- Le ministère fait aussi très attention à Londumor… dit Kingsley.
- Comment ? s’étonna Harry.
- Londumor est un cimetière de sorciers, expliqua Hermione.
Cela faisait maintenant très longtemps que Harry n’avait plus eu de surprise due à son enfance chez les moldus. Mais il ignorait totalement qu’il existait un cimetière des sorciers.
- Si vous voulez mon avis, c’est une perte de temps, grogna Maugrey. Vous-Savez-Qui a déjà à sa disposition tous les cimetières moldus, il ne va pas aller piocher dans le seul qu’on puisse vraiment protéger.
La réunion se termina et ils sortirent de la Salle.
Ils se couchèrent immédiatement, et Harry dut encore tourner la tête afin d’éviter de voir Ron et Hermione s’embrasser pour se souhaiter une bonne nuit. Quelle ironie du sort… Harry et Ginny qui se trouvaient dans une situation plutôt critique tandis que Ron et Hermione filaient le parfait amour… C’était vraiment le monde à l’envers. Le pire, se dit Harry, c’était qu’il n’y pouvait rien, on les avait forcés à rompre. Maintenant il devait tout faire pour récupérer Ginny…
Le lendemain matin, il apparut que la jeune fille avait dû rentrer au cours de la réunion de l’Ordre car elle était sortie normalement, comme si de rien était, par la porte du dortoir des filles. Harry, qui n’avait pas voulu la brusquer, l’avait juste embrassée sur la joue en lui disant qu’il était heureux de son retour. Elle l’avait remercié et, l’air embarrassé, elle avait rejoint ses amis après s’être également fait accueillir par son frère, Hermione et Neville. Elle prit son petit déjeuner le plus loin possible d’eux, mais Harry savait pertinemment qu’elle ne cherchait qu’à l’éviter lui. La tâche ne serait pas facile…
En cours de défense contre les forces du Mal, ils firent les révisions prévues sur les créatures maléfiques, et Abelforth leur remit leurs devoirs corrigés. Il avait donné des notes de BUSE et d’ASPIC. Harry vit avec ravissement qu’il avait eu deux E. Hermione, qui ne prenait pas vraiment soin de cacher ses copies, avait obtenu deux O. Sur le chemin de la cour de récréation, Neville confia qu’il avait décroché deux A, quant à Ron, il marmonna qu’il avait eu un A pour les sortilèges multiples et un P pour les sorts sans baguette.
- Tu n’avais pas assez travaillé, c’est tout, dit Hermione. Neville a réussi malgré ses difficultés, lui, or toi, tu n’en as pas, quand tu travailles vraiment.
- Et bien ça m’apprendra à être jaloux pile au moment où j’ai deux rédactions à faire…
Et des devoirs, ils en avaient encore pour le prochain cours, mais comme ils avaient déjà vu le sujet l’année dernière, ce fut beaucoup moins difficile.
Harry décida de maintenir cette nouvelle habitude de s’avancer dans les devoirs : faute d’avoir une vie amoureuse, il avait au moins la satisfaction d’avoir des résultats qui n’étaient presque jamais plus mauvais qu’un « Effort Exceptionnel ». Ron aussi progressait, notamment parce que faire ses devoirs consistait à passer du temps avec sa petite amie. Harry avait entendu par mégarde cette dernière promettre qu’elle viendrait voir les essais et certains entraînements de Quidditch si elle le pouvait. Ginny lui manquait terriblement…
Il ne réussissait jamais à la voir bien longtemps, et Harry était absolument convaincu qu’elle l’évitait.
- Elle doit avoir peur d’entamer une relation avec toi, lui dit Hermione le vendredi matin, sur le chemin de son cours d’étude des anciennes Runes.
- Mais pourquoi ? s’étonna Harry. Qu’est-ce que je lui ai fait ?
- Rien, répondit Hermione. Mais tu dois la comprendre. Elle ne se souvient pas de toi, elle ne se souvient pas d’être sortie avec toi, mais on lui a dit que tu es son petit ami. Elle doit avoir peur de se sentir obligée d’être avec toi, alors que pour elle, tu n’es encore qu’un inconnu.
- Mais je ne veux pas du tout la brusquer ! protesta Harry. Je veux appliquer le conseil de Neville : refaire sa connaissance pour qu’elle tombe amoureuse de moi, ou pas…
- Je ne vois pas pourquoi elle ne retomberait pas amoureuse de toi, répondit Hermione avec un sourire. Mais même si tu as de bonnes intentions, tu l’as quand même brusquée, ajouta-t-elle sur un ton accusateur.
- Comment ça ? Je ne vois pas…
- Tu l’as embrassée, lundi, tu te souviens ?
- Oui, mais sur la joue, répliqua Harry, et parce qu’elle rentrait de Ste Mangouste !
- Pour elle, ça a dû être beaucoup plus, dit Hermione. Elle croit sûrement que tu t’attends à plus de sa part. Bon, je vais devoir te laisser.
Ils venaient d’arriver devant la salle d’étude des Runes.
- Je te conseille de la traiter de nouveau comme une amie, dit-elle tandis que d’autres élèves rentraient en cours. Sois naturel avec elle, n’essaye pas de la draguer pour accélérer les choses. Elle va elle-même revenir vers toi au bout d’un moment, tu verras.
Et elle rentra dans la classe juste à temps pour ne pas être en retard.
Dépité, Harry s’en retourna vers la tour de Gryffondor et son cœur faillit s’arrêter quand il tomba nez à nez avec Ron. Il poussa un petit cri brusque.
- Salut, dit timidement Ron.
- Bon sang, j’ai failli avoir une crise cardiaque ! s’exclama Harry, la main plaquée sur la poitrine.
Il se remit de son émotion et observa longuement son meilleur ami.
- Et qu’est-ce que tu fais là, d’abord ? interrogea Harry sur un ton soupçonneux. Tu nous espionnes ou quoi ?
- Non, je… enfin, d’une certaine manière, on peut dire que j’espionnais Hermione. Mais je ne suis pas jaloux du tout, rajouta-t-il précipitamment en voyant le regard noir de Harry. Non, j’espérais juste que vous auriez fini avant qu’elle n’aille à son cours…
- Tu n’en as pas un peu marre de l’embrasser à chaque fois que vous vous quittez ou que vous vous retrouvez ? demanda Harry avec un certain agacement.
- Et bien quoi ? s’indigna Ron. J’ai bien le droit d’aimer embrasser ma petite amie, non ? Et puis ça n’a rien à voir avec Lavande, heureusement. On n’essaye pas de s’enfoncer la langue le plus profondément possible dans la gorge…
Harry éclata de rire et ils repartirent en direction de la salle commune.
- Tu sais, j’aimerais vraiment qu’elle se souvienne de toi, dit Ron.
- Et moi donc…
- Oui, mais aussi, je ne voudrais pas qu’un autre en profite… Tu es de loin le moins bête de tous les garçons avec lesquels elle est sortie ou les autres avec lesquels elle pourrait sortir.
- Le moins bête ? Merci pour le compliment, dit Harry avec un sourire ironique.
Il obtint un nouveau E en DCFM ainsi qu’un A en potions, la seule matière dans laquelle il avait encore de sérieuses difficultés pour avoir plus que la moyenne.
Le lendemain était un samedi. Plus précisément, le deuxième samedi depuis la rentrée, c’est-à-dire le jour de la sélection du nouveau poursuiveur. Toute l’équipe y assista, Ginny y compris.
Tout d’abord, se rappelant l’année précédente, Harry vérifia que tous ceux qui se présentaient étaient indiqués sur la liste de candidats que lui avait confiée Abel, en tant que nouveau directeur des Gryffondor. Trois Serdaigle, cinq Poufsouffle, et même deux Serpentard furent ainsi découverts. Harry eut besoin de l’aide des autres joueurs pour chasser ces dix intrus, surtout les deux Serpentard qui leur donnèrent du fil à retordre en sortant leurs baguettes. Mais deux sortilèges d’entrave jetés par Harry et Ginny les décidèrent à suivre les autres exclus. Après avoir remercié la jeune fille avec un léger sourire, les véritables sélections débutèrent.
Le capitaine eut le déplaisir de retomber sur Romilda Vane et sa bande de filles stupides et superficielles de cinquième année. Elles furent bien entendu toutes refusées après des essais lamentables dans lesquels elles ne mirent aucune bonne volonté de joueuses de Quidditch (en revanche, elles mirent toutes tous les moyens en œuvre pour se faire remarquer, en exécutant des figures dont la fonction réelle était de mettre en valeur leur chevelures ou leur sourire insupportable ; Romilda Vane parvint même à forcer Harry à la rattraper sur son balai après s’être laissé tomber exprès juste à côté de lui).
Quand les genres masculins et féminins eurent tous deux montré leurs plus minables représentants, arriva la partie intéressante des essais. D’autres filles et d’autres garçons, tous de Gryffondor, et souhaitant réellement faire partie de l’équipe, montrèrent leurs capacités. Certains furent affligeants, d’autres parvinrent à prouver qu’ils savaient jouer ; il y avait même un couple de sixième année formant un duo formidable mais qui, une fois séparés, n’étaient pas fameux. Harry dut choisir entre eux et Dean Thomas.
A son grand regret, comme il ne pouvait renvoyer ni Demelza Robbins ni Ginny qui étaient toutes deux d’un niveau supérieur, il dut les départager en fonction de leurs capacités en solo et ce fut Dean qui l’emporta incontestablement. Ron ne se montra pas non plus très heureux de ce choix.
- Bon et bien, Dean, tu es notre nouveau poursuiveur, déclara Harry. Tu remplaces Katie alors essaye d’être à sa hauteur, d’accord ?
- Pas de problème, répondit le jeune homme avec un sourire.
Son regard se tourna ostensiblement vers Ginny qui lui rendit son sourire. Ni Harry ni Ron ne manquèrent de le remarquer.
La première séance d’entraînement fut fixée au mardi suivant, et tout le monde repartit de son côté à la sortie des vestiaires. Harry rentrait avec Ron et Hermione quand il vit Ginny parler à voix basse avec Dean près de l’escalier de pierre. Ce dernier finit par quitter la jeune rousse qui fut bruyamment interpellée.
- Hé, Ginny ! cria Ron.
Hermione lui lança un regard de reproche, mais il n’y prêta pas attention.
- Qu’est-ce qu’il y a ? s’étonna-t-elle quand elle les eut rejoint.
- Pourquoi tu parlais avec lui ?
- Je parle avec qui je veux, il me semble, répliqua froidement Ginny.
- Mais…
- Oh, ça suffit, ça ne va pas recommencer ! s’exaspéra la jeune fille. Je vois Dean autant que j’en ai envie ! Et de toutes façons, il est hors de question que je sorte avec lui, si c’est ça qui t’inquiète. Je lui ai bien fait comprendre que je n’ai pas du tout oublié mais anciens petits amis ni pourquoi je les avais quittés et qu’il n’y avait pas beaucoup de chance pour que mes sentiments pour lui changent un jour. Et il a compris qu’il ne devait plus me draguer et que je voulais juste qu’on reste de bons amis.
- Et il a accepté ? demanda Harry.
- Il n’a pas eu le choix ! répondit Ginny en rosissant légèrement. Et puis… j’ai déjà un petit ami, non ?
Harry échangea un regard appuyé avec Hermione et décida de prendre les choses en main.
- Ginny je… je peux te parler une minute… seul à seul ? demanda-t-il timidement.
La jeune fille rougit encore plus et acquiesça. Ils laissèrent Ron et Hermione, les visages inquiets, repartir de leur côté, et s’enfermèrent dans une salle de classe. Ginny n’osait pas croiser le regard de Harry, elle semblait extrêmement mal à l’aise. Harry se décida donc à dire ce qu’il espérait n’être que temporaire…
- Ginny, écoute, je…
C’était beaucoup plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Il avait l’impression de renoncer de nouveau à sa plus grande source de réconfort, comme au mois de juin dernier… Une fois encore, c’était pour le bien de Ginny, et il espérait toujours qu’au moment voulu, il pourrait abandonner cette résolution…
- Je… Je crois que…
- Tu ne veux plus être avec moi, c’est ça ? coupa Ginny d’une voix tremblant d’une certaine rage. Tu veux rompre parce que je ne suis plus qu’une amnésique pour toi, une handicapée ? Et bien sache que…
- Quoi !? s’étonna Harry. Je ne pense pas du tout ça de toi ! Je… Enfin je veux rompre, c’est vrai… admit-il piteusement.
Il y eut un silence. Désormais, la tête de Ginny était totalement rouge vive : ses cheveux, sa peau, et même le blanc de ses yeux.
- Mais ce n’est pas pour ce que tu crois, reprit Harry au bout d’un moment. Je veux juste… Je sais que tu ne m’aimes plus, ce serait injuste de te demander à toi de rester avec moi. Ne me dis pas le contraire, ajouta-t-il lorsque la jeune fille ouvrit la bouche. Tu m’as complètement oublié, tu ne me connais plus, tu ne peux pas m’aimer. Je ne t’en veux pas du tout, ce n’est pas de ta faute.
Harry vit de la reconnaissance dans le regard de Ginny. En fait, pensa-t-il tristement, il la libérait certainement d’un terrible poids. « Et ce poids c’est moi… ajouta-t-il. »
Il sortit lentement de la salle et, une fois la porte refermée, il se mit à courir le plus vite possible pour s’enfermer à nouveaux dans une nouvelle classe. Et là, il pleura. Jamais il n’avait pleuré comme cela. Certes, il avait versé une larme quand Dumbledore lui avait expliqué lors de sa première année ce qui l’avait sauvé de Voldemort ; il en avait versé plus d’une lorsque Mrs Weasley l’avait serré contre elle pour le réconforter après le retour du Seigneur des Ténèbres ; mais à chaque fois, il s’était vite essuyé les yeux pour éviter d’être vu. Cette fois, personne ne pouvait le voir. Il avait quitté la seule personne pour laquelle il éprouvait un sentiment indescriptible, et qui n’avait même rien à voir avec ce qu’il avait pu ressentir pour une certaine Cho Chang… et c’était une épreuve bien différente de toutes celles qu’il avait dû affronter jusque là.
La première semaine avait été silencieuse. La rumeur de l’attaque de Harry Potter et de sa petite amie devenue en partie amnésique avait fait grand bruit, mais elle s’était répandue sous forme de chuchotements. Certains élèves se montraient désolés, comme Ernie Macmillan, et le répétaient sans cesse à Harry et à Ginny quand ils les croisaient, ce qui devenait insupportable ; d’autres se contentaient d’en parler entre eux et de suivre du regard les deux concernés quand ils passaient devant eux ; et bien sûr, il y avait les Serpentard, qui trouvaient très amusant que la seule chose oubliée par Ginny soit Harry lui-même.
- Alors, enfin quelqu’un qui ne te connaît pas ! disait-on sur son passage. Ca te change, n’est-ce pas, Potter ? L’Elu !
Harry s’était efforcé de les ignorer du mieux qu’il pouvait, avec tout l’appui d’Hermione.
Etrangement, Nott et toute sa bande de septième année (ainsi que Crabbe et Goyle qui avaient triplé leur cinquième année), se montraient très discrets ; et heureusement, car s’ils lui avaient lancé des remarques en plein cours, il n’aurait certainement pas pu se retenir de se jeter sauvagement sur eux. Jamais il ne pourrait pardonner à Nott, jamais…
Les Serpentard exerçaient désormais une fascination maléfique sur les élèves de Poudlard. Bien qu’ils n’eurent plus fait parler d’eux après le premier week-end de l’année (enfin pas plus qu’avant), beaucoup craignaient d’être attaqués, surtout par la nouvelle bande de Nott. Le fait qu’un Serpentard soit devenu mangemort à seulement seize ans avait sûrement accentué la peur inspirée. Mais heureusement, les craintes d’Hermione se montrèrent injustifiées… pour le moment.
Par malheur, les choses évoluèrent la deuxième semaine (après l’attaque dans la Salle sur Demande, c’était donc la troisième semaine depuis la rentrée). Une nouvelle rumeur s’était répandue comme quoi Harry Potter avait rompu avec Ginny Weasley. Cette nouvelle avait choqué certaines filles, persuadées que Harry avait laissé tomber sa petite amie comme une vieille chaussette juste parce qu’elle était amnésique. Mais la cadette des Weasley, toujours aussi fidèle à son caractère de tigresse, s’était vite hâtée de faire comprendre que tous ceux qui continueraient à répandre ce bruit stupide auraient de graves ennuis. A présent, seule une chose comptait : deux des personnes les plus attirantes du collège, l’une belle et séduisante, l’autre célèbre mais qui n’en était pas moins les deux autres depuis quelques années, étaient de nouveau libres. Harry était souvent importuné par des filles dans le genre de Romilda Vane et il leur conseilla plus d’une fois de déguerpir sous peine de se voir jeté un sort.
- Moi j’aimerais bien que tu me jettes un sort, ricana une de ces stupides filles qui avaient participé aux sélections.
Malheureusement pour elle, Harry avait pris beaucoup de plaisir à la prendre au pied de la lettre.
- Bloclang, avait-il prononcé une fraction de seconde plus tard, baguette levée.
Et plus jamais cette jeune fille ne l’avait ne serait-ce que regardé. Même Hermione avait approuvé Harry.
- Elle a eu ce qu’elle méritait, cette petite pimbêche ! avait-elle fermement déclaré. Te harceler comme ça alors que tu…
Elle s’était interrompue, ne voulant pas remuer le couteau dans la plaie.
Harry vit que Ginny se faisait également très souvent draguer par de séduisants jeunes hommes de toutes maison (sauf de Serpentard). A chaque fois, elle les envoyait paître, parfois accompagnés d’une nuée de petites bêtes volantes et sauvages qu’elle faisait apparaître avec un puissant sortilège de Chauve-Furie, lorsqu’ils se montraient un peu trop insistants. Il en était à chaque fois plus amoureux d’elle. Mais Harry savait que le moment viendrait où Ginny serait à nouveau prête pour sortir avec un garçon… Cela le rendait malade de l’imaginer avec quelqu’un d’autre, mais il faudrait bien le supporter si cela arrivait…
Le train-train quotidien avait repris son cours à Poudlard.
Il y avait les cours : McGonagall était assez contente des progrès de Harry et Ron (le soutien d’Hermione avait fini par payer pour ce dernier) ; Harry commençait à faire quelque chose de convenable en potions, et Slughorn recentrait son attention sur lui en l’invitant à ses soirées auxquelles Harry refusait d’aller, pouvant prétexter une dépression, ce que le professeur replet croyait sans méfiance vu que toutes les rumeurs du château lui parvenaient ; Flitwick n’eut plus à lui donner de devoirs supplémentaires et il n’avait pas trop de problèmes en botanique, seul cours où Neville pouvait lui être d’un grand secours dans certaines situations.
Deux fois par semaine, tous les mardi soir et samedi matin, il y avait les entraînements de Quidditch. Ron se montrait toujours très froid avec Dean mais Harry essayait de ne pas paraître antipathique. Dean était une personne qu’il appréciait même s’il avait été son rival à une époque (en outre, la peur de la réaction de Ron avait fait que personne n’avait su que Harry était jaloux de Dean à l’époque où il sortait avec Ginny). Dean se montra également aussi sympathique qu’avant. Ils avaient fait la paix sans rien se dire. Harry s’efforça d’être normal avec Ginny, mais il se sentait toujours gêné en sa présence, et il voyait bien que c’était aussi le cas de la jeune rousse. Hormis ces ennuis d’ordre privé, il trouvait que le niveau de l’équipe de Gryffondor était très bon. Ron avait plus confiance en lui que les autres années, et il confia à son capitaine qu’il aurait juste l’estomac un peu contracté lors du match d’ouverture de la saison de Quidditch : Gryffondor contre Serpentard, qui aurait lieu le lendemain de Halloween. Harry avait certains projets pour ce jour-là…
- Je suis ton conseil : arrêter de me prendre pour un minable, déclara Ron, le mardi de la dernière semaine d’octobre, en sortant des vestiaires afin d’aller dîner. Ca marche plutôt bien. Après tout, je ne suis pas un minable, n’est-ce pas ?
- Je ne sortirais pas avec un minable, assura Hermione avec un sourire.
Elle avait assisté à cette séance d’entraînement concentrée sur le jeu du gardien, la dernière avant le match,
Harry réfléchit un moment. Il n’aurait que peu de temps ce soir-là. Il devrait sûrement renoncer au festin. Mais il fallait qu’il le fasse, cela faisait trop longtemps qu’il avait ignoré cette date si importante au profit de cette stupide fête. Il décida d’en parler à ses amis. Comme il ne pouvait pas prendre le risque d’être entendu dans la Grande Salle, il leur demanda de s’arrêter alors qu’ils arrivaient près des portes de chêne.
- Qu’est-ce qu’il y a ? s’intrigua Hermione.
- Je… Il faut que je vous parle de quelque chose.
Il hésita un instant, puis…
- Je voudrais sortir du château, annonça-t-il. Je veux dire, en dehors de l’enceinte.
Comme il l’avait prévu, ses deux amis affichèrent un air surpris.
- Mais… pour quoi faire ? demanda Ron.
- Et bien je… Enfin, vendredi, le soir d’Halloween, ce sera l’anniversaire de la mort de mes parents, déclara Harry. Je voudrais fleurir leur tombe. Maintenant, Lupin n’est plus là pour le faire, ajouta-t-il sombrement.
Ron et Hermione semblaient maintenant embarrassés. La mort du professeur Lupin les affligeait encore, et ils se doutaient certainement que c’était pire pour Harry.
- Harry… commença Hermione sur un ton compatissant, je comprends mais… on ne peut pas sortir comme ça…
- Je suis majeur, répliqua Harry. Je suis en droit de me rendre où je veux.
- Peut-être, admit Hermione, mais en tant qu’élève de l’école, tu dois te plier à ses règles si tu ne veux pas…
- Etre renvoyé ? acheva Harry sur un ton dédaigneux. Quelle importance ? Comme ça, je pourrai reprendre les recherches…
Le visage d’Hermione se durcit.
- Si tu es renvoyé et que tu cherches les horcruxes (sa voix bassa d’intensité) sans nous, prévint-elle, tu auras notre renvoi et l’échec de nos études sur la conscience ! Parce que ni moi, ni Ron – et j’en suis certaine, Neville non plus – ne te laisserons entreprendre ça sans nous. Et de toutes façons, tu sais pertinemment que tu auras beaucoup de mal sans faire ta dernière année.
Il y avait trop de vérité dans les paroles d’Hermione. Harry se ressaisit. Il avait déjà un plan plus raisonnable en tête et il se sentait idiot de s’être emporté.
- Ne t’inquiète pas, dit-il, j’avais l’intention d’en parler à McGonagall.
- Tu es fou ? s’exclama Ron. En parler à McGonagall ? Elle ne te laissera jamais faire…
- Je chercherai dans le règlement de l’école pour savoir si tu as le droit de sortir ou pas, déclara Hermione. Si je ne trouve rien en notre faveur, on ira voir…
- Notre ? répéta Harry. Qui t’a dit que vous veniez avec moi ? J’y vais seul !
- Nous voulons être là pour toi, Harry ! protesta vivement Hermione.
- C’est vraiment trop demander de vouloir me recueillir en paix ? ironisa Harry.
- On ne te gênera pas ! assura Ron, tout aussi révolté que sa compagne.
- Et tu ne peux pas y aller seul en pleine nuit, objecta Hermione. Ce serait du suicide.
- Du suicide ? répéta Harry d’un air faussement incrédule (en fait, il voyait à peu près où la jeune femme voulait en venir). Qu’est-ce que tu racontes ?
- Réfléchis ! Voldemort a déjà deviné que tu reviendrais à Godric’s Hollow et il l’a dit à Malefoy ! Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas le deviner cette fois-ci ! Et il me semble qu’il est mieux placé que quiconque – à part toi, bien sûr – pour se rappeler cette date.
- Oui, c’est vrai, admit Harry, sauf que c’est précisément une des raisons pour laquelle je ne veux pas que vous veniez. Je ne veux pas mettre votre vie en danger juste pour pouvoir me recueillir tranquillement, ce serait vraiment égoïste de ma part.
- Ce n’est pas égoïste puisque qu’on te le demande, fit remarquer Ron.
- Oui, Harry, tu ne nous forces à rien, nous voulons y aller.
- De toutes façons, répliqua Harry, j’ai déjà prévu de me désillusionner ou de mettre la cape d’invisibilité, alors merci de votre proposition, mais je n’ai pas besoin de votre aide, je vous le garantis.
- A ton avis, il faudrait combien de temps à Voldemort pour s’apercevoir du subterfuge ? demanda Hermione, irritée. Non, c’est vrai, après tout, c’est seulement le plus grand mage noir qu’on ait jamais vu dans le monde des sorciers…
- Bon, d’accord, venez avec moi si vous voulez, finit par dire Harry, que la conversation agaçait, mais vous ne servirez pas à grand-chose car je n’ai pas l’intention de vous avoir derrière mon dos devant la tombe.
- On se mettra en cercle autour de toi, dit Hermione, l’air soulagé, mais on restera assez éloignés, ne t’en fais pas.
Mécontent d’avoir dû céder, Harry rentra en compagnie de Ron et Hermione qui n’oublièrent de prévenir Neville qui, acceptant immédiatement de les accompagner, ajouta ainsi un intrus supplémentaire.
Le lendemain, après ses devoirs qu’elle termina comme d’habitude avant les autres, Hermione se leva pour demander le règlement intérieur de Poudlard à Mrs Pince, laissant ainsi Ron livré à lui-même.
- Ne t’en fais pas, tu te débrouilleras très bien, tu as fait beaucoup de progrès maintenant, dit-elle avec un sourire quand son petit ami lui eut fait part de ses craintes.
Harry dut se retenir d’éclater de rire devant l’expression de chien battu de Ron, qui avait sûrement d’autres choses en tête que sa réussite scolaire.
En arrivant dans la Grande Salle bien après tout le monde, Hermione informa Harry que les septième année, étant majeurs, avaient le droit de sortir de l’école sans sanction à deux conditions : que ce ne soit pas pendant les cours (sauf exception) et que le directeur (en l’occurrence la directrice) en soit informé.
Donc, jeudi matin, à la fin du cours de Métamorphose, Harry prit son courage à deux mains et se posa en face du bureau de McGonagall. Celle-ci, au bout d’un moment, parut agacée.
- Au lieu de rester planté là, pourriez-vous me dire ce que vous avez à me dire, Potter (en cours, elle appelait de nouveau chaque membre du quatuor par leur nom de famille) ? demanda-t-elle d’un air pincé.
- Et bien… euh… bredouilla Harry. Je voudrais vous demander si je pouvais sortir du château le soir d’Halloween.
- Vous voulez dire en dehors de Poudlard ? interrogea la directrice.
Harry acquiesça nerveusement d’un signe de tête.
- Je n’ai pas le pouvoir de vous en empêcher, car vous êtes majeur, répondit McGonagall, mais j’aimerais bien savoir où vous comptez vous rendre.
- En fait, je voulais fleurir la tombe de mes parents. Demain soir, ce sera le seizième anniversaire de leur mort. Je sais que le professeur Lupin s’en chargeait avant… qu’il ne disparaisse, et je ne voudrais pas laisser leur tombe à l’abandon.
Le professeur McGonagall regarda un instant Harry avec des yeux embués puis elle finit par dire :
- Je comprends. Comme je viens de le dire, je n’ai pas le pouvoir de m’y opposer. Cependant, il me faut quand même vous dire qu’il serait très imprudent d’y aller en pleine nuit, et seul.
- Je ne serais pas seul, s’empressa de préciser Harry. Ron, Hermione et Neville ont tenu à m’accompagner, même si je n’étais pas tout à fait d’accord…
- Vous avez des amis très généreux, Harry, dit McGonagall avec un léger sourire. J’espère que vous prendrez les précautions nécessaires pour vous cacher ?
- Oui, Madame.
- Est-ce que vous voulez… que je demande à un autre membre de l’Ordre de vous accompagner ? proposa McGonagall.
- Non merci, répondit précipitamment Harry. Je… Enfin je voulais être seul.
Après un instant de silence, il se dirigea vers la porte. Quand il l’eut ouverte, une voix tremblante le fit se retourner.
- Vous savez, nous aimerions tous pouvoir rendre hommage à Lily et James, même si nous sommes très occupés en ce moment.
C’était bien entendu McGonagall. Elle avait les larmes aux yeux.
- Vos parents étaient des gens très bons et courageux, et ils se sont battus jusqu’au bout. Ils faisaient parties des membres de l’Ordre les plus utiles et compétents. Avec tout ce qui se passe en ce moment, on y pense beaucoup… Au fait, le professeur Dumbledore vous a-t-il déjà dit quels métiers exerçaient vos parents ?
- Non, professeur, admit Harry, se demandant pourquoi il n’avait jamais posé la question.
Personne ne lui en avait jamais parlé. Intérieurement, il avait une idée sur la question, mais après tout, rien ne l’avait jamais confirmée.
- Votre père était Auror, déclara McGonagall. Quant à votre mère, elle faisait partie de la brigade de police magique. Ils étaient tous deux de très bons éléments. J’espère que vous serez digne de votre père, Harry.
Harry acquiesça lentement.
- Au revoir, Madame.
Après avoir refermé la porte, il se hâta de se rendre au cours de Sortilèges où il arriva juste à temps pour indiquer aux trois autres que c’était OK.
22
Loup et
Morts au Rat
Vendredi soir, à la sortie du cours de défense contre les forces du Mal, Harry, Ron, Hermione et Neville se hâtèrent de monter dans leurs dortoirs respectifs afin de déposer leurs affaires et de se changer. Après s’être habillés de vêtements moldus, ils redescendirent dans le hall d’entrée et passèrent devant la porte de la Grande Salle sans rejoindre tous leurs camarades qui dégustaient le somptueux festin d’Halloween.
Rusard les attendait. Il semblait de mauvaise humeur, comme à son habitude.
- Vous en avez mis, du temps ! leur dit-il sèchement.
Sans d’autre mot, il leur passa ses détecteurs de magie noire le long du corps. Devant admettre qu’ils ne transportaient rien d’illégal, il rangea son Capteur de Dissimulation.
- Suivez-moi, ordonna-t-il.
Il poussa les deux battants de la double porte du Hall et ouvrit la marche. Ils dévalèrent lentement les marches de pierre avant de poursuivre leur route le long de l’allée qui menait au portail.
- Quelle stupidité de laisser les élèves sortir comme ça ! maugréa Rusard. Majeur, qu’ils disent ! Tu parles !
Ils préférèrent ne rien répondre. Argus Rusard n’avait jamais fait preuve d’une grande confiance à l’égard des élèves de Poudlard, qu’ils fussent majeurs ou pas.
Ils arrivèrent en face des deux piliers surmontés de sangliers ailés. Le concierge sortit une clé de métal rouillé d’une poche de son manteau gris et la tourna dans la serrure. Avec un léger cliquetis, le portail de Poudlard s’écarta et déboucha sur un autre chemin qui, ils le savaient, menait au siège de l’armée de Lord Voldemort. Rusard referma et verrouilla derrière eux.
Ils se retrouvèrent dans un silence total, mis à part la faible brise qui faisait onduler l’herbe. Ils aperçurent au loin la Marque des Ténèbres qui éclairait Pré-au-Lard nuit et jour, et qui se voyait très bien depuis le château de Poudlard, à une certaine hauteur.
- Bon, allons-y, finit par dire Harry.
Ils transplanèrent pour réapparaître dans un petit bois très pratique, assez près de l’auberge de Godric’s Hollow dont Harry se souvenait encore très bien. Il était difficile d’oublier un endroit où il avait lu les derniers mots de Dumbledore avant de se faire stupéfixer par des jumeaux Weasley contrôlés par Drago Malefoy.
Ils entrèrent et se présentèrent au comptoir pour commander un repas pour quatre. Ensuite, ils s’installèrent à une table, près d’une fenêtre, et attendirent patiemment leur dîner.
Pour Halloween, l’établissement était décoré de citrouilles évidées, posées au centre des tables, dans lesquelles des lampes électriques éclairaient tout le rez-de-chaussée. Tout ce soin n’en valait pas vraiment la peine, pensa Harry en voyant les rares clients qui se réchauffaient à l’intérieur de l’auberge.
L’attente ne fut donc pas très longue. Ils demandèrent l’adresse d’un fleuriste à l’aubergiste quand il vint les servir.
- Si vous voulez de belles fleurs, leur dit-il, je vous conseille d’aller chez Madame Marguerite. Elle cultive les plus belles fleurs de Godric’s Hollow, et de toutes façons, c’est la seule fleuriste de ce petit village. Mais je ne sais pas si elle a encore le cœur pour ça, ajouta-t-il tristement.
- Pourquoi ? s’étonna Hermione.
- Sa vieille mère, l’ancienne fleuriste, est morte hier, les informa l’aubergiste. Pour l’instant, les spécialistes de la ville n’arrivent pas à trouver ce qui l’a tuée. Au début, on pensait tous que c’était la vieillesse – elle était très âgée, la pauvre femme – mais ils ont des doutes. D’après eux, « Rien de ce qui peut tuer à cet âge n’a causé la mort. » Si vous voulez mon avis, la malédiction l’a frappée plus que les autres, voilà tout. Elle habitait juste en face des Ruines maudites, précisa-t-il. Jamais personne n’a réussi à y entrer, les gens avaient des comportements bizarres jusqu’à ce qu’ils s’écartent. Et elle, elle a vécu à côté pendant des années.
Il hocha sombrement la tête puis repartit vers son comptoir. Harry, Ron, Hermione et Neville, eux, échangèrent des regards éloquents. Tous savaient ce que cette histoire pouvait signifier.
- C’est cette femme qui nous a parlé de tes parents, non ? demanda Ron. Celle qui m’a fait une leçon sur les bonnes manières à avoir avec les filles avant de nous emmener au cimetière ? ajouta-t-il d’un air sinistre.
