Quand Star Wars lui donne envie de prendre sa caméra

Aucun doute, James Cameron est bel et bien le parfait mélange de ses deux parents. Un père ingénieur, une mère artiste : cela ne pouvait qu’aboutir à l’homme de cinéma qu’il est désormais du haut de ses 68 printemps. Toutefois, pour devenir le deuxième cinéaste le plus rentable de l’histoire du cinéma, il lui a fallu tracer sa voie. Comme tout adulte en construction, le jeune James suit un cursus des plus traditionnels et atterri à l’université d’État de Californie où il obtient un diplôme de physique. Ça, c’est pour correspondre à son paternel. Malgré sa réussite scolaire, ce domaine ne sera pas une priorité pour lui, d’autant qu’il nourrit une passion dévorante pour le cinéma. Pour celle-ci, il est même prêt à accomplir des petits boulots, tels que mécanicien, agent d’entretien dans une école, gardien dans un parking et conducteur de camions. De petites besognes suffisamment lucratives pour mettre quelques deniers de côté et se lancer, caméra en main, pour son premier court-métrage, même s’il pourra compter sur le soutien totalement improbable… d’un groupe de dentistes locaux lui confiant la belle somme de 20 000 dollars.

Avec Xenogenesis, on ressent déjà son amour pour la science-fiction — Star Wars fut une révélation pour lui —, l’extra-terrestre (dans les deux sens, l’alien et ce qui se trouve au-delà de la terre) et la robotique. Dans cette première production amatrice d’une douzaine de minutes, il imagine — aidé à la réalisation par Randall Frakes — une histoire de vaisseau spatial, de combat contre un robot, d’humanité. Bref, le cinéma, il a ça dans le sang et, autour de lui, on le ressent. Hormis son père qui n’était pas du genre à l’encourager, mais plutôt à guetter son échec pour lui démontrer qu’il aurait dû suivre ses conseils et devenir ingénieur. Quand bien même il n’a pas l’approbation de son paternel, le jeune homme qu’il est ne déviera pas d’un pouce, traçant sa route droit vers la consécration qui l’attend. Dès le départ, James Cameron se forge un statut de « control freak » qui lui colle à la peau. Sur les plateaux, il gère tout : réalisation, production, scénario, montage, photographie, maquette et gestion des effets spéciaux. Le jeune réalisateur, bien que perclus de doutes, a du caractère, c’est indéniable, et cela tape dans l’œil de Roger Corman, très prolifique réalisateur (La Chute de la maison Usher, Le Corbeau, …) à la tête d’une société de production.

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Deux ans après son court-métrage, les deux hommes se rencontrent et Corman, séduit, l’engage afin qu’il supervise les effets spéciaux des futures productions de la société. En interne, il s’ouvre de nouvelles opportunités : directeur artistique par-ci, directeur de la photographie par-là, et même réalisateur de deuxième équipe. De fil en aiguille, et d’un coup de main à l’autre, notamment sur les effets spéciaux de New York 1997 de John Carpenter, James Cameron n’est pas loin d’être à la tête de son premier film, mais il n’en garde pas vraiment un bon souvenir, préférant cacher sous le tapis ce début de filmographie qui entacherait le reste. Oui, la réalisation de Piranha 2 : Les Tueurs volants, tourné en Jamaïque, a été des plus chaotiques : relation tendue avec le producteur, mise à l’écart de Cameron qui est obligé de rentrer par effraction dans la salle de montage, … Cameron ne reconnaîtra jamais la paternité de ce film, et les avis plus que négatifs sur celui-ci ne l’aideront pas à l’accepter. Cependant, s’il n’avait pas mis les pieds en Jamaïque, Terminator n’aurait sûrement jamais existé !

Visuels du film Piranha 2 : Les Tueurs volants (1981)

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Terminator : un double coup de canon dans le box-office mondial !

