Il y a 20 ans, le 4 octobre 2002, arrivait en France un des jeux les plus attendus de sa génération en la personne de Super Mario Sunshine. L'héritier tant espéré de Super Mario 64 n'a cependant pas reçu un accueil aussi élogieux que son ancêtre ou même son successeur, Super Mario Galaxy, et demeure en quelque sorte le "mal-aimé" de la série. Retour sur le seul Mario 3D à ne pas avoir fait l'unanimité… alors qu'il le méritait tout autant.
Lorsque la Game Cube (oui, "la") débarque dans nos foyers, sa puissance hors normes dans l'histoire de Nintendo est source des espoirs les plus fous pour les fans de la marque qu'ils appellent désormais "Big N". Il faut dire que la Nintendo 64 venait de constituer un relatif échec pour l'entreprise, avec 32,93 millions d'unités vendues, ce qui représentait littéralement moins d'un tiers des exemplaires écoulés du côté de la concurrente PlayStation. Tout n'avait pourtant pas été loupé sur N64, à commencer par le premier jeu en trois dimensions du constructeur japonais, l'exceptionnel Super Mario 64, chef-d'œuvre intemporel souvent imité et quasi jamais égalé. Très attendu, son héritier légitime Super Mario Sunshine s'était cependant longuement fait attendre, paraissant plus de 6 ans après son illustre aîné, et avec tout le poids des ambitions d'une marque sur ses épaules. Et si sa réception critique fut excellente, il demeure le moins aimé de tous les Mario 3D, la faute à tout un tas de prises de risques parfois incomprises du grand public. L'heure de la rédemption est donc venue : il faut réhabiliter Super Mario Sunshine.
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Nous rappellerons quand même que Super Mario Sunshine avait été crédité d'un 18/20 sur JV à sa sortie, et que c'est une opinion qui sera grandement soutenue dans ces lignes.
Sommaire
- Un jour à marquer d'une pierre blanche
- 6 ans d'attente pour succéder à un "game changer"
- Sous le soleil, beaucoup de nouveau…
- … et des gros nuages à l'horizon
- Une véritable grande aventure qui en J.E.T.
- Après la plume, l'encre à l'honneur
- L'école du level design, par Nintendo
- Un coup de pinceau controversé
- Bien sûr que c'est un Mario, et un très bon !
Un jour à marquer d'une pierre blanche
S'il ne signifiait pas grand-chose pour nos autres Européens, le 4 octobre n'était pas forcément un jour idéal pour publier une exclusivité Nintendo. En 2002, ce jour marquait en effet le 5è anniversaire de la mort de Gunpei Yokoi, un des employés les plus illustres de l'histoire de l'entreprise, dont je vous contais récemment les grandes lignes de la trop courte carrière. C'est en tout cas ce jour que Super Mario Sunshine apparut dans les magasins spécialisés à travers l'Europe, et à titre personnel, je l'attendais comme rarement j'avais attendu la sortie d'un nouveau jeu vidéo. Pour vous situer, en octobre 2002, je n'avais encore que 16 ans et venais de rentrer en terminale, mais accordais à peu près autant d'importance à mon existence "virtuelle" en pleine expansion sous le pseudo de Mario86. Je traînais plus que de raison sur les forums de jeuxvideo.com, notamment celui intitulé "Autres Consoles" faisant office d'espace de discussion dédié aux "oldies" avant d'être absorbé par le forum Retrogaming quelques années plus tard, mais aussi sur le bla-bla encore unique à l'époque. Et surtout, j'entretenais quasi quotidiennement un fansite dédié à mon idole d'enfance, ce plombier moustachu bedonnant ayant inspiré ma première identité en ligne.
Désireux d'en rédiger un test le plus tôt possible, et même convaincu à l'époque que j'allais devancer celui de mon site web préféré, j'avais réservé le précieux sésame dans une certaine enseigne "au M bleu" qui m'avait informé, une semaine avant sa sortie, qu'il y aurait de grandes chances que la grosse exclusivité Game Cube du moment soit disponible "dès mercredi, voire mardi". C'est donc mardi 1er octobre 2002, jour de parution d'un Hitman 2 : Silent Assassin dont je n'avais que faire, que je me privai sans regret du passage prévu au self du lycée, emportant le budget prévu à cet effet pour régler une partie de ma réservation le midi même, et frimer auprès des potes avec qui on se tirait la bourre depuis quelques mois déjà sur Super Smash Bros. Melee. J'ai passé l'après-midi à crever de faim et à me faire porter pâle (ce qui aurait pu être crédible) pour partir plus tôt et insérer encore plus vite que prévu le disque dans une console qui en redemandait déjà, après un Luigi's Mansion aussi magnifique que trop court. Mais j'ai tenu bon : une nouvelle aventure inédite de Super Mario, ça se mérite.
