! Attention : plusieurs très gros pavés ci-dessous !
Me, Vince McMahon. Imagine that. Here I am on WCW television. How can that happen? Well, there’s only one way. You see, it was just a matter of time before I, Vince McMahon, bought my competition. That’s right. I own WCW.
Le lundi 26 mars 2001, des millions de téléspectateurs sont témoins, impuissants, de ces paroles prononcées par le propriétaire de la World Wrestling Federation. Après être parti à la conquête des territoires dans les années 80, Vincent Kennedy McMahon vient enfin de se débarrasser de son dernier concurrent, la World Championship Wrestling. Pour à peine un peu plus de 4,3 millions de dollars, la WCW a donc été vendue à son ennemi juré qui considérait enfin tenir sa revanche sur Ted Turner après les événements du Black Saturday de 1984.
Les ramifications de ce rachat auront été sans comparaison dans l’histoire du catch américain et conduiront à plus de dix-huit ans de quasi-monopole jusqu’à ce qu’un certain fils de milliardaire natif de Chicago ne vienne changer la donne.
Longtemps débattue et analysée, la disparition de la WCW est un événement qui aura donné naissance à de nombreuses théories, rumeurs, légendes et même théories du complot.
Avec ce topic je vous propose donc de revenir en détail sur les différentes causes ayant entraîné la mort de cette fédération. Pour ce faire, je me suis appuyé sur de nombreux articles, interviews, podcasts, livre… Je préfère donc mettre en garde : pour les personnes s’étant déjà intéressées au sujet, ne vous attendez pas à de nouvelles révélations fracassantes (même s’il y a bien deux-trois anecdotes qui j’espère sauront vous surprendre). Je ne fais pas ici un travail de journaliste ni d’enquêteur mais me contente de rassembler et synthétiser un océan d’informations éparpillées un peu partout sur internet.
Si j’ai essayé de synthétiser de la manière la plus neutre possible, je me suis également permis de régulièrement apporter mon avis sur différentes théories et opinions. Toujours en essayant au maximum de m’appuyer sur des arguments sourcés et solides.
Je tiens également à préciser que mon topic se fonde en grande partie sur l’ouvrage Nitro de Guy Evans, un livre que je ne peux que recommander (je m’attarderai sur une critique de mes sources en toute fin de topic) à toute personne s’intéressant de près ou de loin à l’industrie du catch.
Enfin, je souhaite remercier tous mes fidèles comparses de mon topic rétrospectif de la WCW : Gilou, Kaner, Links, FeeltheBang et tous les autres. Ce sont nos échanges et débats qui m’ont entre autres motivé à faire ce travail !
Chaque post de ce topic correspond à une ou deux parties. Aussi, afin que vous puissiez naviguer plus facilement en fonction de ce qui vous intéresse voici le plan du topic :
Introduction
1. La WCW : cette non-fédération
2. La révolution Nitro
3. La faute au booking ?
4. Faites entrer l’accusé
5. AOL-Time Warner : l’impossible survie de la WCW
6. La mort de la WCW : l’impossible monétisation du catch
7. Complot ou fatalité : la vente de la WCW
Conclusion
Retour sur les sources
Introduction :
L’idée de faire ce topic ne m’est pas venue sur un simple coup de tête, mais est le fruit d’une réflexion et d’une curiosité personnelle que je nourris depuis désormais trois ans. En effet, en 2020, alors que le premier confinement venait d’être ordonné, je décidais de profiter de cette occasion pour découvrir la WCW et plus précisément sa période Nitro.
J’ai donc consigné ma rétrospective dans un topic dédié ( https://www.jeuxvideo.com/forums/42-79-63089316-1-0-1-0-re-decouvrons-monday-nitro-ensemble.htm ) dans lequel je proposais des reviews de différents shows ainsi que des réflexions plus générales sur l’état du catch lors des Monday Night Wars.
Il va sans dire que j’ai adoré faire cette rétrospective et découvrir toute une période que je ne connaissais que du point de vue de la WWE/F. Je me suis pris de passion pour le « style » Nitro, sa production, son booking farfelu et son roster incroyablement riche et diversifié.
Je me permets en outre de vous redirigez vers un topic que j’avais consacré sur ce que je considère être l’un des matchs les plus sous-côtés de la période, Hulk Hogan contre Randy Savage à Halloween Havoc 1996 : https://www.jeuxvideo.com/forums/42-79-68007840-1-0-1-0-le-main-event-le-plus-souscote-de-l-histoire.htm
Au fur-et-à-mesure de ma rétrospective, j’ai eu envie d’en apprendre plus sur le contexte de l’époque et me suis donc mis à écouter divers podcasts et à rechercher des informations sur internet. Au cours de mes recherches, je n’ai eu cesse de tomber sur tout et son contraire, les différents partis accusant les autres de suivre un agenda précis et de travestir la réalité. Ce marasme général était particulièrement présent autour des causes de la mort de la WCW. J’ai donc été surpris du manque de contenu tentant de synthétiser et de proposer une conclusion « neutre » sur le sujet et c’est donc là que m’est venu la volonté d’en faire un topic.
En partant du lancement de Nitro, je vous propose donc de (re)découvrir avec moi les causes et conséquences de la mort de la World Championship Wrestling !
1. La WCW : cette non-fédération
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me permets néanmoins ce brief détour sur l’histoire mouvementée de la WCW afin de mieux en saisir les enjeux.
Tout au long de la décennie 1980, la chaîne TBS appartenant au groupe Turner également appelé Turner Broacasting System (TBS) diffusait tous les samedi son émission hebdomadaire de catch : World Championship Wrestling. Cette émission avait eu pour particularité d’héberger différentes promotions comme, tour-à-tour, la Georgia Championship Wrestling de la NWA, la WWF de Vince McMahon puis la Jim Crockett Promotions (JCP) également de la NWA. Mais en 1988, la majorité des fédérations autres que la WWF est en crise. La JCP (alors la fédération « officielle » de la NWA) sera alors rachetée par le groupe Turner et rebaptisée World Championship Wrestling.
Avec ce rachat, Ted Turner souhaitait ainsi honorer la dette qu’il avait envers l’industrie du catch. Ce sont en effet les audiences des shows des territoires diffusés sur les antennes de Turner qui avaient permis au groupe de survivre dans les années 1970. Mais, sans le savoir, Ted Turner venait d’ouvrir un conflit interne qui déchirera le groupe Turner pour la décennie à suivre.
Il faut donc retenir une chose essentielle : la WCW n’est pas née en tant que véritable fédération de catch, mais en tant que filiale d’un groupe audiovisuel. Ce détail peut vous paraître anodin, mais il jouera un rôle décisif tant dans la survie que dans la mort de la compagnie.
De 1988 à 1993 la WCW ne va cesser d’enchaîner les périodes de troubles et de déficits. La faute aussi bien à des bookers n’en faisant qu’à leur tête qu’à la crise que connaît l’industrie au début des années 90.
Mais contre vents et marées, alors même que la WCW est obligée d’aller demander (et parfois même de payer !) à des sans-abris d’Atlanta de venir assister aux shows pour remplir ses salles, et que les cadres de TBS mitraillent la gestion de la fédération à chaque réunion, Ted Turner refuse de fermer la WCW. La compagnie atteint toutefois un point de non-retour en 92 et 93.
En 1993, le vice-président exécutif de la WCW (soit le patron au-jour-le-jour de la fédération), Bill Watts, est remercié de ses services après avoir notamment : apporté une arme à feu sur son lieu de travail, uriné depuis la fenêtre de son bureau et tenu des propos racistes à l’encontre d’un journaliste. Pour TBS, la division mère de la WCW, c’est la goutte (sans mauvais jeu de mot) de trop et il est nécessaire de procéder à une révolution interne et calquer le fonctionnement de la WCW sur celui de TBS.