Sur place, lors d’une nuit dans un hôtel miteux, il se perd dans les tréfonds de son esprit. Toute substance psychotrope mise de côté, il est, en réalité, frappé par la fièvre et doit faire face à un sommeil des plus agités. Une nuit cauchemardesque mais épiphanique puisqu’il rêva « d’un torse métallique se traînant hors d'une explosion, tenant des couteaux de cuisine ». Se réveillant d’un bond, Cameron rassemble ses bribes de souvenirs et griffonne ce concept sur le papier. Ainsi naquit Terminator, le long-métrage qu’il considérera toujours comme étant le premier représentant de sa filmographie. Jusqu’en 1984, il enchaîne les brouillons, tâtonne et rédige un script en compagnie de William Wisher et Randall Frakes, mais l’idée ne plaît pas à tout le monde dans son entourage, en particulier son agent artistique qui le lui fait remarquer, s’exposant au tempérament de feu de Cameron qui le renvoie sur le champ. Maintenant, le plus dur reste à faire : convaincre de financer ce long-métrage. Grâce à ses relations naissantes, Cameron parvient à décrocher un entretien avec John Daly de chez Hemdale Pictures. Impressionné, ce dernier donne son accord de financement, mais estime qu’il a besoin d’aides supplémentaires qui seront apportées via le soutien de HBO et Orion sur le projet. Le budget initial est rehaussé à hauteur de 6,5 millions, ce qui laisse soixante fois plus de budget que pour Piranha 2 : il multipliera cet investissement par douze, récoltant plus de 78 millions de dollars au box-office mondial.

Visuels du film Terminator (1984)

Très vite, il deviendra l’homme qui explose les budgets cinématographiques, mais aussi celui qui représente à la fois le nouveau génie d’Hollywood et le cauchemar des travailleurs du 7ème Art qui, pour certains, n’hésiteront pas à s’afficher avec des hauts portant l’inscription « Je peux tout supporter : j’ai travaillé avec James Cameron ». Jusqu’en 1991, année de la sortie du deuxième volet de la franchise Terminator, il n’aura de cesse de repousser les limites des enveloppes conférées par les sociétés de production : 18,5 millions de dollars pour Aliens, le retour (1986) et 43 millions de dollars pour Abyss (1989). Le montant de ce dernier est d’ailleurs colossal pour plusieurs raisons : effets spéciaux de pointe, mise au point de caméras révolutionnaires capables de filmer sous l’eau et tournage dans une centrale nucléaire remplie de 26 000 mètres cubes d’eau. En réalité, ces efforts sont bien loin d’être vains, même si la critique ne sera pas spécialement emballée. Pour ce qui est du retour sur investissement, il est plus que payant, notamment dans le cas d’Aliens, le retour, puisque que les deux films permettent d’engranger, respectivement, plus de 130 et 90 millions de recettes.

Images du film Aliens, le retour (gauche) et Abyss (droite)

De son côté, le cinéaste n’a pas encore fini d’avoir les yeux plus gros que le ventre et, pour Terminator 2, l’enveloppe globale s’envole et culmine à plus de 100 millions de dollars de budget, représentant trois fois le budget moyen des films et devenant le long-métrage le plus cher du 7ème Art à l’époque. Pourtant, Cameron n’était pas forcément des plus enthousiastes à l’idée de développer la suite des aventures de Sarah Connor, et des embrouilles juridiques vont ralentir le processus créatif. Au final, il ne dispose que six à sept semaines pour rédiger le scénario, mais c’est un nouveau coup de maître et le film rapportera cinq fois son budget, soit 500 millions de dollars au niveau mondial, tout étant la cible de critiques aussi dithyrambiques que le premier volet si ce n’est plus. À ce stade, en 1991, nous sommes déjà à la moitié de la filmographie de James Cameron : pour les trente années à venir, le cinéaste démontrera que l’on peut produire peu mais ne produire que des cartons.

