Illustrations et croquis de Ted Nasmith (© Copyright Ted Nasmith).

Ainulindalë : la musique créatrice

Au commencement des temps, Eru, l’Unique, que les Elfes nommeront Ilúvatar, engendra de sa pensée les Ainur. Ces esprits entonnèrent des chants si harmonieux qu’ils inspirèrent à Ilúvatar une Grande Musique. C’est de cette musique que naquit Eä, le monde, qui serait plus tard baptisé Arda. Grâce à la Flamme Immortelle, la musique combla le Vide, mais il en est un parmi les Ainur qui émit des dissonances. Poussé par sa propre ambition, Melkor venait de rompre l’harmonie, transformant la musique en tumulte. Et lorsque Ilúvatar songea à créer ses Enfants : les Elfes (les Premiers Nés) et les Hommes (les Successeurs), Melkor fut pris du désir de les dominer. Dès le commencement du monde, c’est de lui que vint l’obscurité. Plusieurs parmi les Ainur choisirent de descendre sur le monde nouvellement créé où ils prirent le nom de Valar. Chacun à leur manière, ils façonnèrent leur vision pour donner forme à Arda. Mais la soif de domination de Melkor engendra la discorde avec les autres Valar, l’un se bornant à corrompre tout ce que les autres s’efforçaient de créer.

Le récit des Valaquenta

Si les Valar étaient considérés comme des dieux par les habitants d’Arda, Melkor en était désormais exclu et plus personne ne prononça son nom. Il fut rebaptisé Morgoth, le Noir Ennemi, se tourna vers les ténèbres et fut déchu de sa splendeur. Les plus vénérés parmi les Valar étaient Manwë, seigneur des vents, Varda, dame des étoiles (que les Elfes invoquent sous le nom d’Elbereth), Ulmo, seigneur des eaux, Aulë, maître de la terre, Yavanna, reine des fruits et des arbres, ou encore Mandos, gardien des morts. Bien d’autres font aussi partie de la légende, tout comme les Maiar qui descendirent en même temps que les Valar mais qui leur étaient inférieurs. Ils apparaissaient rarement sous une forme visible. Sauron était l’un d’eux, parfois nommé Gorthaur le Cruel, et il prit part à toutes les conspirations de Melkor, devenant ainsi l’ombre de Morgoth.

Les Lampes des Valar et les arbres de Valinor

C’est avec la création de deux Lampes plus hautes que les montagnes que les Valar permirent à la lumière de briller pour la première fois sur le monde d’Arda. Elles furent baptisées Illuin, au nord, et Ormal, au sud. Et avec leur lumière vint la paix. Mais elles attisèrent très vite la convoitise de Melkor qui brisa les Lampes et abattit les colonnes qui les soutenaient. Alors ce fut le chaos, l’équilibre entre les terres et les mers fut rompu et le visage du monde fut changé. Ce fut la fin du Printemps d’Arda, mais cela permit la formation de la Terre du Milieu, continent situé alors au centre d’Arda. Les Valar partirent s’établir à Valinor, au pays d’Aman, dans les Terres Immortelles de l’ouest situées de l’autre coté de la Grande Mer. Là, ils firent pousser deux arbres, Telperion et Laurelin, aux lumières d’argent et d’or, qui marquèrent le début du décompte du Temps et des Jours Heureux de Valinor.

La venue des Elfes, les Premiers-Nés

Les Valar pressentirent que le jour qui verrait s’éveiller les Enfants d’Iluvatar était proche. Mais c’est seulement lorsque Varda récolta la rosée d’argent de l’arbre Telperion pour allumer les étoiles que les Elfes s’éveillèrent. Aux Premiers-Nés s’ajouteraient plus tard les Nains, créés par Aulë à son image : robustes et capables de travailler la pierre. Les Sept Pères des Nains avaient été conçus en secret, dans les profondeurs de la montagne. Quant à Yavanna, elle pria Manwë de la laisser faire don de la parole aux arbres, préparant ainsi la venue des Ents sur la Terre du Milieu.

Terré dans l’ombre, Melkor était rongé par sa haine jalouse des Elfes. Et tous ceux qu’il parvint à capturer furent corrompus et torturés jusqu’à devenir des abominations : les Orques. Les Valar décidèrent d’intervenir en attaquant la forteresse de Melkor et, au prix de terribles batailles, parvinrent à le capturer. Mais ils ne trouvèrent pas son vassal Sauron, caché dans les tréfonds d’Utumno. Et même si la captivité de Melkor assura au monde plusieurs siècles de paix, celle-ci ne fut pas éternelle. Elle permit néanmoins aux Elfes qui le souhaitaient de rejoindre les Terres Immortelles. Là, les Teleri bâtirent le havre d’Alqualondë tandis que les Noldor et les Vanyar fondèrent la cité de Tirion. C’est de la lignée de Finwë, roi des Noldor, que descendent Fëanor (qui créera les Silmarils) mais aussi Galadriel et ses quatre frères : Finrod, Orodreth, Angrod et Aegnor.