- Oui, répondit Harry, dépité, elle habitait juste en face de ce qui restait de chez mes parents, et elle nous avait parlé des Ruines maudites…
- Je ne pense pas que ça ait un rapport avec ça, dit tout de suite Hermione. Le terrain de tes parents devait être protégé par un sortilège Repousse-Moldu, ou quelque chose dans ce goût-là, parce ce que ça m’a l’air d’être un peu différent. Mais ça n’a pas pu la tuer.
- Je le sais bien ! répliqua Harry. La cause de la mort n’a pas été trouvée… poursuivit-il d’un air songeur en baissant d’un ton pour ne pas être entendu des tables alentours. Ca ne peut être qu’un crime de sorciers, déclara-t-il fermement. Elle a été tuée hier… Tu avais raison, Hermione, ajouta-t-il avec une certaine panique dans la voix. Voldemort sait – il se doute – que je suis ici. Et il ne tardera pas à savoir que vous êtes là aussi. Nous devons nous dépêcher.
Ils parurent tous effrayés, et sur les dernières paroles de Harry, ils se hâtèrent donc d’ingurgiter leur maigre souper. Quand ce fut fait, ils se levèrent et payèrent l’aubergiste. Hermione étant la seule à disposer d’argent moldu, elle paya pour tout le monde ; chacun rembourserait sa part en Gallion le lendemain.
- Dites-moi, questionna l’aubergiste, songeur, qu’est-ce qui peut bien amener quatre jeunes gens comme vous deux fois en deux mois ?
Harry ne s’y attendait pas, il pensait que tout le monde l’aurait oublié. Il réfléchit très vite et se décida à dire :
- Nous… nous voulons fleurir la tombe d’un ami, répondit-il, hésitant.
- Deux jours avant la date habituelle ?
- C’est l’anniversaire de leur mort, expliqua Harry, avec la sensation très nette de signer son propre arrêt de mort.
En sortant de l’auberge, il craignit d’en avoir trop dit. Il fit part de ses craintes aux trois autres.
- Tu as raison, approuva Hermione. Voldemort pourrait très bien le soumettre à l’Imperium ou à la légilimancie. Désillusionnons-nous.
Ils se cachèrent dans le même petit bois où ils avaient transplané, et une fois transformés en caméléons humains, ils prirent le chemin du cimetière en se tenant fermement chacun de la main gauche (l’autre serrant leurs baguettes magiques) pour ne pas se perdre. Neville tenait la veste d’Hermione qui tenait celle de Ron qui tenait celle de Harry. Ce dernier aurait préféré acheter de belles fleurs bien soignées aux senteurs de printemps chez la fleuriste du village, mais vu que cette dernière n’avait sûrement pas ouvert sa boutique et qu’ils devaient éviter de se faire repérer, il se contenterait de ses propres créations…
Il n’était que six heures et quart du soir mais il faisait déjà une nuit totale lorsqu’ils pénétrèrent pour la seconde fois de leur vie dans le cimetière de Godric’s Hollow. On pouvait à peine distinguer les nuages du reste du ciel, et c’était d’autant plus difficile que ce ciel d’automne en était presque entièrement recouvert.
Ils marchèrent vers le coin isolé et entouré d’herbe où reposaient les Potter. Harry fixa la tombe dès qu’il l’aperçut, pensant au courage qu’elle lui avait redonné la première fois qu’il l’avait vue. Du courage… C’est exactement ce dont il avait besoin, en ce moment. Malheureusement, la personne qui lui en donnait le plus ne l’aimait plus comme avant…
Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres quand il eut une étrange vision. Il s’arrêta et sentit Ron, Hermione et Neville se cogner derrière eux.
- Qu’est-ce qu’il… ouille ! murmura la voix de Ron, mais Harry lui avait marché sur le pied pour le faire taire.
Les deux autres ne dirent rien et se contentèrent de s’immobiliser en silence. Harry, lui, était certain d’avoir vu quelque chose bouger en face de la tombe de ses parents. Il observa attentivement un moment et il eut de nouveau cette étrange impression de voir le vide remuer… Mais c’était totalement impossible. Impossible à moins que…
Il leva sa baguette, la pointa vers l’endroit qui avait bougé, se concentra et pensa « Contrasteo ». Le contre sort du sortilège de Désillusion fonctionna, mais il n’était pas le seul à l’avoir jeté.
Au moment où deux silhouettes se dessinaient à quelques mètres d’eux, Harry vit son bras et sa baguette brandis reprendre leurs couleurs habituelles. Il jeta un bref coup d’œil derrière lui et vit que ses trois compagnons étaient redevenus visibles eux aussi. Il se retourna vers les deux inconnus. Les six réillusionnés se dévisagèrent silencieusement, baguettes brandies. Tous sauf un. Un des deux inconnus, un homme, pour ce que Harry pouvait en juger, qui semblait assez maigre. A sa droite, il y avait l’autre, plus petit et beaucoup moins maigre. Mais même dans la pénombre, cet visage évoquant si incroyablement la tête d’un rat et cette main droite étincelante dans la nuit noire, levant un bâton de bois magique, ne laissaient planer aucun doute : Queudver.
Tout d’un coup, Peter Pettigrow s’exclama :
- Attaquez-les !
Aussitôt, une dizaine d’autres personnes surgirent à ses côtés et se jetèrent sur Harry, Ron, Hermione et Neville. Par réflexe, ces derniers allumèrent leurs baguettes magiques et ils se rendirent vite compte que ce n’étaient pas des vivants qui leur faisaient face. Dix corps pâles comme la mort, certains en partie décomposés avançaient comme des sauvages en soif de mort : des Inferi.
- Incendio ! hurla Harry.
Un Inferius s’enflamma aussitôt et s’agita dans tous les sens, mais il en restait encore beaucoup. Les trois autres suivirent son exemple, mais il apparut au bout de deux secondes à peine que les Inferi ne brûlaient qu’un instant avant que le feu jeté par Harry et les autres ne s’éteigne. Il semblait qu’un sort les protégeait.
Quant les cadavres ensorcelés reprirent leur course vers eux, Harry regretta amèrement de ne pas connaître le sortilège Lance-flammes de Dumbledore.
- COUREZ ! s’époumona-t-il.
23
Esprit sain dans
un Corps sain
Ron, Hermione et Neville avaient été transportés d’urgence à Ste Mangouste, à l’aide d’un portoloin créé par Abel. Vu les circonstances, le ministère, malgré les désaccords entre Harry et Scrimgeour, n’avait pas tenu rigueur de cet acte illégal au professeur de défense contre les forces du Mal de Poudlard. Arthur, Molly et Ginny Weasley, informés dans les dix minutes qui avaient suivi, s’étaient rués au premier étage de l’hôpital pour les maladies et blessures magiques, suivis de près par Bill, Fleur, Fred et George.
La vision de Mrs Weasley en proie à une crise de larme telle qu’il n’en avait jamais vu devant son fils et ses amis entre la vie et la mort avait profondément perturbé Harry, d’autant plus que les Weasley ne lui avaient accordé aucune attention. Ils devaient lui en vouloir énormément, sans compter le propre sentiment de culpabilité écrasante qui oppressait Harry. Il se rendait compte de sa stupidité.
Se rendre en pleine nuit dans un cimetière, connaissant le genre de créature qui pouvait en sortir… Harry n’avait pensé qu’aux mangemorts, qu’à Voldemort, mais pas aux Inferi. Il s’en sentait complètement idiot. Il avait eu la preuve que Voldemort avait prévu sa visite au cimetière, et il n’avait même pas réfléchi au genre de gardes qu’il pouvait y poster… Bien sûr, ils s’étaient désillusionnés, mais il avait vite remarqué que Queudver avait fait la même chose, et même ce stupide personnage n’avait eu aucun mal à les débusquer.
Et maintenant, il voyait le résultat : ses trois meilleurs amis – car à présent, il considérait Neville comme un ami très cher – étaient plongés dans le coma, quelque part entre la vie et la mort. Ils avaient tous trois perdu une grande quantité de sang. Une potion de régénération sanguine leur était régulièrement administrée, mais elle ne faisait que les maintenir en vie. Leur guérison – c’est-à-dire la reconstitution complète de leur volume sanguin – ne dépendait que de leur résistance physique. Il fallait attendre, et cette attente était insupportable à tout le monde.
Harry, lui, n’était resté qu’une heure à l’hôpital. Les blessures infligées par les Inferi avaient été rapidement soignées, quant aux griffures de Lupin, elles n’étaient pas assez profondes pour qu’il soit contaminé, vu que le loup-garou n’avait pas été métamorphosé. On lui avait prescrit un onguent que Mme Pomfresh lui appliquait matin et soir. D’après elle, il y avait de bonnes chances de guérison. Mais ce qui inquiétait le plus Harry, ce n’était pas sa santé, mais le rétablissement de ses trois amis.
Ginny lui rendait de brèves visites pour l’informer de l’évolution de l’état de Ron, Hermione et Neville. Leur état s’était stabilisé, mais ils étaient toujours plongés dans le coma. La dernière des Weasley à se trouver encore à Poudlard ne restait jamais plus de quelques minutes avec lui, et Harry se doutait que la gêne n’était pas la seule responsable. Les Weasley devaient lui en vouloir terriblement…
S’il s’inquiétait pour ses amis, il était par contre désormais absolument certain du sort de Lupin. Non seulement il l’avait perdu une seconde fois, mais cette fois, c’était beaucoup plus concret. Il n’avait pas disparu, il n’avait plus de faibles chances d’avoir survécu : il était mort, irrémédiablement mort. Le vide laissé dans son cœur était certes moins grand que celui creusé par la mort de Sirius ou celle de Dumbledore, mais il avait perdu quelqu’un qu’il aimait beaucoup, le dernier qui pouvait encore lui parler de ses parents en tant que proche, la toute dernière personne ayant presque fait partie de la famille Potter… Lors de la réunion de l’Ordre qui avait eu lieu le dimanche suivant, la question de l’enterrement de Lupin avait été envisagée, et Tonks avait eu du mal à cacher ses larmes.
Elle avait encore demandé à Harry une discussion en privée qu’il n’avait une nouvelle fois pas eu la force de lui refuser. Il lui avait péniblement décrit le comportement sauvage de son amant, sans oser croiser son regard. Cette sauvagerie et cette apparence, Harry avait du mal à se l’expliquer, mais il en était absolument certain : Remus Lupin ne s’était plus maîtrisé quand il s’était jeté sur lui. Les instincts non dominables du loup-garou avaient dicté la conduite de l’ancien professeur, il en était convaincu. Mais le fait qu’il n’ait pas été métamorphosé à ce moment-là restait totalement incompréhensible. Bien qu’il tentât de chasser cette pensée de sa tête, Harry avait l’impression de s’être retrouvé en face d’un autre Greyback, le même qui avait contaminé Lupin. Un loup-garou qui conservait des caractéristiques du loup même en dehors des phases de pleine lune…
Harry savait que le corps de Lupin était examiné à Ste Mangouste, pour savoir ce qui avait bien pu se passer. C’était d’ailleurs pour cela que la date de son enterrement n’avait pas pu être fixée. Le ministère refusait de rendre le corps du loup-garou à ses proches, ses représentants prétendant qu’il pouvait contenir les secrets d’une nouvelle menace. Les membres de l’Ordre avaient été complètement dépités par cette nouvelle. Fred et George avaient marmonné des jurons furieux contre Scrimgeour, et Tonks, les yeux rouges, n’avait fait aucun commentaire. Cette situation était d’autant plus inconfortable que la personne qui avait envoyé Lupin sur Harry, qui l’avait selon ce dernier traité comme un chien, Queudver, n’avait pas été retrouvé.
Ni les jumeaux, ni leurs parents, ni Bill n’avaient adressé une parole ou un regard à Harry. Ce dernier, conscient d’avoir peut-être perdu l’affection de la famille Weasley, et qui n’avait plus aucun ami proche à Poudlard, se concentrait désormais sur deux objectifs.
Sa réussite scolaire. Il n’avait certes plus vraiment le courage de s’intéresser aux cours, mais pour aider Ron, Hermione et Neville à leur retour (il suppliait le ciel que ce retour ait bel et bien lieu) à rattraper les leçons difficiles de la septième année, il se forçait à travailler le plus possible. Il demandait régulièrement à Anthony Goldstein de lui prêter ses notes sur l’étude des runes et l’arithmancie afin de les recopier pour Hermione. C’était une tâche fastidieuse mais il avait beaucoup plus de temps qu’avant, sans ami ni petite amie.
Bien sûr, il y avait toujours les séances d’entraînement de Quidditch. Il n’arrivait plus à se montrer très chaleureux avec ses coéquipiers alors il se contentait de parler sur un ton professionnel. On avait accordé à l’équipe de Gryffondor de ne pas jouer le match d’ouverture contre Serpentard. C’était celle de Serdaigle qui avait disputé la rencontre et qui avait fait match nul, avec cent cinquante points partout (quinze buts de Serpentard, mais l’attrapeur de Serdaigle avait attrapé le Vif d’Or juste à temps). Gryffondor jouerait contre Poufsouffle deux semaines après ce premier match, le temps de trouver un gardien remplaçant et de l’intégrer dans l’équipe. Le moins minable aux sélections fut Geoffrey Hooper, un élève de sixième année. En réalité, il était assez bon, mais il se plaignait sans cesse de choses et d’autres – des autres joueurs et du capitaine, par exemple. Aussi, Harry devait le faire taire au moins dix fois à chaque entraînement, avec l’aide de ses coéquipiers qui en avaient vraiment assez, eux aussi.
Il sentait souvent les regards des autres joueurs dans son dos, ainsi que celui des élèves dans les couloirs, les salles de classe, et dans la pièce commune, et c’était compréhensible : l’année scolaire avait débuté depuis un mois à peine et Harry Potter faisait déjà parler de lui pour la seconde fois dans une sombre affaire d’attaque de mangemorts. De plus, cette seconde fois paraissait beaucoup plus réelle : des Inferi, un mangemort, Lord Voldemort lui-même (cette fois, le ministère avait cru Harry sur parole vu qu’un honorable professeur avait confirmé sa version), un mort, ainsi que trois élèves dont la survie était encore incertaine…
Ces deux derniers faits avaient mis une ambiance peu joyeuse parmi les Gryffondor. Le professeur Lupin avait été très apprécié. Chez eux, les élèves avaient eu le temps de digérer la nouvelle apprise dans la Gazette du Sorcier, mais tout comme Harry, ils avaient la sensation de l’avoir perdu une nouvelle fois, ce professeur qui les avaient tant encouragés. Et bien sûr, il y avait le risque de la mort de leur gardien, qui s’était finalement révélé être plutôt bon l’année précédente, et de leur meilleure élève, celle en qui étaient placés la plupart des espoirs de victoire à la Coupe des Quatre Maisons. Certes, ils n’avaient pas non plus envie que Neville meure, c’était un élève de leur maison, mais un élève moins important… une idée dont Harry s’efforçait de dissuader ses condisciples.
Le second objectif de Harry était de retrouver et de détruire les trois Horcruxes restant. Il n’était plus question d’attendre les vacances. Il n’avait plus qu’une idée en tête : rendre à nouveau mortel Voldemort, le retrouver, et le tuer le plus tôt possible afin de mettre fin à ces évènements abominables. Pour l’instant, il se concentrait sur la coupe de Poufsouffle. Mais d’abord, il devait parler en privée au seul membre de son « équipe » encore en état…
Au début de la première semaine de novembre, à la fin du premier cours, celui de défense contre les forces du Mal, il avait attendu que tous les élèves soient sortis et avait retenu Abelforth.
- Professeur, il faut qu’on discute, dit-il sans détour.
Abel le regarda un instant, et Harry craignit d’avoir été un peu insolent. Mais le professeur se contenta de pointer sa baguette magique sur la porte et deux petites lumières jaillirent.
- La porte est verrouillée et la pièce insonorisée, déclara-t-il. Vous pouvez parler en toute liberté – et m’appeler Abel.
Surpris, Harry se ressaisit et reprit la parole. Il raconta ses projets au frère de Dumbledore.
- Et où comptez-vous commencer vos recherches ? interrogea-t-il.
Harry avait bien réfléchi à la question, quand il n’arrivait pas à dormir, la nuit dans son dortoir.
- Je pense qu’il faudrait aller voir du côté de la boutique de Barjow et Beurk, répondit-il. Et il j’aimerais aussi retrouver la maison d’Hepzibah Smith. A mon avis, la coupe peut se trouver dans un de ces deux endroits, parce qu’elle représente l’époque où Voldemort faisait ce petit boulot, mais aussi celle ou il fréquentait cette vieille femme.
Il attendit un petit moment la réaction d’Abel.
- Je vois que vous avez retenu la méthode, finit par dire ce dernier. Je pense aussi que vous avez raison. Mais j’aimerais vous demander une faveur.
Harry eut un regard interrogateur.
- Attendez que le match de Quidditch soit terminé. Il ne serait pas bon pour Gryffondor de manquer un nouveau match. Et en tant que directeur de cette maison, je dois avouer que cela me tient à cœur.
Harry n’en croyait pas ses oreilles. Qui pouvait bien se soucier du Quidditch à un moment pareil ?
Voyant son air indigné, Abel ajouta :
- Il ne faut pas oublier de vivre, Harry. Vous et vos amis l’aviez compris à la rentrée. Vous profitiez de votre temps libre pour vous détendre et vous aviez décidé d’attendre les vacances pour pouvoir chercher plus efficacement les Horcruxes. Vous travailliez tranquillement et sérieusement, vous profitiez encore de votre jeunesse. Vous devez continuer ainsi. Intéressez-vous à vos cours pour votre avenir, profitez de votre temps libre pour vous amuser avec vos amis – quand ils reviendront, car il faut garder espoir que ce sera le cas – ou encore pour reconquérir l’élue de votre cœur…
Harry le regardait, abasourdi. Il ne pensait pas qu’un Dumbledore lui donnerait de tels conseils un jour.
- Ce que vous êtes en train de me dire, c’est que je dois ne penser qu’à moi alors que Voldemort tue régulièrement des innocents ? demanda-t-il, irrité.
- Ce que je dis, c’est que vous devez certes chercher les Horcruxes, que vous devez vaincre Voldemort, mais que vous ne devez pas oublier les choses importantes de la vie. Ce sont pour ces choses que vous vous battez, ne l’oubliez pas. Y renoncer signifierait la victoire de Voldemort.
Harry comprenait ce qu’Abel essayait de lui dire. Le problème, c’était qu’il avait perdu le goût de ces choses si importantes…
- Nous en reparlerons donc après le match, reprit Abel. En attendant, vous pouvez si vous le souhaitez faire des recherches sur Hepzibah Smith. Je verrai moi-même ce que je peux faire et nous en parlerons à la réunion de l’Ordre. Mais nous ne passerons pas à l’action avant deux semaines.
Il déverrouilla la porte d’un nouveau mouvement de sa baguette.
- Bonne journée, Harry.
Harry s’avança donc vers la porte mais il fut interrompu.
- Oh, encore une petite chose, Harry.
Il ne se retourna pas mais attendit à contrecœur la remontrance. Car il sentait dans le ton grave d’Abelforth que le sujet peu gai qu’il allait aborder concernait les récents évènements.
- Ne vous reprochez pas ce qui s’est passé, vous n’êtes pas plus responsable que les autres.
Harry se retourna et regarda Abel, surpris.
- Ron, Hermione et Neville étaient vos amis ; ils ont choisi de…
- Ne parlez pas d’eux au passé ! gronda Harry, furieux. Ils ne sont pas… Ils ne vont pas…
Il avait beaucoup de difficulté à prononcer ce terrible mot.
- Pardonnez-moi, s’excusa Abelforth. Ce que je voulais dire, c’est qu’ils vous ont accompagnés de leur plein gré, parce qu’ils sont vos amis et qu’ils souhaitent vous soutenir. Vous n’auriez pas pu les protéger plus que vous l’avez fait. Si les précautions n’étaient pas suffisantes, ce n’était pas seulement votre faute, mais aussi la leur…
- C’est moi qui les aie entraînés…
- Non, ce sont eux qui ont tenu à vous accompagner, et vous n’auriez pas pu les faire changer d’avis, car leur décision était déjà prise et que ce sont des amis dévoués.
Harry ne dit rien. Il se doutait qu’il n’aurait pas pu faire changer d’avis ses amis, comme ils l’avaient prouvé plus d’un an auparavant, lors d’un voyage à dos de Sombrals… mais il aurait dû trouver une ruse, un moyen de partir sans eux, il aurait dû…
- Comme je le disais, reprit Abel, ce n’est pas seulement votre faute, mais aussi la leur, ainsi que la mienne et celle de Minerva.
- Comment ça ? s’étonna Harry.
- Elle savait que vous alliez au cimetière, et elle m’a chargé de vous suivre pour votre propre sécurité, mais sans que vous le sachiez, pour ne pas vous gêner dans votre recueillement. Par conséquent le responsable ce n’est pas vous, c’est – ou plutôt ce sont – vous, vos amis, Minerva et moi ; nous étions tous responsables de votre sécurité.
Cette révélation ne surprit pas vraiment Harry, qui ne voyait pas de quelle autre manière Abelforth aurait pu se trouver au cimetière en ce soir d’Halloween.
- Vous nous suiviez aussi le soir où l’on vous a donné Rogue ? interrogea-t-il.
- Oui, avoua Abel. Mon frère venait de nous quitter et il fallait que je vous apporte l’aide que je lui avais promis de vous donner. Tout comme vendredi soir, j’ai attendu que vous ayez vraiment besoin de moi pour me révéler, et cette fois-là je suis également intervenu bien trop tard. A Godric’s Hollow, j’avais négligé votre surveillance, et vous avez été capturés, mais j’ai réussi à deviner où ce cher Malefoy vous avait emmené. En revanche, j’ai une excuse pour ne pas être intervenu plus tôt au cimetière. Je surveillais Voldemort. Je l’avais repéré et je m’efforçais de lui mettre des bâtons dans les roues. J’ai eu du mal à ne pas me faire repérer, mais en fait, j’ai eu la très nette impression que c’était déjà fait. Mais il ne m’a pas attaqué… poursuivit-il d’un air songeur. C’est bien étrange, il aurait pourtant pu tous nous tuer s’il l’avait vraiment voulu…
Il y eut une nouvelle crise de fou rire, et l’humeur se détendit largement. Ils continuèrent à parler de Quidditch en prenant bien soin de se moquer de Geoffrey Hooper. Ils envisagèrent ce premier match contre Poufsouffle et conclurent qu’ils avaient de fortes chances de l’emporter, car l’équipe de Gryffondor avait de très bons joueurs, plus que chez l’équipe adverse. Ron, Hermione et Neville entrevirent gaiement leur retour à Poudlard.
- Je vais reprendre l’Arithmancie ! dit Hermione avec entrain. Mais même si tu as recopié les notes d’Anthony, ça va être très dur de rattraper l’étude des anciennes Runes… se lamenta-t-elle.
Ron leva les yeux au ciel tandis que Harry et Ginny échangeaient un regard puis se retenaient d’exprimer humoristiquement leur point de vue…
Ils finirent par épuiser le sujet de ce qu’ils feraient à leur retour. Harry, lui, avait encore de projets à confier, mais il ne savait pas s’il devait le faire ou non…
- Qu’est-ce qu’il y a, Harry ? interrogea Hermione en voyant sa mine songeuse.
- Euh… Ce n’est pas la peine d’en parler maintenant.
- Pourquoi ? s’étonna Hermione en haussant les sourcils.
- Enfin… Il faut d’abord que je sache quelque chose, déclara Harry en se tournant vers la jeune rousse. Ginny… Est-ce que tu te souviens encore de ce que nous faisons, Ron, Hermione, Neville et moi ?
- Tu veux dire les (elle baissa la voix) Horcruxes ?
Harry confirma d’un signe de tête, soulagé.
- D’accord, et bien…
Il chuchota ses intentions concernant la coupe de Poufsouffle, ainsi que sa conversation avec Abel.
- Je me disais bien qu’il devait nous surveiller, murmura Hermione. Sinon je ne vois pas comment on aurait pu se croiser deux fois, parce que je ne crois pas à un tel hasard.
Ron approuva.
- Et il voulait que tu attendes après le match de Quidditch ? s’intrigua-t-il.
- Oui, répondit Harry. Il a dit… qu’il ne fallait pas que j’oublie de profiter des choses importantes de la vie à cause de tout ce qui se passe.
- Et il a raison, dit Hermione. Sans ses choses, je ne vois aucune raison pour ne pas rejoindre Voldemort sur le champ.
- Comment ? s’offusqua Neville.
- Si l’amitié et tout ce qu’elle a permis de fonder n’existaient pas, la seule source de bonheur serait l’ivresse du pouvoir, non ? dit simplement Hermione. C’est bien ça que recherche Voldemort : le pouvoir suprême.
- Seulement voilà, déclara Harry, qui venait de comprendre quelque chose, l’amitié et l’amour, et les jeux d’équipe, tous ces moments existent bel et bien, et Voldemort tente de les détruire. Il veut détruire la source du vrai bonheur pour avoir ce sentiment malsain de supériorité, alors il faut se battre, mais ne pas s’enfermer dans ce combat en délaissant ce qu’on se donne tant de mal à défendre. Si on combat Voldemort, au fond, c’est pour pouvoir être heureux…
- Ce type veut le pouvoir parce qu’il est incapable de trouver le bonheur autrement, approuva solennellement Neville, parce qu’il a trop déchiré son âme. Et ses partisans sont des faibles… trop faibles pour créer des liens basés sur la confiance. Alors ils se rabattent vers la solution de facilité : Voldemort.
- Le bien et la facilité…, murmura Hermione. Dumbledore avait dit ça un jour, pour rendre hommage à Cedric Diggory… Vous vous souvenez : « Si un jour vous avez à choisir entre le bien et la facilité, souvenez-vous de ce qui est arrivé un jour à un garçon fraternel et courageux simplement parce qu’il a croisé le chemin de Lord Voldemort… »
Il y eut un nouvel instant de mutisme.
Mais Ron y mit fin au bout de cinq secondes.
- J’hésite, dit-il.
- Tu hésites ? répéta Hermione, les sourcils froncés. De quoi tu parles ?
- Je n’arrive pas à me décider : qui de vous trois est le plus doué pour faire de la politique, à votre avis ?
- Nous avons une conversation sérieuse, Ron ! Pourquoi est-ce que tu viens toujours tout gâcher avec tes plaisanteries stupides ? s’exaspéra Hermione.
- J’étais sérieux, moi aussi ! assura Ron. On aurait dit un discours du ministre de la magie pour encourager la communauté des sorciers à combattre Voldemort.
- Sauf qu’eux, ils sont sincères, intervint Ginny.
- Ah, zut ! s’exclama Ron.
Il poursuivit à voix basse en voyant des regards choqués venant des autres lits.
- Je n’y avais pas pensé… Tu as raison Ginny, ça ne colle pas.
Ils se mirent tous à rire, Hermione comprise. Mais il restait un peu de tristesse et d’amertume dans leurs visages : ils constataient à quel point le monde pouvait être mauvais, pourri. Le tout, pensa Harry, était de ne pas oublier qu’il y avait aussi du bon…
Ils discutèrent avec dépit de ce que faisait le ministère contre les Mangemorts, s’aidant de la Gazette du Sorcier posée sur la table de chevet d’Hermione. Les nouvelles n’étaient pas réjouissantes. Selon la Gazette, les choses allaient encore plus mal que lorsque Voldemort était au sommet de sa puissance il y a seize ans de cela. Il y avait plus de meurtres, plus d’attaques, plus de difficultés pour les Aurors.
- Comment peuvent-ils le laisser prendre le dessus comme ça ? s´affligea Hermione à voix haute.
- Je ne suis pas certain qu’ils aient le choix, fit remarquer Ron.
- Les choses pourraient être meilleures sans Scrimgeour et son souci des apparences, objecta Ginny.
Ron parut vouloir répliquer, mais il se ravisa. Harry savait qu’il était entièrement d’accord avec sa sœur. Il décida de prendre les choses en main et d’orienter la conversation vers un thème plus joyeux.
Mais il n’eut que peu d’idées, vu qu’ils avaient déjà discuté du retour à Poudlard de Ron, Hermione et Neville. Ils épuisèrent de nouveau le sujet et le silence se fit. Ils restèrent là, à attendre.
- Dites, demanda Neville une dizaine de minutes plus tard, qu’est-ce que vous comptez faire après Poudlard ?
Soulagé de pouvoir sortir de sa torpeur, Harry répondit tout de suite :
- Je vais continuer à chercher les Horcruxes (il prononça ce dernier mot à voix très basse).
- Je crois que Neville voulait plutôt parler de tes projets pour trouver du travail, un logement, dit Ginny.
- Je sais, répliqua Harry, mais ça en fait partie – enfin ça en fera partie si j’ai au moins cinq « Effort Exceptionnel » pour mes ASPIC. Je veux devenir Auror, confessa-t-il, un peu gêné.
- Vraiment ? demanda Ginny.
- Ca n’a rien d’étonnant, assura Hermione avec un sourire, ça correspond tout à fait à sa personnalité de sauveur du monde.
- Qu’est-ce que tu veux dire ? interrogea Harry, énervé.
- Et bien tu ne peux pas dire que tu n’aimes pas sauver Poudlard du danger, rit Hermione. Tu as beau dire que les ennuis viennent à toi tous seuls – ce qui, au fond, est vrai –, tu aimes bien t’occuper de ce genre de chose, sinon tu ne voudrais pas devenir chasseur de mages noirs.
Tout le monde éclata de rire et Harry préféra ne rien répondre.
Peut-être aimait-il cela, en effet… Mais il n’éprouvait aucun plaisir quand Voldemort assassinait ou faisait tuer ses proches. Il voulait le combattre à cause de cela, mais était-il influencé par les horribles évènements qui se produisaient ou souhaitait-il réellement faire partie des Aurors ? Etait-ce la passion de toute une vie de lutter contre la magie noire ou le désir d’agir face aux Mangemorts ?
- Qu’est-ce que tu en penses, Harry ?
Il émergea de ses pensées.
- Comment ?
- Tu es sûr que tu es toujours avec nous ? moqua Ginny. On se demandait qu’est-ce qui conviendrait le mieux à Ron comme métier, résuma-t-elle.
- Oh… Je ne sais pas, dit Harry, embarrassé, c’est à lui de décider… Qu’est-ce que tu veux faire, toi ? questionna-t-il en se tournant vers son meilleur ami.
- Monsieur ne sait pas, répondit Hermione à la place de son petit ami, mi-exaspérée, mi-amusée.
- Enfin…, bafouilla le premier concerné, je pensais… j’envisageais la voie des Aurors, comme Harry…
- Tu n’es pas obligé de faire la même chose que lui, même si c’est ton meilleur ami, fit remarquer Hermione.
- Je le sais bien ! répliqua Ron. J’y pense, c’est tout… Et toi, Ginny ? demanda-t-il, voulant détourner la conversation vers quelqu’un d’autre.
- Je veux aider à combattre Voldemort et ce genre de personnes, qui répandent le mal autour d’eux, déclara-t-elle fermement.
- Toi aussi tu veux être Auror ? s´hébéta Neville.
- Oh non, pas forcément, il existe plein d’autres métiers qui permettent de lutter contre les êtres malfaisants.
- La brigade de police magique, par exemple, suggéra Harry, songeur.
- Oui, mais aussi toutes les professions du Département de la justice magique, et les guérisseurs de Ste Mangouste, ajouta Ginny.
- Quel métier veux-tu exercer, Neville ? interrogea Hermione.
- Moi ? dit Neville, apparemment inquiet que l’on lui pose la question. Euh… j’ai déjà pensé à être Auror aussi, mais… je n’ai pris que trois matières pour les ASPIC alors je ne pourrai pas avoir cinq « Effort Exceptionnel »…
- Tu n’es pas obligé d’être Auror, rassura Hermione, un brin irritée, on dirait que Harry a lancé une mode ! Et puis tes talents se trouvent ailleurs, de toutes façons, ajouta-t-elle un sourire en coin. Qu’est-ce que tu fais de la Botanique ? Tu as toujours été passionné par les plantes magiques.
- Oui, c’est ce que j’aimerais faire, admit Neville en regardant ses draps, mais ce n’est pas très utile…
- Comme l’a dit Ginny, beaucoup de choses peuvent être utiles, dit Hermione. Les plantes ont des propriétés bénéfiques contre certaines maladies magiques ou dans des empoisonnements.
Un peu consolé par ces paroles, Neville eut un pâle sourire. Ron prit alors la parole :
- Et toi, Hermione, dit-il avec un plaisir vengeur, qu’est-ce que tu comptes faire comme métier ?
Sa petite amie ne parut guère contrariée par la question. Elle répondit sur un ton neutre :
- Et bien sans aucun doute, je veux combattre Voldemort ou aider à le faire, mais je ne compte pas en faire mon métier, déclara-t-elle. Il existe des tas de domaines variés et intéressants. Déjà, au ministère de la magie, il y a les Départements de la justice magique, de la coopération magique internationale… et le Département de contrôle et de régulation des créatures magiques, ajouta-t-elle, tout d’un coup très enthousiaste.
Les quatre autres échangèrent des regards éloquents : ils savaient tous qu’Hermione songeait à la S.A.L.E, son association qui ne comptait qu’un seul membre véritable (Hermione elle-même) et qui avait pour but d’aider les elfes à obtenir des droits, ce que la très grande majorité de ces derniers refusaient catégoriquement – ce que la jeune femme refusait d’admettre.
- Et puis il y a le domaine de la recherche, dit-elle après un court instant de silence (rêveur pour elle, embarrassant pour Harry, Ron, Neville et Ginny). Au Département des mystères par exemple ; je n’ai jamais vu un endroit aussi rempli de questions fondamentales que les humains se posent depuis la nuit des temps… Bien sûr, je n’y ai pas de très bons souvenirs, s’empressa-t-elle d’ajouter en voyant l’expression sinistre de Harry. Et en dehors du ministère, il existe encore tellement de carrières possibles…
Ils se plongèrent tous les quatre dans leurs pensées. Harry se demandait si, comme lui, ils envisageaient autre chose que leur carrière ; si comme lui, ils songeaient à leur vie sociale, leur vie privée, à une éventuelle famille…
Il était certes un peu jeune et même s’il espérait toujours autant pouvoir un jour ressortir avec Ginny, il n’en était pas encore à vouloir faire sa vie avec elle. Même s’ils se remettaient ensembles, l’avenir restait incertain. Pour l’instant, cependant, quand il entrevoyait le futur, il apercevait de longs cheveux roux vifs… Mais il n’avait que dix-sept ans et il savait qu’il lui faudrait une bien plus grande expérience de la vie avant d’avoir une femme, des enfants, et un métier.
