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Pendant longtemps, le marché de la simulation de football a été dominé par deux mastodontes : FIFA et PES. Les deux licences sont devenues incontournables, fermant même la porte à de potentiels challengers. Mais après presque 30 ans, les choses ont changé. FIFA va devenir EA Sports FC tandis que PES a laissé place à eFootball. Est-ce que ce changement marquera la fin du classiquo entre les licences d'EA et de Konami ? Une nouvelle licence réussira-t-elle à s'engouffrer dans la brèche ?
Sommaire
- FIFA, c'est fini
- PES éliminé du championnat
- FIFA est mort, vive le nouveau FIFA
FIFA, c'est fini
Dans le monde des jeux de foot, il y a une licence qui a su s’imposer comme la numéro un incontestable du championnat : FIFA d’Electronic Arts. Lancée en 1993 avec FIFA International Soccer, FIFA a longtemps bataillé pour parvenir à atteindre des sommets. À partir de 2008, les efforts commencent à payer et la licence d’EA s’impose comme LA simulation de foot par excellence. Si bien que même quand un épisode de PES est jugé meilleur qu’un FIFA, c’est ce dernier qui arrive en tête des ventes (eFootball PES 2020/FIFA 20). En France, il devient même rapidement le produit culturel le plus vendu sur une année, et ce de façon récurrente. Chaque année, le nouvel opus explose les records de ses prédécesseurs. FIFA 21 enregistrait ainsi 25 millions de joueurs en moins d’un an et une augmentation de 180% du nombre de matchs disputés dans le mode FUT.
Si ce mode est devenu la priorité d’EA ces dernières années, il est également celui qui rassemble les critiques les plus virulentes. Son système économique a longtemps été pointé du doigt, désigné comme malsain par des avocats mais aussi des vidéastes. Cela est notamment dû à son système de packs que les joueurs achètent et ouvrent en espérant y décrocher les meilleurs joueurs. Véritable jeu de hasard avec de l’argent réel, ce système a été interdit en Belgique notamment et a le don d’en agacer plus d’un. De plus, depuis le lancement de ce mode FUT, EA y consacre la majeure partie de son temps et n’a donc pas cherché à faire évoluer le gameplay du jeu en soi. Mais peu importe les critiques, le jeu marche et rapporte même bien plus depuis l’apparition de ce mode de jeu en ligne. Ce ne sont donc pas les critiques qui viendront écourter le règne de FIFA. Mais l’annonce qui a été faite récemment pourrait peut-être changer la donne.
En octobre 2021, Cam Weber, directeur général d’EA Sports, évoquait la possibilité d’un changement de nom et d’un autre accord avec la FIFA. Une annonce qui avait aussitôt agité les foules et inquiété les joueurs :
Nous étudions (...) l'idée de renommer nos jeux de football EA Sports. Cela signifie que nous révisons notre accord sur les droits de dénomination avec la FIFA
Après plusieurs mois de spéculations en tout genre, cela a été confirmé il y a quelques jours. L’accord de dix ans signé avec la FIFA ne sera pas renouvelé. EA fera donc cavalier seul à partir de 2023 avec EA Sports FC. Mais concrètement, qu’est-ce que cela change ?
Dans une année de Coupe du Monde, nous avons évidemment accès à celle-ci, mais dans le contexte plus large du football mondial sur un rythme annuel, la Coupe du Monde est importante… mais ce n'est pas la plus importante. Nous avons 300 autres licences qui nous donnent le contenu avec lequel nos joueurs interagissent le plus et le plus profondément.
Andrew Wilson, PDG d’Electronic Arts
Vous l’aurez compris, cela ne change pas grand chose niveau contenu. Forte de ses nombreuses autres licences (Ligue 1, Bundeslinga, LaLiga…), la franchise d’EA devrait garder la grande majorité de ses équipes, joueurs et contenus. Le mode FUT, qui constitue aujourd'hui le principal intérêt de FIFA, continuera lui à tourner normalement. Seule ombre au tableau, la disparition du sigle FIFA dans le titre du jeu. Si ce détail peut paraître anodin, il pourrait en réalité avoir un impact sur les ventes du jeu.
