Ça a commencé comme ça. Je passai l’aspirateur dans mon salon, car je suis un homme moderne, et l’idée m’est tombée dessus… Je m’intéressai de loin aux cryptos, comprenant vaguement la puissance du truc tout en estimant qu’il n’y avait pas de marché suffisant à moyen terme, ce qui rendait l’entreprise très spéculative.
Et pourquoi pas ! Beaucoup d’argent à gagner et beaucoup d’argent à perdre mais une activité à part entière qui restait loin de mes préoccupations.
Et pourtant… Je suis pénaliste et un beau jour je passerai les diplômes de criminologie (qui ne font pas particulièrement rêver). Le marché que je ne voyais pas venir, belle ironie, c’est celui que j’étudie au quotidien !
Je sais… vous levez déjà les yeux au ciel. Ça m’arrive aussi quand je vois les rapprochements neuneus qui sont faits entre Bitcoin et criminalité organisée… mais continuez à lire, je pense que ma position est originale.
Alors je vais pas en faire des tonnes mais j’écris depuis maintenant un an sur ce forum pour 100 pages de pavé environ, un beau petit mur. Depuis le Volume 1 j’invite les kheys à partager leur expertise et tout ce temps j’avais en tête de coucher sur le papier les raisons précises de ma présence sur le marché, les voici:
6 Réflexions sur les Cryptos Vol.8, Blanchiment d’argent: Je call Bitconnect, ça tourne mal [EXPLICATIONS]
Il faut agir en homme de pensée et penser en homme d’action. Bergson
J’ai fait mon maximum mais je ne peux pas donner toutes les sources, tout simplement parce que certaines de ces infos viennent de discussions informelles ou de documents dont j’ai perdu la trace. Sur certains points, mesdames, il va falloir me faire confiance.
Il n’y aura qu’une seule dédi sur ce topic et elle sera pour celui qui m’a donné envie d’écrire pour le fofo, il est moins présent ces temps-ci mais c’est qu’une question de temps avant que réapparaisse MasterDreams.
Alors pour faire simple, ce qui m’a poussé à rentrer sur le marché c’est de pouvoir surfer sur la vague du cryptoblanchiment. Je n’ai pas découvert la Lune non plus mais les lignes qui vont suivre argumentent et surtout structurent mon positionnement sur le marché. C’est l’idée qui me rend serein devant les crises et confiant sur le long terme.
Au passage je me demande bien comment doit se sentir un investisseur gangé qui se dit juste que, vaguement, « c’est le futur »…
Si je couche tout ça par écrit c’est aussi pour n’induire personne en erreur. Ceux qui me lisent sont, malgré eux et malgré moi, influencés. Grâce à ce texte ils peuvent comprendre mon biais bullish et en juger la pertinence.
Alors on va être clairs il n’y a AUCUNE garantie que ça ce passe comme ça. Ici, on spécule. Moi je spécule sur ça.
Peut-être commencer, comme pour toute bonne dissertation, par circonscrire mon sujet: Les lignes qui suivent concernent quasi-exclusivement le marché noir. Noir noir noir… Noir de café. Je vais souvent utiliser le trafic de drogue comme référence car c’est une économie en soit mais je pourrais tout autant me référer au marché des armes de contrebande, du braconnage, du trafic d’organes ou encore celui de la corruption politique. Je laisse de côté tout ce qui est marché « gris », celui des détaillants presque toujours honnêtes mais qui ont horreur qu’on mette le nez dans leur affaires…
Il se trouve que les cryptos sont très peu adaptées à un paradigme d’État mais très adaptées à un paradigme mafieux. Tout mon propos ici sera d’aborder l’impact de la crypto sur les transactions criminelles de leur naissance à leur finalité, c’est-à-dire du deal au blanchiment ; puis la réciproque.
1) Comment le monde du crime préfigure l’ensemble de la société
On présente Émile Durkheim, à raison pour une fois, comme le père de la sociologie et c’est celui qui le premier liera les conduites criminelles à la structure socioculturelle. Il tire de ses recherches et de sa méthodologie un paradoxe tout simple et pourtant fondateur: Le crime est, en tant que phénomène sociologique, une chose tout-à-fait normale.
Le crime ne s'observe pas seulement dans la plupart des sociétés de telle ou telle espèce, mais dans toutes les sociétés de tous les types. Il n'en est pas où il n'existe une criminalité. Elle change de forme, les actes qui sont ainsi qualifiés ne sont pas partout les mêmes ; mais, partout et toujours, il y a eu des hommes qui se conduisaient de manière à attirer sur eux la répression pénale.
In Emile Durkheim, « Le crime, phénomène normal » (1894)
Rien ne permet d’affirmer que le crime recule à mesure que la société « s’élève». Ainsi le crime serait un phénomène certes regrettable mais aussi « partie intégrante de toute société saine » bien que marginal au sens le plus strict: à la marge.
Mais Durkheim va plus loin.
Il constate que c'est cette transgression qui va permettre au groupe de se retrouver et s’organiser autour de valeurs communes, elles-mêmes hiérarchisées, pour in fine organiser la réponse pénale. Ainsi le crime serait un phénomène certes regrettable mais aussi structurant.
Mais Durkheim va ENCORE plus loin.
Non seulement le criminel implique que la voie reste ouverte aux changements nécessaires, mais encore, dans certains cas, il prépare directement ces changements. Non seulement, là où il existe, les sentiments collectifs sont dans l'état de malléabilité nécessaire pour prendre une forme nouvelle, mais encore il contribue parfois à prédéterminer la forme qu'ils prendront. Que de fois, en effet, il n'est qu'une anticipation de la morale à venir, un acheminement vers ce qui sera !
Ibid.
Il propose en négatif une « société de saints » dans laquelle tout serait figé tant du point de vue de la morale, du droit mais aussi des arts et de la science et cite l’exemple de Socrate pour illustrer le rôle « positif » du délinquant vis-à-vis de sa Cité. Ainsi le crime serait un phénomène certes regrettable mais aussi nécessaire.
La sagesse de Durkheim est une sagesse difficile et donc de grande valeur, elle nous amène à penser au-delà de notre répulsion pour le voyou afin de le considérer comme un « agent régulier de la vie sociale ».
Pas la peine de chercher bien loin un domaine dans lequel les mafias devraient servir d’exemple au reste de la société: l’aspiration à l’anonymat et à la confidentialité des échanges, d’informations comme de fonds, sont pour des raisons évidentes parmi les préoccupations majeures du criminel… Et ce devrait être le cas pour chacun d’entre nous!