Ron finit par rompre le silence en se plaignant des conditions de vie de l’hôpital. Selon lui, être enfermé avec des dizaines d’autres sorciers, être surveillé tous les jours en permanence et ne pas avoir de vie privée ne constituait pas une vie épanouissante. Ils parlèrent des victimes d’attaques de diverses créatures que les guérisseurs de plus en plus débordés devaient soigner en permanence.
- Cet enfant a été attaqué par un serpencendre, dit tristement Hermione en indiquant d’un signe de tête un lit entièrement entouré d’un rideau rouge. Les guérisseurs n’ont pas pu dire à ses parents si ses brûlures pourraient être guéries ou non…
Une vingtaine de minutes plus tard, Mr et Mrs Weasley entrèrent dans la salle Dai Llewellyn. D’abord rayonnants de voir que Ron, Hermione et Neville avaient repris des couleurs, ils parurent un peu gênés en apercevant Harry et Ginny. Ils demandèrent aux trois patients comment ils se sentaient après que Mrs Weasley eut embrassé chacun d’eux ; à sa grande surprise, Harry eut également le droit à une étreinte – une étreinte chaleureuse et non froide comme il le craignait.
- Je suis vraiment soulagée, déclara-t-elle. J’avais encore tellement peur, vous étiez si pâles hier…
- Molly, dit Mr Weasley, je crois que je devrais ramener Harry et Ginny à Poudlard.
- Oui, tu as raison. Vos amis doivent vous attendre. Enfin je… Excuse-moi, Harry, s’empressa-t-elle de dire. Mais tes amis vont également revenir très bientôt, rajouta-t-elle avec un grand sourire.
Ils se dirent au revoir, et Harry et Ginny faillirent une nouvelle fois se faire étouffer par Molly Weasley. Son mari arriva à temps pour les sauver et descendit au rez-de-chaussée avec eux. Il laissa Harry escorter sa fille et ils transplanèrent vers Poudlard. Ils furent soudain caressés par une légère brise à l’odeur de nature en face du portail.
- Où est Rusard ? se demanda à voix haute Mr Weasley. Normalement il devait nous attendre…
En effet, quelques instants plus tard, le concierge, accompagné de jurons prononcés à voix basse et d’autres paroles inaudibles (« Comme si je n’avais rien d’autre à faire que de m’occuper de la circulation de gamins… ») et de son souffle de buffle, déverrouillait la serrure.
- Et bien je vais vous laisser, dit Mr Weasley en continuant d’observer Rusard avec inquiétude. Ron, Hermione et Neville devraient revenir à temps pour le premier cours du lundi matin. Peut-être même (il baissa la voix et se pencha vers l’oreille de Harry) qu’ils pourront participer à la réunion.
Il leur fit un clin d’œil avant de transplaner à nouveau.
24
Quidditch et Patronus
On posa beaucoup de questions à Harry et Ginny quand ils revinrent de Ste Mangouste. Ils démentirent, indignés, la rumeur selon laquelle ils s’étaient rendus à l’enterrement de Ron, Hermione et Neville, mais ils confirmèrent en revanche qu’ils étaient sortis du coma et qu’ils pourraient très bientôt revenir à Poudlard. Les Gryffondor se réjouirent de cette nouvelle. Mais ils n’étaient pas les seuls.
Notamment, Anthony Goldstein faillit sauter de joie quand il sut qu’Hermione paraissait en bonne forme. Remarquant sans doute le regard intrigué de Harry, il s’empressa de dire :
- C’est très dur d’assumer seul le rôle des deux préfets-en-chefs.
Harry avait une autre théorie à ce sujet, mais il se dit qu’il était préférable que Ron n’en sache rien.
Il fut un peu déçu quand il ne vit ni son meilleur ami ni les deux autres à la réunion de l’Ordre du Phénix. Mrs Weasley lui avait dit que les guérisseurs les gardaient par précaution mais qu’ils devaient être rentrés le lendemain. Harry s’aperçut que les Weasley n’avaient plus la même froideur à son égard. Il en était soulagé mais il espérait surtout que ce n’était pas un effet de son imagination – mais il envisageait également que leur froidure avait pu être imaginaire.
Il manquait un autre membre de l’Ordre à la réunion : Maugrey Fol Œil. Cette absence les inquiéta beaucoup.
Maugrey était chargé de surveiller les affaires de l’Allée des Embrumes, car il était probable que cette rue regorgeant de magie noire devienne un point de départ pour une éventuelle prise du Chemin de Traverse. C’était ce que le ministère craignait plus que tout depuis « l’épisode Pré-au-Lard » et l’œil magique de Maugrey pouvait beaucoup appuyer ceux des Aurors en patrouille. Mais leur ancien collègue n’avait plus donner de signe de vie depuis près d’une semaine.
- Ne paniquons pas, dit McGonagall. Alastor a peut-être découvert quelque chose et il est dans l’incapacité de nous contacter pour le moment. Ou peut-être risque-t-il de se faire repérer, auquel cas il ne peut évidement pas prendre le risque de nous envoyer un message.
- Ou peut-être qu’il s’est fait repérer, suggéra sombrement Tonks.
- Auquel cas Alastor ramènera sans aucun doute de quoi remplir les cellules d’Azkaban, assura McGonagall. N’oublions pas que c’est un excellent sorcier.
Ils discutèrent donc des problèmes habituels, des missions de reconnaissance ou de surveillance. L’Ordre et le ministère de la magie tentaient de comprendre comment les Mangemorts pouvaient entrer ou sortir de Pré-au-Lard malgré la barrière magique dressée par le ministère et sans le moindre signe visible de l’extérieur.
En tout cas, jamais les forces du ministère n’avaient autant été mobilisées. Mais cela ne suffisait pas : la guerre redoublait d’intensité, et les Moldus le sentaient. Il était très difficile aux Oubliators et au Comité des inventions d’excuses à l’usage des Moldus de leur cacher tout ce qui se passait. De plus en plus de Moldus étaient tués, la plupart du temps sans raison précise. Mais parfois, il s’agissait des membres d’institutions importantes.
Il semblait que Voldemort voulait détruire leur monde. Comme il était très difficile d’attaquer les très hauts représentants politiques, que Rufus Scrimgeour faisait surveiller de très près, il s’en prenait à leur économie.
- Il semblerait que plusieurs bancs de Sharaks aient été introduits près de nos côtes, déclara Mr Weasley. Les pêcheurs Moldus vont faire faillite et ils risquent d’avoir du mal à se nourrir correctement, dit-il tristement.
- Des Sharaks ? répéta Harry sans comprendre.
- Ce sont des poissons recouverts d’épines, expliqua Bill. Quand les Moldus essayent de pêcher dans des eaux remplies de Sharaks, ils ne ramènent pas grand-chose…
La concentration des forces du Mal au Royaume-Uni se précisait. De nombreuses espèces de créatures de tous les coins du monde se déplaçaient vers le Nord, et des accidents malheureux les accompagnaient.
- J’ai appris jeudi soir que plusieurs personnes – Moldus et sorciers – disparaissaient la nuit en France, déclara Kingsley Shacklebolt. Si on retrace sur une carte les lieux de ces disparitions, on peut se rendre compte qu’elles se déplacent vers notre pays. Certains pensent qu’il s’agit de Moremplis, mais nous n’en sommes pas certains.
- Les Moremplis… marmonna Harry. Ce sont bien ces créatures plates qui ressemblent à des ombres sur le sol ?
- Oui, répondit Kingsley. Ils attaquent les gens la nuit dans leur lit, s’enroulent autour de leur victime, l’étouffent et la dévorent. Il est pratiquement impossible de se défendre une fois qu’on se réveille prisonnier de cette créature, mais quand on a la chance de pouvoir utiliser sa baguette, il faut jeter le sortilège du Patronus, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde. Mais je suis certain que toi, tu y arriverais très bien, rajouta-t-il avec un sourire.
- En tout cas, toutes ces créatures disparaissent en arrivant ici, dit Sturgis Podmore. Il n’y a pas que des animaux, d’ailleurs, mais aussi des humains. Sûrement de nouveaux Mangemorts, parce que ce ne sont pas des alliés, d’après Kingsley et Tonks. C’est vraiment rageant… Ils sont sûrement, là, sous notre nez, à Pré-au-Lard, mais on ne peut pas savoir ce qu’ils font…
- A mon avis, intervint Abel, Voldemort prépare une armée.
- Il en a déjà une et elle fait bien trop de dégâts, répliqua sèchement Fred.
- Vous ne m’avez pas bien compris, dit Abel. A mon avis, si les choses vont plus mal qu’il y a seize ans, c’est tout simplement parce que ses alliés étaient déjà là quand il est revenu.
« La première fois qu’il a voulu prendre le pouvoir, tout allait beaucoup plus lentement, la situation était de loin moins terrible que ce que peut inspirer aujourd’hui le nom de Lord Voldemort. Il n’était pas encore connu, à cette époque, et n’avait que peu de partisans.
« Il s’est donc mis à chercher des sorciers et des sorcières pour les rallier à son camp, et il tuait ceux qui refusaient pour inspirer la crainte. Au départ, les meurtres étaient beaucoup plus rares, occasionnels, mais au fur et à mesure que ses rangs grossissaient, il pouvait tuer ou faire tuer de plus en plus de gens qui s’opposaient à lui. Sa réputation et la terreur qu’il inspirait se sont forgées pendant ces onze ans.
« Il a fini par infiltrer le ministère, ses manœuvres sont devenues plus complexes, plus brutales, plus abouties, il a fait usage de créatures démoniaques.
En fin de compte, il n’est devenu le plus grand mage noir de tous les temps que dans les dernières années. Quand Harry l’a fait disparaître, il allait devenir ce qu’il est aujourd’hui. Il était sur le point d’inaugurer son armée, en quelques sortes. Quand il est revenu, il n’a fait que réunifier l’armée qui existait déjà, et rappeler ce qu’il était au monde des sorciers. Et quand le ministère a enfin pris conscience de son retour et qu’il a reparu au grand jour, il n’a fait que redevenir Voldemort, il a rattrapé le niveau qu’il avait perdu, et maintenant, il est reparti de là où il s’était arrêté il y a seize ans. Notre situation n’a rien de si étonnant. Il est en train de rallier les derniers éléments qui lui manquent pour les derniers assauts du genre Pré-au-Lard qui lui donneront le pouvoir absolu. »
- Je suis d’accord avec Abel, dit McGonagall. Une fois que Vous-Savez-Qui aura conquis le Chemin de Traverse, l’Allée des Embrumes, le ministère, Ste Mangouste, Londumor et Poudlard, il n’aura plus d’adversaire. Et si nous continuons à nous laisser dépasser par les évènements, il n’aura aucun mal à remplir ces objectifs.
- Nous aurons beaucoup de mal à ne pas nous laisser dépasser par les évènements, fit remarquer Hestia Jones.
- C’est vrai que nous ne sommes pas suffisamment nombreux pour lutter contre son armada de Détraqueurs, d’Inferi, de Moremplis, ou de je ne sais quoi d’autre… dit Dedalus Diggle, désespéré.
- Je vous ai connu plus optimiste, Dedalus, répliqua McGonagall. Nous pourrions êtres suffisamment nombreux si les autres pays nous envoyaient des sorciers pour nous aider. Et nous devons agir de façon plus efficace. Le ministère étant trop occupé à chasser les doxys et les lutins qui ont été introduits là-bas, nous devrons nous occuper nous-mêmes de recruter de nouveaux membres à l’étranger. Charlie ne suffit plus, à présent. Mais nous nous occuperons de tout cela dans la semaine. Pour l’instant, j’aimerais que Harry nous dise quand il compte passer à l’action.
Cette annonce déconcerta la plupart des membres de l’Ordre. Mrs Weasley était complètement hébétée.
- Comment ça, passer à l’action ? questionna-t-elle avec une légère panique dans la voix.
- Ils nous disent qu’ils comptent agir plus tard depuis quelques semaines mais je voulais savoir quand auront lieu et en quoi consisteront leurs missions, répondit simplement la présidente de l’Ordre.
Un peu surpris, Harry trouva tout de même que la question tombait à point nommé.
- Justement, je pensais « passer à l’action » le week-end prochain, répondit-il.
Mrs Weasley le regarda, bouche bée. McGonagall haussa les sourcils.
- Je dois rendre une petite visite chez Barjow et Beurk. Et également trouver la maison et les traces de la descendance d’une certaine Hepzibah Smith.
- Mais il vaut mieux commencer par poser des questions à Barjow et Beurk, n’est-ce pas ? dit Abel.
- Oui, approuva Harry.
- Et pourquoi cette visite et ces recherches ? interrogea poliment McGonagall.
- Barjow et Beurk contient peut-être un objet qui pourrait m’intéresser. D’un autre côté, je ne suis pas certain qu’il ne soit pas resté chez son ancienne propriétaire – Hepzibah Smith – ou qu’il n’ait pas finalement été transmis à sa famille.
- Et en quoi un objet qui regorge sûrement de magie noire pourrait-il nous intéresser ? demanda Elphias Doge.
- Ce n’est pas pour m’en servir que je veux le retrouver, répliqua Harry. Disons qu’il sera indispensable si l’on veut que tout ça s’arrête un jour – et croyez-moi, je sais de quoi je parle. J’en ai impérativement besoin.
Il lui paraissait étrange de parler sur ce ton si sérieux, si professionnel. Mais il avait produit un meilleur résultat que lorsqu’il bafouillait timidement : ce n’était peut-être qu’un effet de son imagination, mais il lui semblait que les membres de l’Ordre avaient l’air de le prendre plus au sérieux.
- Je viendrai avec vous, déclara Abel. Et je suppose que Ron, Hermione et Neville se joindront également à nous.
- Mais… balbutia Mrs Weasley.
Harry se sentit mal à l’aise : il ne voulait pas que les Weasley lui en veuillent de nouveau juste après qu’ils lui aient visiblement pardonné d’avoir entraîné Ron au cimetière.
Mais Mr Weasley prit la parole :
- Molly, nous savions qu’en rentrant dans l’Ordre, Ron prendrait des risques. Nous ne pouvons pas le couver éternellement.
Son épouse parut se dégonfler comme un vieux pneu.
- Oui…, dit-elle, tu as raison.
- En attendant le week-end prochain, reprit Harry, vaguement soulagé, il faudrait que je recherche l’endroit où habitait Hepzibah Smith, et aussi des membres de sa famille.
- Nous chercherons chacun de notre côté si nous trouvons le temps, assura McGonagall. En attendant, je vous suggère de chercher dans les vieilles coupures de la Gazette du Sorcier de la bibliothèque.
A la fin de la réunion, Arthur, Molly, Bill, Fleur, Fred et George Weasley retinrent Harry.
- Harry, nous souhaiterions te dire un mot, annonça Mrs Weasley.
Plein d’appréhension, il afficha un étonnement tendu.
- Au nom de toute notre famille…
- Sauf Percy, rectifia sombrement Fred.
- … je te demande de nous pardonner pour nous être montrés tellement distants ces derniers temps, acheva sa mère après avoir jeté un regard sévère aux jumeaux.
- Harry, nous avons cherché un responsable à l’attaque de Ron, déclara Mr Weasley, mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas de responsable – en tout cas, on ne peut pas rejeter entièrement la faute sur toi, ce serait totalement injuste.
- Notre première réaction ça a été de t’en vouloir, dit Bill, mais au fond, nous savions que tu n’y étais pour rien. On est désolés.
- On est toujours amis, hein, mon vieux ? demanda George.
Harry hésita un instant puis…
- Bien sûr ! s’exclama-t-il, plus heureux que jamais. Et puis… je suis en partie responsable. Mais les vrais coupables, ce sont Voldemort et Queudver, ajouta-t-il plus sérieusement.
- Même ce rat s’est échappé, dit Fred, énervé. Tu-Sais-Qui c’est compréhensible mais lui…
Un peu ému par ces étranges retrouvailles, Harry ne répondit rien, mais jeta quand même un regard furtif à la seule personne qui n’avait rien dit…
- Ne me regarde pas comme ça, Arry ! s’offusqua Fleur. Je ne t’ai jamais rien reproché, je te jure !
Ron, Hermione et Neville étaient revenus le lendemain et les Gryffondor, ainsi que les autres élèves (sauf les éternels Serpentard) les accueillirent bruyamment à leur entrée dans la Grande Salle. Nott et Zabini leur lancèrent un regard mauvais que les trois revenants leur rendirent avec un peu plus de haine, même Neville.
Au départ, ni le professeur McGonagall ni Abel ne firent beaucoup de zèle pour combattre le joyeux tapage de la table des Gryffondor. Les faits tragiques qui se produisaient chaque semaine faisaient de la survie et du retour de ces trois élèves deux choses merveilleuses pour tout le monde, et les professeurs ne comptaient pas empêcher cette effervescence qui unissait trois des quatre maisons de Poudlard. Un certain malaise aurait d’ailleurs pu se voir sur Slughorn si quelqu’un l’avait regardé…
Mais quand des feux d’artifices suspects explosèrent dans la Grande Salle, la directrice ordonna aux élèves de cesser tout ce remue-ménage sous peine de sanctions lourdes.
Une partie des sixième année retrouvèrent le professeur Abel pour le premier cours de la journée. La semaine précédente, ils avaient cessé les révisions et avaient entamé des recherches sur la classification des créatures maléfiques, en particulier les animaux fantastiques dangereux. Ils prirent des notes pendant tout le cours qui fut une fois de plus consacré à la théorie, les créatures étudiées étant interdites et de toute manière bien trop dangereuses pour être directement observées en classe.
- Les Moremplis se repoussent de la même façon que les Détraqueurs que vous avez étudiés l’an dernier, dit Abelforth : par un Patronus. C’est un fait étrange découvert par Flavius Belby pendant ses vacances… D’ailleurs, si nous trouvons le temps, nous étudierons ce sortilège à la fin de l’année.
- Mais professeur – oh, pardon !
Un peu rouge, elle brandit littéralement son poing en l’air.
- Oui, Miss Granger ? interrogea Abel, impassible.
- Vous nous aviez assuré que le sortilège du Patronus serait dans le programme, dit Hermione, le visage inquiet.
- En théorie, nous devions l’étudier, c’est vrai, admit Abelforth. Mais cette fois je parle de la pratique.
Il y eut un faible murmure dans la classe, si bas à cause des règles strictes du professeur de défense contre les forces du Mal qu’on aurait cru entendre une très légère brise. Les élèves avaient cependant tous l’air très excités par la suggestion d’Abel.
- Mais ce sortilège est sans aucun doute plus difficile à jeter que tous les autres que vous aurez à pratiquer cette année. Si nous trouvons le temps, je ne doute pas que la plupart d’entre vous y arriveront, mais le tout, et c’est là le véritable problème, est de le maîtriser suffisamment pour en faire usage face à un Détraqueur – la difficulté face à un Moremplis serait plutôt d’ordre physique que magique. Heureusement, nous avons dans cette classe un élève capable d’aider ses camarades à progresser, et cet élève a d’ailleurs lui aussi ses propres anciens élèves dans cette classe.
Les anciens membres de l’A.D. (qui constituaient une grande partie de la classe) se lancèrent des regards malicieux. Ron et Hermione regardèrent les joues brûlantes de leur meilleur ami en se retenant d’éclater de rire.
Harry se sentait en effet embarrassé d’être ainsi mis en valeur, mais les seuls élèves que cela dérangeait étant des Serpentard, cela lui passa très vite.
- Miss Granger, Mr Weasley et Mr Londubat, vous viendrez me voir à la sonnerie afin d’arranger un rattrapage optimal de vos cours, dit Abel.
A la fin du double cours, Harry attendit ses amis près de la porte. Cependant, quand tout le monde fut sorti, Abel lui demanda de s’approcher avec les trois autres.
- J’ai quelque chose à vous proposer, annonça-t-il, – ne vous en faites pas, Hermione, j’en viendrai au rattrapage des cours. En ce moment, bien trop d’occasions se présentent où vous êtes confrontés à des combats violents. Avec votre entrée dans l’Ordre, la guerre qui s’intensifie et nos recherches qui vont reprendre, cela ne va pas s’arrêter, bien au contraire.
Il y eut un bref silence. Harry écoutait attentivement.
- Vous êtes certes doués et avez déjà une certaine expérience mais cela ne suffira pas toujours, reprit Abel ; les coups de chance ne seront pas toujours là. Voilà pourquoi je souhaiterais vous proposer des cours privés, cette année – rien à voir avec ceux de mon feu frère, je parle d’un véritable entraînement aux duels et aux sorts.
Harry, Ron, Hermione et Neville échangèrent des regards rapides et très intrigués – et intéressés.
- Ils viendront à un moment dans l’année mais vous, vous devez apprendre immédiatement comment devenir de vrais combattants de l’Ordre du Phénix. Je vais vous enseigner des sorts plus puissants, plus nuisibles, dont certains interdits.
Hermione parut scandalisée.
- Professeur ! s’exclama-t-elle.
Abelforth haussa les sourcils en se tournant vers elle.
- Je voulais dire Abel, rectifia Hermione. Vous ne pouvez pas nous apprendre le même genre de sorts qu’utilisent les Mangemorts, tout de même !
- Certains, si, répondit Abelforth.
La jeune fille sembla outrée par cette réponse.
- Ne soyez pas si choquée, Hermione, il ne s’agit pas de sortilèges Impardonnables. Je parle de sorts généralement interdits mais qui, en cas de légitime défense, peuvent être pratiqués. Bien entendu, quand on est quelqu’un de bien, il vaut mieux éviter ce genre de sort si on ne veut pas sombrer du mauvais côté à force d’être dégoûté par la vie… Mais il faut au moins les connaître au cas où. Et vous devez également connaître d’autres sorts plus puissants que ceux que vous avez l’habitude d’utiliser pour vous défendre. Mais ne vous en faites pas, je ne vous demande pas de combattre de façon plus « maléfique » qu’il ne le faudrait ; je ne souhaite pas vous abaisser au niveau des Mangemorts.
Un peu rassurée, le visage d’Hermione se détendit.
Harry, lui, était très excité par cette proposition qu’il trouvait à la fois judicieuse et très bien venue, même s’il comptait bien ne plus utiliser de sortilèges interdits, ses expériences avec Bellatrix Lestrange, Drago Malefoy et Severus Rogue restant de sinistre mémoire.
- Et quand est-ce que vous nous donneriez ces cours ? questionna-t-il.
- Quand vous aurez moins de choses à faire, répondit simplement Abel. Je pense donc qu’après le match contre Poufsouffle, vous n’aurez plus le même souci des entraînements et vous aurez rattrapé les cours de la semaine dernière. Nous aviserons à partir de là.
Harry fut un peu déçu. Encore ce match…
- Dois-je en conclure que vous acceptez ma proposition ? demanda poliment Abel.
- Moi j’accepte ! assura Ron, enthousiaste.
- Moi aussi, répondit fermement Harry.
- Et moi, dit Neville.
La quatrième réponse se fit attendre.
- Hermione ? dit Abel.
La jeune fille réfléchit un moment puis finit par répondre :
- Si ce n’est vraiment pas plus proche de la magie noire que…
- Vous ne ferez jamais de magie noire avec moi, assura vivement Abel, indigné, même si certains sorts à n’utiliser qu’en dernier recours s’en approcheront.
Hermione hésita encore quelques instants puis…
- C’est d’accord, dit-elle.
- Et bien je vous conseille dans ce cas de rattraper au plus vite votre retard, dit Abel.
Et sur ce, il leur remit les documents nécessaires.
Hermione fut horrifiée par tous les cours qu’elle avait manqués en seulement une semaine. Elle s’attelait à la tâche à chaque moment de libre, et son petit ami ne parvint pas à la déconcentrer. Ron décida donc de travailler durement lui aussi au rattrapage des cours, et Neville fit de son mieux pour assimiler la défense contre les forces du Mal et les sortilèges (il n’eut pas beaucoup de problèmes avec la Botanique). Harry apporta toute l’aide qu’il pouvait à ses amis, comme il se l’était promis, mais il s’aperçut bien vite qu’être professeur particulier n’avait rien à voir avec ce qu’il avait connu jusque là.
Pendant les séances de l’A.D., il avait surtout aidé ses élèves au niveau pratique, mais pour ce qui était de la théorie, c’était plus difficile. Heureusement, Hermione, qui comprenait plus vite que les autres, pouvait expliquer plus efficacement à Ron et à Neville – surtout à Neville.
Ron, en plus de la grande quantité de devoirs, se rendait de nouveau aux entraînements de Quidditch, et Harry fut ravi de constater qu’il était toujours aussi bon, à peu près autant que les autres joueurs furent euphoriques de constater le départ de Geoffrey Hooper.
Ce dernier avait plutôt mal pris son renvoi de l’équipe : il avait jeté sa robe de Quidditch dans un mouvement de rage puis était parti en marmonnant des paroles incompréhensibles. Mais Harry s’en moquait : Ron était revenu, ses joueurs avaient retrouvé le moral, tout comme leur capitaine, et ils étaient désormais très bien partis pour l’emporter contre Poufsouffle.
Harry aimait beaucoup profiter des séances d’entraînement pour observer Ginny, qui semblait de plus en plus radieuse. Mais était-ce le signe qu’elle oubliait Harry ou qu’elle se sentait plus détendue en sa présence ?
- Et, Harry, arrête de regarder Ginny et termine ton explication !
- Quoi ?
C’était l’entraînement du mardi soir, le lendemain du retour de Ron, Hermione et Neville. Les joueurs attendaient la fin de l’explication de la tactique de jeu qu’il voulait les voir utiliser le jour du match.
Mais Harry s’était arrêté un instant sur Ginny qui était maintenant écarlate. Lui-même sentit ses joues chauffer, mais il fut soulagé de constater que la jeune rousse avait un tressaillement de sourire.
Dean, agacé, avait sorti Harry de ses rêveries.
- On ne pourra pas gagner contre Poufsouffle s’ils attrapent le Vif d’Or pendant que tu regardes les filles, s’énerva-t-il.
- Désolé… euh…
Un peu gêné, Harry acheva de donner ses directives.
Sur le chemin du château, Ginny lança un « Au revoir, Capitaine ! » enjoué et dépassa Harry et son frère accompagnée de Demelza. Harry jeta un coup d’œil perplexe à Ron. Ce dernier lui rendit son regard, partagé entre le reproche et l’amusement.
- Ce n’est pas très sérieux de regarder les filles pendant l’entraînement, Capitaine, dit-il sur un ton étrange.
Ils marchèrent encore un peu puis Ron s’arrêta brusquement. Il fit volte-face.
- Ce serait bien si tu te remettais avec Ginny, déclara-t-il.
- Quoi ? s’étonna Harry.
Il avait du mal à croire ce qu’il entendait.
- J’ai dit que je trouverais ça bien que vous ressortiez ensembles.
- Toi, tu veux que quelqu’un sorte avec ta sœur ?
- Ca n’a rien de nouveau, dit Ron, je t’avais déjà dit que j’aimerais qu’elle se souvienne de toi.
- Oui, mais je n’aurais jamais cru que tu irais jusqu’à m’encourager à sortir avec elle, répondit Harry.
- Et bien… disons que je pense que vous allez bien ensembles et que… ça me rassure qu’elle sorte avec toi et pas un autre. Mais je ne veux pas que vous vous bécotiez en public ! prévint-il d’un air qu’il voulait sévère.
- Pas de souci là-dessus, ça ne risque plus d’arriver, marmonna Harry.
Ron ne répondit rien. Harry, lui, ne savait pas s’il devait croire ou non ses propres paroles. Ginny était maintenant bien plus détendue en sa présence, elle restait elle-même…
Il retrouvait la rouquine qui lui ressemblait tant…
La semaine passa trop lentement aux yeux de Harry. Il aurait souhaité poursuivre ses recherches sur la descendance d’Helga Poufsouffle et sur Hepzibah Smith mais chaque soir, et même à chaque moment de libre, il devait aider Ron et Hermione à rattraper leur retard.
- C’est dingue quand même ! s’exclama Ron, jeudi soir, en faisant sursauter tous les élèves encore présents dans la salle commune de Gryffondor en cette heure tardive.
Il était en effet près de minuit. Ron et Hermione travaillaient les potions magiques tandis que Neville lisait tranquillement un livre pour le cours de Botanique. Harry, lui, peinait autant que Ron à comprendre le cours du professeur Slughorn. En réalité, c’était Hermione qui tentait de l’expliquer aux deux garçons.
- On n’est restés absents qu’une seule semaine, pourtant ! s’indigna Ron.
- La septième année est très difficile, le consola Hermione, surtout en potions.
- L’année dernière, Katie est restée clouée à Ste Mangouste beaucoup plus longtemps, répliqua Ron, et pourtant je ne la voyais pas en pleine crise de nerfs.
- Katie était sans doute plus mature que toi, dit simplement Hermione. Bon, tous les deux, vous allez vous mettre sérieusement au travail, maintenant, et vous allez vous mettre les propriétés de tous ces ingrédients magiques dans le crâne, surtout toi, Harry !
- Comment ? s’étonna celui-ci.
- De un, tu as eu une semaine de plus que nous pour comprendre tout ça, et normalement c’est toi qui devait me l’expliquer, pas l’inverse, répondit Hermione ; de deux, tu n’as plus l’excuse de Rogue.
- Les potions sont très compliquées cette année, tu l’as dit toi-même ! répliqua vivement Harry. Et je n’y peux rien si tu as toujours été plus douée pour ce genre de chose, rajouta-t-il en espérant flatter son amie afin qu’elle le laisse tranquille.
- Tu en es capable, j’en suis certaine, répliqua fermement Hermione.
- Elle a fait des progrès en résistance à la flatterie, commenta Harry en grimpant les marches qui menaient au dortoir des garçons.
- C’est de ma faute, dit Ron. Je n’ai pas arrêté de lui dire qu’avec un cerveau comme le sien, elle n’aurait aucun mal à tout rattraper même si elle s’accordait une petite pause…
Harry éclata de rire.
Heureusement, samedi arriva enfin. Pour il ne savait quelle raison, il avait impatiemment attendu le match contre Poufsouffle depuis mardi soir.
Où plutôt si, il la connaissait, la raison : elle venait d’ovationner son discours d’encouragement dans les vestiaires avec les autres joueurs…
- N’oubliez pas : nous sommes les plus forts, nous avons la meilleure équipe ! assura vigoureusement Harry. Bon, allons donner de quoi applaudir aux autres élèves !
- Bien dit ! approuvèrent en chœur Jimmy Peakes, Ritchie Coote et Ron.
Sur ce, ils se levèrent et sortirent en file indienne sur le terrain de Quidditch, le balai sur l’épaule. Aussitôt, les tribunes des Gryffondor et des Serdaigle explosèrent en acclamations tandis que les Poufsouffle et les Serpentard huaient.
- L’équipe de Gryffondor, menée par son trop célèbre capitaine, Harry Potter, entre sur le terrain, annonça une voix que Harry ne connaissait pas.
Apparemment, il y avait un nouveau commentateur, ce qui n’avait rien d’étonnant vu les désastreuses performances de ceux de l’an dernier. Zacharias Smith s’était en effet montré très odieux, tandis que Luna Lovegood, certes source de nombreux fous rires, ne remplissait pas tout à fait les critères requis…
- Voici maintenant l’équipe de Poufsouffle ! Et son nouveau capitaine : Zacharias Smith.
Les joueurs jaunes canari s’avancèrent sur la pelouse, conduits par leur capitaine. Les Poufsouffle et les Serdaigle applaudirent tandis que les Serpentard se montraient toujours aussi détestables.
Parvenus au centre du terrain, les deux chefs d’équipes se toisèrent d’un regard mauvais.
- Serrez-vous la main, ordonna Mme Bibine.
Ils s’exécutèrent et mirent toutes leurs forces dans leurs doigts. Harry commençait à prendre le dessus quand le regard du professeur de Vol le fit relâcher la main broyée de Smith.
- Enfourchez vos balais, dit Mme Bibine.
Harry agrippa avec sa propre main assez malmenée le manche de son Éclair de feu.
Mme Bibine ouvrit d’un coup de pied la malle contenant les quatre balles de Quidditch. Les Cognards et le Vif d’Or s’échappèrent, et le Souaffle fut projeté dans les airs. Le sifflet retentit et quinze balais décollèrent en même temps.
- Smith s’empare du Souaffle et passe à… Non ! Weasley sœur l’intercepte et passe à Thomas ! Thomas qui passe à Robbins qui l’envoie à Weasley sœur et ELLE MARQUE ! s’exclama le commentateur. Cette fille est vraiment une furie, pas étonnant qu’elle ait tant de succès…
- Corner ! s’indigna McGonagall.
Harry vola près de la tribune du commentateur et eut l’impression d’avoir déjà vu ce visage… Corner… Oui, c’était Michael Corner, le premier petit ami de Ginny.
Un instant abasourdi, il décida de reporter son attention sur le match.
- Dix à zéro en faveur de Gryffondor !
Harry vola en cercle autour du terrain dans l’espoir d’apercevoir le Vif d’Or, sans perdre de vue Summerby, l’attrapeur de Poufsouffle.
En attendant, le match se poursuivit et Ginny marqua deux nouveaux buts, sous les huées des Poufsouffle et des Serpentard et les cris de joie des fervents supporters de Gryffondor.
- Trente à zéro pour Gryffondor ! s’exclama Michael Corner. Ginny Weasley est vraiment une excellente joueuse ! Son talent n’a d’égal que sa beauté…
- Enfin, Corner, arrêtez de draguer les joueurs avec ce porte-voix ! s’emporta McGonagall.
La foule éclata de rire, tandis que Corner s’excusait.