FIFA fait partie de ces licences dont le nom est devenu une marque à part entière et qui parlent aux joueurs casual. De nombreux joueurs se sont en effet offerts une console uniquement pour se faire quelques sessions de foot avec leurs amis. En dehors de cela, ils ne s’intéressent pas forcément au grand monde du jeu vidéo et ne suivent pas toujours son actualité, se contentant chaque année de se rendre à la Fnac ou sur le PS Store pour acheter le dernier FIFA. Quelle ne sera donc pas leur surprise de ne pas en trouver un en 2023. Difficile de dire s’ils feront confiance à ce qui apparaîtra comme une nouvelle marque ou s’ils préféreront plutôt se tourner vers un eFootball par exemple, qui a l'avantage d'être gratuit. Il sera intéressant de voir à quel point le changement de nom aura un impact sur la série d’EA, et si cette dernière va amorcer une chute semblable à celle de son concurrent historique : PES.
PES éliminé du championnat
C’est en 2001 que naît Pro Evolution Soccer, petit frère d’International Superstar Soccer (Winning Eleven au Japon). Signée par Konami , cette licence impose rapidement les codes de tout un genre. En 2006, c’est l’apogée. Pro Evolution Soccer devient le produit culturel le plus vendu en France, avec 1,6 million d’exemplaires écoulés. Il s’agit dans la tête de tous de la meilleure licence de simulation footballistique. Mais le règne ne durera pas longtemps. En se reposant sur ses lauriers, PES se fait vite rattraper par FIFA, comme nous l’avons vu plus haut. Depuis, Konami a bien du mal à retrouver son ancien titre. Mais cela ne posait pas tant problème à la firme nippone, car PES continuait à rapporter un bon petit pécule. Si bien qu’en 2015, suite au départ de Kojima, Konami décide de laisser tomber ses autres gros jeux pour se concentrer sur PES (et les jeux mobiles).
Mais aujourd’hui, la licence a bien changé. Après un changement amorcé par eFootball PES 2020, la licence de Konami abandonne la titraille PES pour devenir eFootball, un free-to-play avec un système de saisons. D’une certaine façon, c’est la fin du classico FIFA/PES. Les deux jeux ne jouent plus dans la même cour. Mais ce changement économique du côté de Konami aurait tout de même pu venir challenger le tout-puissant FIFA. Il faut dire que l’idée d’un jeu de football free-to-play paraissait plutôt alléchante.
Oui mais voilà, au lancement du titre, c’est la dégringolade. Le 30 septembre 2021, ils sont nombreux à vouloir essayer l’expérience eFootball 2022 et également nombreux à ne pas être convaincu par ce petit nouveau. Il suffit de jeter un coup d’oeil à Steam ou Metacritic pour comprendre l’étendue des dégâts. Sur 4 842 évaluations, seulement 9% sont - au moins - positives. En quelques heures, le jeu devient le titre le plus mal noté de l’Histoire de Steam.
La grogne des joueurs fut donc grande et Konami dû s’atteler à la tâche pour améliorer l’expérience de jeu. C’est pour cela qu’est sorti il y a quelques semaines la mise à jour 1.0. Outre l’introduction du mode Dream Team (équivalent de FUT), la mise à jour a apporté des améliorations au niveau du gameplay, de la stabilité ou encore des graphismes. Côté critique, si le jeu est bien mieux, certains peinent encore à le trouver à la hauteur. Sur Metacritic, les avis (presse et joueur) ont été revus à la hausse, mais n’atteignent toujours pas des sommets. Pour ce qui est du nombre de joueurs (réel enjeu de cette mise à jour), nous n’avons pas encore de chiffres. Pour l’instant, il est donc difficile de dire si eFootball parviendra à remonter la pente ou non.
Quoi qu’il en soit, entre la mort de PES, la disgrâce d’eFootball et le changement d’identité de FIFA, c’est un marché morcelé qui se présente aujourd’hui à nous, dépourvu de ses deux piliers habituels. L’occasion est donc parfaite pour qu’arrive ce que notre classiquo empêchait pendant toutes ces années : la montée d’un challenger de taille.
FIFA est mort, vive le nouveau FIFA
Si le partenariat entre Electronic Arts et la Fédération Internationale de Football Association arrive à son terme, cela ne veut pas dire que cette dernière va abandonner le jeu vidéo. Elle compte en effet “diversifier son offre vidéoludique et proposer des jeux de football inédits”. Si on peut donc s’attendre à un catalogue estampillé FIFA plus riche, la Fédération nous a surtout annoncé qu’elle était en discussion avec les éditeurs et studios dans l’optique de sortir un nouveau grand titre FIFA en 2024. Dès cette année, nos deux mastodontes du genre pourraient donc se retrouver face à un concurrent de poids.