Dans un monde où il n’y a pas de repas gratuit, les factures sont des archives complètes de nos vies. Que la banque conserve des archives détaillées de nos repas au restaurant, de nos déplacement, de nos abonnements et de toutes nos dépenses est une forme de viol de notre intimité. Mais rien ne justifie que nous perdions pour autant les services numériques de la monnaie tels que l’histoire de nos transactions, tant qu’il est pour nous seuls. La confidentialité des transactions est indissociable de la vie privée. Elle était totale et naturelle du temps des espèces et finalement assez grande du temps du chèque. Cela n’a pas empêché le monde libre de survivre alors à bien des menaces, et l’économie de connaitre une croissance plus forte qu’aujourd’hui !
In Jacques Favier, Adil Takkal Bataille Bitcoin, La monnaie acéphale. CNRS éditions p.73
Les criminels peuvent jouer le rôle d’Avant-garde et ce n’est pas par amour du paradoxe mais parce qu’ils portent sur le monde le regard du cosmonaute:
Si une structure agit au sein du monde tel qu’il est, et non pas tel qu’il est souhaité ou décrit, c’est bien les mafias. Leur angle de vue, lointain et lucide à la fois, scrute la globalisation, reste à l’affût de nouveaux espaces, s’intègre dans notre vie de tous les jours. Pragmatique, le regard que porte un criminel sur le monde rassemble, comme le fait remarquer depuis longtemps Bernard Leroy à celui de l’astronaute : une terre sans frontières, si ce n’est celle des massifs, une mer sans fin, dont l’immensité ne se compare qu’aux lacunes des règles et des lois qui la concernent, des gorges, des vallées qui ont de tout telles servi d’interconnexion, de lieu de passage.
In Michel Koutouzis « La guerre anti-blanchiment n’aura pas lieu », Chimères N.91 Changement dans les politiques des drogues ? Érés éditions, 2017, p.97
Le criminel ne voit pas de frontières mais constate, recherche même, les phénomènes pour les exploiter et parvenir à son unique but: le profit. Il faut s’y faire, le criminel est quelqu’un qui joue le game mieux que vous parce qu’il lui est nécessaire de le faire.
C’est un grand classique des discussions de salon, à quel point les adoptions technologiques ont été au moins catalysées par les activités « marginales ». Retenons l’importance du porno dans le développement des réseaux de distribution et de communication, de la VHS de vidéoclub aux internets d’aujourd’hui. Le criminologue Gabriel Tarde parlait de la société comme d’un « échange de reflets », de ce point de vue le trafiquant est le « miroir aussi parfait que déformant à la fois de ce que nous sommes et de ce que nous produisons. » (Koutouzis, qui a décidément le sens de la formule).
Alors j’entends souvent dire que Bitcoin « est la monnaie des trafiquants de drogue » et que c’est ce qui la condamne… Je pense l’exact opposé: Bitcoin n’a jamais et ne sera jamais fondamentalement une monnaie de criminels mais si tel est le cas alors c’est un argument puissant en faveur d’une adoption prochaine.
2) Comment circule l’argent sale
Pour comprendre le rôle qu’auront à jouer les cryptomonnaies dans le monde du crime il faut comprendre comment l’argent circule dans ces milieux, ce qui nous amène à parler d’Hawala.
Hawala est un mot arabe, une institution du droit islamique qui renvoie au réseau informel de transfert de fonds entre particuliers.
Pour vous la décrire dans sa forme la plus classique imaginons que je suis A et je que je veuille transmettre de l’argent à B mais je
Cet argent je vais donc le faire transiter via l’hawala, c’est-à-dire l’apporter à l’Hawaladar (le broker) en qui j’ai le plus confiance tout en prévenant B de contacter l’Hawaladar en qui lui a le plus confiance. Les deux hawaladars vont par la suite eux-même entrer en contact, prendre acte de la transaction et l’argent sera délivré à B dans les plus brefs délais, charge ensuite aux deux hawaladars de gérer leur passif.
On dit que c’est un transfert de fonds sans mouvement de fonds.
En langage cinématographique cela donnerait :
Musique: https://www.youtube.com/watch?v=0RXdd0pCJ9Q&list=RD0RXdd0pCJ9Q&start_radio=1
INTÉRIEUR NUIT
appartement new-yorkais légèrement délabré style 70’s briques apparentes, téléphone sonne, le héros laisse 3 sonneries et décroche, traveling latéral de la caméra pour se placer derrière.
INTERLOCUTEUR(au téléphone):
Toujours décidé ? (pas de réponse) Amène l’argent au Gros Tony, il saura quoi faire. (3 bips)
Héros repose lentement le combiné sur la table basse, traveling vertical de la caméra révélant sur table basse arme en mauvaise état poignet scotché et gros rouleau de billets usés reliés par large élastique.
CUT FONDU SCENE SUIVANTE
INTERIEUR NUIT
bureau sombre mobilier bois massif, bureau de ministre plutôt vide avec lampe, sous-main, cigare dans le cendrier, lourd verre de whisky et bouteille. Dans fauteuil massif gros Tony, corpulent, visage complexe, bouffi mais joviale, au fond du fauteuil, lumière sur chemise rayée/bretelles mais visage dans la pénombre.
TONY (avec un geste de la main vers lui):
Viens viens il faut que je te reconnaisse pour, tu sais, la sécurité.
HÉRO
On m’a dit de venir ici…
TONY
Je sais. tu as l’enveloppe ?
héros hésite et sort liasse de sa veste.
TONY (regard légèrement affligé)
On fera sans enveloppe.
Tony avance son visage dans la lumière, prend la liasse et la pose sur le sous-main à côté du téléphone, dans le même geste prend le combiné et compose un numéro. Combiné contre l’oreille il se rassied au fond du fauteuil.
HÉRO
Vous ne recomptez pas ?
TONY(regard las):
Je devrais ? (dans le combiné) tout est là.
CUR RAPIDE SUR
INTÉRIEUR ÉCLAIRAGE INDUSTRIEL
salle de découpe de viande, murs et sol blancs en arrière plan bouchers en tabliers travaillent de grosses pièces avec de larges gestes. Deux personnages, le premier type épicier italien, moustache taillée épaules étroites bras de chemise et veston, assis à une large table métallique couverte de feuilles, registres, crayons etc. Pose téléphone et désigne d’un geste vague un objet hors-cadre se penche ensuite sur ses papiers pour prendre des notes.
Second personnage de dos prend liasse de billets neufs et proprement reliés sur un coin de la table.
ITALIEN(sans relever les yeux)
T’en penses quoi de celui-là ?
INTERLOCUTEUR (comptant les billets)
Il a le profil pour virer indic (pause)
il se fera descendre avant.