Le remplaçant de Watts ne sera donc plus « Executive Vice President » mais « Executive Producer », une terminologie ordinairement appliquée aux émissions télévisuelles classiques. La WCW n’est donc de facto plus considérée officiellement comme une fédération de catch, mais comme un show télévisuel comme les autres faisant parti de la programmation de la chaîne TBS.
À la surprise générale, c’est Eric Bischoff qui décroche le poste. Cet ancien vendeur de shurikens en plastique, alors intervieweur à la WCW, et qui avait fait ses classes à l’AWA sous l’aile de Vergne Gagne, se retrouve donc propulsé à la tête de la deuxième plus grosse fédération de catch des États-Unis.
Bischoff décide de marquer les esprits dès les débuts de son mandat en parvenant, grâce au portefeuille bien épais du groupe Turner, à faire signer la plus grande star du catch : Hulk Hogan.
Toutefois, malgré le vent de fraîcheur qu’était censé apporter Bischoff, le produit WCW est encore loin de satisfaire les fans ou d’attirer les foules. Si Hogan a permis de ramener de nombreux nouveaux fans, le succès n’est pas aussi important qu’escompté et la WCW continue de perdre de grosses sommes d’argent. Eric Bischoff arrive alors à la conclusion qu’il faut entièrement repenser le produit de A à Z et viser gros. Si la WCW veut parvenir à concurrencer la WWF, elle ne doit pas chercher à l’imiter tout en l’esquivant mais la confronter directement en proposant un contenu radicalement différent.
Au même moment, le groupe Turner s’apprête à lancer sa nouvelle chaîne : TNT (qui diffuse aujourd’hui AEW Dynamite). Ted Turner, conscient de l’ancrage de ses chaînes dans les États du Sud et de l’amour de ces derniers pour le catch, décide que TNT devra héberger son propre show de catch.
C’est ainsi que Turner et Bischoff se mettent d’accord pour le lancement d’un tout nouveau programme diffusé en direct (alors que les shows de la WWF étaient pré-enregistrés) tous les lundis sur TNT : WCW Monday Nitro.
2. La révolution Nitro
Monday Nitro débute donc en septembre 1995 et va très rapidement se démarquer de son concurrent Monday Night Raw.
Pour décrire ce qu’était Nitro dans ses premières années, j’aime reprendre la métaphore de Bischoff qui compare le show à un buffet. Imaginons que vous êtes en train de chercher quoi regarder à la télévision un lundi soir et que vous finissez par tomber sur Nitro. Vous allez alors être en face d’un show qui présente des colosses de muscles et de stéroïdes, vous rappelant les heures de gloire de la WWF avec Hogan ou Savage, mais également les fameux wrasslers comme Flair et Sting. Mais ce n’est pas tout. Car Nitro va également vous offrir de tous nouveaux types de match qui n’avaient jamais été présentés à une grande audience nationale avec la division cruiserweight et l’apparition de catcheurs (et mêmes catcheuses) japonais. Nitro dresse donc un véritable buffet de catch où tous les types de fans trouveront leur compte.
Cependant, la révolution Nitro ne réside pas que dans l’éclectisme de son programme mais aussi dans l’importance accordée au booking de chaque show. Pendant des années, les émissions hebdomadaires de catch servaient principalement à servir de publicité géante pour les PPV et les house shows. Nitro propose une véritable alternative en accueillant régulièrement des matchs de titre mondial ainsi que des affiches dignes de main event de PPV. Néanmoins, si cette stratégie s’avéra payante lors des premières années, elle finira par se retourner contre la WCW qui, obsédée par la guerre des ratings, gâchera de grosses affiches lors des weeklies afin d’attirer des spectateurs.
Les ratings parlons-en d’ailleurs. Si aujourd’hui ils sont redevenus à la mode dans les discussions des fans de catch, ils n’ont peut-être jamais été aussi importants qu’entre 1995 et 2001 lors des Monday Night Wars. Aux États-Unis, c’est Nielsen (l’équivalent en France est Médiamétrie) qui fournit les chiffres des téléspectateurs. Il faut toutefois bien se garder d’utiliser leurs données comme la référence ultime. D’abord, parce que leur méthodologie de comptage reste assez opaque et bancale. L’expression « magie vodou » étant d’ailleurs régulièrement employée par leurs critiques. Ensuite, parce que les chiffres bruts des ratings ne veulent en réalité pas dire grand-chose. Surtout s’ils sont décorrélé des fameuses tranches démographiques qui intéressent les annonceurs publicitaires.
Mais je reviendrai un peu plus loin dans ce topic sur l’importance de la publicité dans l’industrie du catch.
Au-delà de ses cartes, Nitro va également marquer les esprits par sa présentation et sa production.
Avec des épisodes tournés à Disneyland, dans les parcs Universal ou au bord de la piscine de stations balnéaires, Nitro offre des décors encore jamais vus pour des shows de catch. Autre différence : les commentateurs. Persuadé que les fans ne pourront pas supporter d’écouter pendant 3 heures les mêmes voix, Bischoff instaure un roulement des commentateurs lors des shows afin de garder une certaine fraîcheur. Il se garde en outre de communiquer certaines informations de booking afin que les commentaires sonnent aussi réels que spontanés (une pratique maintes fois critiquée par Bobby Heenan).
Les commentateurs de Nitro se démarquaient également de ceux de la WWF par le rôle précis qui était attribué à chacun. Tony Schiavone avait pour mission de faire passer les points précis des storylines auprès du public (comme actuellement peut le faire un Michael Cole) et défendait les faces. Heenan servait surtout à faire monter la sauce des matchs en se mettant du côté des heels. Vous aviez ensuite Mongo qui, avec ses références au football américain, avait pour mission de s’adresser à l’audience mainstream. Enfin, Mike Tenay était là pour contenter les fans les plus connaisseurs en commentant les matchs des cruiserweights, tout en expliquant à l’audience mainstream en quoi les catcheurs mexicains et japonais se démarquaient des américains.
Avec tous ces éléments réunis, et la signature de grosses stars comme Luger et Savage, Nitro va ainsi très rapidement dépasser Raw dans les ratings et imposer la WCW comme la principale fédération de catch dans le monde.
La suite de l’histoire est connue. Obsédé par l’idée de brouiller la frontière entre fiction et réalité, Bischoff va multiplier les storylines edgy avec celle du New World Order en tête. Si la WCW parvient à maintenir son avance jusqu’en 1998, le passage à l’Attitude Era chez la WWF rabattra les cartes alors que la WCW sera incapable d’offrir une conclusion satisfaisante à la NWO et multipliera les grossières erreurs de booking comme avec Starrcade 1997, Bret Hart, la fin de la streak ou encore le Fingerpoke of Doom.
3. La faute au booking ?
Lorsque l’on s’attarde sur la mort de la WCW, le refrain qui revient constamment est celui du booking. Toutefois, il faut briser un mythe comme quoi la WCW aurait enchaîne les bonnes décisions avant de multiplier les erreurs et les échecs. La WCW n’est pas passée du jour au lendemain d’un excellent booking à des choix douteux. En fait, je pense qu’on a tendance à oublier que la WCW n’a jamais eu un bon booking.
J’entends par là que la WCW n’a jamais été capable de booker sur le temps long des storylines réussies avec des fins satisfaisantes. En fait, si la fédération a eu de bonnes idées à droite à gauche et est même parvenue à créer des moments marquants à certains moments précis, ses storylines restaient caractérisées par des incohérences et des inconsistances permanentes.
Plus que les choix de booking, je pense que ce qui a surtout plombé la WCW fut la décision de se détourner progressivement de son cœur d’audience. Pour bien comprendre cela il faut retourner en 1995, avant que Nitro ne débute.
En prévision du lancement du nouveau show sur TNT, des équipes de Turner et de la WCW décident de lancer une vasque enquête auprès des fans américains. Grâce à plusieurs focus tests, panels et questionnaires, la WCW parvient à dresser une liste du profil type du consommateur de catch et de ses attentes. Cette persona, pour reprendre un terme marketing, va profondément marquer Bischoff et va progressivement influencer ses prises de décision (notamment celle de traiter les weeklies comme des shows importants et non pas comme du remplissage entre les PPV).
