout de leur nez plus rapidement qu’on ne le pense. Peut-être que ce n’est qu’un fantasme de ma part. Une confirmation de la réussite de Netflix d’avoir réussi à surprendre un lecteur de One Piece.
Outre le fait de convaincre les passionnés de longue-date de One Piece, Netflix accroche aussi les spectateurs qui découvrent. Garp est un peu le seul personnage antagoniste (à l’instar de Baggy) qui fait office de fil rouge pendant les huit épisodes. Encore une fois, cela permet d’introduire du suspens dans la série. Celle-ci ne pouvant pas se permettre de s’étendre autant que le fait le manga, elle a dû tailler dans le vif certains passages. Juste raccourcir chaque arc narratif et les coller pour en faire une série aurait été probablement ennuyeux pour le spectateur : il aurait juste vu Luffy et cie traverser les îles rapidement, triomphant de chaque despote local. Un voyage linéaire sans rebondissements qui aurait manqué de saveur. Au moins, l’éventuelle rencontre avec Garp sert de liant à chaque fois et donne envie de voir ce qu’il va se passer. Pour appuyer ce propos, il continue d’afficher une véhémence certaine à l’égard de son petit-fils malgré la déclaration “publique” de sa relation avec lui. De quoi s’interroger, temporairement, sur la source de sa colère
Enfin,ce traitement spécial de Garp permet une chose plus générale. Celle d’identifier la série de Netflix comme une vraie adaptation, avec des scènes supprimées, modifiées mais surtout ajoutées. Comme n’importe quel fan, j’appréhendais alors leur traitement de certaines séquences (huit, dont je parle dans cet article). S’il y a parfois des choses à redire (surtout sur la transposition directe de certaines scènes), avoir intégré Garp au début de la série malgré sa grosse différence a été superbement réalisé. Un parfait exemple d’une adaptation qui livre sa version des choses en restant cohérent avec le matériau d’origine tout en essayant d’attirer un nouveau public. De quoi, pour ma part, attendre la saison 2 avec intérêt.