À la seconde phrase plan rapide serré sur le visage de Italien qui relève le regard sans mouvement de tête, regard froid, en arrière-plan à droite un boucher abat d’un grand geste son hachoir sur une pièce de boeuf.
CUT CAMÉRA/ CUT MUSIQUE (synchro avec le hachoir)
L’hawala est un outil de marchand qui par nature court-circuite l’État et transcende les frontières. C’est un réseau à vocation universelle, décentralisé et dont la gouvernance est horizontale en ce que les usagers valorisent collectivement les éléments de confiance et excluent les moins sûrs. Vous commencez à voir où je veux en venir…
Ce n’est pas un hasard si les films de gangsters, qui sont particulièrement bien documentés, ont tous le même enjeu : la Guerre de Territoire. Les gens pensent que le territoire est important car il est une source de revenus, ce qui est vrai mais passe à côté de l’essentiel: C’est la répartition consciente et rationalisée du territoire entre les différentes organisations criminelles qui garantit la liquidité des fonds et des marchandises au sein de cet écosystème.
Et de liquidité, aucune activité que le trafic n’en a plus besoin ! Il faut que l’argent et surtout que les marchandises circulent vite et circulent bien, c’est-à-dire silencieusement. Le trafiquant doit parfois faire preuve d’une réactivité hors-norme pour écouler des stocks compromis en quelques heures, quitte à les brader ou à les détruire. Il est extrêmement intéressant d’observer les territoires de deals: la finesse du placement des guetteurs (on dit les choufs quand on veut se la raconter) et des revendeurs (leurdi ou bicraveur pour le même effet) en fonction des voies d’accès et des zones voisines, on touche à l’urbanisme…
C’est ce qui explique les phénomènes de Guerre des gangs, qui obéissent aux mêmes lois qu’elles se déroulent à Chicago sous la Prohibition ou aujourd’hui dans les Quartiers Nords de Marseilles: Les bandes ne peuvent pas rester passives face à une réorganisation du territoire car, au-delà des jeux d’alliances et de conquêtes, elles sont toutes concernées par l’ensemble du Cadastre.
Et ces conflits débutent toujours de la même manière, c’est l’élément déclencheur dans les films: soit un défaut de l’Hawala soit la trahison d’un deal « il a essayé de nous doubler », et pas de juge pour faire respecter les clauses du contrat…
Il est d’ailleurs amusant de remarquer que les deux éléments les plus romantiques de l’univers du Crime, le fameux « Code d’honneur » et la Guerre de territoire sont en réalité deux traductions de la nécessité structurelle de liquidité dans un écosystème s’étant soustrait à l’Ordre public.
« Sécuriser la hawala » est une ambition antinomique, celle-ci reposant sur la confiance, elle n’en reste pas moins compréhensible… sécuriser un deal est encore plus important puisque les mecs que t’envoies sont rarement de confiance !
La technologie peut alors jouer son rôle pour palier le manque de confiance qui règne dans ces milieux. Il y a eu des cas de photos prises par des malfrats grâce à leurs smartphones pour prouver à leurs patrons que l’échange à eu lieu. Vous vous en doutez, laisser trainer les selfies de deux gugusses posant devant un sac de dope n’était pas le moyen le plus safe de faire tranquillement son business et l’idée a été abandonnée, non sans avoir causé quelques fou-rires chez les procureurs.
Alors faut pas rêver, on a pas mieux à proposer que le billet de banque ! C’est LA Rolls du trafic et du blanchiment: Accessible, facilement transportable, intraçable, anonyme et répandu. ON NE PEUT PAS MIEUX.
Il n’empêche que du point de vue du dealer effectuer ses transactions en cryptos présente quelques avantages:
Il sera par contre tout-à-fait lisible pour les instigateurs du réseaux, qui pourront en temps réel s’assurer de la transmission des fonds sans avoir à faire confiance à personne… à vouloir sécuriser la Hawala on fini par se passer d’elle.
Le système de Hawala est décentralisé dans son fonctionnement mais les hawaladars de qualité et acceptant de travailler avec la pègre sont rares, les cryptos serviront à se passer d’eux et à décentraliser le deal mafieux sécurisé.
Maintenant je vais vous dire exactement comment ça va se passer.
Un réseau pionnier va commencer à proposer à leurs clients de payer en cryptomonnaies pour profiter de ses avantages inavouables et économiser une étape dans le processus de blanchiment. Il n’y a pas plus « captif » qu’un client de réseau criminel mais ils devront tout de même les y inciter: Ils offriront un rabais et de la marchandise en plus à chacun des clients souhaitant payer en cryptos. Au passage la difficulté, toute relative, que représente l’accès à ces méthodes de paiement sera vite surmontée par le consommateur, qui se révèle d’une débrouillardise sans égale quand il s’agit de se procurer sa dose…
Ce genre de transactions se normalisera et petit à petit les cryptos deviendront l’outil cool des drogues récréatives, accélérant son adoption pour les commerces licites. N’oubliez pas, les marges sont aussi l’avant-garde.
Je vous donne, pour la science, les critères que j’avais dégagés pour repérer et investir dans cette « Coin du Crime »:
Pour la science parce que je ne veux pas qu’on vienne ici vendre la shitcoin qui vaguement match mes critères mais surtout parce que la démarche n’est en fait pas viable et ce pour deux raisons.
D’abord parce qu’il est en réalité impossible d’anticiper quel sera LA coin adopteé par l’industrie de l’illégalité, on observera à coup sûr des spécificité locales et il est en plus probable que ce soit un marketcap déjà élevé: Bitcoin Monero Dash…
Ensuite, et surtout, c’est parce que cela revient à prendre le Crime pour un usecase alors qu’il doit être considéré, de notre point de vu, comme un flux.
3) Comment se lave l’argent sale
Fondamentalement blanchir de l’argent c’est se cacher dans la lumière. C’est profiter de la masse des transactions blanches pour imprégner son argent sale de légitimité.
Out damned spot. Out I say! Lady MacBeth
Pour le lien avec les cryptos l’idée m’est venue en lisant Zola. Dans L’Argent, l’auteur décrit le marché des « pieds mouillés », un marché « toléré » par opposition à « légal », parallèle à la Bourse parisienne donc:
Il pénétra par l’angle de droite, sous les arbres qui font face à la rue de la Banque, et tout de suite il tomba sur la petite bourse des valeurs déclassées, les « Pieds humides », comme on appelle avec un ironique mépris ces joueurs de la brocante, qui cotent en plein vent, dans la boue des jours pluvieux, les titres des compagnies mortes.