6 ans d'attente pour succéder à un "game changer"
L'énorme engouement que suscitait Super Mario Sunshine, aussi bien auprès de votre (jeune) serviteur que de l'ensemble des joueurs un minimum concernés par ce nouveau titre, devait bien trouver son origine quelque part. Et pour cause : cette production avait pour but de succéder à celui que l'on considérait déjà comme un des plus grands jeux vidéo de l'histoire, un certain Super Mario 64. La cartouche magique accompagnant la Nintendo 64 à son lancement avait constitué une des rares satisfactions de la machine tout en jouant les "game changers", un double statut qu'il partageait avec le mythique The Legend of Zelda : Ocarina of Time. En 1996, Super Mario avait réussi à la perfection un passage à la 3D sur lequel beaucoup de licences s'étaient cassé les dents, s'offrant même le luxe d'avoir une longueur d'avance sur tout un tas de nouvelles franchises nées avec les technologies de l'époque. Crash Bandicoot, mascotte de Sony propulsé à l'époque sur la rivale PlayStation, avait constitué le seul "ennemi" digne de ce nom sur une génération entière où le bien trop tendre Spyro the Dragon s'était un peu brûlé les ailes en tentant d'imiter le maître.
Dans de telles conditions, c'est à une pression très importante que Nintendo exposait sa nouvelle création, attendue de pied ferme par de nombreux fans, qui soit découvraient à peine internet, soit continuaient de s'informer de l'actualité du jeu vidéo dans des magazines papier. À la fin des années 1990, les joueurs espéraient des nouvelles d'une suite de Super Mario 64, surtout lorsque Shigeru Miyamoto lui-même annonce qu'elle est en développement. Sa déclaration de décembre 1997 allait en effet dans le sens d'un "Super Mario 64-2" en cours de développement pour le 64DD, périphérique connecté à la Nintendo 64 qui connut un tel échec qu'il ne sortit qu'au Japon, et en fin de vie de la console. En novembre 1999, le père de Mario confirma qu'un prototype de jeu incluant Mario et Luigi tournait à son bureau depuis plus d'un an, et que cela pouvait tout à fait devenir un jeu complet à terme, revenant sur les détails accordés dans une interview à Nintendo Power en décembre 1998. À l'époque, lorsque Nintendo croyait sans doute encore en sa "N64", il estimait déjà que ce futur projet tournerait probablement sur un nouveau système de jeu. Selon lui, il était même envisagé que le jeu soit jouable à quatre simultanément, mais que cela réduirait trop la taille de l'espace de jeu, bien qu'un tel défi soit totalement du type de ceux qu'il voulait relever.
À l'époque, Nintendo organisait encore un événement annuel baptisé "Space World", dont la dernière édition eut lieu en 2001. Durant l'édition d'août 2000, celle que l'on commençait vaguement à surnommer "la firme de Kyōto" créa l'événement en y dévoilant à la fois sa nouvelle génération de consoles portables, la Game Boy Advance, mais aussi la Game Cube, future héritière d'une N64 qui venait pourtant de souffler ses quatre bougies deux mois plus tôt. Une démo technique retint surtout l'attention générale : un certain "Super Mario 128", dévoilant de nouvelles technologies telles la génération rapide, réutilisée dans des titres comme Pikmin, ou encore la marche sur des sphères en trois dimensions que l'on reverra de longues années plus tard dans The Legend of Zelda : Twilight Princess ou encore Super Mario Galaxy. Si M. Miyamoto avait déjà évoqué le nom "Super Mario 128" durant le développement du projet de suite à Super Mario 64, c'était la première fois qu'on le voyait tourner, et le résultat était bluffant, puisque la démo affichait un immense Mario se divisant en 128 petits clones sur un immense plateau. L'objectif était cependant ici davantage de promouvoir la puissance de la Game Cube, annoncée à cette même occasion, que de dévoiler un nouveau jeu. Super Mario Sunshine ne sera finalement annoncé qu'à l'ultime édition du Space World, en 2001, en même temps que The Legend of Zelda : The Wind Waker, et M. Miyamoto confirmera peu après l'E3 2002 que Super Mario 128 est bien un autre projet que Super Mario Sunshine. Il faudra attendre la GDC de mars 2007 pour que le plus célèbre des game designers admette que Super Mario 128 n'était qu'une démo et n'avait jamais été prévu pour sortir en tant que jeu complet, et qu'il n'avait jamais non plus constitué une quelconque beta de Super Mario Galaxy.
Il était évident que nous travaillions sur la démo de Super Mario 128 que nous avions montré au SpaceWorld et, séparément, nous travaillions également sur des tests que nous avons intégrés à Super Mario Sunshine.
– Shigeru Miyamoto (crétateur de Mario) pour "Computer and Video Games", été 2002
Sous le soleil, beaucoup de nouveau…
La révélation de Super Mario Sunshine le même jour que celle de The Wind Waker n'est pas totalement le fruit du hasard. En effet, sur Game Cube, Nintendo se montrera d'une audace rare, déconstruisant quasiment l'intégralité de ses licences phares : Mario Kart : Double Dash !! apportera de nouveaux types de véhicules, supprimera la mécanique de saut et intégrera la coopération ; Metroid Prime transformera le jeu d'action-aventure en vue de côté en un FPS, quand StarFox Adventures oubliera le "rail shooter" au profit de l'aventure à la troisième personne. Quant au nouveau Zelda, c'est surtout sa direction artistique qui changea radicalement la face de la saga, avec un cel-shading fort décrié à l'époque, mais de plus en plus apprécié au fil des ans tant il vieillit bien. Super Mario, lui, va également subir la loi de cette étonnante mode du moment, en ne se contentant plus d'être un simple jeu de plates-formes. Si les mécaniques de jouabilité et la construction des niveaux seront principalement inspirées de Super Mario 64, ce nouvel opus introduira un scénario bien plus poussé, de vrais PNJ un peu partout dans son environnement, ainsi que des améliorations de gameplay à débloquer. Alors non, on n'est pas sur une suite en 3D de Super Mario RPG : Legend of the Seven Stars et/ou de Paper Mario, mais une nouvelle direction est prise sur pas mal d'aspects.