La création des Silmarils et le serment des Noldor

Fëanor avait créé trois fabuleux joyaux, les Silmarils, dans le but de préserver à jamais la lumière des Arbres de Valinor. Après trois siècles de solitude en captivité, Melkor fit semblant de se repentir. Il répandit le bruit parmi les Elfes que les Valar comptaient les supplanter par une race d’Hommes mortels et sema le doute chez les Noldor. Il leur appris à forger des armes puis retourna Fëanor contre les siens, ce qui condamna ce dernier à l’exil. Melkor alla chercher Ungoliant, la Grande Araignée, au plus profond des ombres et prit désormais la forme d’un chevalier noir, immense et terrible, pour préparer sa vengeance. Il frappa les deux Arbres de sa lance de ténèbres, puis Ungoliant en aspira la sève jusqu’à ce que son poison les dessèche. Ce fut le crépuscule de Valinor qui fut alors plongée dans les Ténèbres. Melkor tua Finwë pour s’emparer des Silmarils qu’il sertit sur une couronne de fer et il fut rebaptisé pour toujours Morgoth, le Noir Ennemi. Fëanor fit alors le serment, avec ses sept fils, qu’ils se vengeraient de quiconque détiendrait un Silmaril. Il convainquit les Noldor de quitter les Terres Immortelles pour reprendre les Silmarils sur la Terre du Milieu, et, parmi tous les Elfes, Galadriel fut touchée par ses paroles car impatiente de partir vers une terre sans frontières. Le premier groupe des Noldor s’empara de force des navires-cygnes d’Alqualondë, se retournant contre leurs propres frères, les Elfes Teleri, qu’ils massacrèrent. Galadriel et son frère Finrod durent quant à eux braver le chaos des glaces d’Helcaraxë, guidés par Fingolfin et ses fils sur les traces de Fëanor.

L’éveil des Hommes et la ruine de Beleriand

Les Hommes mortels s’éveillèrent en même temps que les rayons du soleil. Car même après avoir été ravagés par Morgoth et l’araignée Ungoliant, les deux Arbres virent tout de même fleurir un fruit d’or sur Laurelin et une fleur d’argent sur Telperion. Les Valar les cueillirent et y insufflèrent tous leurs pouvoirs pour envoyer dans les cieux des nefs étincelantes transportant le soleil (Anar au Feu d’Or) et la lune (Isil de Nacre). Puis, des Iles Enchantées furent créées afin que plus personne n’approche de Valinor par la mer. Au fil des âges, de nombreuses batailles opposèrent les Elfes, les Hommes et les Nains aux légions de Morgoth (Orques, Balrogs, dragons) et les plus beaux royaumes furent ravagés. Au point que les Valar et les Maiar durent intervenir durant la Guerre de la Grande Colère afin de repousser Morgoth, comme raconté plus loin. Mais les terres du Beleriand furent entièrement détruites. Quant à Fëanor, il ne survécut pas aux blessures infligées par Gothmog, le plus terrible représentant de la race des Balrogs.

Vint un jour où Galadriel et son frère Finrod empruntèrent deux routes séparées. Tandis que lui partait fonder les demeures souterraines de Nargothrond, Galadriel préféra d’abord rester aux côtés de Celeborn en Doriath, sous la protection de Thingol et Melian. Fingolfin, devenu haut-roi des Noldor depuis la mort de son frère Fëanor, défia Morgoth dans un duel effroyable. L’Elfe parvint à blesser sept fois son adversaire et même à lui trancher le pied avant d’être mortellement touché. Thorondor, le Roi des Aigles, intervint même pour empêcher Morgoth de jeter sa dépouille aux loups en lacérant son visage.