Plus loin:
Il savait que, fatalement, allaient tomber là les titres déclassés, les actions des sociétés mises en faillite, sur lesquelles les Pieds humides agiotent encore, des actions de cinq cents francs qu’ils se disputent à vingt sous, à dix sous, dans le vague espoir d’un relèvement improbable, ou plus pratiquement comme une marchandise scélérate, qu’ils cèdent avec bénéfice aux banqueroutiers désireux de gonfler leur passif.
In Zola, L’Argent, 1891, pour la fiche de lecture du roman: https://www.jeuxvideo.com/forums/42-3011927-56295120-1-0-1-0-devenez-un-meilleur-trader-avec-emile-zola.htm
Cet extrait m’a fait réaliser que les valeurs déclassées pouvaient, en plus d’être un marché encore actif aujourd’hui, proposer une utilité très spécifique et très frauduleuse. En l’occurence gonfler un passif de valeurs pourries pour justifier a posteriori une faillite devant le juge: « c’est pas ma faute c’est le gange qui m’a emporté ! ».
Bon il ne s’agit pas du tout de faire la même chose avec les cryptos, d’autant que ce genre d’actifs à risque ne correspond pas du tout à une gestion « En bon père de famille » disait-on avant que les féministes ne passent pas là… Mais il s’agit de réfléchir à la manière dont les outils financiers peuvent êtres détournés par les coquins.
Et ces valeurs déclassées, ce sont nos shitcoins.
Tendez l’oreille… quel est ce bruit ?
Wasso wasSO WASSO BITCONNEEEEEEEEEECT !
Voilà ce que je call, pas Bitconnect en lui-même mais le FLUX de Bitconnect, l’ensemble de nos shitcoins, de nos valeurs déclassées qui seront utilisées comme autant de noeuds dans une toile complexe de blanchiment: Une succession d’échanges et de transferts à la fois in et off market, complexes au point qu’on puisse avoir les compétences pour les comprendre mais jamais le temps.
Ce flow, il existe déjà. C’est celui qui permet de perdre la trace des cryptoscams: eth givaway, exit scam… Mon pari est qu’il a vocation à s’élargir pour accueillir l’argent sale venant d’hors de la sphère crypto.
Le blanchisseur a un profil très spécifique dont on doit déterminer les particularités: il ne vient pas accumuler des cryptos ni même tenter de dégager des profits mais jouir de ce qui caractérise l’écosystème des cryptos, c’est-à-dire de son extrême liquidité « interne ». Une fois que le fiat est converti (et nous verrons que c’est le point chaud) il est possible d’envoyer quasi-instantanément les actifs à n’importe qui, de l’autre coté du globe et sans même connaitre son nom. Les réseaux classiques, surtout s’ils ont recours à des spots physiques, ne bénéficient pas d’une telle souplesse.
Il faut comprendre que les processus de blanchiment classiques n’ont rien à envier à la complexité d’un rodéo crypto-blockchain-exchanges-AtomicSwap-shake and repeat mais que pour atteindre un tel degré de sophistication ils coutent cher, affreusement cher et mobilisent quelques intermédiaires en plus de spot physiques.
Ainsi du point de vue du rendement l’objectif sera au max de break even mais on peut sans problèmes aller aux -20%/-40% en Dollars. Ce sera le prix de la souplesse et surtout la somme qu’on économise par rapport au circuit classique. L’idée qu’on perde de l’argent dans les manoeuvres boursières de blanchiment n’a rien de dérangeant, une transaction réussie attirant plus l’attention qu’une transaction déficitaire et de toute façon c’est ça ou rien !
De plus en plus je me dis qu’une grosse partie de la proportion des traders perdants, qui monte parfois à 90% je vous le rappelle, est en réalité composée de traders qui ne cherchent pas à gagner mais à essorer leurs fonds. C’est en tout cas ce qui expliquerait pourquoi les traders de eToro, broker très identifié « débutants » et dont les dépôts sont limités, se trouvent parmi les meilleurs traders, ou plutôt les moins mauvais…
https://www.financemagnates.com/forex/brokers/which-brokers-house-the-most-winning-clients-post-esma/
Et ouais! Ce sont les singes d’eToro qui font les meilleurs chiffres, ça vous la coupe hein !
Si on met de côté le soucis de diversification et tant que le marché des cryptos n’est pas respectable l’intérêt de développer de nouveaux circuits de blanchiments est relatif pour ceux qui tiennent déjà le game.
Pour les moyens et petits poissons en revanche, c’est une autre histoire… j’écrivais plus haut que les clients de réseaux criminels étaient des clients « captifs » au sens que les marketeux donnent au mot: peu de concurrence et impossibilité à se passer du produit.
Et bien en réalité les instigateurs de réseaux criminels sont eux-même captifs des réseaux de blanchiment qui demandent, pour que le travail soit bien fait, toute une organisation clandestine articulée avec l’économie blanche et qui rogne jusqu’à 40% de la marge (je n’ai plus la source).
Grâce aux propriétés uniques du marché des cryptos il sera possible d’avoir accès à des montages comparables en complexité et donc en efficacité mais à moindres coûts et surtout sans passer par les grosses structures d’essorage. On va décentraliser le blanchiment d’argent, et ouais…
Et pourquoi sur les shitcoins ? Parce que rappelez-vous, le blanchiment c’est se cacher dans la lumière et que tant qu’à faire tu cherches le putain de double arc-en-ciel pour ça ! Plus c’est compliqué, mieux c’est ! Le but du jeu c’est de perdre les comptables en route ! Et si on arrive à passer par un actif qui aura disparu d’ici l’enquête de Police alors c’est jackpot, les cryptos ne déposent pas de bilan à la fermeture…
Il y aura 1000 façons de profiter de ce flux mais difficile de dire comment avant qu’il ne soit là…
Il faudra surtout avoir en tête les exigences de ce type de clientèle une fois qu’ils auront franchi le pas.
On peut bien sûr ouvrir un exchange et je suis sûr qu’il y aura de beaux coups à jouer au niveau des ICO ou de la demande OTC mais nous allons parler d’une stratégie très accessible: Investir dans des tokens d’exchange.
Je guette la coin ou le token dont la valeur sera indexée d’une manière ou d’une autre sur le volume échangé, avec une plate-forme :
Et alors si en plus cet exchange propose une interface de paiement pour les commerces…
(Je sais à quoi vous pensez, si ça avait fait exprès ils ne s’y seraient pas pris autrement…)
Un bon indicateur du degré de washtrading de la plate-forme sera d’ailleurs l’activité de la paire USDT/TUSD, petit bijou du trading sans but.