Cependant, Nintendo n'est pas du genre à se louper lorsqu'il tente d'innover et prend des risques. Certes, il y a bien des exceptions qui confirment la règle – on pense à toi, Virtual Boy – mais dans l'ensemble, la majorité des "paris" de l'entreprise furent de grandes réussites, et l'avenir le prouvera encore un peu plus avec la Wii quelques années plus tard. Super Mario Sunshine, sur le papier, fut un franc succès aussi bien critique que commercial, remplissant le challenge avec brio : l'éditeur en écoula 6,28 millions d'exemplaires, ce qui est évidemment un moins bon score que les 11,91 millions de Super Mario 64, titre néanmoins distribué sur une console s'étant bien moins mal vendue que la Game Cube, à l'échec commercial aussi triste qu'injuste (21,74 millions d'unités seulement, contre les 32,93 de sa devancière). Ce fut quand même le troisième jeu le plus vendu de la console, pas si loin du surprenant (mais méritant) Super Smash Bros. Melee (7,14 millions) et de l'évident Mario Kart: Double Dash!! (6,94 millions), licences désormais systématiquement mieux vendues sur chaque nouvelle console Nintendo que le Mario 3D qu'elle accueille. Quant aux critiques, elles furent très positives, en tout cas en apparence : 18/20 chez jeuxvideo.com donc, 9/10 chez nos confrères de GameKult, ou encore 37/40 chez Famitsu et 9,4/10 chez IGN. Aujourd'hui, le score Metacritic de Super Mario Sunshine est de 92/100, affublé de l'étiquette "must-play". Une réussite, a priori.
… et des gros nuages à l'horizon
Pourtant, sur de nombreux aspects, Super Mario Sunshine demeure très décrié. Tout d'abord, puisque j'évoque Metacritic, il convient de souligner que 92/100 est une moyenne presque trop faible pour un Mario 3D. Super Mario 64 bénéficie d'un 94 qui semble étonnament sévère en comparaison du légendaire (et unique) 99 de Ocarina of Time, là où les deux Super Mario Galaxy et Super Mario Odyssey ont carrément atteint 97. Ce qui n'est peut-être qu'un détail pour vous veut en réalité dire beaucoup, et pas que pour moi : là où Nintendo vise systématiquement l'excellence, Super Mario Sunshine ne l'atteint peut-être pas assez. Tout juste se contente-t-il d'être "juste excellent" quand ses semblables, eux, sont exceptionnels. En cause notamment, certaines notes plus sévères comme celles de GameSpot (8/10), assez critique sur le système de caméra, l'usage plutôt erratique de Yoshi ou un voice acting qui ne va pas au bout de ses promesses, les PNJ ne s'exprimant que par courtes interjections en-dehors des cinématiques. Ah oui, un "défaut" que se traîne encore comme un boulet un certain The Legend of Zelda : Breath of the Wild 15 ans plus tard. Plus surprenant encore, le critique américain déplore l'usage de J.E.T., la nouvelle arme de Mario, pourtant considérée par beaucoup comme très novatrice. Les réactions de nombreux joueurs (et j'en faisais partie), qui à défaut de réseaux sociaux se faisaient déjà entendre sur des forums de discussion, confirmeront également que ce nouveau Mario divise davantage que son prédécesseur : trop "réaliste" dans l'univers qu'il dépeint, voire trop éloigné des habitudes de la série, le look de ses PNJ agace et sa bande originale moins marquante irrite même parfois. Ça commence à faire beaucoup.
Il suffit en effet de faire le tour d'horizon des grands fans de Super Mario et de l'univers Nintendo en général pour se rendre compte que Super Mario Sunshine, même 20 ans après sa sortie, ne fait pas toujours pas l'unanimité, surtout depuis que certains de ses héritiers sont passés par là. De son côté, Super Mario 64 est universellement encensé pour son aspect "game changer" et considéré comme un des plus grands jeux vidéo de tous les temps, dont le seul défaut est d'avoir vieili (et encore, j'estime à titre personnel qu'il s'agit du seul jeu N64 encore agréable à jouer sur son support d'origine un quart de siècle après). Les deux Super Mario Galaxy semblent toujours autant convaincre les joueurs, de par l'incroyable magie "à la Nintendo" qui s'en dégage, et leurs multiples appels du pied au constructeur pour que Super Mario Galaxy 2 soit enfin porté à son tour sur Nintendo Switch en disent long. Quant à Super Mario Odyssey, même s'il semble encore trop récent pour en juger, et qu'il ne bénéficie pas de l'aura que Super Mario 64 avait pu avoir à l'époque, il ne paraît pas souffrir d'autant de reproches que le presque "mal-aimé" de la Game Cube, hormis peut-être ses 999 lunes à la répartition hasardeuse. Non, définitivement, Super Mario Sunshine est un peu le vilain petit canard des Mario 3D, la faute à tout un tas d'éléments de gameplay et de construction globale qui n'ont pas autant marqué les esprits sur la durée, ou bien s'avéraient déjà discutable en leur temps. Et ça, permettez-moi de le dire, je trouve que c'est cruel, pour ne pas dire injuste.
