Alors que la sortie de Pokémon Écarlate/Violet est imminente, les réseaux sociaux continuent de débattre encore et toujours sur les graphismes de ces nouveaux épisodes de la saga principale. Des conversations qui ne sont pas sans rappeler celles du début d'année autour de Légendes Pokémon : Arceus et qui méritent des explications pour comprendre ce qu'il se passe avec la franchise Pokémon.
Sommaire
- Pokémon, une licence Nintendo comme les autres ?
- Game Freak, l'acteur majeur qui refuse de grandir
- Des délais de production insoutenables ?
Depuis que Pokémon est passé à la 3D et sur consoles de salon avec Pokémon Épée / Bouclier, on a régulièrement droit sur les réseaux sociaux à des débats autour de la question des graphismes à l'approche de la sortie d'un nouvel épisode. Si vous suivez l'actualité du jeu vidéo, vous vous souvenez sûrement que c'était déjà ce qu'il s'était passé en début d'année avec le lancement de Légendes Pokémon : Arceus. Malgré tout ce qui a déjà été dit, la question de savoir pourquoi les graphismes des nouveaux jeux de la franchise ne sont pas à la hauteur de ce qu'est capable d'offrir la Switch revient encore et se pose cette fois sur Pokémon Écarlate / Violet, les titres qui introduisent la neuvième génération de monstres de poche. Alors que leur sortie est imminente, on vous propose de comprendre ce qui passe avec Pokémon ces dernières années.
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Pokémon, une licence Nintendo comme les autres ?
Aux yeux du grand public, Pokémon est une des franchises de Nintendo comme les autres, à l'image de Mario, Zelda ou encore Animal Crossing, et pour cause, tous les jeux de la série sortent exclusivement sur les consoles de l'éditeur, si on omet les titres mobiles, bien sûr. Ainsi, nombreux sont ceux qui pensent que Nintendo possède Pokémon, mais les choses sont bien plus compliquées que ça. En réalité, les droits de Pokémon appartiennent à la Pokémon Company qui elle-même est détenue par trois acteurs différents : Nintendo, Game Freak, les développeurs du jeu dont on reparlera plus tard, et Creatures, qui s'occupe de certains produits dérivés, dont les cartes. Ainsi, la Pokémon Company gère les droits de la licence et détermine ce qu'il faut faire à l'avenir pour le bien de la franchise. Au sein de cette structure, Nintendo n'a pas un rôle actif, mais touche évidemment des recettes comme les autres propriétaires.
Si on se permet de bien préciser la place de Nintendo vis-à-vis de Pokémon, c'est pour répondre à l'interrogation de nombreux joueurs qui se demandent pourquoi le constructeur ne s'investit pas plus dans le développement des jeux de la saga. Après tout, pour ce qui est des open-worlds, l'entreprise commence à savoir y faire, comme l'a prouvé The Legend of Zelda : Breath of the Wild sorti pour le lancement de la Switch. D'ailleurs, si le projet est aussi réussi, c'est en partie parce qu'un certain studio a contribué au développement du titre et a apporté son savoir-faire : Monolith Software. Si ce nom ne vous dit rien, il s'agit des développeurs qui sont notamment à l'origine de la saga Xenoblade Chronicles, c'est-à-dire des jeux qui proposent de vastes étendues dans lesquelles les joueurs peuvent se balader. Mais puisque c'est Game Freak qui est en charge des jeux Pokémon et que l'entreprise reste indépendante, Nintendo ne peut pas apporter son soutien et son savoir-faire pour aider au développement.
Game Freak, l'acteur majeur qui refuse de grandir
Si on a déjà un premier élément de réponse pour comprendre la situation de Pokémon, le coeur de l'explication se trouve essentiellement lorsqu'on se penche sur Game Freak, le développeur historique de la saga. Sans retracer toute l'histoire de l'entreprise, rappelons qu'il s'agit au départ d'un fanzine, un magazine de fans, pour les passionnés de jeux vidéo qui décide un jour de devenir un studio pour créer ses propres jeux. Après plusieurs petits projets, l'idée de Pokémon arrive assez vite sur la table, avec le succès qu'on lui connaît par la suite. Cependant, alors que l'entreprise est devenue l'un des acteurs principaux de la franchise la plus rentable de l'histoire de l'humanité, rien que ça, Game Freak reste une structure de petite taille dont l'envergure n'a pas été bouleversée par l'ampleur de Pokémon.
À l'heure actuelle, Satoshi Tajiri, le fondateur de Game Freak à l'époque où il ne s'agissait que d'un fanzine, est toujours propriétaire et président du studio, et cela implique de nombreuses choses pour l'entreprise. Tout d'abord, elle n'a aucun compte à rendre en termes de rentabilité et de profit à des actionnaires ou tout autre investisseur, ce qui laisse la structure libre d'évoluer comme elle le souhaite. Cependant, on remarque que la volonté de l'entreprise est restée la même qu'à ses débuts, à savoir conserver un effectif modeste quoiqu'il arrive. Cela se ressent lorsque l'on regarde le nombre d'employés qui est minuscule comparé à ce qu'on peut voir dans l'industrie aujourd'hui.