Au-delà de toutes ces considérations je pense que ceux qui sont bloqués sur une shitcoin des enfers, même Bitconnect, ne doivent pas vendre maintenant à -95%, (quel intérêt de toute façon ?) Mais plutôt set un ordre de vente pas trop dégueulasse (pas à l’ATH non plus) pour profiter d’un emballement de la machine.
Il ne s’agit surtout pas d’all-in sur n’importe quelle shitcoin en priant pour un fair pump mais vous voyez l’idée…
Et SURTOUT prenez vos gains rapidement.
Bon tout ça c’est bien beau mais est-ce qu’on va nous laisser faire ?
4) Comment s’organise la répression du cryptoblanchiment
Et surtout doit-on la craindre ?
En un mot, non. Du moins pas tout de suite…
Si les pouvoirs publics parviennent à contrecarrer efficacement le phénomène du cryptoblanchiment, et ce avant qu’il ne soit devenu « préoccupant » (comprenez par là endémique) ; alors il sera écrit dans les manuels de criminologie que pour la première fois dans l’histoire policière l’Etat a réussi à anticiper le malfrat. Ne me reprochez pas de ne pas voir venir les Premières historiques… Le fait est qu’en matière sécuritaire l’État est très peu ou très peu efficacement proactif.
Alors on va tout de suite évacuer toutes les considérations du style « les états vont interdire les cryptos » « ils ne se laisseront pas faire blablabla… »… Ceux qui font ces déclarations le font toujours pour se faire mousser, ils n’ont aucune conscience de l’appareil légal existant et de la difficulté d’interdire l’usage d’une technologie dans un système de défense des libertés fondamentales de type « répressif », c’est-à-dire le plus protecteur des libertés. C’est compliqué et je ferai un volume entier sur ces questions un jour.
Cela relève du fantasme sécuritaire, totalitaire même, incompatible en tout cas avec notre système légale de défense des libertés tel qu’il se bâtit depuis 2 siècles maintenant: Jamais personne n’a réussi à m’exposer comment « l’état allait interdire les cryptos », par quelles voies, sur quelles critères ? Variante encore plus ridicule: « interdire les cryptos au niveaux mondial »… Qui fait le vote ? Où donc ?
Quand vous tombez sur ce genre de personnages demandez-leur simplement comment « ils » s’y prendront… vous aurez droit à un bel effort de rameur puis à une superbe bottée en touche et pour finir un « tu vis dans le monde des bisounours ». Cette « procédure » (le terme est impropre on est plutôt sur un procédé) existe pourtant et ses conditions sont identifiées.
Pour le dire simplement l’état c’est pas ta mère qui te confisque ton jouet, il lui faut des motifs pour restreindre les libertés. Alors on peut se dire qu’ils feront fi de leurs engagements conventionnels… oui certes je fais mon job de juriste par rapport à l’appareil légal donné, spéculer sur la tournure totalitaire des régimes politiques de demain c’est virer à la dystopie, genre littéraire que je respecte pour ce qu’il est, de la SF.
Les seules interdictions d’usage « faciles » que je peux concevoir sont celles de certaines Stable coins qui usurpent les propriétés du Dollars ou de l’Euro, on peut y voir une atteinte à la souveraineté monétaire et certains états américains ont sûrement franchi le pas. Mais nous parlons de cas isolés posant problèmes sur des points très précis et juridiquement identifiés, pas de la technologie dans son ensemble.
Parce qu’il y a une différence de nature entre interdire une pratique et interdire une technologie. J’ai un scoop pour vous, le blanchiment d’argent est déjà interdit…
Pour prendre une analogie pénaliste on peut considérer le cas du clonage reproductif: Il est interdit de cloner un humain, genre grave interdit… c’est un « Crime contre l’espèce humaine » puni de 30 ans de réclusion criminelle. On ne peut cependant pas interdire la simple possession du matériel de recherche en bio-génétique, au nom du « Droit à la recherche » mais surtout parce que la possession seule est équivoque. Ce n’est que lorsqu’on s’organisera pour exploiter le matériel de recherche en vue de cloner un être humain que les gros problèmes vont nous tomber dessus…
Alors attention ! Des rapports, des commissions, des recommandations, des propositions de loi allant dans le sens de « l’interdiction » vous en verrez passer, certains auront besoin de refill et on pourra même aller jusqu’à d’obscures instructions allant dans ce sens dans un pays secondaire comme la Belgique mais au niveau européen, je n’y crois pas une seconde.
Si guerre il y a ce sera une guerre fiscale ou réglementaire…
Dans La lutte contre la corruption, le blanchiment, la fraude fiscale, ouvrage collectif sorti aux presses Sciences Po en 2017, un chapitre est consacré à ce qu’ils appellent bêtement les « monnaies virtuelles », peut-être croyait-il travailler sur le PO de World of Warcraft… Disons que ça vous donne un bon aperçu d’où ils en sont vis-à-vis du cryptoblanchiment.
On commence OKLM :
Or, en raison de l’anonymat qu’elles procurent, ces monnaient non seulement sont attrayantes pour blanchir des fonds d’origine illicite, mais peuvent aussi jouer un rôle dans le financement du terrorisme.
Op. cit
Rien que ça…
Pour Michael Meistr, député allemand et auteur de l’article cité, tout se jouera au « passage entre le circuit virtuel (sic) et le marché financier réglementé », au moment de l’échange Fiat-crypto, le but sera donc logiquement de considérer ces exchanges comme des « établissements financiers ». C’est le chemin qu’ont pris le Parlement et le Conseil européen en modifiant, via l’amendement du 20 décembre 2017, la 4ème directive européenne sur la lutte contre le blanchiment des capitaux pour élargir son pouvoir de contrôle aux exchanges en les soumettant aux obligations de luttes anti-blanchiment (le KYC toussa…)
La suite de l’article appelle à l’innovation sur le plan réglementaire : s’orienter vers un régime adapté pour faire face au « problème (sic) de l’anonymat », par exemple « conditionner l’autorisation de commercialisation des produits ainsi que l’échange de monnaies virtuelles (resic) contre de la monnaie de banque centrale à la présence de caractéristiques spécifiques, garantes de la transparence technique (re-resic). »
Tout un programme… ne vous laissez pas avoir, ce qu’il faut lire la-dedans c’est « nous ne comprenons rien à ce qu’il se passe, nous invoquons donc l’innovation et qu’ils se démerdent ».
L’article se conclu sur le souhait d’une meilleure coordination au niveau international, condition sine qua non d’un contrôle efficace de ces satanées « monnaies virtuelles (cis, pour changer) ». Bon sur ce plan il a raison.