Une véritable grande aventure qui en J.E.T.
Pourtant, et je ne vais pas y aller avec le dos de la cuillère, Super Mario Sunshine est un très grand jeu vidéo, et même mieux que ça : c'est un Mario exceptionnel qui n'a rien à envier aux autres, en partie parce qu'il veut s'en démarquer et a raison de le faire. Si je n'irai pas jusqu'à dire que certains auraient mieux fait de s'en inspirer, je ne vous cacherai pas que j'ai déploré en 2007 le retour en arrière assez flagrant (bien que compréhensible) opéré par Super Mario Galaxy en terme de sensations de liberté et d'ouverture globale en ce qui concerne l'exploration. Comme déjà évoqué en amont, Super Mario Sunshine relève souvent davantage du jeu d'aventure que du platformer pur, achevant la transition déjà opérée d'une certaine manière par Super Mario 64, plus orienté exploration que n'importe quel Mario 2D. Une vision qu'il devait par ailleurs en partie à l'exceptionnel Super Mario World 2 : Yoshi's Island, au développement quasi contemporain, mais qui avait introduit le concept de complétion à 100% et de contenus annexes avec sa collection de pièces rouges et de fleurs. D'une certaine manière, Super Mario Sunshine n'est que le prolongement d'une évolution logique de la formule sur la grosse décennie qui l'a précédée, puisque dès le début des années 1990, Super Mario World nous incitait déjà habilement à arborer avec fierté ses 96 sorties sur l'écran de sélection des parties.
En outre, le choix de structure global de Super Mario Sunshine rappelle quand même beaucoup celui de Super Mario 64 : s'il n'y a plus 120 étoiles à collecter pour compléter le titre à 100%, celles-ci sont remplacées par un total de soleils identiques, dont l'identité est évidemment définie par la thématique insulaire de l'environnement conçu par Kenta Usui (concepteur de niveaux sur Yoshi's Island et de donjons sur The Legend of Zelda : Majora's Mask, excusez du peu !) et Yoshiaki Koizumi. Ce dernier, co-réalisateur des nouvelles aventures de Mario, s'était illustré par le passé en écrivant le scénario fascinant de The Legend of Zelda : Link's Awakening, se déroulant dans le huis-clos d'une île mystérieuse (tiens donc !). Sur l'Île Delfino, au lieu de sauter dans les tableaux ornant les murs du château de la princesse Peach, on navigue entre les différents lieux touristiques de l'île, qui en constituent les niveaux, à travers des tours de passe-passe scénaristiques ingénieux contournant les limitations techniques de l'époque. Soucieux d'offrir une distance d'affichage digne ce nom dans chacune des zones visitées, et de ne pas s'encombrer d'un monde ouvert dont la solidité technique du jeu aurait souffert, l'équipe de développement de Super Mario Sunshine a choisi de séparer tous les niveaux en les connectant toutes à un "hub" central devenu légendaire : la place Delfino. Une certaine redite du château de la princesse, mais avec une cohérence d'ensemble bien plus forte, et une aventure plus réaliste.
Désireux de nous envoyer en vacances, ce dont nous autres Européens avions bien plus besoin dans la grisaille de début octobre que les Japonais chez qui le jeu était sorti le 19 juillet (ou même les Américains, chez qui il parut le 25 août), Super Mario Sunshine préfigure déjà un petit peu l'aspect "voyage touristique" de Super Mario Odyssey en donnant à chaque région de l'île un certain cachet, à qui il ne manque finalement que la petite brochure renseignant sur son lore. En cela, il s'affranchit des clichés des Mario habituels, souhaitant apporter plus de réalisme et ne plus nous faire alterner la traversée des prairies, montagnes enneigées, déserts de sable et cavernes sombres. Dans Super Mario Sunshine, chaque biome correspond aux environnements que peut offrir une île paradisiaque, de ses plages de sable fin aux jungles remplies de palmiers à la hauteur vertigineuse, en passant par le parc d'attractions, le port de pêche et l'hôtel de luxe avec son casino. Certes, il s'achèvera au sommet du volcan qui domine l'île, histoire d'offrir une conclusion "à la Mario" avec bains de lave et affrontement avec un Bowser ultra prévisible (seul moment pas forcément très réussi du jeu, soit dit en passant), mais dans l'ensemble, Super Mario Sunshine offre une aventure très originale, et il faut bien l'avouer, pour le moins déroutante, notamment parce qu'il tient à y inscrire un scénario complet. Une première dans l'histoire des jeux de la licence "Super Mario", dont les spin-off de type RPG sont bien entendu à part.
