Avec Super Mario Bros. Wonder, Nintendo peut respirer. Pourtant, la mission de donner une cure de jouvence à une série vieille de presque 40 ans n’était pas facile sur le papier. Pour réussir telle prouesse, les papas de Mario ont décidé de sortir des sentiers battus.. tout s’inspirant des jeux vidéo en trois dimensions du plombier.
Super Mario Bros. Wonder : le challenge de se surpasser pour Nintendo
Prodigieux, merveilleux, éblouissant… Les superlatifs ne manquent pas quand il s’agit de décrire Super Mario Bros. Wonder, sorti sur Nintendo Switch le 20 octobre dernier. Chez JV, on considère que c’est le meilleur depuis New Super Mario Bros. Wii. Sorti il y a 14 ans, ce dernier avait déjà réussi à rafraîchir une formule en perte de vitesse en intégrant le multijoueur en local. Un défi qui s’est vite imposé à eux de nouveau. New Super Mario Bros. U et New Super Mario Bros 2 ne réussissent pas à séduire. Nintendo arrive avec Super Mario Maker : un titre communautaire où ce sont les joueurs qui créent les niveaux à la Mario Bros. Une espèce de titre dérivée de la série (il n’en porte pas le nom) qui permet à l’entreprise de se donner le temps de chercher de nouvelles idées.
Du temps, il en fallait pour trouver des idées surpassant celles des joueurs avec Super Mario Maker 2. Beaucoup considéraient alors que ce dernier avait rendu obsolète la série des Super Mario Bros. Dans une interview publiée sur le site officiel de NIntendo, c’est Takashi Tezuka (producteur de Wonder, impliqué depuis 39 ans sur le développement des jeux Mario) et Koichi Hayashida (réalisateur de Super Mario 3D World et producteur de Super Mario Odyssey) qui en parlent.
Tezuka : À l'époque, certains journalistes et joueurs disaient que Super Mario Maker avait éliminé le besoin d'un autre jeu Mario en 2D. Mais je ne cessais de répéter que le prochain jeu Mario serait complètement différent de Super Mario Maker, et qu'il n'y avait donc pas lieu de s'inquiéter. Avec le recul, c'est peut-être ce genre de sentiments qui m'a poussé à trouver des idées pour ce jeu.
Hayashida : Les joueurs ont créé tellement de parcours différents dans Super Mario Maker et Super Mario Maker 2 que je me demandais si nous pouvions faire quelque chose de nouveau qui irait plus loin. ...Mais apparemment, Tezuka-san pensait que ce serait parfait.
Hayashida peut désormais souffler : Super Mario Bros. Wonder a réussi sa mission. Celle de porter la philosophie de découverte et d’exploration dans un jeu de plateforme accessible à tous. Une recette qui semble parfaite dont l’un des principaux ingrédients a été le temps. Déjà lors du développement de Super Mario Maker 2, plusieurs responsables parlaient du futur de Mario Bros. Et pour ce prochain opus, les priorités étaient claires: privilégier le contenu du titre au respect du planning. Ne pas se hâter et prendre le temps donc. Une denrée qui semble rare de nos jours. Une fois celle-ci accordée, le projet s’est doucement mis en place avec d’abord une petite équipe dédiée au développement. Et dès les premiers instants, elle montre qu’il faut y aller en grand. Il faut un nouveau moteur graphique qui peut servir de “fondation” aux prochains jeux de la saga. Quelque chose qui pourrait surtout surprendre anciens et nouveaux joueurs.
Aller chercher dans les jeux Mario "boîte à idées"
Dans cette optique-là, c’est Shiro Mouri qui décide de faire appel à d’autres cerveaux de la licence. Le réalisateur (souvent directeur de la partie programmation) décide d’aller voir Hayashida pour lui demander sa façon de faire. Voici sa réponse :
Hayashida: Les jeux Mario en 3D sont parfois décrits par les médias et les joueurs comme une "boîte à idées". J'ai donc décidé d'appliquer à un jeu Mario 2D certaines des idées utilisées pour créer des jeux Mario 3D.