Je n’envie pas ce monsieur… Le blanchiment d’argent est sans aucun doute le domaine le plus fascinant de la criminologie parce qu’on touche aux limites absolues du droit pénal. On en arrive aux infractions impossibles à éradiquer car elles sont structurellement hors-de-portée de l’Etat, hors de sa volonté même… pour le dire simplement le blanchiment d’argent est un problème insoluble.
Vous ne mesurez pas la volonté, l’énergie et même le courage politique nécessaire à la coordination sécuritaire sur ces questions et l’internationalisation des enjeux compliquent encore les choses, un seul acteur pouvant tout faire capoter. Et encore, je ne parle que des problèmes actuels, ceux qui sont impossibles à mettre sous le tapis, alors les problèmes « à venir » comme celui que représente notre minuscule marché…
De plus les sommes engagées, que je m’emploierai à calculer au chapitre suivant, sont phénoménales et font passer une prise anecdotique pour une victoire éclatante. Vous voyez ces photos où des palettes entières de marchandise ou de cash sont exposées aux côtés des blasons du service qui a procédé à la saisie ? Les flics détestent ces clichés, sauf peut-être ceux qui posent dessus mais c’est humain.
S’ils les détestent parce qu’ils y voient la preuve que sur le terrain on a des résultats et qu’avec plus de budget on en aurait de meilleurs ; ils savent aussi que le pouvoir politique considérera le budget alloué comme générant assez de retombées médiatiques et que pousser plus loin autrement que dans les discours ne sera pas politiquement rentable.
Ça fait déjà l’ouverture du 20Heure, que veux-tu de plus ?
Et ce n’est pas le seul trompe-l’oeil qu’on croise dans le milieu… l’économie noire et blanche ne sont pas compartimentées mais font partie d’une « cuve englobante » pour reprendre les mots de Koutouzis: tout l’enjeu du marché des cryptomonnaies ces prochaines années est de s’intégrer dans cette cuve pour en profiter du dynamisme. On retrouvera les mécanismes de conditionnement réciproque entre légalité et illégalité cités en première partie.
Une remarque sur le volet répressif maintenant. Jusque là nous ne parlions que d’action sécuritaire et préventive: Une fois que tu t’es fait gauler en train de blanchir de la crypto sale qu’est-ce que tu risques ?
Il est très courant de faire de l’usage d’une technologie facilitant l’infraction une circonstance aggravante de celle-ci. Par exemple une agression sexuelle devient une agression sexuelle « aggravée » dès lors qu’on est entré en contact avec la victime via « un réseau de communication électronique », sur internet quoi…
Peut-être que d’ici quelques années l’article 324-2 du Code pénal qui détermine les éléments constitutifs du blanchiment aggravé contiendra un Alinéa 3: «lorsqu’il est commis avec le concours de monnaies électriques. »
Même chose pour les différents trafics mais n’attendez pas d’effets concrets, ces infractions sont de toute manière rédigées de façon à ce qu’on trouve toujours un facteur d’aggravation.
Ok combien ça coûte ?
5) Comment calculer les sommes en jeu ?
Maintenant ça va parler chiffres… d’abord il faut préciser qu’il est strictement impossible de déterminer avec précision les sommes qui transitent par les réseaux clandestins, pour des raisons évidentes….
On peut cependant se prêter au jeu de l’estimation, en prenant la plus grosse louche du rayon Cuisine statistique. A partir de maintenant donc, tout devient spéculatif, encore plus je veux dire.
Les spécialistes s’accordent sur un point: Les parts du marché noir augmentent d’années en années et rien n’indique que nous soyons proches de son Plafond de verre, si tant est qu’il existe.
Aurait-on trouvé l’arbre qui monte jusqu’au ciel ?
Allez on dégaine la calculatrice !
Je me souviens qu’en 2007 Eva Joly, très calée sur ce sujet, tirait la sonnette d’alarme sur l’ampleur des trafics mafieux qui atteignaient la proportion déjà titanesque de 1% des échanges au niveau européen. Petite joueuse…
Dans les considérants de la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen en date du 28 février 2014 on peut lire que « selon les calculs du FMI, le blanchiment des capitaux connait une ampleur considérable et se monte à près de 5% du PIB » ce qui correspond, pour un PIB mondial de 80 000 milliards (en 2015) à la coquette somme de 4 000 milliards de dollars. Étrangement, le FMI n’a jamais admis la paternité de ces chiffres, ce qui en dit long sur leur aisance vis-à-vis de la situation…
Dans l’article de 2017 cité plus haut, Michel Koutouzis nous propose un inventaire plus précis :
Ces fonds génèrant des dividendes qui porteraient le montant du « Pot commun du blanchissement » à la somme de 13 à 15 mille milliards de dollars, « soit 7 à 8% des échanges financiers mondiaux. »
Étonnamment Michel Koutouzis ne donne pas ses sources et il faudrait que je le contacte pour plus de précision mais retenez qu’au grès de toutes mes lectures je tombe toujours dans cette fourchette, soit:
Qui tournent, chaque année, dans la grande lessiveuse à caca.
C’est ça le cash flow globale de la mafia, c’est le marché pachidermique qui échappe à la plupart des calculs économiques, parce qu’on y pense pas ou parce qu’on pense que ça ne nous concerne pas…
Bien, maintenant vous voyez le raisonnement tout pété qui consiste à dire « Si seulement 1 POUR-CENT du marché visé rentre sur la plate-forme de [insérer shitcoin] alors c’est to ze moon DIRECT ». Ben là c’est pareil. Sauf qu’il faut dire « dans les cryptos » et que ça va arriver.
Mettons ces chiffres en perspective avec celui de notre marché si vous le voulez bien.
Dans un document interne de JP Morgan stratégiquement (et très partiellement) leaké en décembre 2017 l’analyste Nikolaos Panigirtzoglou estime le cash flow cumulé de Bitcoin et d’Etherum depuis leurs créations respectives à… 8 milliards de dollars.
ALORS SI SEULEMENT 1% DE L’ARGENT DU BLANCHIMENT RENTRE ÇA FAIT 40 MILLIARDS D’UN SEUL COUP ET BOOOM EXPLOSIOOOOOON !
Ça n’arrivera pas comme ça.
D’abord parce que l’article en question, Flows & Liquidity: The emergence of cryptocurrencies (Nikolaos Panigirtzoglou, 1 December 2017) suit visiblement une méthodologie toute pétée qui consiste à multiplier la quantité de monnaie émise par leur prix au moment de l’émission… Alors j’ose espérer que l’analyste en utilise une plus rigoureuse pour le reste de l’article mais l’accès à celui-ci requiert des identifiants JPMorgan, avis aux insiders !
En tout état de cause il s’agira de rester méfiant vis-à-vis de ce chiffre.