Après la plume, l'encre à l'honneur
Derrière l'idée d'un synopsis à rebondissements plus fouillé que d'ordinaire réside un certain Makoto Wada, connu en tant que père de Little Mac de la saga Punch-Out!!, mais aussi et surtout pour être l'homme derrière la quasi intégralité des scripts de la saga Animal Crossing depuis sa création (la série est née initialement en 2001 sur Nintendo 64, exclusivement au Japon). Super Mario Sunshine est le seul épisode de la franchise sur lequel il a travaillé, mais son œuvre demeure essentielle tant il lui a apporté. Si le célèbre doublage de Mario, assuré par Charles Martinet depuis Super Mario 64, se limite toujours aux mêmes onomatopées, Peach se voit désormais offrir des lignes de dialogues doublées, tout comme Papy Champi, son intendant. La cinématique d'introduction de Super Mario Sunshine, suivie de celle qui succédera à l'introduction jouable, nous met directement dans le bain : Mario a un véritable but précis sur l'Île Delfino, au déroulement bien plus scénarisé que d'ordinaire, et se voit offrir un nouvel ennemi mystérieux sous la forme d'un double translucide usant d'un pinceau magique pour polluer l'île… et faire accuser notre héros de ses méfaits. Je ne m'attendais personnellement pas à assister au procès de Mario, qui plus est avec un doublage anglais et des sous-titres, pour me voir ensuite confier une telle mission de réhabilitation du héros de mon enfance !
Si la nouvelle aventure de Mario semble en premier lieu tenir de la corvée écologique, et que le scénario demeure quand même cousu de fil blanc, on ne peut ici que saluer l'initiative et la prise de risques. Bien que la finalité, à terme, soit en fin de compte toujours la même – sauver Peach des griffes de Bowser – Nintendo fait entrer son héros, ses amis et ses ennemis dans une nouvelle dimension, celle d'une console à l'époque révolutionnaire et futuriste dont il ne veut pas négliger les capacités, injustement sous-estimées à l'époque en comparaison de la PlayStation 2. Non, cette dernière n'était pas spécialement plus puissante, bien que présentée comme telle à côté du cube violet aux allures de jouet pour enfants. D'ailleurs, la firme avait bien intégré que Super Mario Sunshine se devait d'être une vitrine technologique en plus de "briller" davantage que d'ordinaire côté écriture, et c'est en partie pour cela que la thématique de l'eau y est omniprésente. Dans une interview d'août 2002 accordée à Nintendo Online Magazine, et faisant office de "making of" du titre, M. Koizumi expliquait en effet que le hardware fut à l'origine du concept global, incluant la manette Game Cube qu'il estimait capable d'envoyer de l'eau à une puissance contrôlée par le joueur grâce aux gâchettes analogiques du pad. Takashi Tezuka, producteur et "bras droit" historique de M. Miyamoto, ajouta alors que l'idée de Super Mario Sunshine était, basiquement, de reprendre tout ce qui avait fait le succès de Super Mario 64 et d'y ajouter la gestion de l'eau en tant qu'arme. C'est ainsi que naquit J.E.T. ("Jerrican Expérimental Transformable"), le précieux outil de Mario servant de jetpack ou encore d'arrosoir, et qui donne son identité propre de gameplay au jeu.
J.E.T. est une arme conçue par le professeur K. Tastroff (celui ayant également créé l'Ectoblast 3000, l'aspirateur de Luigi's Mansion), et revêt très vite une importance capitale dans le gameplay du jeu, mais aussi son level design. Avec sa fonction "jetpack" disponible par défaut dès que Mario en fait l'acquisition, les possibilités d'exploration sont multipliées dans des proportions ahurissantes. S'il ne peut pas voler éternellement à proprement parler (tout comme avec la cape de Super Mario World ou la queue et les oreilles de raton-laveur de Super Mario Bros. 3), il dispose néanmoins d'un temps de flottement confortable dans les airs, tant que son réservoir n'est pas à sec. Ce dernier, qui se vide également en tirant de l'eau sur les ennemis et toutes les sources de pollution à nettoyer sur l'île, se remplit dans n'importe quelle zone aqueuse, qu'il s'agisse de l'océan entourant l'île ou de petits plans d'eau, jusqu'aux jets émanant des fontaines. La jouabilité basée sur l'usage de J.E.T. est extrêmement complète et d'une redoutable précision, et rend Super Mario Sunshine extrêmement agréable à jouer, ne souffrant en effet que de petites errances d'une caméra 100% libre au second stick, une première dans la série pas encore parfaitement maîtrisée sur le bout des doigts, il faut bien le reconnaître. Plus tard dans l'aventure, Mario améliorera par ailleurs cet outil révolutionnaire, lui permettant de se propulser dans les airs tel une fusée, ou de courir à une vitesse folle, sur la terre comme sur l'eau. À noter que selon M. Usui, certains types de buses initialement prévus ont été finalement retirés suite à "toutes ces polémiques aux États-Unis" (sic), faisant sans doute référence au contexte particulièrement lourd de l'époque au pays de l'Oncle Sam, entre attentats du World Trade Center et tueries de masses tristement notoires. Il ajoutera que la capacité de Yoshi à vomir (!) a également été retirée durant le développement, ce dont on ne se plaindra pas.