D'après des chiffres rapportés par le journaliste Oscar Lemaire dans un article sur son site Ludostrie à propos des graphismes de Légendes Pokémon : Arceus, Game Freak aurait dépassé pour la première fois de son histoire les 50 employés à l'ère de la DS. Et si le studio a longtemps voulu ne pas s'agrandir encore plus, il y a été contraint par la force des choses, notamment entre 2014 et 2018 où les effectifs auraient doublé. Pour le développement de Pokémon Épée/Bouclier, il semble qu'environ 200 personnes aient bossé sur le projet, en comptant ceux qui n'ont été embauchés que le temps de la mission. Finalement, sur le site officiel, on apprend que 170 employés travaillent chez Game Freak en 2021.
Si ces recrutements ont été poussés par le fait que le développement de nouveaux jeux Pokémon demandait de plus en plus de ressources, Game Freak continue de produire à côté des titres qui lui tiennent à coeur. Quand on regarde en détail la façon dont les employés sont répartis au sein de l'entreprise, on se rend compte qu'une partie s'occupe de Pokémon, mais l'autre se charge des titres originaux. Malheureusement pour le studio, il s'agit de sorties relativement discrètes, à l'image de Little Town Hero publié en 2019 sur différents supports en plus de la Switch. Pas de quoi non plus découragée l'entreprise qui souhaite développer autre chose que des jeux Pokémon et qui, dans tous les cas, a de quoi compenser quelques échecs commerciaux compte tenu de sa trésorerie en excellente santé grâce à ce que lui rapporte la franchise.
Ainsi, la petite taille de Game Freak est un autre élément de réponse qui permet de comprendre la qualité graphique des derniers jeux Pokémon. Mais pour bien saisir la situation, on peut citer une phrase d'Oscar Lemaire, toujours dans le même article à propros de Légendes Pokémon : Arceus, qui résume parfaitement les choses : "Game Freak donne surtout l’impression de ne jamais avoir voulu rentrer pleinement dans le grand jeu du capitalisme".
Des délais de production insoutenables ?
Au-delà du petit effectif de Game Freak, un autre élément déterminant peut expliquer la qualité des graphismes des derniers jeux Pokémon : le temps. Vous l'aurez sûrement remarqué, mais on a tout de même droit très régulièrement à de nouveaux titres estampillés Pokémon, qu'il s'agisse d'épisodes de la saga principale qui introduisent une nouvelle génération de créatures, de la fameuse troisième version qui vient compléter les deux précédentes ou encore les remakes. Ainsi, avec presque 23 jeux rien que pour la série principale, Game Freak propose un nouveau titre Pokémon tous les un ou deux ans.
Pour preuve, entre 2016 et 2019, on a eu droit à un nouveau jeu par an, tandis qu'en 2022, c'est bien deux Pokémon développés par Game Freak eux-mêmes qui sortent la même année. En plus, il ne s'agit pas de n'importe quel titre, puisqu'entre Légendes Pokémon : Arceus et Pokémon Écarlate/Violet, on a à faire à un véritable renouveau de la série. Si Arceus servait d'épisode de transition en offrant de vastes zones ouvertes inédites (même si les Terres Sauvages d'Épée/Bouclier ont joué le rôle d'expérimentation), les prochains opus vont encore plus loin en proposant un véritable monde ouvert jamais vu jusque-là dans la saga. Mais avec deux jeux prévus pour sortir la même année, il a fallu faire quelques concessions, et c'est notamment ce qui explique pourquoi Pokémon Diamant Étincelant / Perle Scintillante sont les premiers remakes de la franchise à ne pas avoir été développés par Game Freak.
Pour bien comprendre pourquoi Game Freak est soumis à des délais de production aussi soutenus, il faut se rappeler que les jeux vidéo occupent un rôle central dans la franchise Pokémon. À chaque introduction d'une nouvelle génération, ce sont les jeux qui donnent le coup d'envoi, tandis que le dessin animé, les cartes et les autres produits dérivés suivent après. Dans cette logique, il est inconcevable qu'un titre de Game Freak soit retardé car cela aurait un impact sur toutes les entreprises qui créent des produits pour la franchise. C'est d'ailleurs pour cette raison que la fin d'année est devenue au fil du temps un rendez-vous incontournable pour les jeux Pokémon. Si Game Freak reste l'un des copropriétaires de la Pokémon Company, cela ne l'empêche pas pour autant de subir une certaine pression compte tenu de tout ce qui dépend de leurs jeux.
Avec des effectifs peu nombreux et des délais de productions particulièrement soutenus, il est alors compliqué pour Game Freak de réussir à proposer une qualité graphique à la hauteur des attentes des joueurs. Cependant, les choses pourraient peut-être bientôt changer. En 2021, le Pokémon annuel était un remake qui était produit pour la première fois par un autre studio que Game Freak. Si cela a permis à Game Freak d'avoir plus de temps de développement que d'habitude, c'est parce qu'il y avait deux (voire trois) projets en même temps : Légendes Pokémon : Arceus et Pokémon Écarlate/Violet. Malgré tout, si cette pratique de faire produire les remakes par d'autres studios devenait une habitude, alors cela laisserait beaucoup plus de temps aux développeurs de produire un jeu qui pourrait correspondre à ce que les joueurs attendent visuellement de la franchise.
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