Mais au-fur-et-à-mesure du succès grandissant de la NWO, Bischoff va progressivement perdre de vue les résultats de cette étude et se focaliser sur un seul élément qui avait caractérisé les débuts du New World Order : surprendre. La WCW va alors devenir obsédée à constamment surprendre son audience, au prix de décisions créatives ne faisant aucun sens. Pire, parfois elle va en venir à insulter ses fans.
La dérive la plus célèbre de cette philosophie étant sûrement le Fingerpoke of Doom :
Tout au long de l’année 1998, la NWO est en proie à des conflits internes amenant à la scission entre le Wolpack de Kevin Nash et le NWO Hollywood de Hogan. Depuis plusieurs mois, les fans sont ainsi amenés à penser qu’un clash inévitable va avoir lieu entre les deux leaders et leur attente semble enfin récompensée lorsqu’un match pour le titre est annoncé entre Nash et Hogan.
Mais, dans un retournement de situation ahurissant, Nash se couche pour Hogan après avoir reçu un « coup » de doigt pour ensuite annoncer la réunification des deux clans ennemis. Si l’idée d’une réunification de la NWO était dans les cartons depuis longtemps afin d’offrir un ennemi à Goldberg, c’est l’exécution qui est catastrophique. Effectivement, personne ne s’attendait à une telle surprise puisque tout le monde souhaitait voir un match entre les deux géants. Comble de l’ironie, Bischoff ordonne à Schiavone de divulgâcher la prise de titre de Mankind sur le Rock lors du Raw du même soir.
Incapable de comprendre que les fans ne cherchent tant pas à être surpris qu’à être satisfait par la bonne progression d’une histoire, Bischoff assiste ainsi impuissant au tournant décisif et le plus remarquable des Monday Night Wars, des millions de personnes changeant de chaîne pour assister à la victoire de Mankind. Même s’il faut en réalité nuancer l’impact de cet épisode dans la guerre des ratings, la WCW étant en perdition depuis déjà plusieurs semaines, la symbolique n’en reste pas moins saisissante.
Le pire est que la WCW ne tirera aucune leçon de cet épisode, persistant jusqu’à sa disparition dans cette philosophie du swerve.
Autre symbole marquant : Kevin Sullivan, qui était un fervent opposant à ce style de booking, se verra complètement écarté des décisions créatives (et sera même victime d'un coup d'état en 2000). Il en ira de même pour Jerry Karrett qui, mandaté par Bischoff comme consultant, ne sera plus écouté alors qu'il prônait lui aussi un retour à un booking certes plus simple mais plus satisfaisant pour les fans.
Avec les ratings en chute libre et la multiplication d'incidents dans les coulisses, Bishcoff sera finalement remercié à l'été 99. En quête d'un nouveau booker, la WCW se tournera alors vers Vince Russo.
Dans la continuité des précédents mois, Russo fera fi des attentes, pourtant connues, des téléspectateurs de la WCW pour signer la WWF. Ainsi, la WCW qui avait atteint des sommets en ayant pour signature sa différenciation avec la WWF, chutera en abandonnant cette unicité.
Je ne vais pas revenir sur les horriles décisions de booking de Russo qui sont aujourd'hui bien connues et, malgré le dégoût que m'ont inspiré les Nitro sous direction, il resterait malhonnête de le désigner comme le principal coupable. Ce qui a tué le succès de la WCW n'est donc pas Vince Russo, mais l'entêtement de la compagnie à tourner le dos à son cœur d'audience et à trahir ses fans les plus loyaux.
Enfin, il est crucial de rappeler que malgré le booking catastrophique de la WCW, Nitro dépassait encore les 2 millions d'audience chaque semaine dans ses derniers jours, demeurant le programme le plus regardé de tout TNT. Si les décisions créatives sont ainsi au cœur de la fin du succès de la WCW, elles ne sont pas la raison de sa mort.
4. Faites entrer l'accusé
Dans la continuité de l’idée que le booking aurait été l’origine de la mort de la WCW, il est fréquent de voir des internautes pointer du doigt une unique personne (ou un groupe) comme principal voire seul coupable de la disparition de la compagnie. Afin de nuancer ces prises de position extrêmes, je vous propose donc s’attarder sur les principaux suspects au cas par cas.
Eric Bischoff :
Copinage avec Hogan, mépris de la jeune génération, folie des grandeurs, « ATM Eric »… Les griefs envers Easy E sont connus mais, s’ils possèdent tous un fond de vérité, restent à nuancer.
Commençons par le plus simple, celui d’ATM Eric, à savoir la propension de Bischoff à débourser n’importe comment et à surpayer son roster.
Il est factuel que Bischoff a offert des contrats très généreux à de nombreux catcheurs et était peu regardant sur les dépenses. Est-ce pour autant qu’il dépensait sans compter ? Oui et non. Oui car de nombreux témoignages internes rapportent que Bischoff n’a jamais refusé des dépenses à aucune de ses équipes de production. Non car même s’il dépensait beaucoup, il dépensait de l’argent que la WCW possédait et risquait de perdre sinon.
Pour comprendre cela il faut se rappeler que la WCW n’est pas une fédération indépendante mais une filiale du groupe Turner. Or, comme toute filiale d’entreprise, les équipes de la WCW se voyaient attribué des budgets prédéfinis par le groupe mère pour l’année fiscale à suivre. Pour ceux qui ne se sont jamais retrouvés dans un tel contexte (pour ma part j’ai plusieurs fois connus ça, donc j’ai tendance à preuve de mansuétude envers la WCW sur le sujet ) voici comment cela se passe :
Le groupe A auquel appartient la filiale B se voit attribuer un budget de 100 € pour l’année fiscale 1. Si au cours de cette année fiscale la filiale B dépense moins de 100 €, les comptables du groupe A vont alors se dire que B n’a pas besoin de 100 € pour fonctionner correctement. Aussi, pour l’année 2, A ne versera plus que 80 € à B. Par contre, si B a dépensé tous les 100 €, ou même plus grâce à ses fonds propres, A sera enclin à donner plus.
Dans le cas d’une filiale en croissance, il est donc généralement très important de dépenser son budget afin de pouvoir augmenter ses capacités d’investissement pour les prochaines années.
C’est évidemment une démonstration très simplifiée et plusieurs autres facteurs rentrent en compte dans les politiques budgétaires des entreprises, mais c’est pour que vous puissiez saisir l’idée
Aussi, Bischoff se contentait de dépenser le budget qu’on lui avait confié afin d’éviter des coupes lors des prochaines années. Ce qui n’empêche évidemment pas de critiquer l’allocation sous-optimale de son budget
Vous vous rappelez lorsque j’ai dit que c’était l’accusation la plus simple à nuancer ?
Concernant les accusations de copinage avec Hogan et sa sous-utilisation des catcheurs les plus jeunes, elles sont impossibles à réfuter. Son booking parle pour lui-même.
Toutefois, il faut comprendre que la logique de Bischoff était la suivante « tant que Hogan & co font gagner de l’argent à la WCW chose qui n’était jamais arrivée dans toute l’histoire de la fédération depuis 88 il n’y a aucun intérêt financier à les remplacer par des catcheurs moins connus ». Si cette logique permet d’expliquer les décisions de Bischoff, elle n’en reste pas moins hautement critiquable et les faits ont montré à quel point elle était suicidaire sur le long-terme.
Quant au booking plus général de Bischoff, c’est assez simple. S’il était très fort pour avoir de bonnes idées de storyline, il a reconnu être incapable de prévoir une continuité à celles-ci ni de penser à des conclusions. Sa philosophie du swerve et de brouiller réalité et fiction, aussi bien pour les fans que pour le roster, s’est également révélée dangereuse et suicidaire sur le moyen-terme. Mais pour ce point je vous renvoie à la partie précédente.
Je pense néanmoins que ce qui a le plus pénalisé Eric Bischoff est tout simplement qu’il n’était pas Vince McMahon.