- Robbins reprend le Souaffle, reprit-il, elle… elle reçoit un Cognard expédié par Bobbler de Poufsouffle ! Smith rattrape le Souaffle, il fonce vers les buts… il tire – il MARQUE ! Le score est de trente à dix, toujours en faveur de Gryffondor qui ferait mieux toutefois de faire attention.
Les tribunes des Poufsouffle semblèrent onduler au rythme des élèves qui sautaient de joie. Harry soupira de rage et remarqua soudain que Summerby fonçait à toute allure à l’autre bout du terrain.
Paniqué, Harry donna toute la puissance de son balai vers les buts de Poufsouffle. Il s’aperçut que Summerby volait droit vers lui et vit alors un éclat doré entre eux… Il tendit sa main…
Un horrible craquement… Une sorte de courant électrique qui se propageait dans tout son corps depuis sa main…
Il ouvrit les yeux. Toute l’équipe de Gryffondor était présente autour de lui. Il y avait également Hermione, Neville, Luna Lovegood et Colin Crivey.
Il lui semblait qu’aucun laps de temps ne s’était écoulé, mais à en croire ses yeux, il se trouvait à l’infirmerie, donc il avait bien fallu au moins quelques minutes pour le transporter.
- Harry ! s’exclama Hermione.
Elle se retint de le serrer dans ses bras, comme s’il ne fallait pas le toucher.
- Est-ce que tu te sens bien ? demanda Ginny, inquiète.
- Ça peut aller, répondit Harry qui avait juste un peu mal à la tête.
Il y eut un silence.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Harry.
- Tu es tombé, répondit Ginny. Dean a réussi à te rattraper avant que tu ne t’écrases sur le sol, mais tu avais la main… brisée…
Harry ne répondit rien. Il n’avait aucun mal à se remémorer cette impression horrible… l’impression que chacun des os de sa main droite s’étaient simultanément cassés.
- Mme Pomfresh l’a vite réparée, assura Ron, mais elle a dit qu’il y a quelque chose de bizarre…
- Bien sûr qu’il y a quelque chose de bizarre, répliqua sèchement Harry, je ne vois pas comment ma main aurait pu se briser toute seule !
- Alors c’est vrai ? demanda Dean.
- Quoi, qu’est-ce qui est vrai ?
- Que Summerby ne t’a rien fait, que ta main s’est cassée sans raison ?
- Oui.
Tout le monde parut abasourdi.
- Il est dans le bureau de Mrs Chourave…, marmonna Ron. Il n’a pas arrêté de répéter qu’il ne t’avait pas touché, mais personne ne l’a cru…
- Vous voyez bien que j’avais raison ! intervint Mme Pomfresh qui venait d’arriver avec une étrange bouteille sur laquelle était dessiné un éclair bleu.
Elle posa la bouteille sur la table de chevet de Harry, ôta le bouchon, et en versa dans un gobelet qui se trouvait déjà dessus. Elle le tendit à Harry.
- Tenez, buvez ça, ça vous fera du bien. J’ai bien peur que vous n’ayez été victime d’un ensorcellement, mon garçon, annonça-t-elle sans détour. Il y a une sorte de courant magique dans votre corps ; cette potion va l’atténuer, et ça devrait passer tout seul ensuite. Ça recommence comme l’année dernière… Vous m’excuserez mais je dois discuter avec le professeur McGonagall.
Elle soupira et s’éloigna.
- C’est impossible, dit Harry sans toucher à son gobelet, plus pour lui-même que pour ses amis à son chevet, je n’ai pas été ensorcelé. Je n’ai rien touché de dangereux, et personne n’a pu me jeter de sort sans que je ne m’en aperçoive…
- Peut-être que tu as touché quelque chose qui paraissait vraiment banal peu de temps avant le match ? suggéra Hermione.
- Je ne sais pas, c’est possible, admit Harry, encore choqué de tout ce qui venait de se produire.
Personne ne dit rien.
- Qu’est-ce qui s’est passé pour le match ? finit-il par demander.
- Summerby a attrapé le Vif d’Or, répondit Ginny, dépitée. Il avait l’air embarrassé et de toutes façons, Mme Bibine n’a pas voulu accepter la validité de la victoire de Poufsouffle parce qu’elle le soupçonnait d’avoir triché. Mais maintenant, comme je ne pense pas que tu veuilles mentir sur ce qui s’est passé, Gryffondor a perdu cent soixante à trente.
- Il faut voir le bon côté des choses, dit Hermione.
Tout le monde lui lança un regard noir, y compris Ron.
- Tu pourrais arrêter de voir un bon côté dès qu’on te dit qu’il s’est passé quelque chose de mauvais pour nous en Quidditch ? s’énerva-t-il.
- Désolé, répliqua Hermione, elle aussi passablement irritée, mais je pensais que le fait que ce soit Poufsouffle et non Serpentard qui prenne la tête du championnat rendrait les choses moins pénibles.
Nouveau silence.
- Tu as raison, s’excusa Ron, désolé…
- Ce n’est pas grave, assura Hermione sur un ton consolateur.
- De toute façon, après leur match contre Serpentard, les choses vont sûrement changer, fit justement remarquer Ritchie Coote.
- Nous allons devoir battre les Serdaigle, déclara Harry, ou alors, on devra compter sur eux pour gagner plus de points que Serpentard…
On ne lui répondit rien.
- Alors le Vif d’Or n’était pas ensorcelé ? questionna-t-il au bout d’un moment.
- Non, il a été vérifié après le match, infirma Hermione.
- OK… Je ne me rappelais même pas si je l’avais touché ou non, mais on dirait que ça n’a aucun rapport…
Il avait du mal à croire ce qui venait de se passer. Tout semblait aller à la perfection, les choses s’arrangeaient, il retrouvait le moral, mais comme d’habitude, il avait fallu que quelque chose vienne tout gâcher…
- Je me retrouve trop souvent dans un hôpital ou une infirmerie à mon goût, finit-il par dire.
- Tu ferais mieux de boire ta potion, Harry, conseilla Hermione sur un ton à la fois compatissant et inquiet.
Sans un mot, Harry vida son gobelet d’un trait et frissonna : il avait l’impression que l’on répandait de la glace dans tout son corps.
Mme Pomfresh l’autorisa à sortir de l’infirmerie le lendemain, à l’heure du déjeuner.
La samedi après-midi, il avait pu convaincre Ron, Hermione et Neville d’achever leur rattrapage des cours et de le laisser seul. Les joueurs de l’équipe avaient fini par sortir eux aussi, se disant désolés pour Harry et lui souhaitant de se rétablir vite – même Dean qui semblait désormais plus conciliant à son égard. Mais un petit quart d’heure plus tard, l’un d’eux était revenu et lui avait tenu compagnie pendant près d’une heure, malgré les protestations de Mme Pomfresh.
- Vous avez besoin de repos, Potter ! avait-elle répété pour la millième fois – si Harry en croyait sa lassitude.
- J’ai aussi besoin de parler à mes amis, avait-t-il répliqué.
L’infirmière avait alors soupiré.
- Vous êtes majeur, c’est vous qui voyez, mais faites bien attention : si vous ne vous sentez pas bien, mettez un terme à votre conversation et reposez-vous.
Et elle avait une nouvelle fois soupiré avant de repartir dans son bureau, non sans un regard irrité pour la visiteuse imprévue de son patient.
- Salut Harry, avait dit celle-ci, un peu gênée.
- Salut Ginny, avait répondu Harry. Assieds-toi, l’avait-il invitée en montrant le bord du lit.
D’un geste hésitant, la jeune rousse s’était installée sur le matelas.
- Ca va ? avait-elle demandé.
- Ca peut aller, avait dit Harry, même si j’aurais de loin préféré ne pas être ensorcelé.
Ginny avait eu un sourire…
Ils avaient parlé de tout et de rien, avaient plaisanté, ri, parlé avec énergie des points qu’il leur faudrait gagner aux prochains matches s’ils voulaient gagner la coupe de Quidditch, mais aussi de sujets plus sérieux concernant Voldemort et le travail de Scrimgeour.
Harry se sentit alléger d’un poids en discutant aussi librement et profondément avec Ginny. Malheureusement, Mme Pomfresh finit par la chasser de l’infirmerie. Ils s’embrassèrent sur les joues – donc pas aussi intimement que Harry l’aurait souhaité, mais cela constituait pour lui une excellente raison pour flotter sur un petit nuage… et pour retrouver le moral qu’il avait perdu.
Il entra donc dans la Grande Salle au beau milieu du repas du dimanche midi, et les Gryffondor l’accueillirent chaleureusement, bien qu’il savait que ses camarades cachaient leur déception du mieux qu’ils pouvaient. Il fut soulagé de constater que personne ne lui en voulait.
Il se sentait assez détendu, avec un profond sentiment de plénitude difficile à expliquer en ces circonstances peu joyeuses. Il répondait vaguement quand on lui parlait, ses pensées se trouvaient ailleurs…
Il reprit cependant ses esprits lorsqu’il vit Zacharias Smith se lever de la table voisine et s’approcher de lui.
Il semblait mal à l’aise.
- Potter, il faut que je te parle, déclara-t-il sur un ton très sérieux.
- Laisse-le, Smith, lança Ron avec une voix menaçante.
- Il faut que je te parle, répéta Smith en ignorant du mieux qu’il pouvait le regard agressif de Ron et de tous les autres élèves de Gryffondor. Est-ce qu’on pourrait se voir… dehors ?
Harry hésita quelques instants en voyant clairement une réponse négative dans les regards des autres mais étant plus décontracté et ouvert d’esprit qu’à l’ordinaire, il acquiesça. Il suivit Smith hors de la Grande Salle et ce dernier pila et se retourna une fois arrivé devant l’escalier de marbre.
- Potter, je voulais te dire que je suis désolé pour le match.
Harry n’en crut pas ses oreilles : Zacharias Smith qui s’excusait ?
- Je ne voulais pas gagner de cette façon, j’aurais voulu gagner à la loyale… marmonna-t-il.
- Qu’est-ce que tu veux dire par là ? demanda Harry en fronçant les sourcils.
- Qu’on a gagné seulement parce que quelqu’un t’a ensorcelé ! répliqua Smith, irrité. Je voulais donner la victoire à Poufsouffle mais je voulais gagner le match par moi-même, et pas grâce au cinglé qui a fait ça ! Poufsouffle n’a eu aucune gloire…
Il y eut un silence gêné.
- Et c’est tout ce que tu voulais me dire ? questionna Harry, toujours ahuri par les étranges regrets de Smith.
- Non, répondit ce dernier, je voulais aussi te dire que si je peux te rendre un petit service, il suffit de demander.
- Et bien… merci. Je… J’y penserai.
Embarrassé, Harry monta dans la salle commune sans rejoindre la Grande Salle. Il décida de faire ses devoirs dans lesquels il avait pris du retard à cause des entraînements de Quidditch…
- Et bien j’ai perdu mon temps ! dit Harry à voix haute, en effrayant quelques première année.
Il avait retrouvé son amertume ; et maintenant, il se posait des questions. Qui avait bien pu l’ensorceler ? Comment la personne en question s’était-elle débrouillée pour faire en sorte qu’il se casse la main… ? Et surtout pourquoi, oui, pourquoi l’avait-on attaqué ? S’agissait-il d’un Poufsouffle fanatique ou d’un homme de main de Voldemort ? Cette éventualité lui paraissait beaucoup plus probable – et inquiétante –, et cela lui donnait d’ailleurs une idée sur le coupable…
Penser à Ginny lui rappelait forcément Théodore Nott et sa bande de Serpentard dont l’attaque inopinée lui restait en travers de la gorge au point de l’étouffer. S’ils avaient réussi à ne pas se faire prendre après ce qu’ils avaient fait à sa petite amie, il ne faisait aucun doute qu’ils auraient également su lui jeter un sort sans se faire remarquer, même pas du visé lui-même… Il restait à comprendre comment ils s’étaient débrouillés pour réaliser ces « miracles ».
Il ne fit pas partager ses idées à Ron et Hermione quand ils le rejoignirent. Ils avaient enfin rattrapé leur retard et avaient également fait leur travail pour les jours suivants, aussi Harry les convainquit une nouvelle fois de le laisser seul. Neville sortit également de la salle commune, et Harry passa ainsi le reste de la journée à gratter sa plume sur du parchemin.
Et les heures passèrent…
Il finit par perdre toute notion du temps. Il ne savait plus où il se trouvait, ce qu’il faisait, qui il était, ses paupières devenaient lourdes…
Un vieil homme, à en juger par sa tignasse grise, gisait sur le sol, tourné sur le dos. Harry tenait sa baguette magique pointée vers lui… tout était complètement flou…
- Harry, réveille-toi !
Il rouvrit les yeux. Il avait l’impression que sa joue était mouillée, et il s’aperçut rapidement qu’il s’était endormi sur sa bouteille d’encre qui s’était renversée sous le choc. Les fenêtres de la salle commune ne filtraient plus que la lumière de la lune et des étoiles, tandis que Neville, l’air assez agité, se tenait devant lui.
- Qu’est-ce qu’il y a ? s’inquiéta Harry tout en tentant vainement d’essuyer l’encre qui commençait déjà à sécher sur sa joue droite.
- La réunion de l’Ordre ! s’exclama Neville. On t’attend tous ! Même Ron et Hermione ont pensé à sortir de leur placard à balai où ils s’embrassaient pour venir à l’heure et toi tu dors !
- Je ne voulais pas m’endormir, répondit Harry en se frottant les yeux. Bon… Désolé, finit-il par s’excuser. Mais pourquoi est-ce que tu as l’air si nerveux ?
- McGonagall veut tous nous voir immédiatement pour nous annoncer quelque chose. Si tu voyais sa tête, ça a l’air grave ! Dépêche-toi !
D’un rapide mouvement de sa baguette, Harry fit disparaître l’encre bleue de son visage et ils traversèrent au pas de course les couloirs qui les séparaient de la Salle sur Demande. Harry se confondit en excuses et prit place aux côtés de Ron et Hermione avec Neville.
Le professeur McGonagall était très pâle.
- Bien, dit-elle. Maintenant que nous sommes tous réunis, je dois vous annoncer de… tristes nouvelles. J’ai reçu un message d’Alastor par Patronus. D’après ce que j’ai compris, il a réussi à entrer dans Pré-au-Lard.
- Comment a-t-il fait ? demanda tout de suite Tonks.
- C’était assez difficile à comprendre, le message était flou, mais il semblerait que ce soit la Marque des Ténèbres géante qui se trouve au dessus du village qui permette d’y pénétrer.
Cette révélation déclencha une grande surprise sur les visages des membres de l’assemblée.
- De quelle façon la Marque pourrait-elle aider à entrer ? questionna Sturgis Podmore.
- Je… Je ne sais pas exactement mais… il faut d’abord que je parle d’autre chose.
Il y eut un silence. McGonagall se tourna vers Harry.
- Il y avait aussi quelque chose à votre sujet, Harry, déclara-t-elle.
Extrêmement surpris, Harry attendit, presque bouche bée. Qu’est-ce que Maugrey Fol Œil pouvait bien avoir découvert le concernant ?
- Il semblerait que Vous-Savez-Qui vous ait fait tomber dans un piège.
- Comment ? s’intrigua Harry.
- Je n’en sais pas plus, Harry, assura McGonagall sur un ton grave. Mais si cette information est exacte, cela signifie que vous êtes déjà tombé dans un piège tendu par Vous-Savez-Qui, et ce serait, nous le savons tous les deux, extrêmement grave.
L’assemblée sombra à nouveau dans le mutisme. Beaucoup regardaient alternativement Harry et McGonagall. Harry était à peu près certain que tout le monde ne devinait désormais que trop bien la nature de sa mission, en tout cas aussi bien que la Gazette du Sorcier…
Mais quelque chose lui parut suspect dans l’attitude du professeur McGonagall : il savait qu’elle n’aurait pas eu l’air tellement pâle, si bouleversée, s’il ne s’était agi que d’un danger potentiel.
- Qu’est-ce qui se passe, professeur ? demanda Hermione avant que Harry n’ait eu le temps de poser la question lui-même.
McGonagall mit un certain temps avant de reprendre le contrôle de sa respiration soudainement saccadée.
- Je n’ai pas pu avoir la totalité du message, finit-elle par répondre.
- Maugrey devait être pressé par le temps, Minerva…, commença Kingsley.
- Non, répliqua la présidente de l’Ordre, je veux dire que je n’ai pas eu la totalité du message apporté par le Patronus parce qu’il s’est brutalement évanoui, et de façon très inhabituelle. Il ne s’est pas évanoui, non, il a disparu d’un coup, sans même que sa lumière ne s’affaiblisse ne serait-ce qu’une fraction de seconde.
Ils demeurèrent tous silencieux. Harry se demanda si McGonagall voulait bien en venir à ce qu’il pensait…
- Nous savons tous qu’une telle chose n’a pu se produire qu’à une condition…
Un silence de mort régna dans la Salle sur Demande. McGonagall reprit encore une fois la parole :
- Alastor a été tué.
Harry ressentit soudain une brève mais très forte sensation de brûlure sur le front.
- Aïe !
- Qu’est-ce que tu as, Harry ? s’inquiéta Hermione.
Il se plaqua la main sur le crâne et caressa la vieille marque…
L’éclair s’était réveillé.
25
Londumor
Au grand désespoir de l’Ordre du Phénix, les pensées de Minerva McGonagall se révélèrent exactes le lendemain matin, au petit déjeuner. Comme d’habitude, les hiboux étaient entrés par les fenêtres de la Grande Salle et avaient apporté le courrier aux élèves et la Gazette du Sorcier d’Hermione comportait cet article :
« FOL ŒIL VAINCU »
Le cadavre du célèbre Auror retraité, Alastor Maugrey, a été retrouvé hier soir dans sa résidence (emplacement confidentiel). D’après les experts du ministère de la Magie, c’est bien le sortilège de la Mort qui a fait succomber l’ex-Auror, malgré de nombreuses blessures…
- J’ai l’impression que tout le monde meurt… marmonna tristement Ron.
- C’est normal puisque c’est exactement ce qui arrive, fit sombrement remarquer Harry.
Personne ne répondit.
- Les membres de l’Ordre commencent à être décimés, continua-t-il, tout comme la première fois. C’est justement Maugrey qui me l’avait fait comprendre, il y a deux ans, il m’avait montré une photo de l’Ordre à l’époque de mes parents…
Il avait ce sentiment de culpabilité, cette impression d’être sali qu’il connaissait si bien. Mais l’expérience lui permettait toutefois d’atténuer nettement ces sensations qu’il savait injustifiées. Ce qui l’inquiétait réellement, c’était leur cause… Devait-il révéler à Ron, Hermione et Neville – et au reste de l’Ordre, qui n’était plus dans l’ignorance concernant ce genre de choses depuis sa cinquième année – ce qu’il avait vu ? Fallait-il qu’il accorde de l’importance à ce rêve si court, si vague, mais tellement explicite… ?
- Qu’est-ce qui ne va pas, Harry ? demanda Ginny, qui les avait rejoints pendant qu’Hermione lisait l’article à haute voix.
- Tu veux dire à part le fait que les gens bien soient exterminés ? ironisa-t-il.
- Ne fais pas semblant de ne pas comprendre, répliqua la jeune fille sur un ton sec, je vois bien que tu es préoccupé.
Très surpris d’entendre Ginny lui parler de cette façon – une façon qui correspondait à l’époque où elle le « connaissait » –, Harry ne répondit pas tout de suite.
Il finit par se ressaisir, avala sa salive et confia à voix très basse ce qui avait causé son retard à la dernière réunion de l’Ordre du Phénix.
- C’est pour ça que tu dormais, je me disais bien que tu ne manquerais pas une réunion… Tu crois que c’était Maugrey ? interrogea Neville.
- Oui, répondit fermement Harry. Il avait les mêmes cheveux et… en fait, je crois bien que le sol était rouge, déclara-t-il d’une voix légèrement tremblante.
Hermione se plaqua la main sur la bouche. Ron et Neville avaient l’air impressionnés – négativement. Ginny demanda :
- Mais comment peux-tu en être aussi certain ?
- Je ne l’aurais pas cru si…
Harry ne termina pas sa phrase.
- Si tu n’avais pas eu mal à ta cicatrice, acheva Hermione pour lui, l’air atterrée.
Il acquiesça d’un signe de tête.
- Mais tu m’avais dit que ça ne t’arrivait plus depuis plus d’un an ! objecta Neville.
- Je ne t’ai pas menti, répondit Harry, c’est la première fois que ma cicatrice me fait mal depuis le soir où Sirius est mort… Dumbledore pensait que Voldemort utilisait la Légilimancie contre moi pour que je ne puisse plus entrer accidentellement dans son esprit.
- Peut-être que…, commença Hermione, hésitante.
- Peut-être que quoi ? demanda Ron.
- Peut-être que ta cicatrice t’a de nouveau fait mal parce que Voldemort a lui-même tué un sorcier qu’il jugeait comme très dangereux ?
- Si c’était possible, j’aurais sans doute ressenti quelque chose de pire que le Doloris le soir de la mort de Dumbledore, et ce, même si Voldemort ne l’a pas tué lui-même, dit Harry.
- Tu as sûrement raison… marmonna Hermione.
- Moi j’ai une autre théorie, déclara Ron, excité. Et si tes pouvoirs grandissaient, Harry ? Et si à cause de ça, Voldemort ne pouvait plus utiliser l’occlumancie contre toi comme l’année dernière ?
- Quoi ? fit Harry, très surpris par cette suggestion.
L’air songeur, Hermione fronçait les sourcils.
- Ce n’est pas si bête, Harry, finit-elle par dire. Peut-être que Voldemort n’est plus assez puissant pour t’empêcher complètement d’accéder à ses pensées, ça expliquerait que ta vision soit floue.
Harry les observa tour à tour : ils avaient l’air sérieux.
- Ecoutez, dit-il, je sais ce qu’on raconte sur moi, l’Elu, mais je ne suis pas assez puissant pour combattre Voldemort… En tout cas, pas encore. En plus, je n’y connais strictement rien en légilimancie. Si je me suis immiscé dans l’esprit de Voldemort, c’est par accident. Il n’y a rien contre quoi il ait besoin de lutter pour m’empêcher de voir ce qu’il fait. Il a plus « coupé le lien » qu’autre chose, et en aucun cas ce n’est une question de… pouvoir magique.
Il remarqua qu’ils attiraient les regards, tous les cinq. En effet, ils murmuraient désormais à voix si basse qu’ils devaient se pencher vers le milieu de la table pour se comprendre, et cela ne passait pas vraiment inaperçu. Harry fit un signe de tête aux quatre autres qui, comprenant que la discussion devait s’achever d’urgence, s’éloignèrent.
- A tout à l’heure.
A la fin du cours de DCFM, Abel les retint une fois encore.
- Il est temps de commencer les « leçons » dont je vous ai parlé, annonça-t-il. Je vous donne rendez-vous après dîner dans mon bureau. Si vous n’êtes pas là à vingt heures sans faute et que vous n’avez pas d’excuse valable, vous aurez une retenue.
Et sans rien ajouter, il leur dit sur un ton sec de rejoindre leur prochain cours.
- Qu’est-ce qui lui arrive ? s’étonna Ron sur le chemin de la salle commune. A quoi ça sert de nous menacer de nous donner une retenue alors qu’il sait très bien qu’on sera là ! On sait bien qu’on ne doit pas manquer ce cours…
- J’imagine qu’il pense que les choses pressent, répondit Harry avant Hermione, et il a sans doute raison.
Hermione referma la bouche.
- En plus, intervint Neville, on en aura vraiment besoin pour notre prochaine so… Aïe ! (Harry lui avait donné un coup de coude) Désolé… s’excusa-t-il en se massant les côtes et en baissant la voix. On en aura besoin pour notre prochaine sortie.
- Pourquoi est-ce qu’on se ferait attaquer à l’enterrement de Maugrey ? chuchota Ron.
Il avait été décidé la veille au soir que tous les membres de l’Ordre du Phénix se rendraient aux funérailles de l’ex-Auror, qui auraient lieu le samedi suivant au cimetière sorcier de Londumor.
- Les Mangemorts frappent n’importe où et n’importe quand maintenant, Ron, répliqua sa petite amie. Sinon, Pré-au-Lard ne serait pas surnommée la « Capitale des Ténèbres », aujourd’hui. A chaque fois que nous sommes allés dehors, nous avons été attaqués, alors je crois qu’il faut qu’on accélère le pas dans l’apprentissage des sortilèges de duel. Il faut aussi qu’on accélère le pas pour ce qui est des (elle acheva sa phrase dans un murmure à peine audible) Horcruxes…
Elle jeta un regard oblique à Harry.
- Il faut vraiment qu’on s’y mette, Harry, on y a pas beaucoup réfléchi, ces derniers temps – et pourtant nous avions prévu de le faire.
- Je le sais bien… répondit celui-ci.
Ils se retrouvèrent devant le portrait de la Grosse Dame. Ils déposèrent une partie de leurs affaires dans leurs dortoirs respectifs (garçons et fille), et prirent le chemin de la bibliothèque. Ils avaient encore deux rédactions pour le prochain cours de défense contre les forces du Mal.
- Il faut qu’on reprenne les recherches sur Hepzibah Smith, Ha…, commença Hermione.
- Smith ! s’exclama soudain Harry en faisant sursauter les trois autres.
Quel idiot ! Comment avait-il pu oublier un détail aussi important ?
- Je dois lui parler ! Au sujet d’Hepzibah Smith, vous vous souvenez ? chuchota-t-il.
- C’est vrai ! se rappela Hermione en se tapant le front. J’avais oublié !
- Je ne suis pas sûr que Smith accepte de parler aux « perdants », bougonna Ron sur un ton méprisant.
- Oh si, il acceptera, assura Harry, moins pour les autres que pour lui-même.
- Qu’est-ce qui te fait dire ça ? s’étonna Ron en haussant les sourcils.
- Il me l’a promis…
Laissant ses amis dans l’incompréhension la plus totale, il courut le plus vite possible et franchit en en temps record les couloirs et escaliers qui le séparaient de la bibliothèque. Il avait de la chance : un jeune homme blond à l’air antipathique allait y entrer.
- Smith ! appela Harry, hors d’haleine.
Zacharias Smith se retourna et le regarda d’un œil surpris.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Tu avais dit que tu voulais me rendre un service, c’est le moment, répondit Harry (il voulait être direct). J’ai besoin d’informations sur une certaine Hepzibah Smith – si comme je le pense, elle était de ta famille.
Harry s’attendait certes à voir un Smith surpris – voire méfiant – mais sûrement pas effrayé.
- Pourquoi tu me demandes ça ? interrogea-t-il d’un ton brusque.
- Et bien…, hésita Harry, qui se sentait maintenant lui aussi gêné, cette femme – Hepzibah Smith – était en possession d’un objet et… euh… enfin, bref, je dois retrouver cet objet.
- Et bien moi je te conseille de ne jamais le retrouver, répondit Smith, énervé, et de ne plus jamais me parler de ça !
Sans plus d’explication, il s’apprêta à franchir le seuil de la bibliothèque mais Harry le retint par la manche de sa robe.
- Qu’est-ce que ça veut dire ? questionna-t-il, intrigué. Pourquoi est-ce que tu es sur la défensive ?
- Ecoute, Potter, je veux bien te rendre un service, mais si tu me harcèles avec cette histoire, tu le paieras très cher !
Il se dégagea d’un geste nerveux et entra dans la bibliothèque en claquant la porte, ce qui lui valut, d’après ce que Harry entendit, les remontrances de Mrs Pince.
Quelques secondes plus tard, Ron, Hermione et Neville arrivèrent. Il leur fallut une bonne minute pour reprendre leur souffle. Pour le résultat qu’il avait obtenu, Harry se demandait s’il avait vraiment valu la peine de mettre ses amis dans cet état.
- Pourquoi tu t’es enfui comme ça ? lança Ron avec un regard de reproche. Mes jambes ne s’en remettront jamais !
- Je suis certaine qu’elles s’en remettront très bien, répliqua Hermione en levant les yeux au ciel. Mieux que les miennes, en tout cas. Mais c’est vrai, pourquoi tu t’es mis à courir comme ça ? rajouta-t-elle, l’air aussi mécontente que son petit ami.
- Je cherchais Smith…
Il leur expliqua la raison pour laquelle le capitaine de l’équipe de Poufsouffle l’avait pris à part au déjeuner, le lendemain de sa victoire au Quidditch.
- Smith a dit qu’il voulait te rendre un service ?. .. répéta Hermione, intriguée, une fois que Harry leur eut fait son bref récit.
- Et tu as gobé ça ? s’indigna Ron. Smith qui s’excusait pour la défaite de Gryffondor ? Smith qui reconnaissait que Poufsouffle n’avait pas mérité sa victoire ?
- Moi aussi j’ai eu du mal à y croire mais il avait l’air sincère, assura vivement Harry. Tu aurais dû le voir, il donnait vraiment l’impression d’être dégoûté d’avoir gagné de cette façon.
- A mon avis il a dit ça pour que tu ne le soupçonnes pas pour l’attaque du match ! dit Ron sur un ton féroce.
- Il n’aurait jamais fait ça ! s’indigna Hermione, irritée.
- Et qu’est-ce qui te fait dire ça ? demanda Ron d’un air faussement poli. Pourquoi tu le défends ?
- Tu as trop tendance à confondre Smith – qui est, c’est vrai, détestable – avec un Serpentard qui ne reculerait devant rien ! répondit la jeune femme avec énervement.
- Je…
Mais Ron fut brutalement interrompu par un jet de lumière. Il fut alors incapable de faire sortir le moindre son de sa bouche.
- Comment osez-vous hurler ainsi en face de la bibliothèque !? Partez d’ici immédiatement ! gronda Mrs Pince, qui venait de sortir de son antre aux livres.
Ni Harry ni Hermione ne se décidant à rendre sa voix à Ron, ce fut Neville qui s’en chargea tandis qu’ils repartaient en direction de la salle commune. A l’étonnement général (même Neville en fut très surpris), il n’arriva aucun accident au rouquin qui retrouva tout simplement la faculté de parler. Il était toutefois trop boudeur pour en user.
Ils déposèrent leurs affaires, décidant qu’il valait mieux attendre avant de remettre les pieds dans la bibliothèque afin de faire leurs devoirs pour Abelforth. Ils s’assirent donc dans des canapés défoncés. Hermione croisa les bras, Ron fit de même. Neville mit les siens en oreiller derrière sa tête et s’installa confortablement, comprenant qu’il ne servait à rien de chercher à faire la conversation. Harry posa ses mains sur ses genoux, les yeux tournés vers le parquet.
Au bout d’une minute qui lui parut interminable, il finit par rompre le silence devenu trop pesant :
- J’ai aussi pensé que Smith pourrait être responsable de ce qui s’était passé pendant le match.
- J’en étais sûr ! s’exclama Ron avec une lueur de triomphe.
- Mais tu as changé d’avis, n’est-ce pas ? demanda Hermione sans tenir compte de son petit ami qui semblait lui être très ennuyeux.
- Oui… Je crois que tu as raison, Smith est un sale frimeur, il fait tout pour me rabaisser, mais il n’est pas Malefoy.
Déçu, Ron s’affaissa dans son canapé et croisa à nouveau les bras.
- Je crois aussi qu’il voulait vraiment m’aider, reprit Harry, c’est pour une autre raison qu’il a réagi comme ça…
- De quoi tu parles ? s’étonna Neville.
- Je vous raconterai plus tard, dit Harry, qui avait omis de raconter qu’il avait parlé d’Hepzibah à Smith. Mais la réponse est évidente, non ? Quelles personnes au service de Voldemort vivent ici ? Qui nous a agressé, moi et Ginny ?
- Tu penses à Nott ? demanda Ron, sortant de sa moue.
- Evidemment ! répondit Harry avec colère. Lui et sa bande, ils se sont quasiment fait oublier depuis qu’ils ont fait ça à Ginny, mais moi je ne les oublis pas ! Je suis certain qu’ils préparent quelque chose, tout ça ne s’est pas produit sans raison. Ils avaient besoin de la Salle sur Demande, comme Malefoy. Je suis sûr qu’ils font quelque chose pour Voldemort, et pourtant ils ne se font plus remarquer. C’est qu’il ne s’agit pas de répandre la terreur comme tu le pensais, Hermione, ils doivent préparer autre chose de plus secret.
- D’après ce qu’on a pu entendre, Anthony et moi, c’est aussi ce que pense McGonagall, déclara Hermione. Mais tu te trompes sur un point, Harry : la terreur. Je suis Préfète-en-Chef, alors je vois plus de choses que toi, et je peux te garantir que les élèves ont tous peur. Pas autant qu’avant, d’accord, mais ils n’ont pas totalement oublié la possibilité que certains de leurs « camarades » soient des Mangemorts. Il y a même des première année qui ont l’air terrorisés, parfois.
En effet, le lendemain, les indications de la directrice sur la grande difficulté du sortilège d’Animatus Apparitus entrèrent dans son cerveau sans être décodées comme il l’aurait fallu, et ce, malgré tous les efforts que fit Harry pour se concentrer. Il parvint quand même à prendre des notes, et avec moins de difficultés que Ron. De toutes manières, il avait trop confiance en la faculté d’écoute d’Hermione pour s’inquiéter ; elle leur prêterait ses notes plus tard, et leur expliquerait… Il pensait surtout avec envie à Neville, qui pouvait encore rester un peu dans son lit vu qu’il avait abandonné la métamorphose pour les ASPIC. Il le retrouva au cours de Flitwick, où Harry et Ron eurent moins de mal à suivre. En revanche, Neville, malgré son heure de sommeil supplémentaire, était fatigué et comme il avait déjà du mal en tant normal, le résultat en fut presque désastreux.
Ils continuaient à étudier les sortilèges de Guérison. Après le sort général, ils abordaient désormais la guérison spécialisée de la chair, plus efficace sur les blessures profondes. Les élèves ne pouvant plus se blesser eux-mêmes pour se guérir (« Vous seriez obligés de vous entailler trop profondément vous-même pour que l’on puisse vraiment tester vos capacités, et vous auriez beaucoup trop mal pour jeter le moindre sort » avait couiné le professeur d’Enchantements), Flitwick leur distribua d’étranges feuilles de parchemin bleu. Les élèves échangèrent des regards perplexes.