L'école du level design, par Nintendo
Qu'on se le dise une bonne fois pour toutes : en dépit d'une caméra quelque peu imparfaite, la jouabilité de Super Mario Sunshine est exemplaire, et ceci d'autant plus qu'elle se veut complexe, en tout cas beaucoup plus que celle de Super Mario 64. Certes, les buses de J.E.T. ne font que supplanter, en nombre équivalent, les casquettes de Mario dans l'opus Nintendo 64, mais elles contribuent infiniment plus à l'exploration, ceci d'autant plus que leur usage est bien plus fréquent, et surtout bien moins limité dans le temps. La grande force du gameplay de Super Mario Sunshine réside ainsi dans l'utilisation qui est faite de son gimmick principal, ce qui contribue qui plus est à une grande verticalité des zones à explorer. Il est particulièrement grisant de chercher à atteindre le sommet du labyrinthe de grilles qui surplombe le port Ricco, ou bien des falaises vertigineuses donnant sur la sublime baie Noki ! Comme toujours, dès qu'il est question de jouabilité, Nintendo met les petits plats dans les grands et soigne l'ensemble plus que de raison, et on ne pourra finalement que déplorer l'absence du saut en longueur de Mario, devenu cependant quelque peu caduc avec un jetpack qui s'y substitue à merveille. Super Mario Sunshine exploite à la perfection une des meilleures manettes que la firme ait jamais conçue, exception faite de sa croix de direction minuscule (que feu Gunpei Yokoi n'aurait sans doute pas tolérée), de toute évidence empruntée à une GBA et qui n'a rien à faire sur le pad d'une console de salon… et qui heureusement, est quasi inutilisée ici. M. Tezuka reconnaîtra par ailleurs que cette manette était idéale pour exploiter le plein potentiel des idées de Nintendo Entertainment Analysis & Development (EAD) sur ce titre.
Cependant, il y a un "mais". Là où le bât blesse, c'est que Super Mario Sunshine est effectivement un platformer moins abouti que ne le fut son illustre ancêtre lorsque cela touche aux mécaniques de plate-formes basiques. À plusieurs reprises durant l'aventure, Antimario dérobera J.E.T. à notre héros, le rendant subitement quelque peu impotent ; pourtant, il ne se retrouve ni plus ni moins que dans les conditions qui ont toujours été les siennes, à savoir celles d'un super héros doté de performances d'exception qui l'interdiraient de participation aux épreuves du saut en longueur et/ou du triple saut aux Jeux Olympiques. Mario semble alors comme désarticulé et perdu face aux séquences qui s'offrent à lui, qui relèvent plus de la galère qu'autre chose, face à un level design pas pensé pour lui. Il aura fallu quinze ans pour que je trouve une comparaison pertinente, mais dans (l'également très sous-estimé) Gravity Rush 2, lorsque Kat pert ses pouvoirs gravitationnels, elle devient un personnage particulièrement médiocre à diriger, et pas adaptée aux séquences de type "plate-forme" dans laquelle elle est propulsée. Dans Super Mario Sunshine, les phases où on incarne un Mario privé de J.E.T. (et qui n'a plus grand-chose de "super") sont du coup un peu frustrantes, et on le comprend encore mieux lorsque l'on réalise qu'elles sont prévues pour être jouées à deux reprises, la seconde favorisant des retrouvailles bienvenues avec un équipement qui les rend subitement moins pénibles.
Alors certes, et je ne serai certainement pas le dernier à m'en réjouir, la difficulté accrue de ces séquences apporte un plus non négligeable à une licence qui ne se spécialisait pas encore dans le "easy to beat, hard to master" avec du contenu post-fin représentant un challenge corsé pour celles et ceux souhaitant le terminer à 100%. Super Mario Sunshine est, à l'époque de sa sortie, considéré à juste titre comme l'épisode le plus "difficile" de la licence, notamment parce que parvenir au terme de son scénario requiert d'avoir déverrouillé plus de la moitié de son contenu, et que cette mission est bien plus ardue que dans Super Mario 64. Les soleils ne tombent pas comme des mouches, chacun d'entre eux requérant d'accomplir une quête d'une certaine densité, et surtout, la quête secondaire principale est particulièrement compliquée. Faute de pouvoir rajouter d'autres zones sur l'île dans les délais impartis pour publier le jeu à temps, Nintendo EAD a tranché dans le vif et introduit la collection de pièces bleues, qui font jaser depuis deux décennies maintenant. Quête secondaire de génie ou remplissage inutile ? Il y a un peu des deux. En rajoutant un "collectible" présent en quantité gargantuesque dans les neuf régions principales à explorer dans son jeu, le développeur japonais en a aussi bien artificiellement rallongé la durée de vie que donné une bonne raison de visiter chaque recoin de l'île fascinante qu'il a créée. Il y a deux manières d'accueillir cette collecte de pièces bleues, et l'aficionado des "100%" que je suis privilégie clairement la seconde option ici.