En effet, alors que McMahon jonglait sans problème avec ses responsabilités de patron de la WWF, de booker, de promoteur et de personnage à l’écran, Bischoff n’a quant à lui pas réussi à supporter toute cette charge de travail et a avoué récemment être entré en burn-out dès l’été 1998.
Son incapacité (qu’il reconnaît aujourd’hui) à déléguer ses fonctions à d’autres personnes et équipes est pour moi un élément clé dans la chute de la WCW. Bischoff voulant constamment avoir le dernier mot sur tout ce qu’il gérait et se désintéressant complètement des postes dont il n’était pas responsable (notoirement le marketing et le département internet), par faute de temps, est donc plus ou moins directement responsable des innombrables gaffes de production de la WCW à cette époque.
Pour conclure sur Bischoff, je pense qu’il incarne à lui seul la WCW des Monday Night Wars. Il est parvenu à révolutionner l’industrie comme seul McMahon avait réussi à le faire avant lui. Ses décisions ont permis à la WCW de faire du profit pour la première fois de son histoire et d’inscrire le catch au cœur de la culture populaire des États-Unis de la fin des années 90.
Il faut bien comprendre que sans la vision de Bischoff, les weeklies et storylines que l’on connaît depuis plus de 20 ans n’existeraient pas. En outre, je trouve que son personnage de patron corrompu, logiquement éclipsé par celui de Mr. McMahon, était très en avance sur son temps. En effet, là où Vince portrayait (avec brio) le cliché intemporel du patron tyrannique, Bischoff incarnait quant à lui un méchant très « macronien » finalement. Je vous conseille vraiment de regarder certains segments de Bischoff en 96 et 97 (notamment celui où il décide de renvoyer un arbitre devant ses enfants). Il a tout du patron jeune et dynamique faisant des sourires à la caméra mais qui derrière se comporte comme le pire des dictateurs.
En bref, l’impossibilité de Bischoff à se remettre en question aura grandement participé à la fin de la WCW, mais cela n’enlève en rien un héritage incomparable dans l’industrie. Je suis même persuadé que beaucoup d’entre-nous ne serions pas fans de catch aujourd’hui sans les changements opérés par Eric Bischoff.
Vince Russo :
En 1999, la WCW est en pleine déroute créative. Eric Bischoff est en burn-out et a confié les rênes du booking à un Kevin Nash qui, malgré tous les beaux discours qu’il a pu tenir depuis, a utilisé sa position pour enterrer ses ennemis et se mettre en avant avec ses amis. En résultent des Nitro infâmes à regarder avec parfois pratiquement des heures entières sans aucun match.
Nash se défend toutefois en expliquant, qu’hormis pour un seul Thunder, il n’a jamais réellement eu les pleins pouvoirs créatifs.
À l’été 99, les dirigeants de la WCW décident enfin de réagir et démettent Bischoff de ses fonctions. Bill Burk, nouveau Executive Producer à la place de Bischoff et Brad Siegel, président du groupe Turner, sont alors à la recherche d’un nouveau booker et décident de s’intéresser à la concurrence. La WWF est en effet train d’écraser sa rivale dans les ratings grâce au virage de l’Attitude Era et le fameux modèle du « crash TV ».
Baptisé ainsi par Vince Russo, alors membre du comité créatif de la WWF aux côtés de Bruce Prichard et Vince McMahon, le crash TV repose sur l’idée qu’en période des Monday Night Wars, les téléspectateurs gardaient toujours la télécommande de leur écran en main, prêts à changer de chaîne. Aussi, dès qu’un match/segment de Raw/Nitro leurs déplaisait, les spectateurs allaient immédiatement voir ce que proposait l’autre show.
Le crash TV avait donc pour but de faire lâcher la télécommande aux spectateurs de Raw. Pour ce faire, Russo souhaitait des matchs et des segments rapides qui s’enchaînaient à une vitesse effrénée tout en multipliant les retournements de situation. Le spectateur qui changeait de chaîne risquerait alors de manquer un turn, un changement de titre ou un segment encore jamais vu.
Le modèle du crash TV ayant été une grande réussite pour la WWF, il était donc logique pour la WCW de se tourner vers son auteur. Vince Russo était d’ailleurs en conflit avec McMahon depuis que celui-ci lui avait refusé une augmentation de salaire alors que Russo devait désormais se charger de Raw et Smackdown.
Toutefois, les dirigeants de la WCW commirent deux grandes omissions.
La première était que, même si Russo avait eu énormément de bonnes idées à la WWF comme s’assurer que tous les membres du roster possédaient un gimmick identifiable et unique, que chaque match devait avoir une raison d’avoir lieu ou encore de planifier les retournements de situation autour des coupures publicitaires , la plupart étaient filtrées et corrigées par McMahon. Or, à la WCW, Russo allait avoir les mains libres. La seconde était que Raw durait moins de deux heures contre trois pour Nitro.
Cette heure supplémentaire essoufflera très rapidement Russo et son modèle de crash TV qui n’arrivèrent pas à s’adapter à un format plus long. Cette troisième heure signifiait également que Russo devait multiplier les moments chocs et donc forcément les décisions bancales.
Le résultat final est entré dans la légende.
Les Nitro de l’ère Russo ne faisaient aucun sens, les titres changeaient de mains plusieurs fois par semaine, les femmes étaient reléguées à l’état d’objet, les catcheurs mexicains et japonais cantonnés à des clichés méprisants…
Pour le coup, il n’y a pas de mythe à briser sur Russo. Son booking était catastrophique et aura renforcé la philosophie du swerve, participant donc à dégoûter les fans du produit.
Une rumeur existe néanmoins sur le fait que les ratings de Nitro auraient progressé sous le mandat de Russo. Cela est faux. En réalité, c’est juste que le dernier Nitro précédant l’arrivée de Russo aura fait des ratings un peu plus faibles que celui du dernier Nitro booké par Russo. Mais il suffit de se pencher sur l’ensemble des ratings de son ère pour constater qu’il n’y a eu aucune augmentation structurelle du nombre de spectateurs. Pire encore, le nombre d’acheteurs de PPV aura grandement diminué sous son mandat.
Malgré tous ces éléments, il serait trop facile d’accabler Vince Russo de tous les maux.
Pour commencer, et comme mentionné maintes fois tout au long de ce topic, la déroute créative (et donc des ratings) de la WCW précédait déjà son arrivée. De même pour la présentation de Nitro comme un sous-Raw. Il est juste que Russo a accentué ces deux phénomènes, et donc dégoûtés de nombreux fans de redonner une chance au produit, mais le mal était déjà fait.
En outre, malgré tous les dégâts causés par son booking, la fédération n’était pas encore irrécupérable après son départ. Le début des années 2000 et 2001 (Russo ayant quitté le navire une première fois à l’approche de Souled Out 2000 parce qu’il souhaitait donner le titre à Tank Abbott, un mid-carder limite jobber, puis s’étant fait renvoyer plus tard dans l’année après son retour) prouvèrent qu’il était encore possible de sauver les meubles grâce au booking de Johnny Ace. Je vous recommande d’ailleurs l’excellent run de Sid en 2000, ainsi que le règne de Steiner en 2001, qui font partis des meilleures idées de booking de la WCW ère Nitro.
En outre, les changements opérés par Russo n’étaient pas tous négatifs. Du moins, dans un premier temps. Tony Schiavone témoigne notamment qu’alors que les mandats créatifs de Sullivan, Bischoff et Nash se caractérisaient par un manque de transparence et de visibilité dans les prises de décision, celui de Russo était bien plus structurée.
Schiavone explique ainsi, qu’à peine arrivé, que le natif de New York avait instauré des réunions créatives avec l’ensemble des équipes de production où il détaillait segment par segment le déroulement des prochains shows, chose qui ne s’était jamais fait à la WCW. Cela peut paraître fou à dire, mais il est ainsi possible d’affirmer que Vince Russo aura apporté du professionnalisme au sein de la WCW.