- Qui peut me dire ce que c’est ? questionna-t-il de sa voix flûtée.
- C’est un test de sorcellerie, répondit aussitôt Hermione qui donnait l’impression de vouloir détruire le plafond avec son poing. On l’utilise pour tester la fiabilité de produits ou d’actes magiques quand il est trop dangereux de le tester en des conditions plus appropriées.
- C’est tout à fait ça, Miss Granger, dix points pour Gryffondor. Le test consiste à appliquer une potion ou un acte magique sur la feuille de parchemin. Plus la couleur se rapprochera du rouge, plus le produit ou l’acte magique – dans ce cas il s’agira bien sûr de jeter le sortilège sur la feuille – est fiable. L’inconvénient, c’est que la fiabilité du test lui-même n’est pas toujours certaine, il y a beaucoup de risque d’erreur. Mais pour ce que nous ferons en classe, cela devrait convenir.
Chaque élève passa donc trois quarts d’heure à jeter le sortilège de Cicatrisation sur son parchemin. Certains, comme Neville, n’obtinrent qu’un léger violet. Hermione colora dès les premiers essais sa feuille en mauve. Ron mit plus de temps à faire de même.
Harry se concentra. Puis il prit sa baguette magique, tapota son parchemin et prononça distinctement :
- Caro Cicatrix.
Rien ne se produisit. Il refit plusieurs essais mais même s’il lui parut légèrement moins vif, le bleu restait effrontément bleu. Se souvenant qu’il en aurait certainement besoin plus tôt que les autres élèves, Harry se focalisa sur son objectif, s’imprimant la volonté de guérir, mais les résultats ne furent guère plus brillants. A la fin du cours, sa feuille était encore plus proche du bleu que celle de Neville.
Tout le monde – sauf Hermione, comme d’habitude – reçut le devoir supplémentaire de s’exercer au sortilège de Guérison.
- C’est complètement idiot de s’entraîner sur ce bout de papier ! s’emporta Harry à la sortie du cours.
- Je trouve que c’est un système très ingénieux, dit Hermione – bien sûr, comme l’a dit Flitwick, il n’est pas toujours fiable, ajouta-t-elle en croisant son regard.
- Tu y serais peut-être mieux arrivé avec un cobaye humain, dit Ron en éclatant de rire, mais Poudlard ne trucide pas ses élèves pour leur apprendre à se guérir : ils ont une méthode plus douce, et je dois dire que je préfère largement jeter un sort à une feuille plutôt que de m’ouvrir les veines.
Harry eut un sourire forcé.
Mais il s’effaça immédiatement quand il vit Nott, Zabini et Parkinson passer près d’eux avec un sourire mauvais. C’était déjà plus qu’il ne pouvait supporter, mais il ne fit rien. S’il avait raison – et c’était forcément le cas –, Nott lui donnerait lui-même une occasion de se venger au cours de l’année. Le tout était de le faire avant qu’il n’arrive quelque chose de grave à un autre élève…
Mais le sourire de Nott lui rappela encore une fois la recherche de Horcruxes. Il n’avait pas encore parlé à Ron, Hermione et Neville de la réaction qu’avait eue Zacharias Smith à l’évocation du nom d’Hepzibah. Il se décida enfin à le leur dire une fois arrivé dans la salle commune.
Quand il eut terminé son récit, Hermione, les sourcils froncés, demanda :
- Et il n’a rien dit d’autre ?
- Si, répondit sombrement Harry. J’ai essayé de le retenir, mais il m’a dit que si je le « harcelais » avec cette histoire, je le regretterai.
- Tu es en train de me dire qu’il t’a menacé ? dit Hermione, choquée.
- Il ne manque pas d’air, celui-là ! s’exclama Ron. Un jour il parle de t’aider, et le lendemain il joue les durs !
Même s’il était à moitié d’accord avec son meilleur ami, et partageait en partie l’indignation d’Hermione, Harry ne pouvait s’empêcher d’envisager une autre possibilité. Il hésita :
- En fait… je me demande si…
- Quoi ? questionna Neville.
- Je me demande s’il ne voulait pas plutôt dire qu’il y avait des dangers dans les affaires d’Hepzibah Smith, acheva Harry.
- Tu crois qu’il te donnait un « conseil d’ami » ? moqua Ron.
- On aurait dit qu’il avait peur, insista Harry. Quand je lui ai parlé d’un objet que je voulais retrouver, il m’a dit : « Et bien moi je te souhaite de ne jamais le retrouver », comme s’il savait de quel objet je parlais… et que cet objet était dangereux.
- Harry, si ça concerne un Horcruxe, il y a de fortes chances pour que ce soit vrai, dit Hermione sur un ton grave. Je pense que tu dois avoir raison – et je pense aussi que nous sommes sur la bonne voie. Tu devrais reparler à Smith, et te débrouiller pour qu’il te révèle son secret.
- Dommage que je n’ai pas un peu de Felix Felicis sur moi, ironisa Harry.
- Ne me dis pas que tu trouves Smith plus difficile à aborder que Slughorn ? dit Ron.
- Bien sûr que non ! assura Harry, scandalisé. Bon, dit-il en se tournant vers Hermione, je veux bien essayer de lui tirer les vers du nez, mais on doit quand même essayer de chercher autre part au cas où. Quand on aura le temps, on devra passer à la bibliothèque, et aussi demander de l’aide à Abel. On avait déjà demandé aux autres membres de l’Ordre, je crois, mais ils sont sûrement trop occupés avec leurs propres missions…
- Et les notes de Voldemort ? dit Neville, qui parlait des morceaux de parchemins qu’ils avaient découverts dans la Salle sur Demande lors de leur première visite avec l’Ordre.
- Elles ne concernent que les recherches qu’il a faites sur sa famille, répondit Harry, ça ne parle pas des Horcruxes.
Il avait eu le temps de jeter des coups d’œil plus longs sur ces notes étranges, et il n’y avait en effet rien vu de plus que des notes sur la famille Gaunt, sur Serpentard, et aussi sur une personne dont il n’avait jamais entendu parler : « Grindelwald ». Mais rien qui aurait pu concerner de près ou de loin les Horcruxes.
Ils se mirent donc d’accord.
Mais avant d’aller à la bibliothèque pour Hepzibah Smith, ils devaient s’y rendre, comme toujours, pour les devoirs. Harry s’étonnait encore que cette habitude soit restée chez lui, mais le plus étonnant, c’était que Ron en fasse autant. Même le désir de se rapprocher de sa petite amie expliquait difficilement la nouvelle capacité du rouquin à combattre sa paresse légendaire. En tout cas, il y parvint encore une fois et le quatuor passa une matinée de plus sous l’œil sévère et extrêmement désagréable de Mrs Pince.
Après déjeuner, Hermione partit pour son cours d’Arithmancie en compagnie d’Anthony Goldstein. Ron jeta un léger coup d’œil en direction du couple de préfets-en-chef s’éloignant de la Grande Salle mais il semblait plutôt détendu, au grand soulagement de Harry. En général, Ron était toujours un peu méfiant à l’égard d’Anthony, faisant craindre une nouvelle crise de jalousie. Mais depuis le soir où Harry s’était emporté contre lui, Ron faisait de plus en plus d’efforts – ce qui ne l’empêchait pas de se montrer parfois très puéril : Ron Weasley resterait Ron Weasley.
Harry fut soudain saisi d’un agréable sentiment de chaleur.
- Salut les garçons, dit Ginny en passant devant eux.
Elle partit dans l’escalier de marbre. Ron observa Harry quelques secondes.
- Qu’est-ce que tu attends, au juste ? dit-il avec impatience. Ce n’est pas en restant passif comme ça que tu pourras ressortir avec ma sœur.
Harry ne se fit pas prié. Tout en s’efforçant de ne pas éclater de rire à la pensée que Ron lui donnait des conseils pour approcher les filles – c’était vraiment le monde à l’envers –, il dévala les escaliers et rattrapa Ginny au premier étage.
Ils passèrent ce qui était aux yeux de Harry la plus belle après-midi de sa vie. Il se sentait à nouveau comme à l’époque bénie où il sortait avec Ginny – à une différence près qu’il ne pouvait pas l’embrasser. Contrairement à la veille, ils eurent le temps de faire autre chose que leurs devoirs à la bibliothèque. Ils entamèrent également une longue et nonchalante balade dans le château, qui se prolongea dans le parc. Harry évita soigneusement la Salle sur Demande.
Ils se rendirent ensemble à l’entraînement de Quidditch.
Pendant que Ginny attendait le reste de l’équipe dans les vestiaires, le Capitaine entra sur le terrain pour observer les conditions de vol. Le ciel n’était pas trop sombre, et il n’y avait heureusement pas de brume, ce soir-là. Mais un autre facteur était à prendre en compte.
Car Harry fut accueilli par six élèves, debout au milieu du stade.
- Qu’est-ce que tu fiches ici, Nott ? lança Harry avec colère.
Il avait affaire aux mêmes personnes qu’il souhaitait éviter en contournant la Salle…
- Je voulais seulement assister à l’entraînement des Gryffondor, répliqua Théodore Nott d’une voix narquoise.
- Dans ce cas tu peux tout de suite partir, dit Harry le plus froidement et fermement possible.
- On a le droit d’être là, dit Nott.
- Pas ce soir, dit Harry en sortant sa baguette magique.
Il la pointa ostensiblement sur Nott. Crabbe, Goyle, et Millicent Bulstrode jouèrent de leur biceps, et Zabini plongea sa main dans la poche qui devait contenir sa propre baguette mais le chef de la bande les arrêta d’un geste.
- Ce n’est pas grave, dit-il avec un sourire goguenard. Pas besoin de regarder comment un attrapeur apprend à se casser la main sur un Vif d’Or.
Les six Serpentard éclatèrent de rire.
- Je voulais seulement te prévenir, reprit Nott d’un ton menaçant. Ne demande plus à tes larbins de Sang-de-Bourbe ou de traîtres à leur sang de me surveiller. Si tu te mêles encore de mes affaires, il risquerait d’arriver quelque chose à nos chers Préfets-en-Chef. Et tu devrais aussi faire attention à la sécurité de ta petite amie – Oh ! excuse-moi, de ton ex-petite amie…
Les Serpentard rirent de plus belle.
Furieux, Harry s’avança vers eux, prêt à exploser.
- C’est à moi de te prévenir, Nott, menaça-t-il à son tour d’une voix tremblante de colère. Crois-moi, c’est toi qui dois avoir peur, pas moi. Je n’ai pas oublié ce que tu as fait, et tu vas le payer cher, espèce d’ordure ! Et si tu touches encore à un seul cheveu de Ginny, où à quiconque de mes amis – où même à n’importe quel élève de cette école –, tu auras affaire à moi, et tu le regretteras amèrement ! ECCIO !!
Théodore Nott fut littéralement projeté dans les airs avant de s’écraser brutalement sur le sol herbeux quelques mètres plus loin. Quant aux cinq autres, l’onde de choc du sortilège d’Expulsion les étala sur le sol.
- Qu’est-ce qui se passe, ici ?
Les autres joueurs de l’équipe venaient d’entrer sur le terrain, sans doute attirés par les cris de Harry. Dean et Ron s’avancèrent aux côtés de leur Capitaine.
- Qu’est-ce qu’ils font là, eux ? demanda Ron sur un ton méprisant tandis que les Serpentard se relevaient péniblement.
- On se reverra, Potter ! déclara Nott avant de sortir du stade avec ses amis, la lèvre en sang.
- Ce n’est rien, assura Harry en se retournant vers le reste de l’équipe, c’est réglé.
Au cours de la semaine, Harry conseilla à ses amis de faire attention à eux, sans plus de précision. Ce fut avec une grande difficulté qu’il s’efforça de passer le moins de temps possible en compagnie de Ginny. Il lui adressait toujours des sourires rayonnants et parfaitement sincères quand il la croisait, et lui déposait un baiser sur la joue en guise de bonjour le matin – seulement dans la salle commune de Gryffondor, et jamais dans la Grande salle –, mais il ne voulait pas que cela soit tout de suite trop sérieux entre eux. Il sentait que s’il se montrait dès maintenant avec Ginny, elle serait en danger. Il préférait que les choses aillent progressivement.
Mais Ginny, elle, ne semblait pas du tout vouloir éviter Harry, ce qui rendait les choses d’autant plus difficiles. Bien au contraire, elle proposa plusieurs fois à Harry de faire leurs devoirs ensemble, mais ce dernier refusa, prétextant toujours qu’il avait déjà prévu de les faire avec ses amis. Pourtant, ceux-ci étaient tout disposés à laisser Harry et Ginny en paix.
Ron ne comprenait pas pourquoi ils ne se rapprochaient pas plus.
- Tu devrais y aller franchement, si tu veux sortir avec elle, conseilla-t-il vivement pendant le petit déjeuner, le samedi matin. En plus, elle a l’air tout à fait d’accord.
- Arrête de l’ennuyer avec ça, dit Hermione, mécontente, qui regardait malgré tout Harry avec inquiétude. On dirait que tu veux à tout prix caser ta sœur avec quelqu’un que tu connais.
Ron voulut répliquer mais il changea d’avis. Il venait lui aussi de remarquer la mine maussade de son meilleur ami.
Quand ils eurent engloutis leurs œufs au bacon, Harry, Ron, Hermione et Neville sortirent de la Grande Salle puis du Hall d’Entrée et s’arrêtèrent devant le portail de Poudlard.
- Ca alors… dit Neville, impressionné. Regardez !
Minerva McGonagall les attendait devant une immense calèche noire à laquelle était attelée une demi-douzaine de Sombrals, sortes de chevaux noirs et squelettiques pourvus d’ailes semblables à celles de chauve-souris. Sur la porte de la calèche étaient gravées les armoiries de Poudlard : le lion d’or sur un fond rouge de Gryffondor, le blaireau noir sur un fond jaune de Poufsouffle, l’aigle de bronze sur fond bleu de Serdaigle et enfin le serpent d’argent sur fond vert de Serpentard.
- Bonjour, Harry, dit la directrice. Bonjour, Ronald, Hermione, Neville. Le reste de l’Ordre du Phénix est déjà à l’intérieur, nous n’attendons plus que vous.
Ils montèrent tous les cinq dans la délégation de Poudlard. Harry, qui s’était toujours demandé à quoi pouvait bien ressembler un carrosse géant comme celui de Beauxbâtons, découvrit une magnifique salle – petite pour une salle mais énorme pour un intérieur de calèche – au sol couvert d’une moquette noire et remplie de fauteuils de velours rouge à l’aspect confortable, un peu comme dans la salle commune de Gryffondor. Mais le plus incroyable dans cette salle, c’était le plafond. Tout comme dans la Grande Salle, on aurait dit que la calèche était à ciel ouvert. Le ciel gris reproduit par le toit magique était la copie conforme de ce qu’ils avaient pu voir dehors.
- Bonjour, mon chéri, dit Mrs Weasley se levant de son fauteuil quand ils entrèrent.
Elle serra son fils dans ses bras, ainsi que Harry, Hermione et Neville.
- Comment va Ginny ? demanda-t-elle, inquiète.
- Très bien, Maman, la rassura Ron.
Ils serrèrent la main de Mr Weasley et des autres membres de l’Ordre. Harry se désola en voyant Tonks. Elle paraissait moins jeune que jamais, avec ses cheveux couleur souris et sa mine d’enterrement – mais après tout, pensa-t-il, c’était de rigueur en la circonstance. Elle rappelait d’autant plus la mort de Lupin que, comme lui, elle avait l’air de commencer à vieillir trop tôt.
Le quatuor et la présidente de l’Ordre s’installèrent dans les fauteuils. Immédiatement, Harry sentit une violente secousse qui ne dura qu’une fraction de seconde : les Sombrals avaient décollés, entraînant la délégation avec eux. Ils s’envolaient pour Londumor.
Le voyage dura près d’une heure. Au bout de quarante-cinq minutes, ils quittèrent la Grande Bretagne et filèrent vers l’Océan Glacial Arctique. Encore dix minutes et ils aperçurent une île. Elle était entourée d’une gigantesque muraille de pierre.
Les Sombrals les déposèrent au pied de l’édifice, devant un grand portail noir en acier. Harry eut alors une immense surprise quand il aperçut à quelques mètres d’eux un homme barbu, vêtu d’un manteau en peau de taupe, qui devait mesurer au moins trois mètres quarante. Ils sortirent de la calèche et Harry eut la confirmation de ce qu’il pensait. Il ressentit alors une joie telle qu’il n’en avait pas connue depuis longtemps.
- Hagrid ! s’exclama-t-il.
Il se précipita vers le demi-géant. Ce dernier fit mine de vouloir étreindre Harry, mais un vieil homme à l’allure sévère s’interposa.
- Pas de contact physique avec le prisonnier, dit-il de sa voix grave et morne.
Harry s’arrêta. Ron, Hermione et Neville le rejoignirent.
- Bonjour, vous quatre, dit Hagrid en s’efforçant de sourire, ça me fait plaisir de vous revoir.
- A nous aussi, Hagrid, assura Hermione avec un regard inquiet, ça nous fait très plaisir de vous revoir ! Vous nous manquez terriblement à Poudlard.
- Bah ! Je suis certain que Wilhelmina est un excellent professeur et garde-chasse.
- Vous avez parfaitement raison, mais à nos yeux, vous êtes bien plus qu’un professeur ou un garde-chasse, Hagrid, dit McGonagall, qui s’était avancée.
- Comment avez-vous fait pour venir ici ? s’intrigua Ron.
- Minerva a réussi à m’obtenir une autorisation spéciale du ministre de la magie pour que je puisse assister à l’enterrement de Maugrey, répondit Hagrid avec un sourire bienveillant pour la directrice. Pauvre Alastor… Les meilleurs n’arrêtent pas de nous quitter, soupira-t-il.
- Vous êtes bien traités, à Azkaban, Hagrid ? demanda Harry en jetant un regard féroce au gardien qui le surveillait.
- Oui, ça peut aller, répondit Hagrid. Je suis nourri convenablement. Certes, c’est un peu sombre…
- Ce n’est pas pour rien que vous êtes en prison, lança méchamment le vieux gardien.
- Et ce n’est pas pour rien qu’il en sortira, répliqua froidement Neville.
L’homme antipathique eut un rire glacial.
- … mais sans les Détraqueurs, c’est comme si j’étais au paradis, comparé à la dernière fois, acheva Hagrid, mal à l’aise.
Il frissonna. Harry fut vaguement surpris. Il avait presque oublié que Hagrid avait déjà dû passer plusieurs mois à Azkaban près de cinq ans auparavant, cette fois encore pour sauver les apparences au ministère.
Une vieille sorcière fit entrer l’Ordre du Phénix et le gardien d’Azkaban, qui surveillait toujours son prisonnier avec des yeux de chacal. Ils pénétrèrent dans une salle sombre et froide, éclairée par des torches bleues qui semblaient glacer l’air plutôt que de le réchauffer. Il y avait déjà une foule de mages et de sorcières, réunis en petits groupes absorbés par leur conversation. Tandis que les autres se mêlaient à la foule pour retrouver des connaissances, Harry, Ron, Hermione, Neville, Hagrid et le gardien attendirent en silence. Environ une demi-heure plus tard, la délégation du ministère de la magie arriva à son tour, constituée d’Aurors et de hauts responsables, dont Rufus Scrimgeour lui-même. Ce dernier repéra immédiatement Harry qui lui lança un regard noir.
Après quelques instants, le ministre s’éclaircit la gorge, et le bruit de la conversation, qui s’était déjà atténué, s’estompa totalement.
- Mes chers amis, si nous sommes réunis aujourd’hui, c’est pour rendre hommage à un homme, un très grand sorcier : Alastor Maugrey, déclara Scrimgeour. Je vous demande de rejoindre le cimetière où la cérémonie des funérailles va bientôt commencer.
La foule se regroupa en file indienne et la vieille sorcière qui leur avait ouvert alla déverrouiller une double porte, qui donnait sur l’intérieur de Londumor. Ils se retrouvèrent alors à l’air libre, mais les nuages masquaient encore le soleil, et la brume avait réapparu, plus dense que jamais. Ils marchèrent le long d’une allée. De part et d’autre, des centaines de rangées de pierres tombales de toutes les sortes s’alignaient à perte de vue, chacune gravée du nom de sorciers morts parfois depuis des siècles. L’endroit était vraiment sinistre. Harry avait l’impression de respirer la mort elle-même. Il ressentait une étrange mélancolie, comme s’il n’avait plus envie de rien, comme s’il n’y avait plus de joie en ce monde… Et il voyait la même expression sur les visages qu’il apercevait.
Les dizaines de personnes qui étaient venues assister à l’enterrement stoppèrent soudain la marche. Ils étaient apparemment arrivés au centre de l’île, devant une rangée d’honneur, réservée à ceux qui avaient combattu ou avaient aidé à combattre les forces du Mal. Sur une table, était déposé le cercueil d’Alastor Maugrey.
Soudain, une centaine de chaises apparut, et tout le monde s’assit, tout le monde sauf une dizaine d’hommes et de femmes à la mine sombre et au teint pâle, qui devait travailler au cimetière, et le ministre de la magie, qui se plaça sur une estrade, à gauche du corps de Maugrey, en face de tous ceux qui souhaitaient rendre hommage à l’ex-Auror.
Cette fois-ci, Rufus Scrimgeour fit son véritable discours, un long et ennuyeux rappel de toutes les qualités de combattant et d’enquêteur de Maugrey Fol Œil, et de son fabuleux parcours en tant qu’Auror, ainsi que la fougue exemplaire qu’il avait manifestée pour lutter contre Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. Il raconta également comment le célèbre Auror l’avait accueilli à son arrivée au ministère, en citant quelques anecdotes avec un léger sourire faussement ému. D’autres mages et sorcières se levèrent et parlèrent à leur tour, et Harry faillit s’endormir – d’ailleurs, certaines personnes s’étaient endormies pour de bon.
Ils s’éveillèrent toutefois quand vint le moment de la mise en terre. Les croquemorts-sorciers levèrent leur baguette et murmurèrent « Locomotor Barda ». Le cercueil de bois s’éleva alors lentement dans les airs et se posa délicatement au fond d’un trou qui avait été préalablement creusé. Tout le monde se leva et chacun leur tour, les membres du cortège funéraire prirent une poignée de terre qu’ils jetèrent dans le trou, sur le cercueil.
Lorsqu’il eut lâché sa propre poignée de terre, Harry, qui avait toujours cet étrange vide d’émotion, fut soudain en alerte. Il venait de sentir de légers picotements le long de sa cicatrice, mais ils avaient cessé aussitôt. Que cela signifiait-il ?
Les funérailles touchaient à leur fin. Scrimgeour reprit la parole :
- Chers amis, je vous propose de rejoindre l’antichambre de Londumor pour…
Il s’interrompit. Un bruit d’air déplacé avait attiré l’attention de tout le monde, comme si un gigantesque oiseau se déplaçait dans le ciel. En plus de cela, le froid s’était fortement accentué…
Harry, comme tous les autres, leva la tête, et ce qu’il vit fit tomber son cœur tout au fond de sa poitrine. Dans le ciel, une masse noire était passée au-dessus de la muraille de pierre : une armée de Détraqueurs descendait vers eux. Immédiatement, des sorciers du ministère sortirent leurs baguettes magiques. Certains poussèrent des cris de terreur et s’enfuirent à toutes jambes. D’autres, comme tous les membres de l’Ordre du Phénix, dégainèrent à leur tour leurs baguettes.
- Rejoignez l’antichambre ! hurla Scrimgeour, paniqué.
Il voulut rester pour se battre aux côtés des Aurors, mais ceux-ci le convainquirent avec beaucoup de difficultés de se mettre en sécurité. D’autres sorciers du ministère voulurent emmener Harry, Ron, Hermione et Neville, mais ils refusèrent tout net. Ils faisaient partie de l’Ordre du Phénix ; ils étaient prêts à se battre.
Comme une goutte d’eau, la masse des Détraqueurs, une fois parvenue à leur niveau, s’étira au-dessus de la surface de Londumor. Les créatures fondaient sur tout ce qui bougeait. Ceux qui tentaient de s’enfuir poussaient des cris désespérés avant de tomber à terre, complètement impuissants.
C’était la panique totale, les sorciers du ministère, sensés protéger la foule, tombaient eux aussi. Les Aurors tenaient un peu plus longtemps, produisant de minces filets argentés, mais on voyait sur leurs visages disparaître toute trace de combativité.
- Spero Patronum ! hurla Harry, tandis que trois Détraqueurs l’encerclaient. SPERO PATRONUM !! !
Mais rien ne se produisit. Il scanda de toutes ses forces la formule du sortilège du Patronus mais rien n’apparaissait, pas même un petit filet d’argent.
Il ne parvenait pas à penser à quelque chose d’heureux, rien ne lui venait à l’esprit. A l’instant même où il avait mis les pieds dans ce cimetière, il en avait été incapable…
Un des Détraqueurs lui saisit les deux bras, et se rapprocha. C’était pire que tout, il sentait de la glace se répandre dans tout son corps…
Il tenta de toutes ses forces de penser à quelque chose d’heureux, mais c’était le vide total… Il regardait partout autour de lui, et ne vit que la désolation, plus aucune joie, le monde entier avait sombré dans la mort…
Il entraperçut Neville… puis Ron et Hermione, côte à côte… Ils sombraient eux aussi… Non, il ne pouvait pas les laisser tous perdre leur âme, pas ces dizaines d’innocents d’un coup, pas Ron et Hermione… Pas les Weasley… Et Ginny…
Il eut la vision de son visage, de ses cheveux flamboyants, et le Détraqueur n’était plus qu’à un centimètre… Sa vigueur, sa vivacité, son caractère bien trempé… Il y avait encore de belles choses en ce monde, en dehors de ces murs, il ne devait pas les oublier… Toutes les fois où il avait pu s’amuser avec ses amis, rire avec Fred et George, passer du temps avec Ginny…
Il sentait une force nouvelle, une merveilleuse chaleur se répandre en lui, en repensant aux derniers moment qu’ils avaient passés ensemble, mardi dernier… mais aussi lundi, avant la botanique, et samedi, à l’infirmerie… Il devait se battre ! Il n’avait pas le droit de laisser tous ces gens mourir, d’ailleurs, il n’avait pas le droit de mourir lui-même, il avait encore trop de chose à faire.
Retrouvant toute son énergie, Harry donna un coup de genou dans le ventre de la créature, et se dégagea. Brandissant sa baguette magique vers le ciel, le cerveau rempli des souvenirs de tous les moments heureux passés avec ses amis – avec Ginny –, il s’ecria à pleins poumons :
- SPERO PATRONUM !! !
Ce ne fut pas un simple filet de vapeur qui apparut alors, ni un cerf – ni même sept cerfs –, mais un vol constitué de plusieurs centaines de chauves-souris étincelantes. Dans une totale incompréhension, mais avec une détermination à toute épreuve, Harry ordonna aux Patronus de monter, puis leur fit signe de redescendre, et tout comme les Détraqueurs, la nuée argentée s’étala sur la surface du cimetière et les anciens gardiens d’Azkaban, impuissants à leur tour, s’envolèrent et quittèrent l’île.
Harry ressentit alors une joie intense. Il les avait sauvés…
Mais il ne comprenait pas… Son Patronus n’était pas sensé prendre l’apparence d’un chauve-souris… et il n’était certainement en le pouvoir d’aucun sorcier en ce monde de produire un centuple sortilège, encore moins un Patronus…
Soudain, une voix parla dans sa tête.
« Il existe une pièce, au Département des mystères, qui reste toujours verrouillée. Elle contient une force à la fois plus merveilleuse et plus terrible que la mort, que l’intelligence humaine, que les forces de la nature. Peut-être est-ce aussi le plus mystérieux des nombreux sujets d’étude qui se trouvent là-bas… »
Il se rappelait les paroles de Dumbledore, plus d’un an auparavant…
« … En définitive, il n’était pas très important que tu ne saches pas fermer ton esprit. C’est ton cœur qui t’a sauvé. »
Son cœur… Ginny… Elle savait jeter de très puissants sortilèges de Chauve-Furie…
Oui, c’était cela. Ce n’était pas un centuple Patronus-chauve-souris qu’il avait créé, mais un unique Patronus-Chauve-Furie, à l’image de Ginny…
Il vit des gens bouger autour de lui. Ils avaient l’air sains et sauf.
26
Chez Barjow & Beurk
Après la raclée qu’il lui avait mise sur le terrain de Quidditch, Nott s’était tenu à distance de Harry, mais quand il croisait son regard, il y voyait toujours cet air goguenard, malsain, et extrêmement désagréable. Mais maintenant, Théodore Nott semblait plutôt inquiet, et montrait la plus grande prudence lorsqu’il était contraint à s’approcher de Harry pendant les cours. Ce dernier s’en rendait compte pour une raison toute simple : il n’y avait plus la moindre trace de provocation dans le comportement de Nott, ni dans celui d’aucun des Serpentard qui avaient l’habitude de se moquer de lui. Hermione lui avait même rapporté qu’elle avait de plus en plus de mal à déceler des indices laissant penser que certains élèves de Poudlard auraient été maltraités. Harry ne savait pas s’il devait considérer cela comme une bonne nouvelle ou comme le signe que Nott parvenait à continuer ses manigances sans se faire remarquer, ce qui aurait été un point très négatif pour eux. En tout cas, cela ajoutait un appui supplémentaire à leurs hypothèses.
Mais c’était loin d’être le seul changement à Poudlard. Si les dires de Hagrid selon lesquels Harry Potter aurait repoussé les Détraqueurs de Pré-au-Lard avec sept Patronus étaient passés pour les délires d’un malade sujet aux hallucinations aux yeux du ministère de la magie et de la Gazette du Sorcier, plusieurs dizaines de témoins – ceux qui n’avaient pas été complètement évanouis – avaient affirmé que Harry Potter avait chassé des centaines de Détraqueurs à lui tout seul, sauvant ainsi l’âme de près de cent mages et sorcières.
Autrefois, Harry avait été admiré pour ses exploits au Quidditch ou toutes les rumeurs sur ses confrontations avec Lord Voldemort, mais jamais pour un fait à la fois irrévocable et d’une telle ampleur. Désormais, il était considéré comme un héros à la hauteur des sorciers les plus célèbres, et non plus comme un enfant très chanceux qui avait su se montrer très courageux pour son âge.
Quand les personnes les moins affaiblies étaient parvenues à se relever, un escadron de guérisseurs de Ste Mangouste avait été appelé d’urgence. La Gazette du Sorcier avait été informée et avait pu se rendre sur les lieux. Devant une Rita Skeeter surexcitée – cela faisait un an qu’Hermione l’avait de nouveau autorisée à écrire, mais elle avait préférée s’en prendre au ministère plutôt qu’à Harry –, Gawain Robards, le directeur du Quartier général des Aurors, avait déclaré que Elu ou pas, Harry Potter était de toute évidence un des plus grands sorciers de ce temps et que si jamais il avait l’ambition de devenir Auror, il serait sans doute pour quelque chose dans la disparition de Voldemort. Juste avant de repartir avec le reste de la délégation ministérielle, à la fin de la journée, Robards avait pris Harry à part pour lui promettre qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir afin de lui obtenir l’Ordre de Merlin, première classe.
A son retour à Poudlard, pendant le dîner, tout le monde avait fait silence, puis le murmure des conversations avait repris, mais un peu trop discrètement. Harry s’était demandé s’ils n’étaient pas en train de parler de lui. Le dimanche matin, le professeur McGonagall avait demandé aux élèves de féliciter chaleureusement celui qui avait empêché la directrice et trois autres élèves de Poudlard de perdre leur âme. Tous les élèves avaient alors applaudi Harry – même les Serpentard, sauf qu’eux ne semblaient pas réjouis – qui eut l’impression que l’on avait allumé deux bougies de part et d’autre de ses joues.
Pendant la réunion de l’Ordre, le soir même, on lui avait fait une véritable ovation avant d’entamer une discussion très sérieuse sur ce qui était arrivé. Apparemment, le ministère de la magie était en crise : en principe, Londumor était entouré d’une protection magique à qui aurait dû prévenir l’arrivée des Détraqueurs dix kilomètres à la ronde et donc à temps pour empêcher ce qui aurait bien pu donner un désastre semblable à celui de Pré-au-Lard.
- Il semblerait que les effets de la multiplication des Détraqueurs dans l’atmosphère aient été volontairement accentués dans la région de Londumor, avait déclaré Kingsley.
- C’est pour ça qu’on était tous… vidés ? avait demandé Harry.
- Sûrement. En tout cas, Robards est inquiet. Dépressifs ou pas, on aurait dû détecter l’arrivée des Détraqueurs…
En sortant de la Salle sur Demande, McGonagall avait pris Harry à part :
- Je me suis creusé la tête pour trouver une récompense à la hauteur de ce que vous avez fait, Harry, mais rien ne vaut une âme, alors quatre-vingt-quatre ! J’ai pensé que trois cents points pour Gryffondor ainsi qu’une médaille pour service rendu à l’école pourraient vous faire plaisir, faute de pouvoir faire quelque chose à la hauteur.
Et comprenant sûrement que Harry, déjà extrêmement gêné du respect profond qu’il inspirait maintenant parmi tous les élèves de Poudlard – et même parmi les professeurs –, ne parvînt pas à faire sortir le moindre son de remerciement de sa bouche, la directrice était repartie vers son bureau avec un de ses rares sourires. Harry avait ensuite dû subir les plaisanteries de Fred et George, qui après avoir applaudi leur sauveur comme les autres, se sentaient sans doute en droit de se moquer de lui à nouveau.
Harry ne savait pas s’il devait ou non être content que quelqu’un ose enfin montrer pour lui autre chose que de l’admiration.