Avec ce principe en tête, Nintendo décide de faire bûcher tout le monde. Tout le personnel impliqué sur le jeu participe : responsables son, designer de niveaux, artistes… Chacun peut proposer des idées à travers des notes adhésives, liées ou non à leurs domaines d’expertise. De quoi avoir… jusqu’à 2 000 suggestions à traiter ! C’est Koji Kondo, le compositeur incontournable de Nintendo, qui en parle très bien :
Kondo : J'ai toujours voulu essayer de faire en sorte que l'ensemble du jeu prenne vie comme une comédie musicale.Pour commencer, nous avons testé cette idée en faisant sortir les plantes Piranha de leurs tuyaux en synchronisation avec la musique, et les concepteurs de niveaux ont créé un parcours où les tuyaux et les plates-formes se déplacent. Cela a bien plu à l'équipe de développement, et nous l'avons adapté pour que divers ennemis et éléments de la scène se déplacent au rythme de la musique. Mais les concepteurs de niveaux ne connaissaient pas grand-chose au rythme ou à la mesure, et l'équipe chargée du son n'était pas familiarisée avec la conception de niveaux ce qui n'a pas facilité les choses. Nous avons organisé des séances d'information pour les deux parties, et l'équipe chargée du son a eu l'occasion de participer à la conception du niveau. En nous mettant à la place de l'autre, nous avons approfondi notre compréhension de nos domaines d'expertise respectifs.
À ce sujet, Takashi Tezuka précise même que la crise sanitaire a eu un impact majeur sur le développement du jeu. Puisque tout le monde travaillait depuis chez lui, la place n’était plus un problème pour accueillir tout le monde lors des réunions ! Une belle manière d’illustrer l’adaptation de l’entreprise en temps difficiles. Tout le monde y est donc allé de son idée. Pour revenir à l’influence des jeux en 3D, on voit que certaines mécaniques des jeux précédents ont su trouver leur chemin. L’esprit de Super Mario Sunshine réside dans la capacité de l’éléphant à pouvoir arroser les fleurs avec sa trompe ; certaines fleurs prodiges modifient la gravité ou la façon de se déplacer évoquent directement Super Mario Galaxy ; il est parfois possible d’incarner d’autres personnages (comme les goombas ou des boules à pics géantes) comme si Cappy de Super Mario Odyssey avait fait irruption dans Wonder.
C'est la grande nouveauté de ce Super Mario Bros. Wonder. Quand Mario les récupère, le niveau change dans le fond et dans la forme. Les couleurs changent mais aussi le gameplay du personnage. Chaque "gros" niveau a sa fleur prodige, rendant l'exploration plus qu'addictive !
Grâce à cette approche d’insuffler des idées de jeux en 3D dans de la 2D, Nintendo repousse les limites de sa créativité possible. Outre des fonctionnalités supplémentaires, c’est aussi en termes de philosophie que c’est libérateur. Chaque épisode en trois dimensions (à l’exception de Super Mario Galaxy 2) casse avec le précédent. Bien fort étaient ceux qui pouvaient prédire les innovations de gameplay entre Super Mario 64 et Super Mario Sunshine, Super Mario Sunshine et Super Mario Galaxy et enfin Super Mario Galaxy et Super Mario Odyssey. Quelque chose qu’arrive à faire parfaitement Wonder avec les anciens épisodes de la série, sans pour autant trahir son esprit, avec les fleurs prodiges. Dans le Ask the Developers, les interviewés l’illustrent en parlant des tuyaux. C’est la première fois qu’on les voit se tordre de cette manière dans un jeu Super Mario Bros, mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont complètement différents. C’est Masanobu Sato, design leader depuis New Super Mario Bros U., qui en parle :
Sato: Oui, il y a quelques écarts par rapport aux règles du monde de Mario que nous avons vues par le passé. Par exemple, nous savons tous que les tuyaux sont solides, et nous sommes donc certains que les projectiles que nous frappons rebondiront s'ils en touchent un. Nous savons également que nous pouvons sauter sur les tuyaux en toute sécurité. Il était essentiel de conserver ce sentiment de confiance dans un jeu Mario en 2D à défilement latéral.