Enfin, il faut également reconnaître que Russo a été capable de faire ce que ni Bischoff, ni Nash, ni Sullivan n’ont jamais su ou voulu faire : mettre en avant la nouvelle génération (même si ce fut bancal) au détriment des Hogan & Co.
En parlant de Hogan
Hulk Hogan :
Je pourrais consacrer un autre topic de 50 pages au Hulkster qui est à mes yeux le plus grand catcheur de toute l’histoire mais, cette partie étant déjà beaucoup trop longue, je vais essayer de faire court.
Les chefs d’accusation contre Hogan sont les suivants :
Hogan aurait tout fait pour enterrer ses collègues et se mettre en avant
Il est factuel que Hogan a toujours cherché à maintenir sa place au sommet de la hiérarchie, quitte à manœuvrer dans les coulisses. Si d’un point de vue de spectateur cela est évidemment regrettable, cela ne fait pas non plus de lui un monstre comme certains le sous-entendent. En outre, il est important de nuancer cette accusation à partir de 1997, année où Hogan signe son nouveau contrat.
Ce dernier stipulait en effet que le Hulkster toucherait un pourcentage non négligeable des revenus des PPV de la WCW. Or, pour qu’un PPV se vende bien, il faut des affiches qui attirent. Hogan avait donc tout intérêt à ne pas trop vite enterrer le roster afin de maximiser ses intérêts financiers. Je me permets également de signaler que c’est Hogan lui-même qui aura demandé que Luger et Goldberg le battent clean pour le titre. Le dictateur Hogan est donc à l’origine de deux des plus grands moments de l’histoire de la WCW (s’il-vous-plaît, regardez le Luger/Hogan du centième Nitro)
Hogan aurait refusé de mettre en avant la nouvelle génération
J’y ai déjà un peu répondu lors du point précédent et, encore une fois, même s’il est impossible de dire que cette accusation est fausse, elle reste à nuancer.
D’abord parce que le refus de pusher les jeunes catcheurs était un problème endémique à la WCW (aboutissant au fameux départ des Radicalz après Souled Out 2000) et non propre à Hogan. Ensuite, parce que Hogan acceptera de mettre en avant quelques jeunes dont Vampiro, Billy Kidman et… The Wall (une sombre histoire sur laquelle j’aimerais pouvoir m’attarder plus longtemps ).
Hogan avouera lui-même que ce n’était pas tant qu’il refusait de mettre en avant les jeunes, mais qu’il ne les trouvait pas dignes du main event.
Certains diront que c’est jouer sur les mots, et ils n’auront pas forcément torts, mais je reste convaincu qu’aux yeux de Hogan, il n’y avait tout simplement pas de nouvelles stars dans cette jeune génération.
Hogan aurait coulé financièrement la WCW
Cette accusation repose sur son fameux contrat de 97 qui lui donnait droit à une part des recettes des PPV. N’ayant pas de comptes de résultat de la WCW sous les yeux et la comptabilité de la compagnie étant très spéciale, comme on va bientôt le voir il m’est impossible de vous dire à quel point cette clause a pesé sur les finances de la fédération.
Il est toutefois certains qu’à partir de 1999/2000, lorsque les revenus de la WCW et les achats de la PPV commencèrent à s’écrouler, que cette clause n’a clairement pas dû aider. Mais vouloir imputer l’entièreté des problèmes financiers de la compagnie sur le contrat de Hogan ne fait évidemment aucun sens.
Comme expliqué plus haut, la gestion financière de la WCW a toujours été folklorique et que la compagnie fut historiquement plus souvent déficitaire que dans le positif.
J'ai toujours pensé que Vince McMahon a donné des pots de vins aux dirigeants de AOL Time Warner, afin qu'il rachète la concurrence a moindre coût, et que la vente se fasse uniquement pour lui dans le plus grand secret.
Même Éric Bischoff a été devancé par cette vente, car la fédération wcw lui a été vendue pour une bouchée de pain, 8 millions de dollars.
Pour Hogan, eh bien le match de Starrcade 97 était très suspect, je pense que l'arbitre a été payé par Hogan pour faire un compte normal, ce qui montre qu'il a dominé totalement Sting de A a Z, domination jusqu'à son finish, et 1,2,3 décompte normal.
Hogan aurait volé les ventes de produits dérivés d'autres catcheurs
Bon, celle-ci c'est plus pour rigoler qu'autre chose. Mais vous allez voir quand quand même y apprendre des choses
Cette légende remonte à un fameux passage de la biographie de Chris Jericho où il explique n'avoir quasiment jamais rien touché en dividendes de produits dérivés alors que "les arènes étaient remplies de t-shirts Chris Jericho".
En outre, le jour où il alla lui-même en acheter un en magasin, le ticket de caisse aurait imprimé "Hulk Hogan" sur la référence du produit. Sous-entendu que Hogan recevrait les bénéfices des ventes des autres catcheurs.
Derrière l’anecdote se cache en réalité une spécificité assez intéressante (je crois ) des contrats de la WCW ainsi qu'une technicalité sur le fonctionnement des grandes surfaces je ne sais pas comment j'ai pu partir de l'idée d'un simple topic sur la mort de la WCW pour me retrouver à parler ticket de caisse et grande distribution, mais nous y voilà .
Historiquement, les catcheurs étaient payés au show. C'est-à-dire que si le promoteur faisait appel à un catcheur pour un événement, il lui versait une rémunération pour cet événement-ci uniquement.
La WCW appartenant cependant à une chaîne de télévision, elle va dynamiter ce système en proposant des contrats similaires à ceux que l'on retrouve pour les séries télévisées.
Ainsi, les catcheurs de la WCW n'étaient plus payés à l'apparition mais recevaient un contrat de X mois avec une rémunération mensuelle fixe.
Si ce type de contrat aura été vivement critiqué par de nombreux promoteurs et bookers (l'argument étant que les catcheurs n'étaient plus motivés à devenir over, leur paie étant garantie quoi qu'il arrive), il est intéressant de constater que c'est un modèle désormais normalisé et adopté par la WWE et l'AEW.
Toutefois, en contrepartie de ce salaire garanti, ces contrats offraient moins de bénéfices sur les à-côtés, dont notamment la part des recettes issues des produits dérivés.
Ainsi, Jericho avait bien raison de souligner la disparité entre les ventes de ses t-shirts et ce qu'il touchait. Mais est-ce pour autant que l'argent allait dans les poches de Hogan ?
Eh bien sachez que non ! Je suis d'ailleurs tombé sur l'explication un peu par hasard dans un fil de discussion.
Dans ce dernier, un internaute raconte une anecdote similaire à celle de Jericho, se rappelant avoir acheté des produits WCW de différents catcheurs mais où le ticket de caisse ne mentionnait que Sting.
Il s'agit en fait pas ici d'une magouille de la part des gros noms de la WCW, mais bien d'un simple système de référencement propre aux ventes de merchandising.
Les marques se déclinant sous de multiples formes de produits, il peut être fastidieux pour les grandes surfaces de tous les références. Elles adoptent donc généralement un référencement global par type de produit. Ce qui veut par exemple dire que les t-shirts WCW étaient tous labellisés sous la référence "Hulk Hogan" par les grandes surfaces (mais pas par la WCW elle-même) et les figurines ous "Sting".
J'espère avoir pu être clair
Il y a évidemment plusieurs autres noms que j'aurais pu citer en accusé (Nash en tête), mais je pense que j'aurais été amené à répéter certains arguments et accusations. Pour un topic qui se voulait à la base synthétique ( ), je vais donc en rester là. Mais n'hésitez pas à partager votre avis sur certains coupables que j'aurais pu oublier !
Le 17 septembre 2023 à 17:38:12 :
J'ai toujours pensé que Vince McMahon a donné des pots de vins aux dirigeants de AOL Time Warner, afin qu'il rachète la concurrence a moindre coût, et que la vente se fasse uniquement pour lui dans le plus grand secret.Même Éric Bischoff a été devancé par cette vente, car la fédération wcw lui a été vendue pour une bouchée de pain, 8 millions de dollars.