- Oh allez, Harry, ressaisis-toi, lui dit un jour Hermione, secouée d’un fou rire sur un canapé de la salle commune. Tu es devenu un héros national, assume-le. Et entre nous, ajouta-t-elle en retrouvant son sérieux, ça fait déjà trop longtemps que tu mérites cet Ordre de Merlin.
- Quoi ?. .. s’étonna Harry, plus écarlate que jamais.
- Je t’en prie ! s’impatienta Hermione. A l’âge de onze ans, tu as empêché le retour de Voldemort ; un an plus tard, tu as empêché l’esprit de son journal de prendre toute la force vitale de Ginny, ce qui revenait à empêcher un second Voldemort de faire son apparition ; en quatrième année, tu as réussi à t’échapper de ce cimetière – même si tu as eu beaucoup de chance de t’en sortir vivant, tu as montré un très grand courage – et tu as pu prévenir le monde des sorciers du retour de Voldemort. Et maintenant, tu as sauvé près d’une centaine de personnes en chassant à toi tout seul plusieurs centaines de Détraqueurs. Si tout ça ne vaut pas l’Ordre de Merlin, première classe, alors rien ne le vaut !
Il y eut un silence.
- Hermione a raison, finit par dire Ron sur un ton parfaitement sérieux. Tu le mérites largement.
- Oui, si le ministre décide de te faire un honneur pareil, tu devrais accepter, Harry, assura Neville. Pour une fois qu’il aura l’occasion de faire quelque chose de bien…
Harry eut un sourire timide, mais il ne répondit rien.
Le mois de décembre arriva et amena avec lui un temps plus glacial que jamais. La neige tombait à longueur de journée, et le lac s’était couvert d’une glace tellement solide que l’on pouvait marcher sans crainte sur sa surface. Au bout d’une semaine, Harry n’avait toujours pas entendu parler de son Ordre de Merlin, mais il s’en moquait. Au contraire, il s’en sentait soulagé, car il ne supportait pas d’être ainsi au centre de toutes les conversations.
Il avait toujours aimé couvrir Gryffondor de gloire, et lui-même par-dessus le marché, mais pour prouver qu’il était autre chose que « Le Survivant », ou « L’Elu ». Mais ce qu’il avait fait à Londumor, bien qu’il ait été très heureux, sur le coup, d’être parvenu à sauver ses amis, l’Ordre, et tous ces gens, ne faisait que renforcer sa légende, et la Gazette du Sorcier avait relancé toutes ces rumeurs sur une prophétie qui l’aurait désigné comme étant le seul être capable d’éliminer Lord Voldemort. Ce n’était pas tant le fait d’être reconnu comme tel – il savait qu’il n’y pouvait rien, que cette image lui collerait toujours à la peau – que ces murmures sur son passage, qui l’avaient accompagné pendant toute sa scolarité, qui l’ennuyaient et le gênaient profondément.
Ces murmures ne l’avaient jamais totalement quitté, et il s’y était habitué. Heureusement, les conversations à son sujet s’atténuaient peu à peu et reprenaient leur intensité coutumière, bien qu’il continuait à être craint par les Serpentard et respecté par les autres. Du moins, il espérait que ce qu’il inspirait aux autres Gryffondor, Poufsouffle et Serdaigle n’était pas de la peur…
Les leçons d’Abelforth s’étaient poursuivies, mais pour l’instant, il leur apprenait seulement à augmenter la maîtrise et la puissance des sortilèges qu’il leur avait déjà enseignés.
- Quand nous aurons terminé notre fignolage, avait-il dit le dernier vendredi de novembre, à minuit passé, je vais vous enseigner un sortilège très puissant. Voilà pourquoi il faut que nous continuions ce que nous faisons actuellement.
Maintenant que ses joues n’étaient plus écarlates du fait de sa nouvelle renommée mais bien à cause de l’air glacial, Harry repensait de nouveau à son principal objectif : retrouver la coupe de Poufsouffle. En réalité, il ne pouvait pas réellement prétendre que pour lui, Ginny était secondaire : cela signifierait nier son Patronus, et par la même occasion la raison pour laquelle tout le monde le regardait depuis l’enterrement de Maugrey.
Mais il n’osait plus vraiment lui parler depuis ce jour-là. Il se sentait trop gêné en sa présence, car il savait qu’il ne parviendrait pas à aller aussi lentement qu’il l’aurait voulu. Cela n’était pas sans conséquences : Ginny se montrait de plus en plus froide avec lui, et ses propositions pour faire leurs devoirs ensemble se raréfiaient. Harry savait que petit à petit, ils s’excluaient chacun de la vie de l’autre, et que leurs rapports seraient de plus en plus glacials au fil du temps…
Il essayait cependant de ne pas trop y penser, et se concentrait donc sur la tâche d’arracher les informations dont il avait besoin à Zacharias Smith, car il voyait que ses recherches à la bibliothèque ne lui apporteraient sûrement pas le renseignement qu’il recherchait : Hermione, qui connaissait pourtant la bibliothèque comme sa poche, n’avait rien pu dénicher à propos d’une famille Smith qui aurait descendu d’Helga Poufsouffle ou qui aurait comporté une Hepzibah.
- Nous n’avons plus le choix, Harry, nous devons forcer Smith à parler, avait dit la jeune femme.
Harry tentait toujours de prendre Smith à part à l’entrée ou à la sortie des cours, de la Grande salle, et même du souterrain qui menait à la salle commune des Poufsouffle, mais celui-ci se débrouillait à chaque fois pour être entouré d’une troupe épaisse d’autres élèves de sa maison ou pour être hors de vue avant que Harry n’ait eu le temps de prononcer le moindre mot. Ce dernier ne le voyait jamais pendant les repas, ce qui lui laissait penser que Smith faisait exprès de manger à des heures différentes des siennes. Pendant la réunion de l’Ordre du premier dimanche de décembre, Harry demanda l’aide du professeur McGonagall.
- Vous voudriez que je le convoque ?
- Vous en avez le droit, non ? dit précipitamment Harry, inquiet.
- Bien sûr que j’en ai le droit ! assura McGonagall, choquée qu’il ait l’audace d’en douter. Mais si je convoque un élève pour lui soutirer des informations personnelles, je prendrai un très gros risque, Harry. Harold Smith – le père de Zacharias – est un homme très influent qui a toujours protégé les secrets de sa famille, quel qu’en soit le prix. Il était autrefois directeur du service des usages abusifs de la magie, et a depuis peu pris les fonctions de Sous-secrétaire d’état auprès du ministre.
Harry mit un certain temps à assimiler la nouvelle. Ron, Hermione et Neville avait ouvert de grands yeux.
- Professeur, vous êtes en train de nous dire qu’Ombrage a été renvoyée ? demanda Hermione.
- En effet, Hermione, répondit la directrice. Dolores est en attente de son procès.
- Pourquoi cela ? s’étonna Harry.
- Comment ça, pourquoi ? répéta McGonagall, les sourcils levés. Il me semble que jeter un sortilège Impardonnable sur un patient de Ste Mangouste est un motif suffisant.
- Vous voulez dire… On m’a cru ?
- Oui, Harry, on vous a cru, dit la présidente avec l’ombre d’un sourire. Rufus est certes un très mauvais ministre – vous en conviendrez – mais au moins, il n’est pas fou comme l’était Fudge.
- Mais si la Sous-secrétaire d’état était renvoyée et accusée d’avoir jeté un sortilège Impardonnable, ça aurait fait du bruit, non ? observa judicieusement Ron.
- Pas si Scrimgeour fait taire la Gazette, dit Hermione avant McGonagall.
- Vous avez tout compris, Hermione. Revenons-en à Mr Smith, si vous le voulez bien. Je suis désolée, Harry, mais je ne peux décemment pas le convoquer, déclara McGonagall.
Comprenant qu’il ne servait à rien d’insister, il acquiesça.
- Merci quand même…
Dans le couloir du septième étage, les jumeaux rattrapèrent Harry, Ron, Hermione et Neville.
- Alors, Harry, tu as déjà oublié notre cadeau ? dit Fred.
- Comment ?
- On est très déçu, Harry, dit George avec son habituel sourire malicieux, on pensait que toi, tu n’oublierais pas que tu as le moyen de suivre quelqu’un à la trace…
- … et de ne pas être vu, ajouta Fred. A la semaine prochaine, les jeunes !
Et ils repartirent en direction du Hall d’Entrée.
Harry décida de suivre les conseils des jumeaux.
Le lendemain matin, il rangea une cape argentée et un vieux bout de parchemin vierge dans son sac et descendit avec les autres septième année au cours de défense contre les forces du Mal. A la fin du cours, Smith s’arrangea encore une fois pour échapper à Harry, mais cette fois, il avait un autre moyen de le retrouver. Il s’enferma dans une salle de classe vide et sortit la cape et la feuille de son sac. Il tapota légèrement le parchemin vierge et murmura : « Je jure solennellement que mes intentions sont mauvaises. » La carte du Maraudeur révéla alors le plan magique de Poudlard.
Il chercha d’abord la salle dans laquelle il se trouvait, au deuxième étage. Il la trouva et vit au milieu un minuscule point ainsi qu’une étiquette qui indiquait : « Harry Potter ». Il ne mit pas beaucoup de temps pour localiser Smith : il avait déjà rejoint sa salle commune. Harry poussa un soupir de rage mais se ressaisit : si son hypothèse se vérifiait, Zacharias Smith allait bientôt ressortir pour se rendre à la bibliothèque. Elle se vérifia en effet, mais il aurait dû le prévoir : il n’était pas seul. D’autres étiquettes montraient que Hannah Abbot, Justin Finch-Fletchley, Ernie Macmillan et Susan Bones accompagnaient leur camarade. Les septième année de Poufsouffle grimpaient l’escalier de marbre ; Harry estima qu’il était temps de passer à l’action.
Il s’enveloppa de la cape d’invisibilité et sortit de la salle de classe. Comme prévu, ses trois complices se tenaient autour de l’encadrement de la porte, en train de faire le guet.
- C’est bon, murmura-t-il, merci.
Il monta au quatrième étage, en prenant garde de ne pas révéler sa présence par un quelconque bruit ou contact. Les Poufsouffle arrivaient déjà par un autre couloir. Il devait isoler Smith avant qu’il n’entre dans la bibliothèque. Connaissant bien les personnes qui l’entouraient, il se dit qu’il n’aurait aucun mal pour parvenir à ses fins…
« Tarentallegra » pensa-t-il en visant les pieds de Smith avec sa baguette. « Finite » se dit-il à peine une seconde plus tard.
Zacharias Smith tomba en arrière, donnant l’impression de s’être pris les pieds dans sa robe.
- Attendez…, commença-t-il.
Mais apparemment, Ernie et le reste de sa bande n’avaient aucunement l’intention de rester en compagnie du Capitaine de leur équipe de Quidditch. Celui-ci se retrouva donc seul dans le couloir. Harry s’approcha et fit jaillir de faibles mais très bruyantes étincelles de sa baguette magique, devant un Zacharias Smith complètement abêti.
L’opération eut l’effet escompté et malgré de vaines tentatives pour faire comprendre qu’il n’avait même pas sorti sa baguette, Smith fut chassé à coup de plumeau par Mrs Pince. Harry le suivit, vérifia que personne ne pouvait le voir et enleva la cape qu’il rangea dans sa poche.
Puis il rattrapa Smith. Ce dernier voulut s’enfuir mais Harry le menaçait de sa baguette.
- Tu n’iras nulle part tant que nous n’aurons pas…
- Impedimenta !
Surpris par l’attaque soudaine de Smith, Harry s’écroula, tous ses membres engourdis par le sortilège d’Entrave. Il se releva péniblement et regarda autour de lui, mais son agresseur imprévu avait déjà quitté les lieux.
Harry passa à la vitesse supérieure.
Ainsi, lui, Ron, Hermione et Neville (il était hors de question de renouveler seul l’expérience désagréable du maléfice d’Entrave) firent chaque jour au moins trois tentatives pour surprendre Zacharias Smith dans un coin désert ; mais leur cible se débrouillait toujours pour leur échapper avant qu’ils ne puissent le prendre à part, et semblait désormais être en permanence à l´affût de la moindre attaque.
- On y arrivera jamais ! s’exclama Ron.
La semaine touchait à sa fin, et Smith venait encore une fois de leur filer entre les doigts, alors qu’ils avaient failli le surprendre au beau milieu des toilettes pour garçons du deuxième étage, un peu avant le cours de défense contre les forces du Mal.
- Sortons, murmura Neville. Il ne faut pas qu’on surprenne Hermione ici…
Ils se dirigèrent vers la salle d’Abel.
- Il faut trouver un moyen plus sûr de le coincer, dit Ron.
- Tu penses vraiment qu’il y a trente-six solutions ? ironisa Harry.
- En tout cas, une chose est certaine : on ne peut pas continuer comme ça, déclara Hermione, parce que même si par miracle on finit par le forcer à parler avec nous, on va se faire remarquer bien avant et on passera pour…
- … des types du même style que Nott, acheva amèrement Harry. Je le sais bien, mais je ne vois pas trop qu’est-ce qu’on pourrait faire d’autre. Si on essaye de lui parler calmement, il ne voudra jamais nous écouter !
- Et si nous y allons par la force, il voudra encore moins, et on ne gagnera qu’une réputation de Serpentard, répliqua Ron. Et s’il y a bien une chose pour laquelle je ne voudrai jamais qu’on me prenne, c’est un Serpentard…
- Mais McGonagall refuse de le convoquer ! rappela Harry, énervé par son sentiment de tomber sur une impasse.
Ils parlaient à voix très basse à présent, car ils étaient arrivés devant la salle de cours, et d’autres élèves de septième année se trouvaient à quelques mètres d’eux.
- J’ai une idée ! chuchota Ron. Tu n’as qu’à demander à ses soi-disant amis d’arranger le coup. Tu m’as bien dit que c’était lui qui les collait et qu’ils l’avaient laissé tomber avant qu’il ne te jette un sort, l’autre jour ?
- Oui…, répondit sombrement Harry, mais je te parie qu’il trouvera un moyen de se défiler, comme d’habitude…
Il s’interrompit. Abelforth venait de s’arrêter à côté d’eux pour ouvrir la porte de sa salle.
- Quand je pense qu’on se donne tout ce mal alors qu’il est possible que Smith nous cache un secret de famille idiot et sans importance… marmonna-t-il.
Ils entrèrent.
- Bonsoir, dit Abel. J’espère que vous m’avez tous écrit quelque chose de convenable sur les Moremplis. Je vous rappelle que Miss Granger, Mr Goldstein et Mr Potter ont été les seuls à obtenir la moyenne à leur dernier devoir, alors j’espère que vous avez fait des efforts, cette fois-ci. Mr Goldstein, veuillez ramassez les rédactions, s’il vous plaît.
Le préfet-en-chef s’exécuta.
- Le trimestre sur les créatures maléfiques est sur le point de se terminer, déclara le professeur. Lorsque nous aurons fini l’étude des plus redoutables créatures qui hantent notre monde, nous entamerons le deuxième trimestre, qui portera sur la magie noire.
Cette annonce fut suivie d’un silence pesant.
- Cela comportera les potions, les rituels et les sortilèges – bien que les sortilèges, au sens propre du terme, appartenant réellement à la magie noire ne soient qu’au nombre de deux – utilisés et pratiqués par les mages noirs. Nous allons ainsi entrer encore plus profondément dans la source du danger qui nous menace tous actuellement, ce qui est, je pense, très important.
Il marqua une courte pause ; chaque élève portait désormais toute son attention sur le professeur Abel, qui avait sorti sa baguette et l’agitait vers le tableau noir pour que les bases du cours de ce jour s’écrivent toutes seules.
- Mr Smith, Mr Potter, je souhaiterai vous parler à la fin du cours, annonça-t-il soudainement.
Harry fut extrêmement surpris, mais pas mécontent, contrairement à Zacharias Smith, qui ouvrait des yeux horrifiés.
A la fin du cours, les deux jeunes hommes se postèrent en face d’Abelforth. Lorsque tous les élèves furent partis, ce dernier joignit les doigts sur son bureau et les observa gravement.
- Harry, Zacharias, dit-il, je commence à en avoir assez de vous voir jouer au chat et à la souris depuis quelques jours. Je vous ai observé ces derniers jours et je constate que vous, Zacharias, refusez une collaboration qui permettrait d’aider à vaincre Lord Voldemort (Smith fit une horrible grimace).
- Mais…
- Silence ! Quant à vous, Harry, vous étiez prêts à user de votre baguette contre Mr Smith – j’ai noté la manière dont vous le harceliez.
- Mais, Monsieur…
- J’ai dit : silence !
Il les regarda tour à tour.
- Je retire vingt points à Gryffondor et à Poufsouffle.
Les deux élèves furent tellement choqués qu’aucun son de protestation ne parvint à sortir de leur bouche.
- Maintenant, je vous laisse régler vos différents, et j’espère que vos échanges seront plus « fructueux », car je ne vous ouvrirai que lorsque ce sera le cas.
Et sur ces mots fermes, il sortit. Il y eut un silence très pesant ; ni Smith, ni Harry n’ouvrit la bouche.
Au bout de trente secondes insoutenables, ce dernier craqua :
- Ca suffit, maintenant, Smith ! J’ai besoin que tu me dises ce que tu sais sur Hepzibah, j’ai vraiment besoin de savoir ce que tu sais sur la coupe qui a appartenu à Helga Poufsouffle, dit-il sans détour.
Smith pâlit fortement : apparemment, il avait visé juste.
- Je ne vois pas en quoi cette coupe pourrait t’aider, dit-il froidement.
- Ne t’inquiète pas pour ça, répliqua Harry. Moi, je vois parfaitement en quoi elle peut m’aider.
Ils se dardèrent mutuellement d’un regard noir.
- Pourquoi est-ce qu’Abel a dit que ça pouvait permettre d’aider à vaincre Tu-Sais-Qui ? finit par demander Smith.
- Parce que c’est vrai, répondit simplement Harry. Mais il ne vaut mieux pas que tu saches pourquoi, rajouta-t-il. Tu as bien dit que tu me souhaitais de ne jamais retrouver l’objet que je cherchais ? – et tu parlais bien de la coupe de Poufsouffle, non ? Qu’est-ce que ça veut dire, qu’elle est dangereuse ? Elle contient des maléfices, n’est-ce pas ? De la… magie noire ?
- Pourquoi tu me demandes ça ? interrogea Smith, à la fois méfiant et effrayé.
Il fit un pas en arrière.
- Parce que si j’ai raison, répondit Harry en avançant lui-même d’un pas, autant te rassurer tout de suite : je m’attendais à ce que la coupe soit ensorcelée. On peut même dire que c’est pour ça que je la cherche…
- Qu’est-ce que tu racontes ? Tu veux la coupe de la vieille pour pratiquer magie noire ? demanda Smith, terrifié.
- Certainement pas ! s’indigna Harry, prenant soudain conscience de l’air menaçant – et un peu trop convainquant – qu’il avait pris. Au contraire, je te dis qu’elle peut aider à… Bon, écoute, je ne peux pas tout te dire, mais je vais quand même te dire ça : la coupe avait sûrement déjà des pouvoirs avant, mais si elle contient de la magie noire, c’est parce que…
Il hésita. Mais après tout, d’après les réactions de Smith, il était sur la bonne voie, et il ne fallait pas laisser cette chance s’échapper.
Smith haussa les sourcils.
- C’est parce que Voldemort a volé cette coupe, finit par déclarer Harry. C’est lui qui a tué Hepzibah.
Pendant quelques secondes, Zacharias Smith parut étonné, mais cela ne dura pas longtemps. Il finit même par éclater d’un grand rire, au grand étonnement de Harry.
- Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, dit celui-ci.
- Tu racontes vraiment n’importe quoi, Potter, répondit Smith en s’essuyant les yeux. J’ai failli te croire !
- Je ne te mens pas ! assura Harry, irrité.
- Tu n’es vraiment qu’un… même si tu as dit la vérité sur Tu-Sais-Qui il y a deux ans, tu es quand même un manipulateur, un menteur ! Tu veux attirer l’attention sur toi avec tes histoires à dormir debout !
Complètement ahuri, Harry afficha un air de totale incompréhension.
- Hepzibah est morte en 1945 ! s’exclama Smith avec mépris. Et Tu-Sais-Qui est apparu au début des années soixante-dix ! Tu crois peut-être que je suis stupide à ce point-là ?
Ce fut au tour de Harry d’éclater de rire. Quel idiot…
- Et tu pensais peut-être que Voldemort n’existait pas avant 1970 ? questionna-t-il avec ironie. Tu penses qu’il a jailli du néant pour tuer sans raison ? Tu croyais qu’il en était à son coup d’essai, quand il a commencé à réunir les Mangemorts ? Désolé de te décevoir, mais Voldemort devait déjà avoir… la quarantaine, voire la cinquantaine, à cette époque. Il a commencé à tuer bien avant de se faire appeler Voldemort ! A une époque, il travaillait chez Barjow & Beurk, et il rendait visite à Hepzibah pour son travail !
Smith semblait complètement abasourdi.
- Comment est-ce que tu pourrais savoir tout ça ?…
- Ne t’occupe pas de ça, et dis-moi ce que tu sais sur cette coupe !
Smith se décida à répondre. Il paraissait bouleversé.
- Et bien… en fait, je ne connais pas tous les détails, mais… il faut dire que c’est une vieille histoire, je n’avais même pas un an, à l’époque…
« Pendant des dizaines d’années, la famille de mon père a recherché une coupe qui leur venait, paraît-il, d’Helga Poufsouffle, et qui avait appartenu à une vieille folle qui s’appelait Hepzibah… On disait qu’elle avait été empoisonnée par accident par son elfe et que depuis, personne n’avait jamais pu retrouvé la coupe… Mon père a cherché partout, dans les maisons que possédaient Hepzibah, dans des boutiques où elle aurait pu vendre la coupe, chez des amis à elle… Mais il n’a jamais rien trouvé.
« Quelques mois avant ma naissance, un certain Mr Barjow a essayé de faire affaire avec mon père, il lui disait qu’il avait quelque chose qui pouvait l’intéresser. Mais mon père n’aime pas la magie noire – c’est quelqu’un de respectable, assura Smith –, alors il refusait toujours de lui répondre. Mais Barjow a fini par convaincre mon père – pas pour acheter des objets illégaux, mais il savait que Hepzibah faisait des affaires avec l’ancien patron de la boutique. Il est donc allé chez Barjow & Beurk et… »
- Et quoi ? interrogea Harry.
- Et la coupe y était, répondit Smith, le teint plus pâle que jamais.
- Qu’est-ce que ton père a fait ? questionna Harry, surexcité.
- Il a voulu la reprendre à Barjow, il lui a dit que ça appartenait à sa famille et qu’il allait faire appel à la Brigade de Police magique… Mais Barjow répétait que Hepzibah lui avait vendu la coupe, alors ils ont fini par se mettre d’accord sur un prix « raisonnable ». Mon père a rapporté la coupe à la maison dans une boite et… mon grand-père l’a touchée… à mains nues.
Il marqua une pause.
- Et qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Harry, intrigué.
- Il est mort, répondit faiblement Smith. On m’a raconté que ses mains étaient toutes noires…
- Comment ?… Juste en la touchant ?…
- Oui. Mon père l’avait transportée dans une boîte que Barjow lui avait donnée, alors il n’a rien eu… Il a appelé…
Il s’interrompit.
- Qui a-t-il appelé ? interrogea Harry.
- Personne, répondit précipitamment Smith. De toutes façons, ça n’a aucune importance si tu veux retrouver cette coupe, puisque mon père l’a finalement rapportée au magasin.
- Tu veux dire qu’elle se trouve tout simplement chez Barjow & Beurk ? demanda Harry, stupéfait.
- Sauf s’il l’a revendue…
- D’accord…
Il se leva d’un bond ; il devait tout de suite en parler à Ron, Hermione et Neville – et à Abel.
Il était sur le point de sortir mais quelque chose le retint, un sentiment étrange. Il se retourna vers Smith, toujours assis sur sa chaise, dépité. Après tout, il avait fini par l’aider… Il se décida à marmonner :
- Merci… Zacharias.
Et il frappa à la porte pour qu’Abel la déverrouille.
- C’est aussi simple que ça ? s’étonna Neville, quelques minutes plus tard.
Lui, Ron, Hermione l’avaient attendu derrière la porte, et Harry venait de leur raconter, à Abel et à eux, l’histoire de Zacharias Smith. Ils s’étaient enfermés dans la salle de DCFM et Smith était reparti dans sa salle commune.
- C’était ça son grand secret ? dit Ron d’un ton dédaigneux. Je ne vois pas ce qu’il y avait de si extraordinaire.
- Son grand-père est mort, Ron ! s’exclama Hermione, outrée.
- Il ne l’a jamais connu ! répliqua son petit ami. Tu parles d’un grand secret de famille… Son père a acheté quelque chose chez Barjow & Beurk, et après ? Ca ne lui coûtait rien de dire que la coupe était là-bas, non ?
Harry avait encore des doutes à ce sujet, mais il ne dit rien. De toutes manières, cela ne le concernait pas…
- Nous, les humains, sommes des créatures diverses et parfois – je dirai même très souvent – très étranges, dit Abel d’une voix profonde. Mais ce qui compte, c’est que nous avons désormais une piste. Alors ? Nous attendons une décision de notre chef !
Harry sursauta puis rougit. Il lui paraissait extraordinaire qu’un professeur – surtout un bourreau de travail comme Abel – attende ses ordres.
- Et bien… je pense qu’on devrait aller chez Barjow & Beurk, annonça-t-il. Le plus tôt possible, ajouta-t-il. Pourquoi pas demain ?
- Je vais en parler à la directrice, dit Abelforth.
- Merci, professeur…
- Appelez-moi Abel.
- Merci Abel… Vous êtes d’accord ? demanda Harry en se tournant vers les autres.
Ils acquiescèrent. Ils paraissaient nerveux mais déterminés.
- Alors… demain, après le déjeuner. C’est plus simple, on sera déjà tous réunis, expliqua Harry, hésitant.
- Tout ceci m’a l’air parfait, assura Abel, tandis que les autres approuvaient une nouvelle fois. Mais maintenant que cette affaire est réglée, je redeviens le chef de groupe : c’est parti pour une nouvelle séance d’entraînement !
- Mais Abel…
- Je suis redevenu votre professeur, Ronald.
- Monsieur, nous n’avons même pas dîné… ! protesta Ron.
- On fera une pause tout à l’heure, coupa le professeur Abel.
Le lendemain, au petit déjeuner, Harry dut annoncer à son équipe que l’entraînement de Quidditch était repoussé à une date ultérieure.
- Mais pourquoi ? demanda Dean à voix haute.
- Ce ne sont pas tes affaires, répliqua le Capitaine. Enfin, bon… je dois aller quelque part, dit-il sur un ton d’excuse.
Ces derniers temps, il recommençait à bien s’entendre avec Dean, il valait donc mieux éviter de se montrer désagréable.
- Tu vas encore sauver le monde ? lança Jimmy Peakes.
Les Gryffondor assez proches pour comprendre la conversation éclatèrent de rire.
- Il ne croit pas si bien dire, marmonna Harry tandis qu’ils se dirigeaient vers le parc.
Ils s’arrêtèrent et s’allongèrent au pied du hêtre qui leur était si familier.
La tension était palpable. Beaucoup de leurs sorties s’étaient soldées soit par un drame, soit par une fuite in extremis, cette année, une année dont ils n’avaient d’ailleurs pas encore parcouru la moitié. Et le souvenir du médaillon de Serpentard resterait gravé encore très longtemps dans les mémoires de Harry et de Ron…
Et de Ginny…
- Harry !
Harry se retourna et vit la jeune rousse se précipité vers eux.
- Ginny, qu’est-ce que… ?
- Harry, il faut que je te parle seule à seul, coupa-t-elle sèchement.
Ne voyant aucune excuse dans sa situation actuelle lui permettant de refuser, Harry se leva et suivit Ginny dans un coin plus isolé du parc, près de la Forêt interdite. Avant qu’il n’ait pu dire quoi que ce soit, cette dernière lui parla sans détour :
- Vous partez chercher un Horcruxe, n’est-ce pas ?
- Comment… ?
- J’ai mes sources, dit simplement Ginny. Pourquoi tu ne me dis rien ? Pourquoi vous me tenez à l’écart ? Pourquoi tu me tiens à l’écart ?
- C’est trop danger…
- Je ne te parle pas de ça, et tu le sais très bien ! l’interrompit Ginny avec colère. Je sais depuis longtemps que vous ne me laisserez pas vous aider avant que je ne sois majeure ! Mais vous devriez me tenir au courant, au moins ! Mais je sais que le problème ne vient pas de Ron, Hermione, ou Neville ! C’est TOI – elle enfonça son index dans la poitrine de Harry – qui n’arrêtes pas de m’éviter depuis trois semaines ! Toi qui m’as exclue alors que je sais très bien que tu essayais de te rapprocher de moi !
Pris de court, Harry ne sut que répondre. Ginny fulminait.
- C’est toi qui surprotèges toujours les gens sans leur demander leur avis, dit-elle enfin. Hermione m’a racontée que j’avais déjà dû te harceler et te poser un ultimatum pour que tu acceptes de ressortir avec moi, le jour de la rentrée. Ne crois pas que c’est parce que je ne m’en souviens plus que je vais recommencer comme si de rien était, non, je ne m’en souviens pas mais ça ne m’empêche pas d’en avoir assez, désolée ! Tu as déjà eu ta deuxième chance, Harry, alors je ne reviendrai pas te chercher. Mais ça ne change rien, après tout, dit-elle avec un regard froid. C’était déjà fini entre nous. Je dois remercier Nott de m’avoir ouvert les yeux.
Et sans un mot de plus – tout était dit –, elle fit volte-face et marcha d’un pas résolu vers l’escalier de pierre.
Harry, déconcerté, avait du mal à réaliser ce qu’il venait d’entendre. Ginny le quittait… avant même qu’ils n’aient pu ressortir ensemble… Et tout, tout était de sa faute… Même Nott n’y était pour rien, comme elle l’avait dit… et cela faisait mal…
Il avait retrouvé sa Ginny, enragée comme une tigresse… Il était dommage que ce soit pour se séparer.
Il avait rejoint ses amis au pied du hêtre, et avait passé le reste de la matinée appuyé contre l’arbre, refusant de répondre aux questions qu’on lui posait. Il avait déjeuné sans ouvrir la bouche pour une autre raison que d’avaler quelque chose, mais il n’avait pas très faim non plus… Puis il avait attendu Abel sans un mot avec ses amis, près du portail.
Quand leur « compagnon » arriva, ils franchirent le mur d’enceinte et transplanèrent pour se retrouver au beau milieu de l’Allée des Embrumes. Sans prêter attention aux visages peu amicaux qui les toisaient sur leur passage, « l’unité » de l’Ordre du Phénix avança d’un pas résolu en direction du plus grand commerce de l’Allée : Barjow & Beurk. Ils entrèrent un par un dans la sombre boutique.
Elle était vide.
- Il n’y a personne, dit inutilement Ron.
- On avait remarqué…
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Neville.
- On attend, répondit Harry.
Ils parurent tous étonnés par la froideur de sa réponse.
En tout cas, son conseil était le bon. Mr Barjow apparut en effet une minute plus tard.
- Que désirez-vous ? questionna-t-il sur le ton huileux qui lui était coutumier
Abelforth prit les devants.
- Nous cherchons un objet précis, dit-il sur le ton des affaires. Nous savons qu’il a ou a été en votre possession et nous souhaiterions l’acheter.
- Il est malheureusement fort possible que je l’aie vendu, Monsieur ?…
- Dumbledore, répondit Abel, ce qui eut pour effet de faire s’évanouir le sourire de Barjow.
- Comment ?…
- Abelforth Dumbledore, précisa-t-il.
- A… Abelforth… Mais c’est bien sûr !… Abel ! s’exclama Barjow, en retrouvant son sourire. Ça fait au moins…
Comment Dumbledore avait-il pu prononcer une telle phrase ? Comment avait-il osé rester sur ses positions après avoir été tué par le professeur en qui il avait placé une telle confiance ? C’était… complètement fou. Il se disait que peut-être, il n’avait pas eu affaire au véritable Dumbledore, qu’il ne s’agissait peut-être que d’un rêve. Mais pourtant, cela avait semblé si réel : il s’en souvenait distinctement, et les explications données par Dumbledore paraissaient un peu trop complexes pour sortir de sa seule imagination… Il avait envie de croire qu’il avait revu l’ancien directeur de Poudlard.
Le lundi suivant annonçait le début de la dernière semaine précédant les vacances de Noël. Une fois de plus, Harry avait été invité pour rentrer au Terrier avec Ron ; mais cette fois, Hermione et un Neville très surpris étaient mentionnés dans la lettre que Mrs Weasley avait envoyée à son fils. Neville ne savait pas quoi dire : il n’avait jamais eu d’ami suffisamment proche pour recevoir la moindre invitation.
- C’est normal, non ? dit Ron en donnant une grande tape dans le dos de leur ami muet. Tu fais partie de la « bande », maintenant, mon vieux.
Aucune réponse.
Harry finit par éclater de rire.
- Si à l’âge de dix ans, on m’avait dit que ce serait dans « ma bande » qu’on voudrait rentrer et pas dans celle de Dudley… dit-il. Mais de toutes façons, je préfère « équipe » que « bande ».
- Oui, on forme une équipe, approuva Hermione, et pas une bande de voyous…
Elle avait parlé d’un ton un peu morne pour une phrase plutôt sensée être solennelle.
Harry comprenait ce qu’elle ressentait : il s’agissait certainement d’une nuance de ce qu’il avait lui-même éprouvé quand la famille Weasley l’avait quasiment adopté. Mais comme elle avait également très souvent accueilli Hermione au cours de ces dernières années, il se demandait si la jeune femme ne se souvenait pas surtout du fait qu’elle n’avait plus de parents… Cela ne faisait même pas trois mois et elle avait gardé beaucoup de son chagrin pour elle-même, comparé à la brutalité de la perte qu’elle avait subie…
Elle demeura ainsi fermée jusqu’à la fin de la journée, malgré toutes les tentatives de Ron tantôt pour l’égayer en faisant l’idiot – il était particulièrement doué –, tantôt pour la réconforter à l’écart des autres. Après qu’ils se soient embrassés en guise de bonsoir, Hermione monta dans son dortoir l’air un peu moins triste.