Acheter Super Mario Bros. Wonder sur Nintendo Switch sur Amazon
Quand la 3D sert dans le gameplay mais aussi pour les personnages
Outre les idées de gameplay, Super Mario Bros. Wonder se sert également des trois dimensions pour sa nouvelle esthétique. Cette dernière est dans la lignée du film d’animation Super Mario Bros sorti plus tôt cette année. Une sortie presque simultanée pour le plombier et c’est bien pour ça que, selon Nintendo, il fallait mettre le paquet : ne pas décevoir les spectateurs du film ayant envie de jouer à ce nouvel épisode était primordial. Quelque chose qui a, on l’a dit, entraîné la création d’un nouveau moteur graphique et aussi l’optimisation de la Nintendo Switch. Il faut le rappeler, Wonder est le premier épisode inédit à sortir sur la console hybride ! Quelque chose qui peut être paradoxal quand on sait qu’elle est sortie il y a plus de six ans et demi.
Hayashida: De plus, grâce à la technologie de la Nintendo Switch, nous avons pu rendre les mouvements et les expressions faciales plus dynamiques qu'auparavant.Le nombre d'articulations (12) a également considérablement augmenté.Plus il y a d'articulations, plus l'amplitude des mouvements est grande et plus la variété des mouvements qui peuvent être exprimés est importante.
Aux propos de Hayashida, Sato ajoute que les animations des personnages ont la responsabilité de communiquer l’état du personnage au joueur. Un aspect que l’on remarque tout de suite dès les premiers pas de notre plombier… ce que l’on a pas manqué de souligner dans notre test. Les animations sont bien plus variées que dans les épisodes précédents. Cela a le double avantage de mieux comprendre les situations tout en faisant vivre l’aventure plus intensément.
Super Mario Bros n'a pas pris une ride, une seconde jeunesse à prévoir
Si l’on en n’avait pas l’ombre d’un doute après notre test de Super Mario Bros. Wonder, cet entretien très intéressant rend les choses sûres : Nintendo ne manque pas d’idée et ce nouvel épisode sur Switch n’est que le début. Les fleurs prodiges constituent la promesse d’un vivier d’expériences toutes plus éblouissantes les unes que les autres. Si l’on a seulement regretté leur linéarité dans Wonder, c’est quelque chose qui pourrait bien changer dans les années à venir. D’ici le prochain épisode de la licence, d’autres milliers d’idées fleuriront sans doute dans l’esprit des développeurs. En tout cas, ils s’imaginent déjà l’impossible
Mouri : Tezuka-san m'a d'abord demandé si nous pouvions placer une barre sur l'écran pour ajuster le niveau de difficulté sur place. Je me suis dit que ce n'était pas possible... (Rires)
Interviewer : Vous voulez dire que le niveau de difficulté de l'ensemble du cours changerait en temps réel ? En effet, c'est difficile à imaginer. (Rires)
Tezuka : Eh bien, on ne sait jamais, n'est-ce pas ? Peut-être que ce sera dans le prochain jeu.
Une belle manière de sous-entendre qu'impossible n'est pas Nintendo. Et que, même après presque 40 ans d’existence (une éternité dans le jeu vidéo !), Super Mario Bros ne prend pas une ride. Nintendo arrive à renouveler les aventures qui ont propulsé le plombier sur les toits du monde. En n’ayant pas peur de changer leur approche avec du sang frais, c’est aussi en allant chercher du côté de la 3D que Big N fait de Wonder un incontournable du jeu de plateformes…mais surtout la promesse d'une seconde jeunesse pour Super Mario Bros. On a déjà hâte !