J'aborde ce sujet en long, en large et en travers dans ma dernière partie. Avec des anecdotes assez cocasses sur les affinités entre Brad Siegel et la WWF.
Bon, JVC me rendant fou avec ces messages non-valides, j'en reste ici pour le moment. Je posterai la suite ce soir ou demain
Gros boulot franchement. Excellent topic.
C'est très agréable à lire. Parfait quand tu es dans le train
5. AOL Time Warner : l’impossible survie de la WCW
Jusqu’ici j’ai principalement abordé les questions créatives et de management qui ont rongé la WCW pendant toute son histoire. Cependant, il me paraît une nouvelle fois crucial de souligner que toutes ces mauvaises décisions ont certes tué le succès de la WCW, mais n’ont pas tué la fédération elle-même.
Cette nuance peut paraître minime mais elle est en fait cruciale car elle nous permet de replacer la WCW dans son contexte d’entité du groupe Turner.
En effet, j’ai plusieurs fois insisté que la WCW n’était en réalité qu’une simple filiale de TBS. À la différence des autres fédérations que l’on connaît, la WCW était donc gérée comme une chaîne de télévision. Aussi, là où la WWE survivait en continuant à générer du profit grâce à ses shows, la WCW était traitée de manière bien différente.
Car pour un groupe de télévision, le critère principal décidant de la survie d’un programme est le nombre de spectateurs. Pourtant, en mars 2001, Nitro continuait à attirer chaque semaine plus de deux millions de téléspectateurs, en faisant le programme le plus regardé de toute la chaîne TNT. Ce qui n’empêcha pas TNT de décider d’arrêter de diffuser Nitro sur ses antennes.
Ce paradoxe s’explique à travers deux raisons principales : la méfiance des publicitaires envers le catch et les conflits au sein du groupe Turner.
Puisque la question de la publicité est au centre de la prochaine partie, je vais ici uniquement aborder celle du groupe Turner.
En début de topic, rappelez-vous, j’avais mentionné que le protectionnisme de Ted Turner envers le catch allait conduire à de graves conflits au sein de son groupe. En effet, pour les cadres TBS, le catch était perçu comme étant un divertissement de beauf, regardé uniquement par la partie la plus sous-cultivée et pauvre des États-Unis. En outre, les cadres ne pouvaient pas passer outre les importantes pertes financières de la WCW.
Ajoutez à tout cela l’ambiance très particulière des vestiaires d’une fédération de catch, qui passait très mal aux yeux des autres employés du groupe plus habitués à une atmosphère corporate et bon-enfant, et vous obtenez un cocktail explosif pour descendre la WCW.
Ainsi, hormis Ted Turner et les employés de la WCW, quasiment tout le monde au sein du groupe Turner souhaitait voir la fédération disparaître. Avant le lancement et le succès de Nitro, ce sentiment s’exprimait de deux manières : l’insistance des exécutifs à demander à Ted Turner de lâcher la fédération à chaque réunion, ainsi que le début de certaines acrobaties comptables qui joueront un rôle fatal dans la mort de la compagnie.
Après le succès de Nitro, la tendance semble commencer à s’inverser en coulisses. Eric Bischoff pense même avoir enfin pris sa revanche sur le groupe Turner (anecdote fameuse où Bischoff força un top cadre de TBS à s’agenouiller et lui offrir un dollar après que la WCW eut enregistré son premier bénéfice annuel) . Les Monday Night Wars ont en effet fait du catch l’un des centres de la culture populaire américaine de l’époque et, qu’ils l’avouent ou non, Nitro et Raw étaient regardés par des gens de toute classe et origine sociale.
Les ratings de Nitro sont alors si élevés que Ted Turner ordonne même le lancement d’un troisième programme WCW (en plus de Nitro et Saturday Night) sur les antennes du groupe avec Thunder. Outre le surplus de travail que ce nouveau show représente pour la production et les équipes créatives de la fédération, son lancement survient également à un tournant crucial dans l’histoire du groupe Turner, ce dernier venant de se faire racheter par Time Warner (le groupe Warner Bros.).
Or, qui dit période de rachat et de fusion, dit période de réduction des coûts. Aussi, si WCW Thunder sera bel et bien diffusé sur TBS, la chaîne refusera de produire le show.
C’est donc la WCW qui devra elle-même payer pour réaliser et produire Thunder, sans que TBS ne verse un seul dollar.
Ainsi, en 1998, Eric Bischoff qui pensait enfin avoir fait son trou au sein du groupe Turner se voit offrir le cadeau empoisonné qu’était Thunder. À la même période, il commence progressivement à se rendre compte que les mêmes cadres qui s’étaient précédemment montrés si dédaigneux envers la WCW cherchent désormais à s’en attribuer une partie du succès. Bischoff est donc régulièrement invité à des réunions pour discuter du futur de la fédération avec des personnes qui, d’après lui, ne connaissaient même pas le jour de diffusion de Monday Nitro.
C’est à cette période qu’Easy E va alors commettre une erreur qui s’avérera fatale quelques années plus tard. Agacé par le retournement de veste des cadres de Turner, il décide d’adopter un comportement ouvertement méprisant voire insultant envers eux. Plusieurs témoignages attestent par ailleurs qu’à ce moment, la frontière entre le personnage d’Eric Bischoff à la télévision et le véritable Eric Bischoff n’existait plus. Or, si l’extraordinaire réussite de Nitro lui permettait pour le moment d’esquiver toutes les critiques, de nombreuses personnes prirent note de son attitude et attendaient l’occasion de se venger.
Ils n’auront pas à attendre bien longtemps puisque la WCW commencera à s’effondrer dès l’année suivante, aboutissant au « renvoi » de Bischoff à l’été 99. Toutefois, même si elle ne le sait pas encore, le départ de Bischoff est loin d’être le principal bouleversement qui va secouer la fédération cette année-là.
Car alors que la WCW souffre d’une gueule de bois terrible, le groupe Time Warner songe déjà à l’année suivante et même au siècle suivant. Fin 99, la bulle internet se rapproche de sa taille critique et, de la même manière qu’en ce moment « intelligence artificielle » est dans toutes les bouches, la transition vers internet est au cœur de tous les débats économiques.
Le président de Time Warner (maison mère du groupe Turner) se rapproche alors d'AOL, un fournisseur internet américain, pour discuter rachat. Mais à la surprise générale, il ne s'agit pas pour le géant mondial des médias à l'époque Time Warner était, en gros, l'équivalent de ce qu'est devenu Disney aujourd'hui d'avaler une petite entreprise prometteuse, mais bien de se faire absorber par le petit poucet. C'est comme si, demain, Apple décidait de se faire absorber par une start-up d'IA.
À l'aube du nouveau millénaire, la WCW doit donc batailler pour amortir sa chute et trouver une solution pour endiguer ses pertes financières, alors qu'elle perd au même moment son seul allié au sein du plus grand groupe de divertissement au monde.
6. La mort de la WCW : l’impossible monétisation du catch
Depuis le début de ce topic je me suis attardé sur ce qui avait « tué le succès de la WCW » mais il est maintenant temps d’aborder ce qui a tué la WCW.
Lorsque l’on s’attarde sur la disparition de cette fédération, une question revient fréquemment : « pourquoi TNT a-t-elle lâché Nitro alors qu’il s’agissait de son programme le plus populaire ? ».
La partie précédente a déjà esquissé un début de réponse : un mépris historique pour le catch depuis la création de la WCW ainsi qu’un esprit de revanche contre Bischoff. Pour la compléter il faut désormais s’intéresser au fonctionnement économique de l’industrie de la télévision.
Pourquoi le nombre de spectateurs est si important aux yeux des chaînes ? Car une forte audience envoie un signal positif auprès des annonceurs publicitaires qui vont logiquement préférer acheter les encarts leur permettant de toucher le plus grand nombre de personnes. Aussi, plus un programme télé est regardé, plus le chaîne enregistre des revenus élevés.