Je peux vous assurer que le seul jeu authentique et réel qui porte le nom de FIFA sera le meilleur disponible pour les joueurs et les fans de football. Le nom FIFA est le seul titre global et original. FIFA 23, FIFA 24, FIFA 25 et FIFA 26, et ainsi de suite - la constante est le nom FIFA et il restera pour toujours et restera LE MEILLEUR.
Gianni Infantino, président de la FIFA
On vous parlait plus haut de l’importance du nom. Si EA Sports FC se voit entrer en concurrence avec un titre portant le nom de FIFA en 2024, ce dernier pourrait bien aspirer une partie de ses joueurs, simplement grâce à l’aura du sigle FIFA. Reste à voir si cet avantage lui permettra réellement de s’imposer sur le marché. Ainsi si EA ne laisse transparaître aucune forme d’inquiétude, le futur n’est pas si certain. Surtout qu’une grosse entreprise avec des moyens importants semble lorgner sur les droits de la FIFA (et donc le nom FIFA).
En novembre dernier, le PDG de Take-Two, Strauss Zelnick, réagissait aux bruits de couloirs sur les relations entre EA et la FIFA de façon bien étrange :
Nous sommes ravis que Nordeus fasse partie de la famille Take-Two. Ils font un carton et Top Eleven est un excellent jeu très apprécié. Je ne pourrais pas être plus heureux d’être dans le secteur des jeux de gestion de football grâce à Top Eleven et l’équipe de Nordeus. C’est un grand pas en avant pour nous ... Nous n’avons jamais été dans ce sport auparavant. Et euh, je pense que je vais en rester là aujourd’hui.
Après avoir acquis le jeu de gestion footballistique Top Eleven Football Manager, Take-Two ne semblait donc pas fermé à l’idée de se lancer dans un autre genre de jeux aux ballons ronds, bien au contraire. En répondant ainsi à une question concernant la FIFA, Strauss Zelnick laissait entendre qu’un potentiel accord avec Take-Two pour produire sa première simulation de football était envisageable. Reste à voir s’il sera réalisable.
En effet, la FIFA demande une somme assez conséquente, qui a d’ailleurs refroidi le géant EA. Ce n’est pas moins d’un milliard de dollars que demanderait la Fédération de football pour convenir d’un nouvel accord. Mais on sait que l’éditeur américain n’a pas peur de lâcher les gros billets quand cela est nécessaire. Il y a une poignée de mois, Take-Two signait le rachat de Zynga pour pas moins de 11,04 milliards de dollars. Autant dire que le milliard demandé par la FIFA n’a pas de quoi faire peur à l’éditeur qui détient notamment GTA et Red Dead Redemption. Surtout que cela serait l’occasion de relancer la petite guéguerre sportive l’opposant à Electronic Arts.
Take-Two et EA ont très souvent produit des jeux de simulation sportive en concurrence directe, et ce sur bien des disciplines : NHL et NHL 2K (hockey sur glace), NBA 2K et NBA Live (basket-ball), Grand Chelem Tennis et Top Spin (tennis) ou encore PGA Tour 2K et EA Sports PGA Tour (golf). Si Take-Two a remporté la plupart de ces bras de fer, il a également récupéré le partenariat historique établi par EA avec le golfeur Tiger Woods. Récupérer le sigle FIFA serait donc un bon moyen de faire un nouveau pied de nez à Electronic Arts, tout en chamboulant un peu le marché de la simulation de foot. Surtout que Take-Two a les épaules pour nous produire un challenger convaincant. Reste à voir si cela l’intéresse réellement ou si une autre entreprise souhaite saisir l’occasion pour nous délivrer une victoire surprise digne du Corée du Nord-Italie de 1966.
Quand un marché tel que celui de la simulation footballistique reste inchangé pendant aussi longtemps, le voir se métamorphoser drastiquement en si peu de temps a de quoi intriguer. Simple secousse ou véritable raz-de-marée ? Difficile à dire pour le moment. Entre les premiers chiffres d’EA Sports FC, l’évolution d'eFootball et, surtout, le rachat des droits de la FIFA, il y a bien des choses à garder à l'œil avant de voir se dessiner le futur d’un genre aujourd'hui privé de ses deux maîtres, PES et FIFA.