Il mesure 2,18 mètres et pèse 500 kilogrammes. Protégé par son armure Mjolnir, il ne retire son casque qu’à de rares occasions. Peut-être daignera-t-il montrer son visage pour souffler les bougies de son gâteau d’anniversaire ? Le célèbre Master Chief fêtera demain ses 20 ans. C’est en effet le 15 novembre 2001 que le jeu dont il est le héros, Halo : Combat Evolved, est sorti aux États-Unis. Chahuté par la presse spécialisée jusqu’à l’ultime mois de sa sortie, le soft a rencontré un succès époustouflant. Nous faisons appel à la mémoire vive de 343 Guilty Spark afin de nous remémorer le bon vieux temps où des millions de joueurs ont accepté de porter l’anneau forgé par Bungie à leur doigt.
L’alignement des planètes
D'abord envisagé en tant que RTS avant d’évoluer en TPS puis en FPS, Halo : Combat Evolved a survécu à un développement tumultueux dû à une vision artistique régulièrement redéfinie. La démonstration orchestrée par Jason Jones (co-fondateur de Bungie et réalisateur de Halo) au MacWorld 1999 fut une mise en avant inespérée pour les cadres du studio. Il faut croire que Steve Jobs avait décelé du génie chez ces développeurs qui montraient aux journalistes une démo impressionnante. L’intelligence artificielle semblait bonne, le moteur physique paraissait costaud et surtout les environnements étaient ouverts, ce qui était suffisamment rare pour impressionner un auditoire à la fin des années 1990. C’est pourtant le grand rival du groupe à la pomme qui croque Bungie au mois de juin 2000. Microsoft, alors en mission pour sécuriser du contenu à destination de sa future – et première – console de jeux, rachète les géniteurs de Halo. Le studio ne dispose alors que d’une grosse année pour finir un soft qui se doit désormais d’être le fer de lance d’une toute nouvelle machine. L’arrivée tardive des kits de développement fait que le titre de Bungie n’est pas au top de sa forme quand il est présenté à la presse au GameStock 2001. Tomonobu Itagaki, le créateur de la série Dead or Alive, a récemment confié que le FPS mettant en scène Master Chief l’inquiétait à cause de son framerate trop bas. À l’E3 2001, certaines craintes se dissipent. "Vous savez que nous avions des doutes quant à l'intérêt de Halo" expliquait le magazine Joypad (n°110, juillet-août 2001). "Fort heureusement, la version présentée à l'E3 nous a rassurés" continuait-il.
Malgré tout, Microsoft reste prudent dans ses perspectives de vente. De l’aveu du géant américain, les équipes marketing de la firme de Redmond ne croyaient pas en la performance commerciale du Spartan. “Quand on regardait les prévisions, Halo était en bas de la liste” reconnaît Phil Spencer. À cette époque, le jeu de tir à la première personne a du mal à s’imposer sur consoles, bien que le succès de GoldenEye 007 et de Perfect Dark ait envoyé des signaux encourageants. “Halo n’a pas explosé les charts dès le premier jour” reconnaît Jaime Griesemer (Game Designer chez Bungie) dans le livre Halo, le Space Opera selon Bungie de notre cher Epyon. À l’image de la grotte accessible dans le niveau “Halo”, le succès du jeu de Bungie n’a rien de commun.
Triomphal
Quand Halo : Combat Evolved débarque dans les rédactions, il fait l’effet d’une bombe. "Avant de partir au Canada, d'où j'ai ramené ma Xbox, j'étais sur Metal Gear Solid 2. Vous pensez bien que je n'étais pas à proprement parler ravi de laisser ma quête des Dog Tags pour aller faire ce reportage imprévu... et depuis que je suis rentré avec la console et Halo, le boulot a pris le pas, je n'ai pas pu me remettre sur MGS2. Il fallait que je me tape Halo entre-temps. Je vous le donne en mille : la pilule est fantastiquement bien passée, tellement je me suis éclaté sur Halo" s'amusait RaHaN dans son test publié dans les lignes de Joypad (n°115). Les rédacteurs s'étonnent de la richesse des environnements, des transitions sans temps de chargement, des textures détaillées et de multiples effets spéciaux inédits sur consoles. Le soft en met plein les yeux, plein les oreilles, et prouve que la Xbox est la console la plus puissante du marché. Lors des premiers mois de vente de la machine, 80 % des acheteurs partent avec un exemplaire de Halo. Semaine après semaine, la folie 117 se répand outre-Atlantique. En 2002, le producteur Nile Rodgers insiste auprès de la firme de Redmond pour publier sous son label la bande originale du jeu. En 2003, la scène machimina s’empare du soft et fait naître Red VS Blue. En trois ans, Halo : Combat Evolved se vend à plus de 5 millions d’exemplaires : tous les voyants sont donc au vert pour une suite. Preuve du choc engendré par le premier épisode de la franchise, Halo : Combat Evolved a intégré le très prisé World Video Game Hall of Fame en 2017, aux côtés de Pokémon et de Donkey Kong. Master Chief est peut-être toujours en guerre contre les Covenants, il a néanmoins gagné le respect de ses pairs. Et des millions de fans.