Ensuite parce que le marché des cryptos est tout de même illiquide à ces échelles et qu’une telle quantité d’argent ne rentrer sans passer inaperçu, ce qui est je vous le rappelle le but de la manoeuvre… C’est tout l’enjeu de l’arc narratif de la station de lavage dans Breaking Bad, Walter White veut utiliser cette station pour blanchir une quantité bien trop importante de cash, il est impossible de le faire sans que cela attire les soupçons. Un marché ne peut pas se saturer de transactions frauduleuses.
Il y aura donc une phase d’acclimatation, on va y tremper l’orteil pour voir si l’eau est bonne et, la liquidité amenant de la liquidité, on s’y installera. Ça va prendre du temps et surtout
LE CRYPTOBLANCHIMENT SERA TOUJOURS UNE PORTION TRÉS MINORITAIRE DES CRYPTOÉCHANGES ! Il ne peut en être autrement ! Mais ce flux marginale poussera continuellement l’ensemble du marché vers le haut en terme de volume parce que, on le répète, les marges sont aussi l’Avant-garde.
Il faut aussi considérer une autre forme de liquidité, une notion hybride entre la liquidité et la respectabilité, appelons ça la liquispéctabilité ! C’est la capacité pour un marché de voir ses actifs entrer et sortir sans qu’ils ne deviennent automatiquement louches.
Par exemple le marché français du Kebab indépendant est très peu liquispéctable car ce fut un domaine très concerné par le blanchiment, la surveillance en est désormais renforcée… ce sont les confiseries qui ont la côte ces temps-ci et il se dit que l’immobilier, marché encore hautement liquispéctable, est gangréné d’argent sale.
Au demeurant les problématiques sont les même que celles des institutionnels ! Sauf que pour rentrer dans ces nouveaux circuits de blanchiment, ben il faut acheter… on peut trade le BTC sans en posséder, via les futures notamment, mais on ne peut pas profiter de toute la complexité du système sans acheter au moins une fois des cryptos !
Ainsi quantité astronomique (à notre échelle, pas à la leur) de liquidité attend de pouvoir rentrer sur les cryptos. Cela ne nous dit pas quand ils le feront. Pour tout dire je pense que tout ce foin qu’on fait autour des « institutionnels » servira finalement d’écran de fumée pour l’entrée de ceux qui ont le plus à y gagner…
Ces chiffres sont vertigineux, on touche à des échelles de grandeur difficilement concevables, c’est pourquoi j’ai décidé d’en parler vers la fin, pour ne pas vous assommer d’entrée.
Dans le même ordre d’idée j’avais prévu de vous donner les délais pour lesquels j’attends ce fameux 1% sur le marché mais je n’en ferai rien. D’abord parce que c’est hautement spéculatif et ensuite parce que certains risquent de s’emballer. Rappelez-vous que l’argent ne se conçoit que sur le long terme, surtout sur un marché aussi jeune et impatient que le nôtre.
Je vais quand même vous dire deux choses:
C’est délicat à expliquer, d’autant que je commence à frôler le hors-charte, mais disons que quand vous commandez des médicaments sur certaines « Pharmacies en ligne », je ne parle pas du Dark Web, il vous est proposé de régler en crypto avec une ristourne de 15%. Une fois le virement effectué vous recevrez un mail vous remerciant d’avoir choisi cette voie et vous informant qu’une plaquette a été gracieusement ajoutée à la commande… ça ne vous rappelle rien ?
Mais le plus drôle dans tout ça, c’est qu’ils vous le reprocheront à vous !
6) Comment osez-vous ??
C’est vrai ça ! comment pouvez tirer profit de telles atrocités !
J’écrivais dans le volume précédent que trader les cryptos c’était avoir le monde entier contre soi… ben ça va pas s’arranger ! Alors oui on ose, oui pardon ! Nous ne nous plierons pas au raisonnement fallacieux qui consiste à rejeter une technologie entière sous prétexte que fluidifiant les échanges elle fluidifie AUSSI les échanges douteux, surtout si cette célérité nouvelle s’accompagne de plus de transparence !
Dans ce cas-là supprimez la Rolls-Royce du trafic et du blanchiment : Le cash ! (nan le faites pas je sais que c’est dans les cartons…)
Même si tout ce que j’ai cité se réalise et même en le sachant il reste éthique de trader les cryptos. D’abord il n’y a pas de relation de cause à effet entre le trading et le crime comme il peut y en avoir entre la spéculation sur les matières premières et certaines famines. Dans tous les cas l’infraction aurait été commise et son produit blanchi autrement.
Peut-être à l’extrême limite certains volumes serviront-ils de camouflages en apportant la liquidité nécessaire, mais nous parlons là de sommes hors-de-portée du forum et le dire c’est déjà faire du théâtre.
Certes, nous avons l’habitude d’admirer tous les jours d’immenses bandits, dont le monde entier vénère avec nous l’opulence et dont l’existence se démontre cependant dès qu’on l’examine d’un peu près comme un long crime chaque jour renouvelé, mais ces gens-là jouissent de gloire, d’honneurs et de puissance, leurs forfaits sont consacrés par les lois, tandis qu’aussi loin qu’on se reporte dans l’histoire -et vous savez que je suis payé pour la connaitre- tout nous démontre qu’un larcin véniel, et surtout d’aliments mesquins, tels que croûtes, jambon ou fromage, attire sur son auteur immanquablement l’opprobre formel, les reniements catégoriques de la communauté, les châtiments majeurs, le déshonneur automatique et la honte inexpiable !
Céline, Voyage au bout de la nuit.
Pour la première fois dans l’Histoire il est possible que le particulier profite, même légérement, même marginalement, des grands flux criminels avant que ceux-ci ne soient captés par les puissances d’argent et in fine par les actionnaires.
Parce que si vous pensez que le blanchiment est perçu chez les grandes banques comme un détournement malheureux des services qu’ils proposent ; si vous pensez qu’elles font tout ce qui est en leur pouvoir pour permettre aux forces de l’Ordre de mettre un terme à ces obscures activités qui jette le discrédit sur l’ensemble de cette noble profession, c’est que vous regardez trop la télé.
Le système bancaire est organisé de manière à accueillir et à traiter l’argent sale de la manière la plus optimale et l’impunité de ces montages est garantie par l’importance structurelle qu’ils occupent au sein de l’économie mondialisée: « too big to jail », dit-on. Sur le cas HSBC, qui est tout-de-même le plus caricatural de tous, voir Les gansters de la Finance
de Jérôme Fritel, ( https://www.youtube.com/watch?v=gijWjh3jT4w ).
