Après un succès notable en librairie, la saga The Witcher est partie à la conquête du monde grâce à CD Projekt et ses jeux vidéo… Mais, en 1997, un autre studio était déjà sur le pont pour adapter l'œuvre d’Andrzej Sapkowski. Voici les vraies origines de l’une des plus grandes licences du RPG.
The Witcher, c’est aujourd’hui des livres, une série, et surtout des jeux vidéo ! Entre 2007 et 2015, les aventures de Geralt De Riv ont largement marqué la presse et les joueurs, notamment grâce à au troisième épisode - Wild Hunt -, souvent cité comme l’un des meilleurs RPG de tous les temps. On doit ce succès au studio CD Projekt, basé en Pologne, là où Andrzej Sapkowski a imaginé l’univers du sorceleur. Mais avant de devenir une licence connue dans le monde entier, saviez-vous qu’une toute autre équipe devait se charger de l’adaptation en jeu vidéo ?
Une lettre ? Un jeu !
En 1997, dix ans avant que CD Projekt n’entre dans l’équation, c’est Metropolis Software qui lance la production d'un premier titre The Witcher. Si le nom du studio ne vous dit rien, c’est normal : il s’agit d’une petite entreprise de 20 personnes, qui a connu un certain succès en Pologne et dans quelques pays d’Europe. On lui doit notamment Teenagent (1994), aventure en point’n’click où un adolescent rêve de devenir agent secret ; et Katharsis, jeu de tir futuriste sorti en 1997 et édité en partie par… CD Projekt.
C’est la même année que Metropolis Software entame son adaptation du sorceleur. L'œuvre d’Andrzej Sapkowski commence alors à faire son nid en Pologne et le studio veut apporter sa pierre à l’édifice. Le co-fondateur de la société, Adrian Chmielarz, opte pour une approche directe : après avoir rencontré l’auteur dans une convention, il lui demande les droits via une lettre. “Je lui ai dit que nous voulions faire un jeu et il a accepté” raconte-t-il, dans une interview accordée à Eurogamer.
L'objectif du studio est de créer un “jeu d’action-aventure en 3D” dans la peau de Geralt de Riv, avec une emphase sur les choix du joueur au sein du scénario et quelques éléments de RPG (pour améliorer les pouvoirs du héros). De toute évidence, à l’époque, le projet ne fait pas l'objet d'une promo outrancière. On peut notamment retrouver quelques images dans un magazine de jeux vidéo polonais, daté de 1997. Le design de l’équipe lorgne du côté de l’ère PS1, avec un certain parfum de Resident Evil.
"Noyé entre les deux"
Selon Adrian Chmielarz, le The Witcher de Metropolis Software était assez novateur pour les années 90, avec une histoire adaptée “aux adultes” : “Je sais que cela semble un peu cliché ou drôle maintenant, mais en 1997 (...) les choix moraux et choix difficiles ou la narration légèrement plus sombre, ce n’était pas courant” confie-t-il à Eurogamer. En marge du scénario, d’autres éléments étaient avant-gardistes, comme la caméra et les décors. “Ce ne sont pas seulement des arrière-plans statiques et pré-rendus, mais des niveaux 3D normaux, et des angles de caméra assez dynamiques” détaille Kacper Reutt, l’un des développeurs, dans les colonnes du média ARHN. Une seconde vidéo montre même des images rares du titre… On y voit Geralt de Riv, vêtu d’une tenue violette, se déplaçant de pièce en pièce.
Bref, le projet en avait sous le coude. Cependant, malgré un premier chapitre terminé, il ne sera jamais achevé. “Je me souviens qu’il était censé être suspendu, car il fallait au moins un an supplémentaire ou plus avant qu’il puisse être publié” raconte Jarek Sobierski, un autre concepteur, toujours chez ARHN. “D’autres projets ont été priorisés et je suppose que The Witcher s’est simplement noyé quelque part entre les deux”. À cela s’est rajouté les doutes de l’éditeur TopWare, sur le potentiel d’une telle licence à l’international.
Quelques années plus tard, ce sera au tour de CD Projekt de racheter les droits de l'œuvre d’Andrzej Sapkowski, et d’en faire la franchise que l’on connaît aujourd’hui. Un succès qu’Adrian Chmielarz envie, mais sans amertume. “Il faudrait être un robot pour ne pas être un peu jaloux de leur succès (...) mais je suis vraiment content que ça se soit passé comme ça” avoue-t-il, sur Eurogamer. En 2008, un an après la sortie du jeu The Witcher, Metropolis Software se fait racheter par CD Projekt. Deux ans plus tard, Grzegorz Miechowski - l’autre co-fondateur du studio - et d’anciens collègues lancent la société “11 bit”, aujourd’hui largement connue pour la licence Frostpunk.