Fin juin, Netflix a diffusé la première partie de la troisième saison de The Witcher. Cinq petits épisodes qui ont réussi à sceller l’avis d’une grande majorité de fans : cette série est décevante, et on ne note que peu de signes d’amélioration pour l’avenir de cette production. Comment une licence si populaire peut engendrer une série si décevante ?
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Depuis 2019, les aventures de Geralt de Riv sont diffusées sur la plateforme de streaming écarlate. Hélas, malgré la popularité de la franchise, cette production n’a pas réussi à convaincre les fans. Actuellement, nous sommes déjà rendus à la troisième saison, et beaucoup ont abandonné le visionnage de cette série. “Quel gâchis !”, est sans doute la phrase la plus prononcée en ce qui concerne ce projet d’adaptation ô combien prometteur. C’est pourquoi, dans cet article, je vais tenter d’illustrer au mieux en quoi The Witcher a été, et est encore (après le visionnage de la première partie de la troisième saison) une déception.
Cet article va contenir des éléments qui vont spoiler ce qui se déroule dans la série, et par conséquent dans les livres, alors soyez prévenus avant de vous lancer dans la lecture.
Sommaire
- “Pourquoi adapter quand on peut inventer ?”
- Une série qui se cherche sans cesse
- Un manque général de qualité
“Pourquoi adapter quand on peut inventer ?”
Probablement l’élément principal qui a le plus contrarié les fans à travers le monde : la série prend beaucoup de libertés scénaristiques. Malheureusement, alors qu’on s'attendait à une adaptation des livres qui sont riches en aventures et événements, cette production a pris de nombreux chemins différents, s’éloignant à certains moments, complètement des œuvres originales. Les livres sont pourtant assez denses pour fournir le contenu nécessaire à la production d’une série. Pourtant, Netflix semble déterminé à faire les choses autrement. Précisons tout de même qu’il n’y a aucun mal à vouloir modifier quelques éléments lors d’une adaptation, du moment que la qualité et la cohérence sont au rendez-vous. Est-ce le cas dans la série The Witcher ? À mon humble avis, la réponse est non.
Les changements apportés ne sont aucunement opportuns, et desservent la série. Ces ajouts sont certes complexes et semblent animés par la volonté d’étoffer le monde dans lequel évoluent mages, elfes ou encore sorceleurs. Hélas, il semble que ces bonnes intentions aient bâti la pente glissante sur laquelle la série s’est engagée depuis quelques temps. L’exemple le plus frappant réside dans l’introduction d’une intrigue autour de monolithes en saison 2 essayant justifier à la fois un élément fondateur de l’univers de the Witcher : La Conjonction des Sphères, l’importance et les pouvoirs de Ciri, ainsi que le rôle de personnages secondaires dans l’histoire. De ce fait, le personnage d’Istredd, ayant un enjeu mineur dans les livres, se voit attribuer une intrigue dont on a du mal à voir le sens si ce n’est celui de lui donner du temps d’écran. Peut-être aurait-il mieux valu traiter ces différents enjeux séparément en prenant soin de les développer pleinement pour rendre plus accessibles les différentes spécificités du monde du Sorceleur ?
Globalement, c’est la saison 2 qui représente à elle seule ce mal, à savoir celui de justifier plutôt que de raconter, comme si la série n'assumait pas elle-même l’univers dans lequel elle évolue. À vouloir tout justifier, ce qui est de l'ordre de la suggestion est annihilé, ce qui est pourtant un ressort essentiel de toute œuvre fantastique aux univers riches. Un autre exemple, toujours issu de la deuxième saison, est celui de l’intrigue autour des elfes, de Yennefer et de Nilfgaard. Ici, le personnage de Yennefer est malmené par l’intrigue, à tel point que son personnage devient de plus en plus illisible, dans le but d’introduire et de rapprocher peu subtilement les deux factions. Ce sacrifice peine à se faire passer pour du développement de personnage et empêche une potentielle surprise dans le scénario, qui une fois de plus aurait pu être amenée autrement, par exemple en suivant la trace des livres.