Les cryptos ne sont pas et ne seront jamais le paradis du blanchiment tout simplement parce que ce paradis existe déjà et qu’il ne sera pas déchu. Même chose pour le deal de drogue, ils seront toujours en majorité conclus en billets de banques: accessibles, anonymes, difficilement traçables… Comment faire mieux ?
Le terrorisme ? Les frères Kouachi se sont financés à grands coups de crédits Sofinco pas en tradant des shitcoins!
Sur ce point, Europol a grandement relativisé l’usage des cryptocurrencies par l’EI, contredisant ce qu’on lit dans une presse toujours à l’affut du buzz ( https://www.europol.europa.eu/publications-documents/changes-in-modus-operandi-of-islamic-state-terrorist-attacks )
J’ai toujours douté de la capacité des états à enrayer efficacement les phénomènes de blanchiment ; je doute maintenant qu’ils en aient la seule volonté. Comme un symbole, le siège de la lutte contre la fraude financière et le blanchiment d’argent vient d’être installé au Luxembourg, champion toutes catégories de la triche fiscale aux dépens de tous les autres pays de l’Union Européenne…
Nous l’avons dit, marchés blancs et marchés noirs sont inextricablement liés et pas seulement par le passage de l’un à l’autre: Ensemble ils génèrent des dividendes dont les états ont besoin, tout enchainés qu’ils sont par l’argent-dette et condamnés à dégager 3% de croissance coûte que coûte…
Pour le dire simplement: Il est impossible d’éradiquer les 5 à 8% des échanges mondiaux considérés comme mafieux sans que le reste ne suive, encore moins dans un système monétaire tel que le nôtre où la production en flux tendu doit avant tout rembourser des intérêts.
Alors laissez faire, laissez passer. Gérez les épiphénomènes et qualifiez-les de « scandales » mais surtout SURTOUT ne compromettez pas « l’alimentation permanente de la cuve commune. » Il en va de notre rentabilité, c’est-à-dire de tout.
J’appelle de mes voeux à une société plus au fait sur la finalité de ses structures tandis qu’on ne lui propose rien d’autre qu’obéissance ignare, indignation stérile et complotisme vulgaire. Pas forcément « moins hypocrite », car dans une certaine mesure l’hypocrisie c’est la civilisation, mais plus lucide. Une où la masse des insignifiants n’a plus à s’excuser de toucher ce qui lui passe à portée de bras sans être rejetée dans l’arène du « Struggle for Life » par l’argument pieu du Mérite.
Entre ignorance et implication il n’y a qu’un pas, rien ne restera caché. Prenez ce qui vous est dû et qu’on en parle plus.
TL;DR: Achetez tout.
First !
Première page
Je suis là sans être las.
Bonne lecture !
C'est le moment de vendre des formations.
Lien du PayPal pour acheter le PDF de 600 pages à 700€ plz ?
Je lirai demain.
un pays secondaire comme la Belgique
Merci j'ai all in.
1ère page, je lirai cet aprem
gpalu mais je le ferais dans la journée
Tu as pas ça en Pdf que je puisse l'imprimer stp?
Sinon beau boulot j'ai lu le 1er et ton point de vue mérite de l'intérêt
Travail de qualité, comme d'hab. Merci de ce partage fauno .
Joli pavé ! Merci
Le 06 octobre 2018 à 03:50:17 FaunoLeFaune a écrit :
Une poignée de COSS en 2025.
T'étais obligé de placer le COSS quelque part
Mmh délicieux ce nouveau volume
J ai pas grand chose à ajouter mais je reviendrai faire une 'tite réponse que mérite ce pavé
J ai déjà mis mes sell order en x10 sur mes shitcoin
Très beau pavé
Merci Fauno, très instructif et vraiment un plaisir d'avancer au fil du texte. Super sujet et très bien traité.
Pour appuyer ton propos sur le manque de volonté des États car ce serait finalement rentable d'exploiter le crime, la peine complémentaire de confiscation (les termes sont peut être juridiquement inexacts) n'a été promulguée que fin 2016, décembre je crois. Notre prof en droit penal sur la corruption et le blanchiment nous avait raconté l'histoire d'un criminel de l'est pour qui peu importait les années de prison et qui avait blanchi son argent dans l'immobilier. Lorsque le juge a prononcé la confiscation, il s'est leve direct pour crier "on fait appel". Les prisons françaises sont des palaces pour eux qui ont connu les prisons de l'est donc ils s'en foutent de faire 8-10 ans de prison si quand ils ressortent ils récupèrent leurs biens.
Ce qui est choquant c'est le temps qu'on a mis à mettre en place ce système alors que la simple saisi ne permettait pas une appropriation par l'état. À noter je pense la création de l'AFAC (agence française anti corruption et des moyens supplémentaires alloués pour former une brigade financière). Finalement on va exploiter l'argent sale, produit d'une infraction, au profit de l'état, transformer le crime en matière première exploitable. Bientôt (j'espère) on aura des fonctionnaires avec un fixe et un variable basé sur tes saisies (hors produits illicites) et l'APE qui va devenir le plus gros agent immobilier, anticaire et galerie d'art de France.
Le COSS et Rune m'interpelle pas mal par rapport à ce système mais j'aurais préféré Hong Kong en zone géographique plutôt que Singapour qui est plutot connu pour être une cité État où les moyens répressifs sont importants. Le cas HSBC est particulier en ce sens qu'ils ont cette politique affirmée de blanchiment jusqu'au sommet de leur État puis maintenant avec les implications de l'état Chinois via la banque de Shanghai je crois.
Puis leur gestion des crises est hallucinante : " on a fait de notre mieux, on va tâcher d'améliorer nos procédures". Tout ça pour 4mrds d'amende ?
L'arsenal repressif n'est pas du tout en accord avec une véritable politique de répression des fraudes.
Outre les conditions socioculturelles mises en avant (trop à mon goût dans notre système pour justifier, excuser et atténuer plutôt que comprendre pour améliorer le système et proteger suivants mais punir le criminel justement et rendre honneur à tous ceux qui dans le même milieu n'ont pas cédé à la tentation facile de la violence, du vol etc), il y a le côté adrénaline du crime, ce côté "cool". Il suffit de discuter avec des tagueurs de nuit / employés de bureau modèles le jour. De la même manière que c'est ce qui pousse un motard à lâcher les gaz dans une ligne droite alors que c'est 80.
L'Etat a de toute façon un intérêt pécuniaire à laisser les cryptos se développer pour ensuite exploiter les richesses produites (ce n'est pas choquant puisque l'Etat et les collectivités dépensent des Mrds pour éduquer, instruire, équiper notre territoire et population qui développera ensuite ces outils).