Entre-temps, Sauron, le plus terrible des serviteurs de Morgoth était devenu un sorcier aux pouvoirs terrifiants et un redoutable adversaire. On dit que le plus haut fait de l’histoire des Elfes et des Hommes fut accompli par le mortel Beren et l’Elfe Lúthien qui parvinrent à récupérer l’un des trois Silmarils enchâssés dans la couronne de Morgoth. Finrod Felagund, le frère de Galadriel, joua un rôle majeur dans cette quête où il affronta Sauron au cours d’un duel de chants magiques, même s’il fut vaincu. Quant à Lúthien, elle sacrifia son immortalité pour sauver Beren, et c’est de leur lignée que descendirent les Demi-Elfes Elrond et Elros, fils d’Ëarendil et d'Elwing. Mais le Silmaril remis par Beren à Thingol causa finalement la perte du roi de Doriath, tué par une convoitise encore plus grande que la sienne : celle des Nains. Même Dior, le fils de Beren, fut maudit par le Silmaril lorsque les fils de Fëanor apprirent où il se trouvait, bien que Elwing, la fille de Dior, parvint à s’enfuir avec le joyau.

Le voyage d’Ëarendil

Né à Gondolin avant sa chute, Ëarendil, le Demi-Elfe, était le fils du héros Tuor et de l’Elfe Idril Celebrindal, fille du roi Turgon. Ce dernier était lui-même le deuxième fils de Fingolfin. La lignée d’Ëarendil conduit directement à Elrond et à son frère Elros qui sera le premier roi de Númenor. Lorsque, par trahison, Gondolin fut assiégée sans espoir de salut, Tuor fit franchir les montagnes à son peuple. Mais il était désireux de revoir la mer, patrie du Valar Ulmo, seigneur des eaux, et fit voile vers l’ouest pour ne jamais revenir. C’est à cette époque que Gil-galad fut nommé haut-roi des Noldor après la mort de Turgon. Avec l’aide de Círdan, Ëarendil bâtit Vingilot, le plus beau navire que le monde ait connu. Mais durant son absence, les fils de Fëanor qui revendiquaient encore les Silmarils, versèrent pour la dernière fois le sang de leurs frères Elfes, forçant Elwing (l’épouse d’Ëarendil) à se jeter dans la mer avec le Silmaril pour leur échapper. Grâce au pouvoir d’Ulmo, elle parvint miraculeusement à rejoindre Ëarendil sous l’apparence d’un oiseau blanc. Guidé par l’éclat du Silmaril, Ëarendil put enfin accoster sur les Terres Immortelles d’où il ne repartit jamais. On dit qu’il voyage désormais dans le ciel à bord de Vingilot, le Silmaril fixé à son front.

La Guerre de la Grande Colère

En accordant à Ëarendil leur pardon pour les Noldor, les Valar initièrent la Guerre de la Grande Colère qui devait mettre fin aux agissements de Morgoth. Depuis les airs, Ëarendil transperça le plus puissant des dragons, Ancalagon le Noir, qui, dans sa chute, brisa les montagnes du Thangorodrim. Acculé, Morgoth tenta de fuir mais il fut capturé et les derniers Silmarils furent arrachés de sa couronne de fer. Ils furent confiés à Eönwë, le héraut des Valar. Mais après une ultime tentative des fils de Fëanor pour s’en emparer, tous les Silmarils finirent par trouver leur place dans le monde : l’un au ciel, un autre dans les profondeurs de la terre et le dernier au fond de l’eau. Morgoth fut précipité dans le Vide Éternel et cela mit fin à l’histoire du Premier Âge.

Le Second Âge et l’apparition de Númenor

Tous les Elfes ne partirent pas ensuite vers les Terres Immortelles. Parmi ceux qui choisirent de rester sur la Terre du Milieu, il y eut le haut-roi Gil-galad, Círdan, Celeborn et son épouse Galadriel, la seule qui restait de ceux qui avaient conduit les Noldor en exil à Beleriand. Elrond le Demi-Elfe resta aussi, ainsi que son frère Elros qui fonda la lignée de rois de Númenor. Car, afin de remercier les Edain (ceux qui parmi les Hommes s’étaient battus aux côtés des Elfes), les Valar firent émerger une île en forme d’étoile et la leur offrirent. Mais l’Interdit des Valar les empêchait d’aller vers l’ouest. C’est là que débute l’histoire des Dúnedain et des rois de Númenor au début du Second Âge, quelque part entre les Terres Immortelles et la Terre du Milieu. Le royaume insulaire de Númenor connut de longs siècles de prospérité avant les événements qui devaient précipiter sa chute. Son engloutissement devait causer un tel cataclysme que le monde qui était plat deviendrait rond, Ilúvatar éloignant à jamais le royaume de Valinor pour qu’il soit hors de portée des mortels.

N’hésitez pas à vous plonger dans la lecture du Silmarillion de J.R.R. Tolkien pour en savoir plus !

Illustrations et croquis de Ted Nasmith (© Copyright Ted Nasmith).