Pendant ce temps, Harry tenta d’adresser la parole à Ginny, mais il semblait que c’était un combat perdu d’avance, car la jeune fille n’avait pas la moindre intention de faire remarquer à qui que ce soit qu’elle était au courant de l’existence du si célèbre Harry Potter.
Comme si cela ne suffisait pas, en le voyant rejeté par son ex-petite amie, d’autres filles, dont l’éternelle Romilda Vane, l’abordèrent de nouveau. Il les menaça de sa baguette et elles s’enfuirent avec des gloussements idiots qui le mettaient hors de lui. Il était furieux contre lui-même, il se serait frappé contre les murs à tel point il se sentait imbécile, un parfait crétin…
C’était de sa faute, à lui et à sa tendance si stupide à jouer les héros, à se sacrifier, même quand c’est inutile… Si Ginny ne voulait plus jamais lui parler, ne serait-ce que pour être amie avec lui, ou au moins… une proche… il ne pourrait s’en prendre qu’à lui-même, à lui seul.
Mais le lendemain, lui comme Hermione eurent d’autres soucis plus immédiats en tête. En fait, c’était pire que tout ce qu’ils pouvaient s’imaginer en ce moment.
Un hibou grand-duc vint comme d’habitude apporter la Gazette du Sorcier à Hermione, pendant le petit déjeuner. Elle se plongea dedans et à peine une fraction de seconde plus tard, elle poussa un cri horrifié qui attira l’attention de tout le monde – ou plus exactement, l’intention de tous ceux qui n’avaient pas de journal en leur possession, ni d’ami qui en lisait un à côté d’eux. En peu de temps, un murmure assourdissant s’éleva dans la Grande Salle, et on ne pouvait s’y tromper : ce murmure ainsi que tous les visages exprimaient une grande inquiétude – voire une véritable terreur.
- Qu’est-ce qui se passe ? demanda Harry, étonné, en voyant que les professeur eux-mêmes semblaient très inquiets.
- Lis ça !! répondit Hermione d’une voix aiguë en lui tendant la Gazette.
Harry prit le journal et l’étala sur leurs assiettes. Ron et Neville se penchèrent pour voir ce qui était écrit :
AZKABAN REPRIS PAR LES DETRAQUEURS
Dans la nuit du 1er au 2 décembre, un groupe constitué de ce qui semblerait être une véritable armée de créatures maléfiques a pris d’assaut le pénitencier d’Azkaban. Depuis ce matin, une version géante de la Marque des Ténèbres, comparable à celle qui domine le village Pré-au-Lard, flotte au dessus de la forteresse…
Harry jeta un coup d’œil à la photo animée en noir et blanc, qui montrait une île montagneuse au sommet de laquelle était perchée ce qui semblait être un immense château fort. L’image était éclairée par la lumière diffusée par la tête de mort à langue de serpent : une réplique parfaite de ce qu’on pouvait voir à travers une fenêtre tournée vers le Sud en grimpant dans les étages, au dessus de la Capitale…
Les gardiens, qui n’étaient même pas une centaine, n’ont rien pu faire, et seuls deux sont parvenus à rejoindre le ministère de la magie, blessés et très affaiblis, pour témoigner de ce qui était arrivé. Le ministre Rufus Scrimgeour n’a fait aucune déclaration mais selon nos sources, les quatre-vingt-douze autres gardiens, ainsi que les prisonniers, sont restés coincés derrière le champ de force magique semblable à celui qui entoure le village de Pré-au-Lard, surnommé la Capitale des Ténèbres depuis le 3 septembre dernier.
« Ils ont sans doute rejoint les Inferi – sauf bien sûr les prisonniers qui ont rejoint les Mangemorts, et encore, je ne suis pas certain que la moitié d’entre eux ait réellement fait quelque chose en rapport avec Vous-Savez-Qui… » a déclaré un des deux gardiens survivants, que nous avons pu interviewer à Ste Mangouste où ils sont actuellement hospitalisés…
Harry sentit son sang se glacé et son cœur tomber dans sa poitrine. Une dizaine de Mangemorts à nouveau en liberté, mais surtout plus d’une centaine de morts supplémentaires… en une nuit… Et…
- Hagrid… murmura-t-il d’une voix éteinte. Ce n’est pas vrai… C’est impossible !…
Il s’était arrêté de lire l’article. Il ne parvenait plus à respirer normalement, il sentait ses yeux s’embuer petit à petit… Il avait envie d’hurler de toutes ses forces, il ne percevait même plus la panique qui s’était soudainement répandue dans la Grande Salle… Il ne réalisait même plus l’énormité du sujet principal de l’article.
Il n’écouta pas ce que lui dirent ses amis dans la journée ; d’ailleurs, il ne savait pas s’ils avaient réellement parlé, car eux aussi devaient être sous le choc, comme toute l’école… Le soir, il jeta son sac avec rage et se laissa tomber dans un fauteuil pour s’enfouir le visage dans les mains.
Il ne parvenait pas à assimiler tout ce qu’il avait appris en une minute, il ne digérait pas tout ce qui s’était produit. Hagrid était mort… Non, il avait simplement… disparu. Lupin lui avait déjà donné la preuve qu’il y avait des chances de survivre, même dans une telle situation ; mais si Hagrid devait également revenir avec l’intention de les tuer… Il avait beau retourner la situation dans tous les sens, il ne voyait pas comment le demi-géant aurait pu s’en sortir vivant… Et pourtant… Hagrid s’était échappé de Pré-au-Lard… mais il avait dû s’enfuir avant que le village ne soit entouré d’une protection magique, pensa Harry.
Hagrid était mort…
- Ca va ?… demanda une voix larmoyante à sa droite.
Harry releva la tête et vit Ginny, assise à côté de lui. En face, Hermione se serrait contre Ron, qui lui caressait les cheveux. Ils avaient tous les deux les yeux rouges, mais les joues d’Hermione brillaient à la lueur du feu de cheminée, signe qu’elle avait certainement beaucoup pleuré. Dans un coin un peu plus éloigné, Neville gardait la tête baissée, l’air dépité.
Il n’était pas bien difficile de deviner ce qui les abattait tous. Les autres élèves de Gryffondor semblaient également moroses ; il y avait une ambiance déprimante, même s’ils n’étaient peut-être pas tous au courant de la présence de Hagrid – que certains aimaient beaucoup, mis à part ses cours – entre les murs de la prison d’Azkaban.
Le simple fait de voir Voldemort prendre un tel pouvoir et d’apprendre la nouvelle d’un tel massacre devait largement suffire à assombrir et gâcher leur journée…
Harry se tourna à nouveau vers Ginny.
- Oui… Enfin, pas vraiment, lui répondit-il avec un rire plein d’amertume. Et toi ? demanda-t-il sur un ton plus compatissant.
- Comme tout le monde, dit Ginny. On est tous sous le choc, je crois…
Elle renifla à plusieurs reprises et s’essuya les yeux d’un revers de manche. Presque instinctivement, Harry tendit le bras. Il la regarda, non pas avec espoir mais avec des yeux qui ne faisaient qu’une proposition polie et compatissante. La jeune rouquine, oubliant les conflits qu’ils avaient pu avoir ces derniers temps, se réfugia dans les bras de Harry, qui se mit à caresser lentement sa crinière rouge vif.
Il se disait que Hagrid ne connaîtrait certainement plus jamais ce genre d’expérience… Il pensait vaguement à Madame Maxime. Elle devait sûrement être effondrée à l’heure actuelle.
Aucun des deux couples en deuil n’eut le courage de se lever pour se coucher à une heure raisonnable. A minuit, ils se décidèrent enfin à monter dans leur dortoir. Ginny marmonna un vague « Bonne nuit » à Harry, peut-être un peu honteuse de s’être endormie enlacée par un garçon qu’elle était sensée avoir banni de sa vie.
Mais Harry, lui, n’avait pas dormi : il s’était contenté de regarder avec mélancolie son ex-petite amie en pensant à tout ce qu’il avait perdu, perdait, et perdrait encore dans sa vie.
Les jours suivants, l’ambiance générale dans le château ne s’améliora pas beaucoup. L’inquiétude était à son comble. Seuls les Serpentard paraissaient peu ébranlés par la nouvelle, mais selon la Préfète-en-Chef, ce n’était qu’une façade : elle leur avait raconté qu’elle avait surpris certains groupes d’élèves de Serpentard en train d’échanger des propos tendus dans les couloirs, même si apparemment, il n’osaient pas en parler à voix haute
- Je ne vois pas où est le problème, dit Ron avec mépris. C’est bien ce qu’ils voulaient, après tout !
- N’oublie pas que certains ont des parents en prison à Azkaban, et Voldemort ne doit pas être très content d’eux !
- Crabbe et Goyle ont des pères Mangemorts en prison, et je ne pense pas que ce soit d’eux dont tu parlais…
- Tu oublies Nott, remarqua Harry, mais à mon avis, il doit considérer comme tout à fait normal que son père se fasse torturer ou tuer après avoir échoué au ministère… Quel malade, ajouta-t-il sinistrement.
- Justement, à propos de Nott… je pense que c’est sûrement à cause de lui que les autres Serpentard ont l’air si inquiets, déclara Hermione.
- A ton avis, s’ils ne veulent pas parler, c’est à cause de lui ? demanda Harry. Tu penses qu’ils sont menacés et qu’ils sont forcés de garder le secret sur ce qu’il prépare peut-être dans leur salle commune ?
- Euh…, hésita Hermione, oui.
- On a déjà discuté de ça, dit Harry, et je ne pense pas me tromper en répétant que nous sommes tous d’accord avec toi. Ce qui compte maintenant, c’est d’empêcher Nott de faire ce qu’il veut faire.
- Pour ça, je crois qu’on peut toujours rêver, répondit tristement Hermione.
- Pourquoi ça ? s’étonna Neville.
- Parce que j’ai déjà essayé de parler à quelques uns, mais ils refusent catégoriquement de m’adresser la parole sans me traiter de « Sang-de-Bourbe », répondit Hermione. Je vais continuer avec Anthony, et je ferai attention à tout ce que j’entendrai, mais j’ai l’impression que Nott a un don pour ne pas être découvert…
- Fais aussi attention à toi, lui dit Harry sur un ton grave.
Il n’avait pas oublié sa petite altercation sur le terrain de Quidditch… Il était resté vague sur ce qui s’était passé, racontant que la bande de Serpentard était simplement venue pour se moquer de l’équipe de Gryffondor, comme d’habitude, et qu’il s’était « légèrement emporté » avec son sortilège d’Expulsion. Il n’avait pas mentionné les menaces que Nott avait proférées contre les Préfets-en-Chefs et Ginny…
Mais Hermione en savait déjà bien assez sur sa dangerosité – avérée ou potentielle – pour ne pas être étonnée par l’avertissement de Harry. Ils sortirent de la salle dans laquelle ils s’étaient enfermés pour discuter tranquillement.
Mais Abel les attendait.
- Vous avez enfin terminé.
Ils sursautèrent tous les quatre ; Harry crut avoir une crise cardiaque.
- Professeur…
- Je vous attendais, vous quatre, pour notre dernière « séance d’entraînement à la défense contre les forces du Mal », déclara Abel. Nous allons tout de suite dans mon bureau.
Ils suivirent leur professeur en silence ; le cœur de Harry battait toujours à la chamade. Ils entrèrent dans le bureau d’Abel qui ferma la porte. Il se posta ensuite en face d’eux.
- Vous ne m’avez pas laissé le temps de vous parler à la fin du cours d’aujourd’hui, dit-il sur un ton grave.
Ils ne répondirent pas.
- Nous avons tous été bouleversés par ce qui est arrivé… enfin, plus ou moins. Je sais que certains élèves de cet école – dont vous quatre – étaient proches de Hagrid, poursuivit Abelforth ; surtout vous, Harry… Je n’ignore pas que c’est lui qui vous a ouvert les portes du monde des sorciers, et qu’il a veillé sur vous pendant six ans. Il a d’ailleurs toujours tenu à cœur les intérêts de Ron et Hermione, et je ne doute pas qu’il aurait également tenu à ceux de Neville, cette année, s’il en avait eu la possibilité.
Il y eut un nouveau silence, un peu plus long, et mille fois plus pesant.
Mais ce ne fut pas Abel qui le rompit, cette fois-ci.
- Abel… est-ce que nous pourrions… réfléchir ensemble au moyen de trouver le prochain Horcruxe ? demanda Harry. Si on en croit Dum… votre frère, il n’en reste plus que deux à détruire, dont un qui aurait pu appartenir à Gryffondor ou à Serdaigle. Mais je ne sais rien sur lui.
Il lança un regard grave et plus que déterminé à Abelforth qui le lui rendit.
- Je pense que ce soir, nous devons nous concentrer sur le sortilège que je veux vous enseigner, répondit-il. Et, même si mon conseil suivant va certainement vous sembler complètement fou et inapproprié en ce moment… sachez que vous devriez également oublier la recherche des Horcruxes pour le moment.
- Comment !? s’exclama Harry, choqué.
Il regarda les visages de Ron, Hermione et Neville, qui affichaient la même mine incrédule, avec les yeux et la bouche grands ouverts.
- Oh, bien entendu, si jamais vous croisez Nagini, vous pouvez le tuer, dit Abel avec un regard songeur qui rappelait irrésistiblement son frère, mais vu que sa proximité habituelle avec Voldemort font de lui le dernier Horcruxe à détruire – en imaginant qu’il soit bien l’Horcruxe en question – et que l’autre semble inaccessible en ce moment… Vous devrez vous engager dans une recherche bien plus périlleuse, si vous souhaitez retrouver cet objet dont vous ne savez rien, comme vous dites – car franchement, je doute que vous ayez la même chance absolument prodigieuse qu’avec la coupe. Pour cela, il vaut mieux que vous soyez libérés de vos emplois du temps de collégiens. Et les connaissances que vous acquérrez cette année vous seront très utiles, s’empressa-t-il d’ajouter, alors je vous déconseille de choisir la solution d’abandonner dès maintenant les études. Non, terminez votre septième et dernière année, puis consacrez-vous à votre combat ensuite.
Un long silence suivit cette déclaration. Harry réfléchissait intensément à ce qu’Abel venait de leur dire, et il se rendait compte qu’il n’avait pas réellement tort…
- Abel ? dit Hermione.
- Oui ? fit celui-ci.
- Est-ce que ça veut dire… que selon vous… nous devrions quitter l’Ordre du Phénix ?
Les trois garçons la dardèrent d’un œil étonné.
- Qu’est-ce que tu dis ? s’effara Harry.
- Si nous cessons de combattre activement les Mangemorts pour terminer cette année, il n’y a plus aucune raison pour retourner dans l’Ordre avant juillet prochain, expliqua Hermione, qui ne semblait pas très emballée par ses propres paroles.
- Mais…, marmonna Harry.
Il savait qu’il ne pourrait pas supporter d’être ainsi mis à l’écart de toute action.
Il tourna un regard offusqué vers Abel.
- Sachant que mis à part les Horcruxes, vos « missions » sont de toutes façons sensées se limiter à l’enceinte de l’école tant que vous y étudierez, je ne vois aucune raison pour que vous ne restiez pas membres de l’Ordre. Je dirais même que ça vaut mieux, car vous pourrez ainsi assister aux réunions et rester informés… plus exactement, sur ce qui se passe.
Rassuré, Harry se détendit légèrement, même s’il pensait toujours à Hagrid. Les trois autres parurent également un peu moins déprimés.
Abel sortit sa baguette magique d’une poche de sa vieille robe grise. Harry, Ron, Hermione et Neville suivirent son exemple avec ardeur.
- Bien entendu, dit Abel, tout ce que je viens de dire n’empêche pas que vous devez apprendre à combattre, et ce, le plus tôt possible. Je vais vous enseigner aujourd’hui un sortilège très puissant. En fait, c’est précisément pour ce sortilège que je souhaitais que vous amélioriez la puissance des autres sorts que connaissiez déjà. Il est capital que vous le connaissiez, mais vous devrez tous les trois ne vous en servir qu’en dernier recours.
Il les regarda tour à tour, sauf Harry.
- J’ai bien dit tous les trois, car Harry, lui, en aura besoin…
Il y eut un bref silence.
- Le sortilège que je veux vous apprendre aujourd’hui, est un sortilège mortel, déclara Abel d’un ton grave. Il est toutefois possible d’y survivre, mais il faut avoir énormément de chance ; ce n’est donc pas Avada Kedavra. Il s’agit du sortilège de la Foudre – la véritable foudre, aussi puissante que celle qui frappe certaines personnes depuis le ciel. Utilisé contre un être vivant, il tue presque à coup sûr, mais il faut une grande puissance et maîtrise magique pour le jeter convenablement.
Une ambiance solennelle régnait maintenant dans le bureau d’Abelforth. Harry se sentait très tendu. Il voyait enfin la finalité des cours d’Abel : il lui donnait le moyen d’en finir avec Voldemort.
- Vous noterez, dit Abel, qu’il ne s’agit en aucun cas d’un sortilège ayant un quelconque lien avec la magie noire. Contrairement à l’Avada Kedavra, il n’a pas été créé spécialement pour tuer, mais simplement pour faire jaillir la foudre de sa baguette. Je pense que cela vous convient mieux, n’est-ce pas ? demanda-t-il en se tournant vers Harry.
Celui-ci acquiesça d’un signe de tête.
Quelques minutes plus tard, ils se retrouvèrent à essayer de frapper de la foudre un mur, ensorcelé par Abelforth afin qu’il n’y ait pas de risque de l’abîmer ou de mettre le feu au bureau. Le professeur de défense contre les forces du Mal les encourageait :
- Allez-y ! criait-il. Pensez à ce pourquoi vous vous battez ! Mettez toute votre personne, toute votre âme dans votre baguette et votre bouche ! Ce n’est que comme cela que vous parviendrez à faire tomber la foudre !
Au bout de deux heures, ils avaient hurlé avec tant de frénésie et de rage la formule qu’ils avaient la voix complètement cassée et n’arrivaient plus à retrouver leur souffle. Ils avaient tous réussi à faire jaillir un peu d’électricité du bout de leur baguette magique, mais aucun éclair n’avait frappé le mur visé.
Ils décidèrent donc de faire une pause de dix minutes, complètement épuisés. Il était huit heures du soir et ils n’étaient pas encore descendus dans la Grande salle pour dîner.
- C’est bien, dit Abelforth en s’asseyant en tailleur à côté d’eux. Vous vous êtes bien lâchés, je vous félicite.
- Je n’en peux plus ! s’exclama Ron, le souffle court. Je n’ai jamais autant crié et agiter les bras de toute ma vie…
- Ça a du bon de se fatiguer, parfois, répondit simplement Abel. Harry, voulez-vous bien vous lever et essayer encore une fois ?
Trop fatiguer pour réfléchir, Harry se leva et pointa sa baguette magique vers le centre du mur.
- Tono Fulgurem ! s’écria-t-il avec vigueur.
Soudain, avec le bruit d’un coup de tonnerre, un éclair jaune électrique sortit du bout de la baguette et frappa le mur. Harry eut un sourire mêlé d’un étrange sentiment de fierté. Il avait l’impression de ressortir d’une de ces séances d’entraînement de Quidditch, épuisantes, mais qui portaient leur fruit.
- Félicitation, Harry, dit chaleureusement Abelforth.
- Comment est-ce que tu as fait ? s’ahurit Neville.
- Je ne sais pas… dit Harry, ce qui était parfaitement vrai –selon lui, en tout cas.
- Je n’en suis pas si sûr, dit Abel. Qu’avez-vous ressenti à l’instant, lorsque vous avez jeté le sortilège ?
Harry mit un certain temps à répondre, il trouvait la question étrange. Mais il s’aperçut que la réponse n’était pas si difficile à trouver…
- Je… J’ai eu l’impression de sortir d’un entraînement de Quidditch, répondit-il.
Ron et Neville restèrent bouche bée – ils avaient l’air incroyablement stupides, avec le regard de zombi que leur donnait la fatigue.
- Et j’imagine, dit Abel, qu’il s’agirait plutôt d’un entraînement particulièrement fatiguant, où l’on finit par n’agir que par instinct, n’est-ce pas ? Le genre de situation où l’on finit par ne mettre que la dose d’énergie nécessaire, et pas plus, où l’on fait instinctivement les bons gestes…
Il se releva et fit les cents pas dans la pièce.
- Voyez-vous, cette situation que l’on peut retrouver avec la fatigue – la bonne fatigue saine du sport, pas le sommeil –, est celle dans laquelle on se trouve également lors des vrais duels. Ces moments dont vous avez déjà une certaine expérience, dans lesquels vous n’avez pas le choix, dans lesquels vous devez réagir d’instinct pour survivre…
Il lança un regard furtif à Harry.
- … dans lesquels vous mettez instinctivement « ce que vous devez mettre » pour réussir vos sorts, acheva-t-il. Un véritable duel de sorciers, où l’on risque sa vie, réunit à la fois les pires et les meilleures conditions pour réussir les sortilèges de combats. N’avez-vous jamais remarqué comme vous réussissiez toujours mieux dans la pratique, dans la vie réelle, que dans une salle de cours ?
Il avait arrêté de marcher, et regardait maintenant Harry droit dans les yeux, on aurait dit que son cours ne s’adressait qu’à lui.
- Vous pouvez partir, à présent – il s’adressait cette fois à ses quatre élèves –, je n’ai plus rien à vous apprendre… à vous trois.
Cette fois, il n’avait plus regardé que Ron, Hermione et Neville.
- Mais vous, Harry… j’ai encore une dernière chose à vous apprendre, déclara-t-il. Nous en reparlerons à la rentrée… Bon appétit !
- Pourquoi est-ce qu’il continuerait à donner des cours à Harry, et pas à nous ? demanda Ron, légèrement révolté.
Ils descendaient maintenant dans la Grande Salle pour dîner. Abel, lui, était resté dans son bureau au deuxième étage. Harry ne disait rien.
- Il doit s’agir… de Voldemort, répondit Hermione à sa place. Il doit s’agir de lui en particulier, ajouta-t-elle.
Elle continuait à le regarder étrangement. Harry savait que ses amis s’inquiétaient pour lui, mais eux n’y pouvaient rien… c’était précisément pour cela qu’Abel leur avait dit de ne plus revenir, et il l’avait bien compris.
Il hocha la tête pour lui-même. Personne ne dit plus rien jusqu’au coucher.
Le lendemain, la neige était plus blanche et plus épaisse que jamais, et le brouillard hivernal, mélangé à la brume des Détraqueurs, empêchait une vision correcte du paysage dès que l’on souhaitait voir quelque chose au-delà de six mètres. Plus aucun élève – Hermione comprise – ne pensait aux devoirs à faire, le week-end était totalement consacré à la détente, que ce soit en se bombardant de boules de neiges dans le parc ou en s’enfonçant le plus profondément possible dans un fauteuil de la salle commune, près du feu.
Mais seulement trois jours après la prise d’Azkaban et l’ignorance qui laissait présager le pire au sujet du sort de Hagrid, Harry n’avait plus du tout le cœur à s’amuser.
D’ailleurs, il n’y avait pas que cela…
Le lundi suivant, il prendrait avec Ron, Hermione, et Neville, la Poudre de Cheminette pour se rendre au Terrier où il passerait les vacances de Noël. Mais il prenait un gros risque en allant passer les fêtes là-bas : celui de connaître une tension permanente qu’il ferait subir par la même occasion à toute la famille Weasley. En effet, Ginny se montrait toujours très froide à son égard, bien qu’elle ne l’évitât plus et lui accordait désormais de répondre à ses timides « Salut » ou « Bonjour ». Il n’avait cependant pas du tout envie de rester seul pour Noël. « Il faudra voir avec elle » se dit Harry.
Il avait entendu dire que Nott, Zabini, et tout le reste de la bande qu’il connaissait maintenant si bien resteraient à Poudlard pour les vacances, ainsi qu’un nombre assez surprenant d’élèves de Serpentard.
- Ils seront quasiment les seuls à rester ici pour Noël, alors les professeurs pourront sans doute les surveiller, dit Ron lorsqu’il lui en parla le samedi après-midi dans un fauteuil de la salle commune. Ne t’inquiète pas pour ça. Ou en tout cas, pas pendant les vacances de Noël ! dit-il le plus joyeusement possible en les circonstances actuelles.
Harry n’insista pas, et il fut surpris qu’Hermione – ou même Neville – ne cherche pas à poursuivre la discussion. Apparemment, ils avaient tous besoin de ces fêtes…
Le dimanche matin, Harry se décida à prendre Ginny à part. L’occasion lui en fut donnée assez vite, lorsqu’il la croisa à l’entrée de la volière – il ne savait pas trop quoi faire alors il était venu rendre une petite visite à Hedwige, et ce en toute innocence, sans la moindre idée derrière la tête… bien que la situation lui évoquât irrésistiblement Cho Chang.
- Salut Gi…
- Salut, Harry, dit Ginny sur un ton indifférent.
Et elle s’en alla.
- Ginny, attends ! Je voudrais te dire quelque chose…
- Si ça concerne…
- Non, ça ne nous concerne pas… directement, dit Harry.
- Alors fais vite, lança Ginny.
Harry eut l’impression d’avoir reçu un seau d’eau glacée, mais il se ressaisit.
- Ginny…
- Oui ?
- Tu sais que je passe les vacances de Noël chez toi, cette année ?
- Oui, et alors ?
- Et bien je me disais… Bon, écoute, je sais que tu m’en veux, et tu en as le droit, mais tu ne crois pas qu’on pourrait éviter… cette tension ?…
Ginny haussa les sourcils.
- Je ne te demande pas de te montrer gaie et souriante en ma compagnie, s’empressa d’ajouter Harry, seulement d’essayer… d’éviter… de glacer l’atmosphère comme un Détraqueur, quand je serai là. Seulement pendant les vacances.
Elle parut d’abord très étonnée, puis…
- D’accord, dit-elle.
Et elle fit un mouvement comme pour repartir mais elle se tourna finalement une dernière fois vers Harry.
- Tu sais, je ne voulais pas être désagréable, mais c’est toi qui refuses d’être entouré des personnes qui sont précisément celles qui devraient te soutenir, déclara-t-elle. Mais je veux bien « enterrer la hache de guerre » pour les fêtes.
Harry ne trouva rien à lui répondre, et elle descendit enfin les marches de la tour.
Albus Dumbledore
1846-1997
- Est-ce que c’était vraiment vous ?…
Il était encore sujet à de nombreuses interrogations ; si tout se passait bien, il aurait toutes les réponses le soir même.
Harry regarda sa montre : c’était l’heure. Après un dernier coup d’œil intrigué, il escalada la pente douce, monta les marches de pierre, franchit la double porte de chêne, grimpa les nombreux escaliers et entra dans la Salle sur Demande.
- Juste à l’heure, dit la voix de la directrice.
Il s’assit entre Ron et Hermione.
- Bonsoir, chers amis, entama le professeur McGonagall sur un ton d’outre-tombe. Autant en venir directement aux faits : j’ai de mauvaises nouvelles à vous apprendre. Comme vous le savez, Azkaban a été reprise dans la nuit de lundi à mardi.
Elle s’interrompit : personne ne fit de commentaire.
- Comme il y a quatre mois, nous avons à déplorer une masse de morts probables, reprit McGonagall d’une voix dont elle semblait s’efforcer de contrôler le tremblement ; le chiffre est à peu près le même… environ cent cinquante. Et…
Elle prit une profonde inspiration.
- Nous avons également à déplorer la disparition de trois membres de l’Ordre du Phénix.
- Comment ? s’exclama Dedalus Diggle, choqué.
- Oh my God ! s’épouvanta Fleur.
Harry partageait leur surprise, ainsi qu’une bonne partie de l’assemblée. Mrs Weasley avait mis la main sur sa bouche. Seuls quelques uns avaient l’air au courant.
- Je pensais qu’il n’y avait que Ha… qu’une seule personne, fit observer Mr Weasley.
- Malheureusement, il y en avait trois. Sturgis et Hestia s’étaient rendus ensemble là-bas pour une raison que j’ignore, déclara McGonagall. Nous ne leur avions pas demandé de surveiller Azkaban, mais il semblerait qu’ils aient découvert quelque chose et qu’ils n’aient pas eu le temps de nous prévenir…
Sturgis Podmore et Hestia Jones avaient en effet été chargés d’obtenir des informations chez les êtres magiques susceptibles d’avoir rejoint Voldemort, comme les loups-garous ou les vampires.
- Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas plus de nouvelles d’eux que de tous les pauvres malheureux qui ont eu la malchance de se retrouver là-bas… Bien entendu, vous savez aussi que Hagrid… était emprisonné. Par conséquent, nous avons bel et bien trois nouveaux amis… probablement morts.
Elle sortit son mouchoir de sa poche et s’essuya les yeux.
Harry n’en revenait pas : la nouvelle avait réussi à l´affliger davantage. Il ne se serait pas douté que deux autres personnes de son entourage – même s’il n’était pas très proche de Sturgis et Hestia – pouvaient être mortes – il ne parvenait plus à croire sérieusement en la possibilité de leur survie – en plus de Hagrid…
La réunion se déroula plus ou moins normalement – dans le sens où rien ne fut dit qui n’ait déjà été abordé pour Pré-au-Lard. La seule « nouveauté » était qu’entre dix et quinze Mangemorts, ainsi certainement qu’un certain nombre d’anciens prisonniers d’Azkaban, avaient probablement rejoint les rangs de Voldemort ; et encore, ce n’était pas si extraordinaire puisqu’ils se doutaient déjà que les Mangemorts étaient de plus en plus nombreux depuis l’épisode de Pré-au-Lard. Le bilan de la discussion fut que Voldemort prenait de plus en plus de pouvoir, un pouvoir qui n’avait plus rien en commun avec celui qui était le sien seize ans auparavant… et qu’il fallait à tout prix stopper cette menace.
Le regard appuyé du professeur McGonagall indiqua clairement à Harry qu’elle souhaitait le voir agir au plus vite. La présidente de l’Ordre ignorait sûrement qu’Abel avait convaincu son élève de ne plus s’occuper de Voldemort jusqu’à ce qu’il termine ses études… Mais cela importait peu puisque de toutes manières, Harry avait l’intention de lui parler.
Il souhaitait l’entretenir au sujet d’une demande qu’il aurait dû formuler depuis longtemps pour obtenir des réponses à toutes les questions qui avaient pu germer dans son esprit depuis le mois de juin dernier…
Il abandonna ses amis et se lança à la poursuite de la directrice qui avait déjà fait un sacré bout de chemin en direction de son bureau. Il la rattrapa enfin au milieu du couloir du deuxième étage.
- Professeur McGonagall !
Il se posta en face d’elle, hors d’haleine.
- Qui y a-t-il, Harry ? demanda McGonagall en levant les sourcils.
- Professeur… il faut que je vous demande un service… un immense service qui me rendrait vraiment…, commença-t-il sur un ton déterminé.
- … service ? suggéra Mcgonagall.
- Heu… oui.
- Et de quoi s’agit-il ?
- Je voudrais rester seul dans votre bureau pour… discuter avec le portrait du professeur Dumbledore.
Cette phrase fut suivie d’un long silence. Ils se regardèrent droit dans les yeux, et Harry sentit qu’une grande émotion se contenait dans les yeux de la directrice.
- Très bien, Harry, finit-elle par dire au bout d’un long moment, je vous l’accorde. Suivez-moi…
Elle se hâta de franchir les derniers mètres qui la séparaient encore de l’accès à son bureau, suivie de près par Harry.
- Fraternité magique, dit-elle à la gargouille de pierre qui barrait le chemin.
La statue fit alors un pas de côté en ouvrant ainsi le mur de pierre. Ils se laissèrent transporter jusqu’au sommet de la tour par l’escalier mobile en colimaçon qui frappa enfin le heurtoir de cuivre en forme de griffon.
Ils entrèrent tous les deux dans la pièce. La directrice contourna son bureau et sembla s’adresser au mur pendant quelques secondes, mais Harry savait parfaitement à qui elle parlait. Elle revint vers lui et dit :
- Je vous laisse, Harry. Je resterai dehors jusqu’à ce que vous ayez fini.
Puis elle sortit.
Harry contourna à son tour le bureau de bois et s’arrêta en face d’un tableau. La peinture représentait un vieux sorcier à l’air vénérable, muni de longs cheveux et d’une longue barbe argentés ; il portait une cape noire autour des épaules : Albus Dumbledore.
- Je me demandais quand est-ce que tu te déciderais enfin à venir me voir, Harry, dit ce dernier d’une voix chaleureuse.
- Bonsoir, professeur, dit Harry.
Il ne savait plus vraiment comment s’y prendre pour dire ce qu’il avait à dire. Il savait par habitude que tous les autres portraits d’anciens et anciennes directeurs et directrices de Poudlard, bien que faisant mine de dormir profondément, écoutaient attentivement, et cela l’embarassait.
- Bonsoir, dit Dumbledore.
Silence.
- Et bien, n’avais-tu donc rien à me dire ? s’étonna l’ancien directeur.
- Si… je…
Il décida de se lancer.
- Je dois vous parler de Rogue.
- Je m’y attendais un peu, soupira Dumbledore. Mais je dois dire que je m’attendais à ce que tu demandes bien plus tôt à Minerva de t’entretenir avec moi. Je pensais que tu voudrais déverser toute ta colère, ta rancœur, ce qui, somme toute, aurait été fort compréhensible.
Harry ne s’était pas attendu à ce que Dumbledore réagisse aussi calmement. Il ne sut pas quoi répondre.
- Je ne voulais pas venir, avoua-t-il sans parvenir à dissimuler le tremblement de sa voix.
- Je comprends…
Silence.
- Je…, bredouilla Harry, je n’ai pas eu le courage de…
- Je comprends très bien, répéta Dumbledore sur un ton apaisant. C’est un sentiment très humain, assura-t-il. Mais ce que je ne comprends pas, c’est ce qui t’a finalement décidé à venir me voir.