Bien que Master Chief prévoie de descendre sur Terre pour repousser les Covenants dans Halo 2, la réputation du Spartan atteint les cieux. Quand Bungie dévoile la bande-annonce du titre à l’occasion du X02 new-yorkais en août 2002, la mèche est allumée. Les fans n’en peuvent déjà plus d’attendre. Microsoft va alors habilement entretenir l’attente par l'intermédiaire d’extraits de gameplay impressionnants (à l’E3 2003 et 2004), et surtout en mettant au point un Alternate Reality Game intrigant. Au milieu du mois de juillet 2004, la firme de Redmond diffuse dans des cinémas américains une nouvelle bande-annonce de Halo 2, à quatre petits mois de sa sortie. Elle invite le spectateur à se rendre sur un drôle de site Internet intitulé “ilovebees.com”. Au fil des jours, ce site tenu par une apicultrice est victime de bugs. On y trouve des messages mystérieux, et surtout des extraits audio venant… du futur. L’engouement est tel que des posters ilovebees sont brandits pendant les débats télévisés entre Kerry et Bush. Le résultat est là : 1,5 million de précommandes sont enregistrées pour Halo 2. Les artistes font des pieds et des mains pour être associés à la folie Halo. Sur la bande sonore du deuxième volet, nous retrouvons des morceaux de Breaking Benjamin, d’Hoobastank, et d’Incubus, tandis que Steve Vai apporte un peu de guitare électrique au thème principal. En 2004, les joueurs n’ont qu’une hâte, continuer les aventures de Master Chief et de Cortana, et se retrouver en ligne pour s’affronter grâce au Xbox Live. Pari réussi : deux tiers des abonnés au Xbox Live achètent Halo 2. Le jeu pulvérise les précédents records en se vendant à 2,38 millions d'exemplaires en une seule journée, rien qu'en Amérique du Nord. Le 9 novembre 2004, le lancement réussi de Halo 2 fait la une des matinales chez NBC, ABC et Komo 4. Dans la foulée, les ventes de Xbox augmentent de 27 % et les kits d’abonnement au Xbox Live partent comme des petits pains.
Call of 117
Durant les années qui suivent, plus rien n’arrête Master Chief. Quand Halo 3 débarque sur Xbox 360, c’est une nouvelle fois un carton. Un an après sa sortie, quasiment un propriétaire sur deux de la console de Microsoft a acheté le soft de Bungie. Pourquoi un tel succès ? Halo a su raconter une histoire simple mais passionnante. Grâce à son level design et à l’intelligence artificielle des adversaires, aucune partie ne se ressemble. Et surtout, Halo ne vise pas seulement les joueurs hardcore, il s’adresse aussi à des amateurs occasionnels friands de campagnes en écran scindé. Dans la foulée, Bungie livre Halo 3 : ODST (2009) et Halo Reach (2010). Deux titres qui rencontrent une fois de plus un grand succès à leur sortie. Néanmoins, l’influence de Call of Duty commence à peser sur les épaules des soldats de l’UNSC. Les paquetages s’invitent à la fête, de même que les capacités spéciales et le bloom sur certaines armes.
Halo 4 va plus loin dans le métissage avec l’arrivée des Atouts et des killstreaks. Malgré une bonne campagne solo, le quatrième épisode divise les fans. Ce premier Halo chapeauté par 343 Industries suite au départ de Bungie se vend malgré tout extrêmement bien : en à peine 24 heures, il génère 220 millions de dollars de recettes. Du côté de son scénario, et même s’il est la suite directe du troisième volet, Halo 4 explore de nouvelles pistes avec Le Didacte et la Bibliothécaire. Il creuse surtout la relation entre une Cortana en fin de vie et Master Chief. Une histoire que tentera de faire progresser Halo 5 avec toutes les peines du monde. Privé du coop en écran partagé, abscons dans son scénario, Halo 5 : Guardians se contente d’un 84/100 sur Metacritic, faisant de lui l’épisode le moins bien reçu par la critique, en compagnie du spin-off Halo 3 : ODST. Bien entendu, cette moyenne reste très bonne, mais elle insiste sur le fait que la saga a quelque peu perdu de sa superbe. Fort heureusement, grâce à son mode multijoueur dénommé Warzone, le soft de 343 Industries assure le spectacle en ligne. D’après le studio, il se serait vendu 5 millions d’exemplaires d’Halo 5 en trois mois.
Les chiffres officiellement publiés depuis tendent à prouver que Halo continue d’intéresser des millions de fans. Mais la série fait face à une concurrence féroce ainsi qu’à de nombreuses critiques. La vidéo diffusée au Xbox Showcase de 2020 n’a pas fait du bien à la campagne de communication du futur Halo Infinite, et même si les essais du mode multijoueur sont rassurants, il y a encore beaucoup de mystères qui entourent la production de 343 Industries. Quoi qu’il en soit, Halo est une licence forte qui a marqué toute une génération de joueurs. Il est donc naturel que nous lui souhaitions un joyeux anniversaire.