Un coup de pinceau controversé
Si Super Mario Sunshine mérite d'être exploré, c'est aussi en grande partie parce que les artistes derrière la conception de l'île Delfino ont globalement fait merveille. Le dernier-né de Nintendo ne se contente pas que de tirer parti de la puissance de la Game Cube et d'offrir un rendu aquatique de toute beauté : il cherche également à se distinguer avec une patte artistique propre, évidemment colorée comme le veut historiquement la licence, mais aussi et surtout à créer une atmosphère qui tranche résolument avec l'ordinaire. Fini le Royaume Champignon et son caractère déjà exploité jusqu'à l'excès, Super Mario Sunshine veut nous faire voyager, et c'est un thème clairement assumé ! M. Usui indiquera par ailleurs, toujours dans le cadre du même "making of", qu'une partie du staff a visité une station balnéaire du sud-est asiatique pour trouver l'inspiration qui donnera naissance au cadre de l'île Delfino, en plus de nombreuses photos d'îles ayant servi de documentation préalable. Il en résulte une ambiance souvent paradisiaque, voire relaxante, bien que soumise à la menace permanente de cette pollution omniprésente qui gâche les vacances de Mario et de ses amis. Tout est fait pour que le joueur se sente investi d'une mission de nettoyage visant à ramener la paix sur cette île magnifique et d'enfin mieux en profiter, et fort heureusement, on est récompensé au fil de la progression puisque la lumière et la propreté reviennent au fil des missions que l'on accomplit.
En terme de direction artistique, néanmoins, un éternel bémol revient régulièrement lorsque l'on évoque Super Mario Sunshine : le design de la population de l'île Delfino. Les Piantas, puisque c'est ainsi qu'ils s'appellent, se distinguent par leur tenue vestimentaire très insulaire, rappelant les pagnes hawaiiens, et coiffés d'une sorte de palmier en guise de couvre-chef. Leur allure a souvent fait débat (et rarement l'unanimité), bien plus que la relative hostilité dont ils font preuve à l'égard de Mario, à peu près justifiée bien que témoignant d'une certaine stupidité, assez "cartoon" finalement. Toutefois, la présence de ces autochtones en grand nombre favorise beaucoup de lignes de dialogue, rompant ainsi avec efficacité le rythme d'un jeu pas seulement orienté action, mais qui assume son identité "aventure et exploration" jusqu'au bout. Alors oui, ils n'offrent pas à Super Mario Sunshine un lore dense et digne d'un RPG, mais ils ont leur charme et l'aventure ne serait clairement pas la même sans eux. Soucieux d'offrir un contexte à chaque mission rétribuée d'un soleil en la scénarisant, Nintendo donne un rôle important à ces PNJ, à défaut de les rendre particulièrement attachants (leurs congénères de petite taille, les Noki, l'étant un peu davantage pour le coup). Pour l'époque, s'agissant d'un coup d'essai dans la saga, cela restait quand même tout à fait honnête, aussi irritants puissent être certains des habitants de l'île !
Enfin, vous aurez remarqué que si j'ai plusieurs fois évoqué les doublages (succincts) des personnages, à aucun moment je ne suis revenu sur la question de la bande son. Et pour cause : c'est sans doute sur l'aspect musical que Super Mario Sunshine est, probablement objectivement, le plus décevant. Alors que Super Mario 64 nous avait charmés de bout en bout au rythme des compositions fantastiques du maître Kōji Kondō, son "apprentie" Shinobu Tanaka livre une partition certes très réussie, et collant à la perfection à l'atmosphère paradisiaque demandée par Nintendo, mais qui ne marque pas autant les esprits. On retiendra cependant le thème principale de la place Delfino, bercé par un accordéon devenu mythique et qui constituera la signature musicale principale du titre, mais on déplorera surtout la relative uniformité des compositions, certaines étant trop en retrait, d'autres parfois un peu agaçantes. La future épouse de Kenta Nagata (auteur des musiques de plusieurs Mario Kart et d'autres jeux de plate-forme du plombier italien), avec qui elle composera par ailleurs la bande originale de Mario Kart: Double Dash!!, n'a cependant pas pour autant livré un travail décevant. Déjà présente sur Luigi's Mansion sous la supervision de Kazumi Totaka, autre légende à l'origine d'innombrables thèmes inoubliables, celle qui est ensuite devenue Shinobu Nagata a contribué à sa manière à l'ambiance si particulière et si peu "Mario" de cet épisode mal-aimé, et mérite elle aussi d'être associée à cette œuvre un peu trop injustement décriée.
Bien sûr que c'est un Mario, et un très bon !
Si Super Mario Sunshine est aussi "controversé" (le mot reste fort, d'où les guillemets), c'est certainement en raison de sa grande singularité. Souvent, les détracteurs d'un jeu, lorsque ce dernier prend des risques et s'affranchit des canons de sa licence, aiment dire qu'il n'appartient pas à la série, comme par exemple "Breath of the Wild n'est pas un Zelda". Il y a fort à penser que pas mal de joueurs perçoivent Super Mario Sunshine à travers ce prisme, et que pour eux, ce n'est pas un Mario. On rappellera toutefois que ce sont les ayant droit qui décident de ce qui appartient à une saga ou non, et dans le cas de cet épisode un peu à part de Super Mario, le "making of" maintes fois cité en est la parfaite illustration. Ici, M. Koizumi explique que Nintendo avait commencé à développer ce titre durant plusieurs mois sans savoir que ce serait un jeu Mario. Selon lui, la firme a mis environ trois mois à réaliser qu'elle aimerait y intégrer le plombier moustachu, avant d'ajouter que "ce jeu est exactement ce dont la franchise Mario a besoin" (sic) puis que "profiter de ce jeu vous fera vous sentir en vacances", rien que ça. Une opinion corroborée par M. Tezuka lui-même :
Je suis très excité à l'idée de voir ce que ce jeu va apporter à l'univers de Mario. Je suis ravi que ces deux hommes (NDLA : Yoshiaki Koizumi et Kenta Usui) apportent à Mario du sang neuf, ce que j'apprécie en tant que créateur des précédents jeux. Je vous invite à jouer et à apprécier ce jeu dans ses moindres recoins.