Harry fronça les sourcils.
- C’est vous qui m’avez parlé samedi dernier ! dit-il, surpris. C’est vous qui m’avez dit que… que vous aviez toujours confiance en… en…
Il avait du mal à prononcer cette phrase. En outre, il commençait à avoir l’impression de s’être trompé sur toute la ligne, et il se sentait de plus en plus idiot.
- Je puis t’assurer que je ne t’ai jamais revu depuis le jour où tu es entré dans ce bureau avec Minerva, peu de temps après la mort d’Albus Dumbledore.
- Pourquoi est-ce que vous parlez de vous à la troisième personne ? demanda Harry, de plus en plus déconcerté.
- Ce n’est pas de moi dont je parle, répondit le portrait sur un ton sérieux. Je ne suis pas Albus Dumbledore, mais seulement une image de lui animée par magie. Il est essentiel que tu comprennes la différence entre une personne – même quand elle est morte – et son portrait. Albus Dumbledore, le vrai, a continué son chemin. Il a rejoint le monde des morts, dont je ne sais rien, car je ne possède que les souvenirs de Dumbledore au moment où j’ai été créé, c’est-à-dire à l’instant même où Dumbledore a quitté ce monde. Comprends bien qu’être un portrait signifie bien moins de choses que d’être une personne. Je te donne peut-être l’impression de parler comme un être humain doté d’un esprit au moins aussi complexe que le tien, mais la vérité, c’est que je te parle comme Dumbledore l’aurait fait avec la personnalité qui était la sienne au mois de juin. Je ne suis qu’une copie.
Harry fut littéralement ahuri par cette déclaration. Il pensait être venu discuté avec Albus Dumbledore, ou du moins – parce qu’il avait déjà envisagé tout seul la possibilité que le portrait d’un mort ne soit pas le défunt lui-même – quelqu’un pouvant lui apporter une aide réelle, des réponses…
- Dans ce cas, pourquoi est-ce qu’il faudrait que je vous parle ? questionna-il, énervé.
- Je t’ai déjà dit que je parlais comme l’aurait fait Albus Dumbledore, mes conseils sont donc aussi avisés que l’auraient été les siens, dit le portrait. Alors dis-moi, de quoi voulais-tu me parler ?
- Je vous l’ai déjà dit : de Rogue, répondit Harry. Mais je ne crois pas que ce soit très utile, finalement.
- Ce n’est pas mon avis, déclara le tableau d’un ton ferme. Si cela n’avait pas été important, tu ne te serais pas résolu à enfin venir discuter avec moi.
Harry pensa qu’il avait raison. Mais non seulement la raison pour laquelle il avait souhaité entendre le portrait lui paraissait de plus en plus stupide, mais en plus, la perspective de se confier à une sorte de machine magique capable de recréer les éventuels conseils de Dumbledore ne le réjouissait guère.
Mais de toutes façons, que risquait-il ? Dans le pire des cas, il n’aurait simplement pas toutes les réponses qu’il voulait…
- J’ai fait un rêve étrange, la semaine dernière, dit-il.
- Est-ce que par hasard, cela aurait un rapport quelconque avec ta cicatrice ? demanda le portrait de Dumbledore.
- Non… enfin, je ne pense pas… Est-ce que le professeur McGonagall vous a dit que je m’étais évanoui après avoir bu une potion ?
- Oh oui, elle m’a beaucoup parlé de toi, assura la peinture. Je sais qu’elle a surpris ta conversation avec Miss Weasley le jour de tes dix-sept ans, et qu’elle est au courant pour la prophétie qui vous concerne, toi et Lord Voldemort. Je sais également que tu as dû l’affronter à nouveau à Pré-au-Lard – et tu ne dois surtout pas te reprocher cet échec, il était parfaitement normal que tu ne puisses pas lutter contre Voldemort à ce moment-là –, que tu as vu ce pauvre Remus mourir alors qu’il était déjà devenu l’esclave de la volonté de Voldemort, et aussi que tu as brillamment repoussé le sortilège Doloris de Dolores Ombrage ainsi qu’une véritable armée de Détraqueurs, sauvant ainsi des dizaines de sorciers. Et j’ai également cru comprendre par moi-même que tu avais bien progressé dans la recherche des Horcruxes.
- Oui, confirma Harry, avec une soudaine et étrange fierté. Le médaillon de Serpentard et la coupe de Poufsouffle ont tous les deux été détruits.
- Je vous en félicite, toi, ainsi que tes amis Ron, Hermione et Neville, dit Dumbledore avec un sourire. Mais revenons à ce rêve, tu veux bien ?
Harry, légèrement honteux, raconta ce que le Dumbledore de son rêve avait dit. Le portrait parut très intrigué.
- C’est intéressant… murmura-t-il, songeur.
- Est-ce que vous pensez que ça pouvait être… le vrai Dumbledore ? interrogea Harry, hésitant.
- Ce n’est pas impossible, assura le tableau. Malheureusement, je crains que nous ne puissions jamais en être sûrs et certains… En tout cas, tu n’auras probablement pas la réponse… de ton vivant.
Harry ne répondit rien. Il savait qu’il se demanderait probablement toute sa vie s’il avait véritablement revu Albus Dumbledore…
- Toutefois, il y a quelque chose que je ne saisis pas, Harry.
Il leva la tête.
- Quel est le rapport avec le professeur Rogue ?
- J’ai confiance en Severus Rogue.
- Comment ? s’étonna le portrait.
- C’est ce que le Dumbledore de mon rêve a dit.
- Je vois… Et bien maintenant tout est clair, je ne suis plus du tout étonné que tu te sois décidé à monter dans ce bureau…
Il y eut un nouveau silence, plus pesant que les autres.
- Et bien je n’ai rien d’autre à rajouter, le personnage – ou la personne – de ton rêve à tout dit : j’ai confiance en Severus Rogue.
- Comment !? s’écria Harry, horrifié.
Non, cela ne pouvait pas être vrai, c’était complètement impossible…
- VOUS ETES FOU !!
Et sans tenir compte des exclamations indignées des autres portraits – ou de dédain de la part de Phineas Nigellus, un ancêtre de Sirius –, il sortit en trombe de la pièce circulaire, même s’il entendait la voix d’Albus Dumbledore l’appeler… Il dévala l’escalier en colimaçon et rejoignit au pas de course – en passant devant une McGonagall ahurie –, sa salle commune, son dortoir et enfin son lit où il espéra n’avoir fait qu’un nouveau rêve particulièrement stupide.
Il n’écouta même pas les questions de Ron, il ne pensait qu’à une chose : effacer ce qu’il venait d’entendre de sa mémoire.
Bon, puisque ça vous intéresse tant, je vous poste le dernier chapitre que j´aie écrit pour l´instant .
Bonne lecture
28
Projets de fêtes
L’immense tête de mort à langue de serpent illuminait l’îlot de sa lumière verte. Au sommet d’une pente raide et escarpée, la forteresse d’Azkaban dégageait toujours une atmosphère sinistre, avec ses hauts murs de pierres carrées. Un nuage noir flottait entre la Marque des Ténèbres géante et le sommet de la tour de garde. Il était composé de milliers de silhouettes vêtues de capes et de cagoules noires. Les Détraqueurs ne cessaient de tournoyer au dessus de la prison dont ils avaient retrouvé la garde depuis maintenant six jours, et formaient actuellement une sorte de tourbillon de ténèbres. On pouvait voir de nombreuses autres créatures ailées, de natures trop diverses pour les distinguer toutes. Hormis les Détraqueurs, seul une autre espèce légendaire de monstre était facilement reconnaissable : des dragons ; d’énormes créatures recouvertes d’écailles dont la lumière des flammes s’ajoutait à celle de la marque verte.
Une large tour dominait toute la forteresse. Derrière la plus haute des très rares fenêtres, un être vêtu d’une robe et d’une cape noires se tenait debout, les mains derrière le dos, l’une d’elles tenant une baguette de bois. Lord Voldemort observait le visage blafard et osseux, quasiment dépourvu de nez, mais en revanche totalement dénué de lèvre que reflétait un miroir d’or aux pieds munis de griffes. Quiconque d’autre aurait regardé dans ce miroir aurait poussé un hurlement d’horreur avant de s’enfuir à toutes jambes, mais les yeux rouges aux pupilles de chat du Seigneur des Ténèbres exprimaient non pas de la répulsion mais plutôt… du plaisir. Une jubilation malsaine émanait de ce visage maléfique.
Derrière lui, une porte s’ouvrit, et deux silhouettes encapuchonnées entrèrent silencieusement. L’un des deux individus tremblait légèrement ; l’autre, moins hésitant, s’avança et attendit. Constatant que Voldemort ne disait rien, il s’éclaircit la gorge.
- Vous souhaitiez nous voir, Maître ?
Voldemort se retourna et darda son serviteur d’un œil glacé. Le plaisir avait fait place à la froideur.
- En effet, répondit-il d’un ton dur.
Il tourna son regard vers l’autre, retiré dans un coin de la pièce, près de la porte, comme s’il n’attendait que l’occasion de s’échapper de cette sombre pièce. Son compagnon inclina légèrement la tête sur sa droite et dit :
- Sors, Drago.
Le dénommé Drago ne se fit pas prier et sortit immédiatement de la pièce, laissant les deux hommes.
- Bonsoir, Lucius, dit Voldemort de sa voix glaciale et suraiguë.
- Bonsoir, Maître, dit le serviteur dont la voix trahissait une certaine tension.
Il s’agenouilla et embrassa la robe de son maître avant de se relever et d’incliner à nouveau la tête vers le bas. Il attendait que Lord Voldemort prononce sa sentence.
- Tu sais que tu m’as grandement déçu, n’est-ce pas, Lucius ? dit le Seigneur des Ténèbres.
- Oui, Maître…
- En vérité, tu n’as cessé de me décevoir depuis un an et demi, murmura-t-il.
- Comm… ?
- J’ai pu constater quelle éducation tu avais donnée à ton fils, Lucius, coupa sèchement Voldemort, et bien qu’il ait montré une certaine ingéniosité en permettant à mes Mangemorts d’infiltrer Poudlard, il s’est également révélé d’une stupidité et d’une faiblesse dont tu es le responsable…
Il fit un pas en direction de Lucius qui tomba à genoux sur le sol.
- Maître, je vous en prie, je…
- Silence ! l’interrompit son maître.
Il marqua un temps de pause, pendant lequel il respira d’un souffle terrifiant, avec ses narines de serpents qui se dilataient et se refermaient sans cesse sur sa peau d’une pâleur de mort.
- Par ta faute, j’ai perdu ma dernière chance d’entendre la prophétie ; par ta faute, on m’a volé la clé qui m’assurait de ne jamais être vaincu…
Le dénommé Lucius tenta de s’expliquer.
- Maître, c’est Bellatrix qui s’est emportée. En prenant sans cesse le risque d’endommager la prophétie, elle nous a retardés et Potter a pu…
- C’est à toi que j’avais confié le soin de diriger l’opération, Lucius, l’interrompit Voldemort de sa voix suraiguë, ne l’oublie pas. Tu es donc le responsable de cet échec… ENDOLORIS ! s’écria-t-il.
Lucius Malefoy s’affala alors complètement sur le sol et se mit à pousser de terribles hurlements de douleurs qui retentirent dans tout l’espace délimité par le champ d’énergie magique entourant l’île d’Azkaban à travers l’unique fenêtre de la tour. Il était saisi d’horribles convulsions qui faisaient glisser son corps comme un ver de terre qui se serait tortillé sur le sol…
Puis Voldemort baissa enfin sa baguette et son serviteur cessa de crier. Il tremblait avec intensité, mais il parvint péniblement à se redresser et à se mettre debout, la tête invariablement inclinée en signe de soumission.
- Parlons de ton fils à présent… dit Voldemort en lançant un regard impitoyable à son serviteur. Quand tu as été enfermé ici, je lui ai offert l’honneur de prendre sa place dans le rang des Mangemorts. Il a immédiatement accepté, et il s’est montré très enthousiaste lorsque je lui ai confié la mission de faire entrer ses camarades dans l’école de sorcellerie Poudlard et de tuer Albus Dumbledore… Et même s’il a mis beaucoup de temps, il a réussi sa première tâche, et il a permis d’accomplir la seconde… Mais il ne l’a pas accomplie lui-même, or, c’est précisément ce que je lui avais ordonné… Il a eu la chance que Severus renonce à sa couverture pour faire le travail à sa place, mais cela n’aurait pas dû arriver… Si Severus ne l’avait pas défendu en me présentant tout ce que Drago avait permis de réaliser ce soir-là, son châtiment aurait pu être plus long et plus pénible… Mais Lord Voldemort peut aisément comprendre que ses serviteurs ne peuvent jouir d’un pouvoir aussi immense que le sien, et que par conséquent, il aurait été stupide de tuer un jeune Mangemort si prometteur – il l’était à ce moment-là, en tout cas – parce qu’il avait eu des réticences à tuer un sorcier tel que Dumbledore à l’âge de seize ans. Seulement voilà, Lucius, ce n’est pas tout…
Ses yeux rouges émettaient maintenant de la colère.
- Ton fils a ridiculisé le nom de Lord Voldemort, Lucius. Alors que j’avais réussi l’exploit d’être encore plus craint dans le monde des sorciers, alors que j’avais franchi la première étape pour prendre le pouvoir en Grande Bretagne, alors que je faisais régner une terreur plus grande qu’elle ne l’avait jamais été, deux stupides marchands de farces et attrapes sont parvenus à s’échapper d’une ville sensée être inviolable, sensée contenir la plus grande concentration de magie qui soit, sensée être totalement en mon pouvoir… Et comme si cela ne suffisait pas, ils ont livré un de mes Mangemorts au ministère de la magie… Et c’est de la faute de ce Mangemort si la terreur que mon nom a inspirée a pu ne serait-ce que légèrement s’atténuer, Lucius…
- Maître, jamais un incident aussi insignifiant n’aurait pu entacher votre grandeur, s’empressa de répliquer Lucius. Vous savez bien que la communauté des sorciers au complet – même à l’étranger – tremble de peur grâce à notre action. Votre notoriété n’a pas pu dépérir…
- Oui, Lucius, c’est certain… répondit le Seigneur des Ténèbres d’une voix doucereuse. Mais Lord Voldemort ne tolère pas la moindre petite tache, vois-tu… Pas quand elle peut être évitée…
Il tourna autour de son serviteur et continua à l’observer de ses yeux rouges qui semblaient maintenant refléter une certaine excitation.
- En ce moment, mon pouvoir s’étend, déclara-t-il. J’ai réussi à prendre le contrôle d’un autre lieu important du monde de la magie… et le ministère court ou courra inévitablement à sa perte. La période des fêtes commence, c’est donc le meilleur moment pour rappeler aux membres de la communauté magique qu’ils vont inexorablement tomber en mon pouvoir, peu importe les efforts qu’ils feront pour oublier mon existence avec de stupides cadeaux, sapins ou repas en famille…
Il s’arrêta de nouveau en face de Malefoy.
- Je te donne l’occasion de te racheter, Lucius, et j’offre la même possibilité à ton fils, dit Voldemort. Je veux la mort de ces deux imbéciles qui m’ont ridiculisé et qui ont trahi leur sang ! Et je demande le meurtre le plus atroce possible, tu m’entends ? Je veux que leurs cadavres soient bien visibles sur le Chemin de Traverse le jour du réveillon, et qu’ils inspirent le plus grand effroi… La mort de ces petits sots qui ont osé défier Lord Voldemort anéantira le moral de tous… Leur magasin est le dernier à vendre des objets pour s’amuser, rire, et n’a pas sa place dans un monde que je dois terroriser… De plus, cela rachètera définitivement la faute de ton fils, et peut-être aussi la tienne… Et Drago aura commis son premier meurtre.
- Maître, voulut protester Lucius, Drago a été condamné à vie pour avoir tué deux Moldus…, mais Voldemort l’arrêta d’un geste.
Son visage blanc comme la craie exprimait un grand agacement.
- Ton fils s’est montré bien trop faible pour tuer qui que ce soit, Lucius, même de stupides Moldus…
Le Mangemort parut d’abord très surpris, puis furieux.
- Narcissa… marmonna-t-il pour lui-même.
- Que je sois bien clair, Lucius, reprit Voldemort : si vous échouez, ou si Drago ne tue pas au moins un des deux, il mourra. En revanche, je ne sais pas encore ce que je ferai de toi… Tu as déjà plusieurs années de bons et loyaux services derrière toi… mais quoi qu’il arrive, ne doute pas que ton châtiment sera terriblement douloureux, bien pire que ce que je t’ai infligé tout à l’heure… En revanche, Drago m’a rapporté beaucoup plus d’ennuis qu’il ne m’a été utile, depuis qu’il est à mon service, alors il n’y aura plus d’autre alternative pour lui que…
Il leva brusquement sa baguette magique et un éclair vert éblouissant jaillit du bout dans un bruit de rafale de vent. Le jet de lumière siffla à deux centimètres de l’oreille du Mangemort et vint frapper la porte de la pièce qui fut réduite en poussière ; le sortilège démolit également toute une partie du mur de pierre.
Malefoy ne cilla mais la force du maléfice avait fait tomber son capuchon pour révéler un visage blême, humide et brillant de transpiration
- Si tu tiens à la vie de ton fils, Lucius, tu sais ce qu’il te reste à faire, n’est-ce pas ?… Je ne tolérerai l’aide de personne, c’est une mission que je vous confie à tous les deux, et tu sais que je saurai toujours si tu me mens ou pas. Et bien évidemment, il est inutile d’essayer de fuir… ajouta-t-il d’un ton narquois. Est-ce que tu m’as bien compris ?
- Oui, Maître… répondit Malefoy d’une voix maintenant très tremblante, comme s’il avait soudainement ressenti une peur encore plus grande. Je ferai selon votre désir.
- Bien, maintenant, un dernier petit avertissement pour toi… annonça Voldemort sur un ton de plus en plus cruel.
Le serviteur tremblait plus que jamais, son visage ruisselant de sueur.
- Endoloris !
Une fois encore, il s’effondra sur le sol et se tordit de douleur en poussant d’horribles cris.
Pendant trente secondes, ses hurlements retentirent et résonnèrent sur l’île, puis le bourreau leva une nouvelle fois sa baguette magique.
- Relève-toi, dit-il d’un ton toujours autant dénué de compassion.
Le Mangemort se remit difficilement debout, ses convulsions ne s’étant pas totalement stoppées, cette fois-ci.
- Tends ton bras, ordonna sèchement Voldemort.
Malefoy obéit et tendit son bras gauche en relevant sa manche jusqu’au coude, dévoilant un tatouage rouge : la Marque des Ténèbres. Voldemort appliqua un doigt semblable à une patte d’araignée sur le signe qui se colora d’un noir de jais, tout en prononçant à voix basse le nom « Drago ».
Aussitôt, le second individu qui était sorti quelques minutes auparavant se matérialisa dans la pièce dans un craquement sonore. Il avait lui aussi enlevé son capuchon, et l’on pouvait maintenant voir son visage pâle et tout aussi transpirant que celui de son compagnon.
- Bonsoir, Drago, dit Voldemort d’une voix doucereuse. J’ai déjà dit tout ce que tu avais besoin de savoir à Lucius, il te racontera tout ça. Si je t’ai fait venir, c’est pour que tu subisses ton châtiment…
- Maître, je vous en supplie, je ferai tout ce que…
- Je n’en doute pas, coupa Voldemort d’un ton de plus en plus cruel, car si jamais ce n’est pas le cas tu n’auras plus jamais l’occasion de faire quoi que ce soit. Mais cela n’empêche que tu dois payer pour ta faute… rajouta-t-il sadiquement, et en bon père, c’est Lucius qui va s’en charger.
Drago regarda son père, terrorisé. Lentement, très lentement, ce dernier se tourna vers lui, puis leva sa baguette magique :
– Endoloris !
Une troisième fois cette nuit là, d’atroces cris de douleur se firent entendre dans la forteresse d’Azkaban, tandis que Lucius Malefoy torturait son fils.
Harry n’avait toujours parlé à personne de sa conversation avec le tableau de Dumbledore, ni de son rêve où il avait cru revoir le véritable Albus Dumbledore, et encore moins de l´abjection que ces deux derniers lui avaient affirmée. Il ne voulait pas l’évoquer, il ne voulait plus y penser, il ne voulait pas que cela dépasse le stade… du cauchemar. Il n’avait plus la moindre envie de comprendre le feu directeur, ou de se demander comment il avait pu oser dire une chose pareille, après tout ce que cet homme ignoble – lâche, traître – lui avait fait – leur avait fait –, que ce soit à Harry ou à Dumbledore.
Certes, Ron, Hermione et Neville avaient tenté de lui faire raconter ce qui s’était passé la veille de leur départ pour le Terrier, mais Harry avait prétendu qu’il avait simplement eu une irrésistible envie de se coucher dans un lit douillet cette nuit-là, en omettant de s’expliquer sur ce qu’il avait bien pu faire entre la réunion de l’Ordre et le moment où il avait débarqué en trombe dans son dortoir.
Car il se trouvait bien au Terrier, en compagnie de ses deux meilleurs amis et de Neville, qu’il pouvait aussi facilement considérer comme un de ses meilleurs amis. Neville s’était répandu en paroles de gratitude devant Mrs Weasley, mais cette dernière avait refusé d’accepter ses remerciements.
– Ce n’est rien, voyons ! avait-elle répondu, le visage rayonnant. C’est un plaisir d’inviter les amis de Ron, surtout que je me suis rendu compte que mon fils cadet avait le don de se faire les meilleurs amis que l’on puisse trouver (elle avait lancé un regard affectueux à Harry et Hermione) : fidèles, loyaux, charmants… et très braves, ce qui n’est pas négligeable avec la menace de Vous-Savez-Qui qui plane sur nous en ce moment… Mais bon, avait-elle poursuivi en retrouvant son sourire bienveillant, Noël n’est pas fait pour penser à la guerre, n’est-ce pas ?
Il était pourtant difficile de ne pas penser à Voldemort une semaine seulement après la prise d’Azkaban, de ne pas se dire que Hagrid ne pourrait pas passer ce Noël… même si au fond de lui-même, Harry savait que ce n’était pas ce qui le préoccupait réellement depuis son réveil, au matin du lundi du début des vacances. Il ne s’agissait même pas de la phrase inconcevable prononcée et répétée par Dumbledore et son tableau, et qu’il avait pourtant réentendue la veille au soir.
Depuis qu’il avait rouvert les yeux le jour du départ au Terrier, il avait été saisi d’une étrange impression, un pressentiment qui ne le quittait plus… Le sentiment que quelque chose n’allait pas, un peu comme s’il avait appris qu’un événement triste s’était produit… ou allait arriver. Mais il n’aurait peut-être pas été autant préoccupé s’il n’avait pas ressenti au même moment quelques picotements le long de sa cicatrice.
C’était la seconde fois depuis la mort de Maugrey, et il avait sérieusement commencé à se demander s’il n’avait pas fait un rêve dont il ne se serait pas souvenu, un rêve du même genre que ceux qui l’avaient tourmenté pendant deux ans, en quatrième et cinquième année. Dumbledore lui avait pourtant dit que Voldemort avait coupé le lien entre Harry et lui après sa tentative de dérober la prophétie au ministère de la magie ; mais d’un autre côté, Dumbledore ne lui inspirait plus du tout le même respect, ni la même impression de sagesse qu’autrefois.
Quoi qu’il en soit, il ne pouvait s’empêcher de garder une certaine appréhension. Il était convaincu que Voldemort pouvait parfaitement choisir une période comme celle-ci pour provoquer de nouveaux drames… ou plutôt, un genre de drame encore plus tragique que ceux que La Gazette rapportait chaque semaine, et même presque chaque jour, ce qui devenait d’ailleurs alarmant. Mais après tout, on ne pouvait plus dire que c’était nouveau… Il s’efforça donc de ne pas faire attention à son malaise et fit tout son possible pour aider les Weasley à préparer le réveillon.
Et il y avait beaucoup de travail. En effet, le mercredi suivant, c´est-à-dire le 24 décembre, les Weasley organisaient une grande réception pour le réveillon de Noël. Comme Mr Weasley était beaucoup mieux payé au poste de Chef du Bureau de Détection et de Confiscation des faux sorts de défense et objets de protection qu’à celui de directeur du Service des Détournements de l’Artisanat Moldu, ils se permettaient désormais de dépenser plus de Gallions en nourriture et en décoration, et avaient donc pu inviter beaucoup d’autres personnes en plus de Harry, Hermione et Neville : Fred et George, qui avaient chargé leurs employés de veiller seul au bon fonctionnement de la boutique pour le soir du réveillon ; Bill et Fleur, qui laissaient donc leur petit appartement du centre de Londres pour le Terrier ; Charlie, qui était revenu de Grande-Bretagne pour les vacances, ainsi qu’une bonne partie de l’Ordre du Phénix. Percy, toujours assez distant malgré son appartenance à l’Ordre, avait décidé de se rendre à la soirée organisée par le ministère de la magie. Personne ne faisait de commentaire sur ce point.
Lundi, ils purent se laisser plus ou moins aller à la détente. Charlie, Ron, Neville et Harry s’affrontèrent dans de nombreuses parties d’échecs. Harry fut battu à plate couture par chacun de ses trois adversaires. Charlie fit exactement le contraire. Il gagna facilement contre Harry, mais l’emporta bien plus difficilement contre son frère cadet et son autre ami.
A la suite de leur championnat improvisé, Charlie était bien entendu le vainqueur, suivit par Ron qui n’avait battu Neville que de justesse. Harry était enfin sur le point de gagner une partie, mais cela n’avait rien de glorieux contre Hermione.
Elle et Ron passaient également beaucoup de temps ensemble, dans un coin isolé du jardin ou dans les chambres – bizarrement (aux yeux de son fils en tout cas), Mrs Weasley passait très souvent les voir lorsqu’ils se trouvaient là-bas.
– Et elle fait toujours une tête bizarre, disait Ron, les sourcils froncés. Comme si elle avait peur que les lits soient sous les ordres de Tu-Sais… de Voldemort – désolé, une vieille habitude, expliqua-t-il.
Harry préféra ne pas se prononcer sur le sujet. Il répugnait à expliquer à son meilleur ami que sa mère craignait tout simplement que des « choses » puissent lui arriver avec Hermione, surtout dans une chambre vide… Il lui était encore plus pénible de dire tout cela à Ron devant Hermione, dont le teint rose vif prouvait que de toute façon, elle avait déjà compris… comme une grande.
Ils consacraient aussi une infime partie de leur temps dans les devoirs de vacances, une minuscule portion d’une telle insignifiance qu’Hermione aurait été choquée si elle n’avait pas été concernée par ce laisser-aller. Mais en ce moment, elle paraissait se soucier uniquement de sa vie amoureuse, ce qui changeait considérablement son humeur – elle avait l’air bien plus gaie et épanouie qu’auparavant – et ravissait son petit ami dont le souhait le plus cher semblait enfin se réaliser.
Les récents événements, discussions et rêves de Harry l’empêchaient de ressentir véritablement la joie de vivre qu’il tentait de dégager. Mais ce qui aurait pu a priori le couper du monde extérieur et l’inciter à se plonger dans les devoirs ne suffisait pas à l’empêcher de remarquer Ginny à chaque fois qu’il la croisait, ou même qu’il l’apercevait de loin… Et cela lui arrivait constamment, étant donné que l’espace était nettement réduit par rapport à Poudlard et qu’ils prenaient petit déjeuner, déjeuner et dîner tous ensemble. Il ne parvenait pas à se concentrer quand il la savait proche de lui – et elle l’était quasiment toujours.
Et quand il y repensa, lundi soir, dans son lit, il se dit que cette proximité était peut-être un signe encourageant ; puis une scène déprimante lui revint en mémoire : la froideur avec laquelle elle lui avait rapproché le plat rempli de rôti de bœuf, sans dire le moindre mot, le visage impassible. Il soupira et se retourna dans ses draps, tout en se répétant qu’il ne devait pas renoncer, qu’il devait se battre s’il voulait être heureux, et donc lutter ardemment pour que Ginny accepte à nouveau de lui sourire, puis, peut-être un jour, de ressortir avec lui…
Le bonheur et Ginny… Ces deux idées étaient liées, elles ne pouvaient exister l’une sans l’autre… il le savait depuis l’enterrement de Maugrey… Et il songeait aussi qu’il n’avait jamais été aussi amoureux.
Certes, il n’avait aimé que deux filles dans sa courte vie : Cho et Ginny. Mais il lui semblait avoir déjà connu les deux principales catégories d’amour : l’amour de jeunesse et l’amour… l’Amour…
« Eh bien, me voilà bien romantique, tout d’un coup », dit une voix dans sa tête.
Il s’agissait de cette voix qu’il entendait de temps à autres, et qui prenait généralement le ton exaspérant d’Hermione lorsqu’elle lui faisait la morale. Mais cette fois-ci, elle parlait avec la douceur de Dumbledore.
« Je l’aime, répondit Harry, alors j’imagine que ce n’est pas tout à fait anormal… »
« Non, bien sûr…, dit lentement la voix, mais comment se fait-il que je sois tant obsédé par elle ?… »
« Elle est très jolie…, dit simplement Harry. »
« Il n’y a pas que ça… »
« Non, approuva Harry. Elle est aussi très courageuse, dévouée aux autres ; elle porte le même intérêt que moi au combat contre les forces du Mal… Et elle a un caractère de tigresse… elle peut s’enflammer facilement quand ça la touche profondément… »
« En fait, dit la voix, elle est un peu comme moi… »
Oui, pensa Harry, Ginny lui ressemblait. C’était une sorcière très douée en duels – il se souvenait comme si c’était hier de ses performances dans l’A.D. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds, avec son caractère bien trempé, et n’hésitait pas à dire ce qu’elle pensait, même à Harry… C’était une femme – ou presque une femme – forte, mais qui avait bien sûr ses faiblesses et fragilités… Il l’aimait autant pour ses qualités que pour ses défauts, et c’était peut-être cela la différence avec ce qu’il avait pu ressentir pour Cho…
Et Ginny ? Aimait-elle aussi Harry pour ses défauts ? Elle l’avait « quitté » (ils ne sortaient même plus ensemble à ce moment-là) à cause de sa tendance à vouloir la couver et la surprotéger… mais Harry était obligé de reconnaître qu’il avait dépassé les bornes ; c’était plus qu’un de ces petits problèmes qui pouvaient pimenter une relation entre un garçon et une fille – la différence entre les petites et les grosses disputes de Ron et Hermione. Bien sûr, pour qu’elle l’aime pour ses défauts, il fallait déjà qu’elle soit toujours amoureuse de Harry. Mais pour cela, son intuition lui disait de ne pas trop se faire de souci…
Un peu – très légèrement – honteux à cette dernière pensée (mais elle lui apportait surtout une certaine fierté, même s’il la savait exagérée), il se retourna une dernière fois, s’enroulant ainsi complètement dans sa couverture et achevant de plonger dans un sommeil réparateur et peuplé de doux rêves…
Le lendemain, son humeur avait changé du tout au tout, si bien que Ginny elle-même consentit à lui adresser un léger sourire pendant le petit-déjeuner, où il avait repris son courage à deux mains et renouvelé l’expérience de la veille en lui demandant de lui passer les pancakes. Il en venait à se demander si Mrs Weasley n’organisait pas exprès la table pour qu’il puisse le faire.
Ils improvisèrent une partie de Quidditch dans le pré des Weasley, mais Hermione et Neville furent rapidement lassés : non seulement ils étaient toujours aussi désespérants sur des balais, mais en plus, Hermione était loin d’être aussi passionnée que les cinq autres par ce sport. Les autres poursuivirent à deux contre deux – Harry et Ginny contre Ron et Charlie – sous le regard émerveillé de Neville et outré d’Hermione. Elle n’avait pas du tout aimé la façon dont Ron lui avait reproché sa lenteur de réaction lorsque le faux Souaffle (ils n’utilisaient pas de vraies balles de peur qu’elles s’enfuissent) lui avait échappé alors qu’il était passé à à peine quelques centimètres d’elle : elle avait paniqué et avait failli tombé de son balai de peur que la balle ne lui casse le nez, ce qui n’avait pas le moins du monde attendri Ron.
La partie fut très serrée, car Harry et Charlie étaient deux des meilleurs attrapeurs de l’histoire de Poudlard. En outre, Ginny était une poursuiveuse très douée et Ron ne jouait pas mal du tout.
Quand Mrs Weasley les appela à l’heure du déjeuner, chaque équipe avait marqué autant de points. Harry, Ginny et Charlie étaient très tentés par un dernier point gagnant mais Ron atterrit aussitôt et fila vers Hermione, sans doute pour se faire pardonner. Le couple revint dix minutes plus tard ; Ron se faisait tout petit derrière une Hermione passablement irritée. Harry résista à l’envie d’éclater de rire devant ce tableau, ce qui fut d’autant plus difficile qu’il avait croisé le regard de Ginny qui semblait également réprimer un fou rire. Bien entendu, il n’était pas toujours agréable de voir Ron et Hermione lorsqu’ils étaient susceptibles de se disputer (le genre de dispute où il leur arrivait de crier), mais l’imperceptible tressaillement de sourire qui se voyait sur les lèvres de son amie rassura rapidement Harry.
Après avoir fini leurs assiettes, Ron et Hermione restèrent ensemble et Harry laissa Charlie et Neville autour de la table de la cuisine alors qu’ils entamaient une discussion poussée sur le jeu d’échecs – qui n’allait sans doute pas tarder à se tourner vers le Quidditch, puis ensuite vers les dragons de Roumanie et finalement du monde entier.
Il monta dans la chambre de Ron où il sortit plumes, bouteilles d’encre et rouleaux de parchemin, ainsi que ses livres de classe pour les poser sur le bureau et il se mit au travail. Il se sentait d’une humeur assez oisive, et se disait qu’il valait mieux faire ses devoirs de vacances maintenant plutôt qu’à un autre moment – le genre de moment où il aurait envie de faire quelque chose de plus amusant.