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Titanic : l’un s’effondre, l’autre s’élève

Dans la veine de la création de Terminator 2, James Cameron n’a pas spécialement envie de revoir ses ambitions à la baisse en matière de budget. Après le succès du deuxième volet de la saga Terminator, Cameron continue d’exploser les montants nécessaires à la réalisation et se réserve 115 millions de dollars pour la création du film True Lies, remake américain du film La Totale ! de Claude Zidi avec Arnold Schwarzenegger et Jamie Lee Curtis. Or, si le film multiplie les scènes d’action et qu’il mène peu à peu Cameron vers un autre genre de cinéma, on sera loin du rendement obtenu par Terminator 2 : Le Jugement Dernier. Exigeant, le cinéaste l’est toujours plus, année après année, et, même après tous ces succès, il lui manque quelque chose : LE film qui changera tout. Pour ce qui est de l’inspiration, il n’aura pas à chercher bien loin. Depuis toujours, il est fasciné par l’eau : il passe son enfance dans une petite ville du Canada, à deux pas d’une rivière et à quelques kilomètres des Chutes du Niagara, et engloutit les documentaires de Jacques-Yves Cousteau en rentrant de l’école. Lors de la création d’Abyss — dont il avait déjà créé une ébauche de scénario à l’âge de 12 ans ! —, il mettra la main sur une documentation faramineuse qui revient, en long, en large et en travers, sur la sombre destinée du Titanic, un paquebot britannique dont la collision avec un iceberg, lors de son expédition inaugurale, coûtera la vie à environ 1500 personnes.

Visuels du film Titanic (1997)

En parallèle, James Cameron, après une discussion avec le Dr. Robert Ballard, l’homme qui a retrouvé la carcasse du Titanic, est prêt à tout pour visiter l’épave du bateau de croisière, et l’excuse du film est idéale pour apporter la justification nécessaire. Pour lui, c’est décidé : ce sera Titanic ou rien, d’autant qu’il veut y transposer, en quelque sorte, le récit de Roméo et Juliette. Encore une fois, avec James Cameron, c’est quitte ou double : après les 100 millions de Terminator 2, il est temps de doubler la mise. Deux sociétés de productions rivales s’allient pour ce projet fou, budgété à plus de 150 millions de dollars auxquels 50 autres viendront se greffer. Bien avant que le film ne fasse rêver des millions de spectateurs, le projet a tout d’un cauchemar financier — et professionnel, en raison des tensions et de l’exaspération qui règnent parfois sur le plateau — qui, tel le paquebot dont s’inspire le long-métrage, file droit vers la catastrophe.

James Cameron sur le tournage de Titanic (1997)

Un flot de rumeurs se déverse sur le film avant même sa diffusion et le perfectionniste Cameron doit même montrer patte blanche, tout en renonçant à certains privilèges, pour montrer que la coque du projet est bien plus résistance que celle du navire. Ces prédictions douteuses sur le film, James Cameron leur tordra finalement le cou puisque le long-métrage devient, à sa sortie, le plus gros succès du cinéma avec 1,8 milliards de dollars de recettes et reçoit une pluie de récompenses. Avec le temps, la réussite du film sera d’autant plus grandiose, culminant à plus de 2,2 milliards de dollars de recettes au box-office mondial. Pour James Cameron, il est temps d’amorcer une pause dans sa carrière de réalisateur ains qu’un nouveau virage : il s’essaiera à la production de séries et de documentaires, avant de signer un nouveau coup d’éclat en 2009, douze ans après Titanic.

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Avatar : La Voie de l’oseille