Toutefois, lorsque l’on parle de marketing, il faut garder en tête que le nombre total de personnes touchées par une publicité n’est pas la donnée la plus importante. Ce qui compte, c’est de s’assurer de pouvoir toucher le consommateur potentiel du produit. Ce profil du consommateur potentiel est donc établi en agrégant son âge, son sexe, son métier, son lieu de résidence etc.
À la télévision, les annonceurs vont donc non seulement regarder les chiffres d’audience mais également les profils des spectateurs. C’est là qu’entrent en jeu les fameuses demo dont on a récemment réentendu parler avec l’AEW. Les demo désignent en fait les tranches d’âge des téléspectateurs. Parmi les tranches d’âge préférées des annonceurs on retrouve notamment :
Les enfants et jeunes adolescents qui, malgré leur faible budget, demanderont à leurs parents d’acheter le produit qu’ils ont vu à la télé.
Les adultes et jeunes adultes qui sont censés disposer d’un revenu stable et d’un logement.
Les « jeunes » retraités qui profitent de leur temps libre pour dépenser sans trop compter avant de mettre de côté pour leurs enfants et petits-enfants.
Pour simplifier, la tranche d’âge préférée des annonceurs publicitaires était celle des 18-49 ans puisqu’il s’agit de celle où les flux de revenus sont censés être les plus réguliers.
Or, lors des Monday Night Wars, la WCW s’est retrouvée dans une situation assez paradoxale. Avec le tournant de la NWO, Nitro a progressivement adopté une présentation plus MTV-esque si vous me pardonnez le syllogisme. C’est-à-dire des shows plutôt tournés vers les adolescents. Cependant, les résultats des audiences de la WCW montraient que le public de cette dernière était assez âgé.
Cette dissonance entre l’orientation du produit et l’âge réel des spectateurs fait ainsi non seulement écho à la diminution progressive des audiences avec l’adoption du crash tv, mais rendait surtout très compliquée la vente d’encarts publicitaires aux annonceurs lors de Nitro.
Les personnels de TNT et TBS expliquaient ainsi qu’ils étaient incapables de vendre le produit WCW car ils ne pouvaient notamment pas dire à qui la fédération s’adressait. Les adolescents comme semblait le montrer la production des shows ? Ou bien les adultes âgés qui constituaient la plus grosse part des audiences de Nitro ?
Autre problème majeur, les stéréotypes (historiquement vrais) sur les fans de catch étaient que ceux-ci étaient plutôt pauvres.
Ainsi, malgré les très gros ratings de Nitro, son audience n’intéressait donc pas les annonceurs qui n’y retrouvaient pas leurs consommateurs.
Mais le point fascinant de toute cette histoire est que, justement, les Monday Night Wars provoquèrent des mutations profondes dans le profil des fans de catch américain ! Un changement qui fut nié tant par les annonceurs que par le groupe Turner lui-même :
Vous avez peut-être déjà entendu parler des « Nitro watch parties », ces soirées organisées sur les campus des universités américaines (dont même les prestigieuses de l’Ivy League) où les étudiants se réunissaient pour regarder Nitro. Vous vous souvenez peut-être également que certains étudiants filmaient ces soirées, poussant alors la WCW à en diffuser des extraits lors des Nitro.
Eh bien ce choix de diffuser les vidéos fut en réalité adopté pour prouver aux annonceurs et aux cadres de Turner que non, le catch n’était plus uniquement un divertissement populaire mais touchait également l’élite (sic) de la population américaine !
Ces efforts pour prouver aux annonceurs le potentiel économique de l’industrie du catch s’avérèrent vains. Pire, plus la WCW et la WWF empruntaient un virage MTVesque, plus les annonceurs se rétractaient, refusant d’être associés à du contenu violent et parfois à la limite du pornographique.
C’est d’ailleurs avec fascination que je découvris de nombreux interviews de Bischoff, datant de 1997-2001, où celui-ci admettait regretter le tournant prit par l’industrie. Car avec le faible nombre originel d’annonceurs prêts à s’associer au catch et leurs départs progressifs, combien seraient encore là à la fin des Monday Night Wars ?
Cette réflexion peut vous paraître anodine, mais à mes yeux se trouve ici l’origine de la « crise » du catch américain de la décennie 2000.
Certes la fin des MNW a naturellement provoqué une chute des audiences, mais celles-ci restaient encore fortes lors de la Ruthless Agression. Toutefois, en continuant de s’enfoncer dans sa présentation MTV, la WWE a continué à faire fuir les annonceurs. Aussi, si le passage à l’ère PG est attribué à la volonté de Linda McMahon d’entrer en politique, j’émets l’hypothèse que la nécessité de faire revenir les annonceurs était au centre de ce choix.
Choix qui a largement payé puisque, alors qu’elle affiche depuis plusieurs années ses audiences les plus faibles, la WWE n’a jamais généré autant d’argent qu’actuellement.
Pour en revenir au sujet de cette partie, TNT n’a donc pas décidé d’arrêter la diffusion de Nitro sur ses antennes à cause de la baisse des audiences. Cet abandon s’explique, ainsi, d’une part par les stigmates associés à l’industrie du catch par les cadres d’AOL - Time Warner. Stigmates qui ne pouvaient plus être balayés par Ted Turner. Et d’autre part par une monétisation impossible de Nitro par la chaîne.
Aussi, lorsque vous diffusez un programme qui « dégrade » votre image de marque (TNT souhaitant, depuis la fusion avec AOL, devenir une chaîne s’adressant aux CSP+) et que vous n’arrivez pas à vendre aux annonceurs, il est finalement logique de chercher à s’en débarrasser.
Pour autant, il reste probable que la décision de déprogrammer Nitro ne soit pas venue uniquement de TNT mais aussi d’AOL - Time Warner. Le groupe souhaitant faire table rase du passé et s’inscrire dans la révolution digitale avec une image de marque respectable et familiale.
Toutefois, ces explications sont loin de satisfaire de nombreux internautes. Depuis une vingtaine d’années s’est ainsi développée et répandue une théorie comme quoi l’abandon de Nitro résulterait d’un sabordage volontaire en interne afin que la WWF puisse racheter à moindre prix la WCW.
Complot, sexe et trahison : il est enfin temps d’aborder l’incroyable péripétie que fut la vente de la WCW !
7. Complot ou fatalité : la vente de la WCW
Si la WCW semblait donc condamnée à sortir du groupe Turner, son avenir n’en restait pas moins incertain, tant les repreneurs potentiels changeaient semaine après semaine.
À partir de l’année 2000, ce sont ainsi plusieurs groupes différents qui vont se succéder pour tenter de racheter la compagnie jusqu’à ce que la vente à la WWF soit officialisée. Je vais ici me concentrer sur les quatre plus « grosses » offres de cette période, dont une dont vous n’avez sûrement jamais entendu parler
Fusient Media : première tentative
En 2000, alors qu’il n’est pas encore revenu à la WCW, Eric Bischoff est approché par un groupe d’investisseurs, Fusient Media, qui aimerait ajouter une fédération de catch à son portfolio afin de profiter du boom de l’industrie. Ayant entendu des échos sur la volonté d’AOL-Time Warner de se débarrasser de la WCW, Fusient veut donc se positionner pour son rachat. Mais si le groupe possède les fonds pour l’opération financière, il ne connaît rien sur le catch.
Aussi, en recrutant Bischoff, le groupe sait qu’il pourra déléguer toute la partie créative et l’aspect « promoteur » à un homme expérimenté et qui en plus de cela connaît déjà très bien la fédération.
Pour diverses raisons un peu floues (dont notamment l’interdiction du grouper Turner de déplacer les shows sur des chaînes n’appartenant pas au groupe Turner), cette première tentative se solde par un échec mais va tout de même faire naître une rumeur à la dent dure.
En effet, Fusient aurait apparemment proposé 67 millions de dollars pour racheter la WCW, une offre qui peut paraître ridicule comparée aux 4 millions de la WWF en 2001.