Un autre point assez frustrant, car il s’agit d’un thème emblématique de The Witcher, est celui des monstres. Le bestiaire riche des romans de Sapkowski souffre ici d’un manque d’amour assez flagrant. Il n’y a que trop peu d’apparition à l’écran de créatures et celles qui parviennent à s’y frayer un chemin sont parfois complètement réinventées ou trop peu reconnaissables. Alors que la première saison était assez généreuse dans ce contexte malgré le manque de budget, celles qui suivent n’ont pas réussi à faire suffisamment interagir les monstres avec l’intrigue. La conséquence de cela est une introduction forcée de certaines bestioles qui font pâle figure à l’écran, comme récemment le “Jakapas”, ou le Shaelmaar revisité, qui est une invention de la série basée sur une invention des jeux vidéo. Cela donnerait presque l’impression que la série méprise le matériau d’origine qu’elle devrait plutôt chercher à sublimer.
Une série qui se cherche sans cesse
Ce qui est étonnant concernant les inventions de cette série, c’est qu'elles ne sont pas respectées au fil des saisons. Plusieurs ajouts qui sont survenus surtout lors de la deuxième saison, se sont envolés dans la suite sortie récemment. Ainsi, l’intrigue des monolithes évoquée précédemment est à peine mentionnée. Il en va de même du comportement égoïste de Yennefer qui est vite oubliée comme s’il fallait passer à autre chose pour recoller à l’intrigue des livres.
Qui plus est, la narration des plus brouillonnes n’aide pas le spectateur à comprendre ce qui se déroule lors du visionnage. Un néophyte peut difficilement accrocher tant l’histoire est narrée d’une façon inopportune. Par exemple, avec les bons dans le temps de la première saison pendant l’introduction des personnages principaux : Geralt, Yennefer et Ciri, n’ont fait que perdre les spectateurs dans la temporalité et les éléments géopolitiques qui englobent le récit. La série se permet même une forme d’auto-dérision étrange à ce propos lors d’une scène au début de la saison 2. Ce qui pourrait paraître comme un clin d'œil sympathique apparaît ici comme une forme d’aveu de faiblesse, ce qui est assez embarrassant compte tenu du fait qu’elle ne semble toujours pas avoir trouvé la bonne formule.
Cela apparaît clairement lors du traitement de l’aspect de géopolitique. L’absence d’une carte du monde se fait grandement ressentir tout au long de la série tant les scènes à différents endroits s’enchaînent sans que le spectateur n’en soit informé. Difficile d’être attentif aux querelles entre les royaumes quand Netflix ne nous montre même pas où ils se situent. À titre de comparaison, la série HBO Game of Thrones a su imposer sa géographie à chacun des épisodes grâce à son générique qui a l’énorme avantage de montrer les emblèmes et la position des sept royaumes, illustrant de ce fait, leur importance dans le récit. Quid de The Witcher ? C’est au pauvre spectateur néophyte de se débrouiller avec tous les éléments transmis dans des dialogues fades comme si les personnages déballaient l’histoire sans raison apparente. Une exposition malvenue qui encombre de plus en plus le temps que le nombre réduit d'épisodes peine à se disputer.
Ce flou constant concernant la position des royaumes et la carte de l’univers, sert également de facilité scénarique pour permettre à des personnages de se téléporter, on ne sait comment, d’un point à un autre, comme si les deux lieux étaient proches. Certes, la magie des portails existe et peut tout expliquer facilement, mais rien de cela ne nous est montré, ou du moins très rarement, et les mages ne sont pas les seuls concernés par ces écarts. Tout cela revient à dire que la série manque d’une certaine cohérence. Elle ne parvient pas à nous faire croire à son univers et cela est sans doute dû au fait qu’elle n’y croit pas elle-même, ou au mieux qu’elle cherche encore à y croire.