Lors d’une interview, quelque temps après le phénomène Titanic, James Cameron se confiera sur la suite de sa carrière et ses propres limites de cinéaste, prétextant ne plus vouloir jamais de films aussi longs et aussi coûteux en raison de l’énorme quantité de stress que cela génère. Pourtant, on sait bien qu’il ne faut jamais dire « jamais », et c’est ce qui va se passer avec Avatar. Ce projet, cela fait presque vingt ans qu’il l’a en tête sans pouvoir le concrétiser, la faute à une technologie pas assez sophistiquée dans les années 90. Le début de l’année 2006 commence sur les chapeaux de roues pour le réalisateur : pendant quatre mois, il se chargera d’écrire le script du film et de poser les bases de la culture Na’vi — ces fameux personnages bleus dont le design est né du récit d’un rêve de la mère de Cameron — qui seront, par la suite, alimentées par les différentes rencontres que Cameron aura avec d’éminents universitaires spécialisés, par exemple, dans la botanique et dans la linguistique. Concernant l’aspect scénaristique, tout se met en place et il va falloir s’attaquer au plus dur : réunir le casting — dont aurait pu faire partie Matt Damon — et, surtout, réaliser la prouesse en images de synthèse que James Cameron a en tête depuis tant d’années.

Visuels du film Avatar (2009)

D’un côté, il invente, épaulé de Vince Pace, sa propre caméra pour le tournage des scènes classiques qui représentent 40% du film (« Fusion Camera System »), réalise de la capture de mouvements, effectue un tournage en 3D et, de l’autre, fait appel au réalisateur Robert Legato, grand nom des effets spéciaux, pour mettre au point un système de caméra virtuelle révolutionnaire. Après quelques expérimentations, le « Director Centric System » voit le jour et permet, entre autres, de s’immiscer dans l’univers virtuel afin de visualiser le rendu en temps réel des images de la capture de mouvements. Comme on s’en doute, les ambitions de Cameron ont un prix et, dans la droite lignée de ce que l’on a pu évoquer dans cet article, l’addition est salée et fait passer Titanic pour un film à petit budget : 387 millions de dollars seront utilisés pour réaliser le rêve fou de James Cameron, si l’on tient également compte de la partie dédiée au marketing. Ce montant colossal a d’ailleurs filé des sueurs froides à la Fox qui est encore traumatisée de l’expérience Titanic, ponctuée de rallonges de budgets et de développement. Mais, heureusement pour elle, tout ce que touche Cameron se transforme en or et Avatar, premier du nom, deviendra le plus gros succès de tous les temps au box-office, atteignant le sommet à l’aide de ses presque 3 milliards de dollars de recettes. Plus qu’un film, Avatar est une véritable saga dans l’esprit du cinéaste, et il nous aura fallu douze années — un intervalle bien plus long que prévu — pour retrouver les contrées de Pandora.

Visuels du film Avatar : La Voie de l'eau

Initialement, cette suite devait arriver plus tôt. Dès 2006, Cameron imagine une trilogie en cas de réussite du premier opus. Au final, et ce n’est pas étonnant avec le cinéaste, cette trilogie deviendra quelque chose de plus grandiloquent dans son esprit, aboutissant à une pentalogie s’étalant jusqu’en 2028 si les délais sont tenus. À l’image de son aîné, Avatar 2 : La Voie de l’eau est un véritable carton mondial qui peut d’ores et déjà se vanter, après seulement six semaines dans les salles obscures, d’avoir dépassé les 2 milliards de recettes au box-office. Sans compromis, investi corps et âme, intransigeant et exigeant. Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire le cinéaste, et tout ceci est le prix à payer lorsque l’on travaille avec lui. Malgré tout, cette « mauvaise réputation » fait des étincelles et il en découle une filmographie aussi courte qu’hors norme. « Hors-norme », un terme qui s’applique aussi parfaitement au bonhomme dont la vie a été tout sauf ordinaire — dont un condensé captivant lui a été consacré sur la chaîne YouTube Tales From The Click —, comme en témoigne cette anecdote incroyable où il participe au sauvetage du père de Guillermo Del Toro, kidnappé par une bande de malfrats. Tout compte fait, il n’avait pas tout à fait tort lorsqu’il a repris le fameux « Je suis le roi du monde », clamé haut et fort par Jack (le personnage incarné par Leonardo Di Caprio), pour exprimer sa joie lors de la 70ème cérémonie des Oscars en 1998 : roi du monde, on ne sait pas, roi du cinéma, il n’en est pas loin !

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