Toutefois, ce chiffre de 67 millions n’a jamais réellement existé. En fait, Fusient avait proposé une certaine somme (au montant inconnu) pour le rachat de la WCW puis, au fil des négociations, Turner proposa également à Fusient de racheter tout un tas de contrats de sponsoring, de partenariat etc. possédés par la WCW.
Ainsi, les 67 millions de dollars représentaient le total du prix de rachat de la WCW et de la somme de tous les revenus garantis par les dits-contrats. Donc dans les 67 millions, une très large partie aurait été mécaniquement remboursée par les contrats rachetés.
Lenita Erickson : sexe et rock & roll
De toutes les histoires et anecdotes rocambolesques concernant le marasme interne dans lequel était plongé la WCW à la fin du dernier millénaire, je peux vous affirmer qu’aucune ne dépasse l’ascension aussi fulgurante qu’éphémère de Lenita Erickson.
« Mais qui est Lenita Erickson ? » vous devez être nombreux à vous demander. Une question tout à fait appropriée puisqu’il s’agit d’un nom qui n’avait jamais été associé à celui de la WCW avant la parution de l’ouvrage de Guy Evans. Et, même après, cette histoire est curieusement restée assez confidentielle.
Lenita Erickson est à la base une chanteuse d’un petit groupe de rock américain. Au fil des années elle se rapproche de certains très grands groupes dont KISS et entame même une relation avec un des membres. Cette connexion lui ouvre alors de nombreuses portes dans le divertissement américain et, en fin d’année 2000, elle obtient même l’opportunité de pitcher à Brad Siegel un projet d’émission de sport présentée par des femmes.
Brad Siegel était alors le président du groupe Turner (au sein donc d’AOL-Time Warner) et est conquis par l’éloquence d’Eickson (certaines personnes iront même un peu plus loin que ça en parlant de leur relation ).
Brad Siegel est sûrement mon grand regret de ce topic. C’est une personnalité qui a joué un rôle crucial dans les dernières années de la WCW et est même le protagoniste d’anecdotes particulièrement horribles (comme la fois où il aurait « castré verbalement » Bill Burk, le producteur exécutif de la WCW après le départ de Bischoff). Mais l’aborder en-dehors du sujet de la vente de la WCW aurait conduit à d’énièmes digressions inutilement longues.
Siegel est si impressionné par Lenita Erickson qu’il lui propose un job à la WCW sans lui dire précisément en quoi il consiste. Cette dernière, prête à tout pour que son projet de show sportif se fasse, accepte et se retrouve catapultée dans une fédération de catch sans rien connaître à cette industrie. Lorsqu’elle se rend aux enregistrements des shows, elle est tour-à-tour prise pour une intervieweuse et pour la nouvelle patronne de la WCW.
Complètement perdue, Erickson finit par comprendre une chose : Brad Siegel fait tout son possible pour vendre la WCW dans le dos de la fédération. Cette opacité et le bordel ambiant vont alors lui donner l’occasion de tenter un coup d’état.
S’étant, un peu par hasard, rapprochée de JJ Dillon (qui avait alors un rôle administratif au sein de la compagnie), celui-ci lui apprend que Jerry Jarrett, promoteur légendaire et père du GOAT Jeff, cherche à racheter la WCW.
Jarrett avait, au fil des années, été appelé plusieurs fois à la rescousse par la fédération pour jouer un rôle de consultant. En 2000, Bill Burk (le remplaçant de Bischoff à la tête de la WCW) avait même tenté de lui confier les pleins pouvoirs créatifs juste avant que ne revienne le duo Russo et Bischoff.
Arrivée il y a seulement quelques semaines, Lenita Erickson devient donc la tête pensante d’un projet de rachat de la WCW. On ne sait toutefois pas vraiment si le trio Erickson/Dillon/Jarrett a réellement formulé une offre sérieuse, mais d’après Bischoff (qui revenait à la charge avec Fusient), rien de concret n’est jamais vraiment sorti du trio.
Même si cette histoire n’a abouti sur rien, je la trouve tout de même fascinante. Rendez-vous compte que nous sommes passés d’un simple projet d’émission sportive au recrutement d’une intervieweuse qui s’est ensuite auto-déclarée porte-parole du président du groupe Turner, avant de finalement conspirer avec l’un des plus grands promoteurs américains pour racheter la fédération. Du grand n’importe quoi comme seule l’industrie du catch sait le faire
Fusient Media : le Big-Bang
Après l’échec de sa première tentative, le groupe Fusient revient à la charge fin 2000 et parvient même à conclure le rachat !
Le 11 janvier 2001, un communiqué de presse officialise ainsi la vente de la WCW à Fusient Media Ventures : https://www.ign.com/articles/2001/01/11/press-release-wcw-sold-to-fusient
Avec Bischoff, le groupe s’active alors pour préparer le futur de la compagnie. Après de nombreuses réflexions un plan définitif est trouvé. Les programmes de la WCW seront « mis en pause » le temps de quelques semaines pour aboutir à un PPV reboot, « The Big Bang », en mai (je vous recommande le très intéressant article du site de la WWE à ce sujet : https://www.wwe.com/article/big-bang-untold-story-wcw-pay-view-almost-happened ) .
L’idée est que le reboot se fasse autour d’une storyline centrée sur Scott Steiner. Champion et top heel de la fédération, Steiner serait présenté comme une menace insurmontable pour le roster de la WCW (son règne fut d’ailleurs très bon et sous-côté). Une alliance entre la jeune et l’ancienne génération aurait alors eu lieu au Big Bang pour le terrasser.
Au niveau de la production, il est également décidé que la WCW sera délocalisée à Las Vegas où elle y organisera tous ses shows. En effet, la fédération avait opéré une gestion catastrophique de ses house shows et de ses déplacements depuis quelques années, si bien qu’elle avait « tué » de nombreuses villes. C’est-à-dire qu’avec la multiplication des mauvais shows, le public local s’était dégoûté du produit WCW et ne se déplaçait plus dans les arènes de leurs villes pour assister aux Nitro, Thunder et PPV.
Par ailleurs, Nitro et Thunder continueraient à être diffusés sur TNT et TBS.
Dans tout ce projet de rachat, une inconnue majeure demeurait néanmoins autour des grosses stars de la WCW. Vous vous souvenez peut-être que l’échec de la storyline de « l’Invasion » à la WWE s’expliquait en partie par le refus de la fédération de racheter les plus gros contrats de la WCW.
En effet, autre particularité de la WCW, cette dernière ne possédait pas tous les contrats de ses catcheurs. Les plus onéreux appartenaient directement au groupe Turner qui avait la trésorerie suffisante pour les honorer.
Aussi, quiconque rachèterait la WCW devrait en plus négocier individuellement le rachat des contrats des Nash, Sting, Hogan, Goldberg etc.
Mais en mars 2001, alors que la vente avait été officialisée depuis plus de deux mois, Fusient annonce l’annulation du rachat. La raison ? L’annonce du groupe Turner de la déprogrammation de tous ses shows de catch sur ses antennes qui signifiait que Fusient devait trouver une nouvelle chaîne pour diffuser la WCW.
Non seulement cette tâche risquait de s’avérer très difficile, mais en plus de cela elle venait saboter la stratégie à long-terme de Fusient.
En effet, dans le contrat de rachat, Fusient était censé acquérir les tranches horaires de Nitro et Thunder sur TNT et TBS, sans être dans l’obligation d’y diffuser du catch. Ce qui veut dire que dans le cas où le Big Bang n’aurait pas permis de remettre à flot la WCW, Fusient pouvait toujours s’en débarrasser tout en conservant les tranches horaires et y diffuser n’importe quelle autre émission de son catalogue.
Les annonces simultanées de la déprogrammation et de l’abandon du rachat semblaient ainsi clore le chapitre WCW. Mais dans les tours de Turner et de Stamford, une dernière chance en enfer semblait se dessiner pour la fédération.