– Takashi Tezuka (réalisateur, producteur ou superviseur de la majorité des jeux Nintendo, et surtout des Mario et Zelda, depuis 1985)
Nintendo n'a par ailleurs jamais considéré Super Mario Sunshine comme un échec, si l'on en juge par sa présence dans la compilation Super Mario 3D All-Stars sortie en septembre 2020 pour les 35 ans de Super Mario. L'île Delfino a par ailleurs été mise à l'honneur sur plusieurs circuits de la saga Mario Kart, une arène dans les derniers Super Smash Bros., ou encore sur un plateau de Mario Party 6, pour ne citer qu'eux. Les soleils seront également réutilisés dans le mode Bataille de certains Mario Kart, et J.E.T. dans Super Smash Bros ; quant aux personnages comme Papy Champi ou le mini-boss Flora Piranha, on les reverra régulièrement par la suite dans d'autres épisodes de la licence. En outre, la volonté de trancher avec les habitudes d'une série qui tournait un peu en rond, tout en accouchant d'un opus universellement acclamé à chaque fois, était bien réelle de la part de l'équipe directrice du projet, qui l'a toujours assumé. Selon M. Tezuka, il avait été convenu de partir d'une feuille blanche et de se distinguer des Mario habituels, ce que M. Koizumi confirma en affirmant une vision assez radicale :
Vu qu'il s'agissait d'une station balnéaire, il fallait travailler le décor dans les moindres détails dès le début. Nous voulions que ce jeu soit plus réaliste que Super Mario 64. J'ai pensé que ce serait intéressant de voir Mario sauter du haut d'un immeuble de trois étages, plutôt que de sauter par-dessus les environnements traditionnels de la série.
– Yoshiaki Koizumi (réalisateur puis producteur de nombreux Mario et Zelda depuis 1991)
Loin de ces considérations et nullement influencé par ces propos évidemment très positifs émanant de la maison-mère, j'avais cependant immédiatement succombé au charme de l'Île Delfino et de ses environnements, des bucoliques collines Bianco au bouillant mont Corona la surplombant, et en passant par le pittoresque village Pianta et la relaxante Gelato-les-flots. Super Mario Sunshine avait occupé le plus clair de mon temps en octobre 2002, entre rédaction (que j'admets quelque peu hâtive) d'un test sur mon site personnel et complétion de la quête des 120 soleils, et si je n'avais pas autant de références à l'époque avec lesquelles le comparer, y avoir rejoué il y a deux ans sur Switch avec beaucoup plus de recul ne fit que confirmer tout l'amour que j'avais pour ce titre. Il fut le premier dont j'écrivis par moi-même une soluce il y a 20 ans, toujours pour ce même fansite (allez, nommons-le, c'était Mario Museum), sans avoir la possibilité de vérifier mes dires sur d'autres sites ou guides, et comme pour boucler la boucle, je l'ai même remis à jour pour le publier sur JV près de vingt ans plus tard… comme le plus beau des symboles. Oui, Super Mario Sunshine est un de ces jeux qui ont marqué ma vie, et un de ceux qui justifient le plus mon amour inconsidéré pour cet italien à gros nez rondouillard à qui je dois tant.
Super Mario Susnhine est-il le meilleur platformer d'une saga qui a donné ses lettres de noblesses au genre ? Pas vraiment. En revanche, il est un excellent jeu d'aventure qui tire parti de plus de quinze ans d'expérience d'une équipe terriblement douée et créative, et qui surtout, ne voulait pas se contenter d'une bête suite trop facile à Super Mario 64. Si ce premier Mario "128-bit" n'a pas eu l'impact de son prédécesseur sur l'industrie du jeu vidéo, et qu'il ne sera de fait jamais aussi légendaire que lui, il n'en reste pas moins un étonnant pari réussi de plus par une firme soucieuse de faire entrer sa mascotte dans une nouvelle génération. Désireux de profiter à fond des capacités d'une Game Cube au potentiel stupéfiant, Nintendo offrait alors à son mythique plombier une aventure surprenante et décalée capable de rompre avec des habitudes trop ancrées. Si cette dernière se montre moins consensuelle que l'évident Super Mario 64, et que la grâce et la magie des Super Mario Galaxy la feront sombrer injustement dans l'oubli, l'épopée insulaire du célèbre moustachu n'en demeure pas moins un jeu vidéo passionnant, et qu'il serait dommage d'ignorer, surtout depuis que la Nintendo Switch lui a offert la cure de jouvence qu'il méritait. D'ailleurs, vous savez quoi ? Je vais y rejouer ce soir, et sur Game Cube, pour fêter cet anniversaire dans les conditions d'époque, et me rappeler à quel point c'était (et c'est toujours) un très grand jeu vidéo.