Un manque général de qualité
Difficile de dire que la série brille par sa qualité. Très peu de scènes sont marquantes, et donnent généralement une impression de fadeur et d’ennui constant. L’exposition prend trop de temps et cela laisse peu d’occasions d'insuffler de l’enjeu et du suspens, ce dernier aspect étant laissé à quelques cliffhangers peu inspirés. La série est souvent filmée avec des plans serrés étouffant, ce qui ne laisse pas le spectateur s'imprégner de l’environnement et de l’ambiance. Cette pratique est hélas courante, ce qui donne lieu à des scènes absurdes de par l’endroit où elles se déroulent. Ainsi, pourquoi discuter dans des magnifiques salles aux décors médiévaux, quand on peut conspirer bruyamment dans les couloirs étroits du château ? Ce n’est pas une blague, c’est ce qui se passe réellement dans la saison trois lors de certaines discussions entre Philippa Eilhart et Dijkstra. Faute de budget ou manque d’inspiration, ces scènes donnent réellement l’impression que la mise en scène est bâclée, en cherchant à tout prix la facilité.
Ce manque de qualité s’illustre aussi dans les décors qui, malgré des lieux de tournages plutôt pertinents, arrivent à paraître figés et sans caractère alors que cela pourrait être une des forces de la série, si on fait l’impasse sur les quelques fonds verts visibles évidemment. De plus, les costumes ne sont pas non plus le point fort du film. La première saison nous y avait pourtant préparés avec les armures fripées et presque hors sujet des soldats de l’Empire de Nilfgaard. Les saisons suivantes ont tenté de réparer cette erreur, mais n’ont pas pourtant amélioré les vêtements qui, pour certains, ont l’air de sortir d’une collection de vêtements modernes.
Le tout est saupoudré de dialogues insipides au possible et souvent incohérents. Un personnage peut passer d’inutile à pilier central de l’intrigue en déblatérant des éléments narratifs qui sortent de nulle part et dont il a connaissance, on ne sait comment, si ce n’est par une intervention divine cachée des spectateurs. Ainsi, un empereur peut devenir homme de chambre en réveillant lui-même un subordonné, ou en allant lui-même faire ses courses à la forge.
Il est d’ailleurs difficile de comprendre l’évolution des héros tant certaines de leurs décisions sont étranges, la faute parfois à un manque de dialogues courts, mais pertinents qui permettraient d’y voir facilement plus clair. Par exemple, lors de la saison trois, il est difficile de comprendre pourquoi Geralt préfère estropier un ennemi redoutable plutôt que de l’occire comme il l'a pourtant déjà fait auparavant. Cela n’est ni évoqué ni expliqué, ce qui fait sonner creuse la suite de l’intrigue avec cet ennemi. Les personnages sont mal développés et s'attacher à eux devient une épreuve qui n’est pas facile à surmonter. Chacun a très peu de temps à l’écran à cause de la myriade d’intrigues parallèles convergeant parfois aléatoirement. Le trio principal composé de Geralt, Yennefer et Ciri peine à se sortir de ce marasme narratif où les fulgurances se font de plus en plus rares.
Ce qui est dommage dans cette série, c’est que malgré la quantité massive de points négatifs, elle a tout de même eu quelques bonnes idées. De rares épisodes et scènes sortent du lot, comme le combat de Geralt contre la strige dans la première saison, où l’on ressent bien la tension et surtout l’importance de ce combat. Malgré les quelques modifications qui s’éloignent légèrement du déroulement initial de cette scène dans les livres, elle illustre bien le quotidien complexe d’un sorceleur. Les scènes adaptées directement des livres fonctionnent aussi plutôt bien, comme le dans le cinquième épisode de la saison trois. Hélas, dans cette série les bonnes choses sont toujours occultées par des choix assez discutables d’une réalisation qui passe souvent à côté des moments clés de l’intrigue. Concernant les ajouts, les musiques de Jaskier sont un élément tout à fait bienvenu, qui permet au personnage de bénéficier d’un peu de profondeur et d’enrober la série d’une touche de poésie et de légèreté non-négligeable. Hélas, les interventions de ce personnage se font de moins en moins pertinentes.
L’élément le plus positifs de cette série est la perorfmance d’Henry Cavill qui est particulièrement incarné dans le rôle du Loup Blanc. Même si Liam Hemsworth est sûrement excellent dans son domaine, l’absence de l’acteur britannique n’améliorera pas la série, contrairement à ce que les producteurs semblent vouloir nous signifier avec ardeur. Pour finir, en quelques mots, cette série demeure hélas encore trop brouillonne et les promesses parfois esquissées en première saison s'enlisent de plus en plus dans un bourbier sans saveur où il n’y a que trop peu de noyeurs à chasser.