Le voyez-vous ?

Les jeux qui reviennent sur des affaires tristement célèbres sont assez rares et il est bon de s'y intéresser lorsqu'un nouveau titre de la sorte pointe le bout de son nez glacé. C'est le cas de Kholat qui, en dehors d'inspirer bon nombre de jeux de mots tous plus pourris les uns que les autres, propose au joueur de découvrir la sordide affaire du col Dyatlov. 9 randonneurs morts en montagne, l'impitoyable climat du nord de l'Oural, des circonstances inexpliquées et une conclusion officielle mentionnant "une force irrésistible inconnue" seront donc les bases du titre. On y incarne un homme souhaitant enquêter sur l'affaire en s'enfonçant peu à peu dans le mont de Kholat Syakhl, où les secouristes ont retrouvé le dernier campement des défunts, dont la tente a été découpée de l'intérieur... Années 50 obligent, ne comptez pas sur un GPS ou sur un téléphone satellite pour vous guider dans cette aventure puisque vous n'aurez comme seules armes qu'une torche, une boussole et une carte. Toujours motivé ?

Kholat, ton univers impitoyable

On pourrait dire du jeu qu'il tente d'être un Dear Esther avec du challenge introduit par une dose de gameplay proche de celui d'un Slender. Comprenez par là qu'en dehors du rôle de First Person Adventure qu'il endosse avec brio, Kholat nous propose de fuir la fameuse "force irrésistible inconnue" qui n'aura de cesse de vous traquer à chaque découverte "majeure" que vous ferez. Notez le traitement particulier attribué au qualificatif des découvertes, car on est bien loin du dépaysement proposé par un Dear Esther ou un Vanishing of Ethan Carter, dans lesquels chaque nouveau lieu fait office de nouvelle ambiance.

Votre carte, l'un de vos rares amis pour cette balade glacée...

Dans Kholat, tout est froid, montagneux, en ruine, et hostile. Alors oui, il y a bien sur la carte quelques endroits atypiques, mais tous baignent dans cette aura homogène et un peu lassante à la longue. Le dépaysement n'opère qu'une seule fois, lorsque vous quittez la civilisation pour pénétrer en montagne, au tout début du jeu : la claque majeure se fait à ce moment-là. Après ce passage, tout se ressemble, on est seul dans l'Oural, impuissant et menacé, et c'est au final le but du jeu : nous perdre en montagne dans un environnement hostile pour nous faire vivre l'enquête à la dure. L'ambiance est d'ailleurs le principal atout de Kholat puisque le sound design y est très réussi et vient couronner une ambiance visuelle de grande qualité.

En dehors de la remarquable fidélité de l'atmosphère de Kholat, et d'un sentiment de liberté factice qui marche plutôt bien sur les premiers segments du titre, on discerne très vite le principe du jeu : se perdre, trouver des pages de journaux, tenter de se repérer avec les coordonnées trouvées, gérer votre carte et votre boussole, observer les apparitions étranges qui peuplent les lieux clés de l'aire de jeu, mourir sans trop comprendre pourquoi et repartir à l'exploration depuis un checkpoint pour tenter de faire avancer l'histoire. Voilà votre tâche pour cette aventure, et vous serez pour l'occasion épaulé par Sean Bean, célèbre acteur qui fait ici office de narrateur et qui ne meurt pas tout de suite après le début du jeu, histoire de varier avec ses précédents rôles. En creusant bien, on se rend compte qu'un véritable scénario semi-ouvert aux interprétations se cache derrière Kholat. Malheureusement, le titre est relativement rebutant si l'on n'a pas quelques heures devant soi pour tourner en rond et se faire à la topographie si particulière de l'aire de jeu.

Frustrant et enchanteur ?

Découpée en zones reliées par fast travel grâce aux feux de camp, la zone de jeu est truffée de pages à récupérer. Vous identifierez ces dernières grâce à votre talent pour l'observation ou grâce à un bon sens de l'orientation. Le côté frustrant de l'aventure, c'est justement qu'en alternance avec ces phases d'exploration, on rencontre parfois des pièges et esprits maléfiques dont l'unique but est de vous tuer rapidement, en vous pistant et en vous suivant.

Chaque mort sera synonome de game over et il est particulièrement pénible de partir à l'aventure, s'y perdre, mourir sans savoir pourquoi, et recommencer loin de sa dernière trouvaille pour à nouveau se perdre. A mon humble avis, de nombreux joueurs quitteront l'aventure à ce moment-là. Pour ceux qui adhèrent encore à la trame et qui veulent connaître l'interprétation des développeurs à l'égard de la tragédie du col Dyatlov, Kholat demandera pas mal d'investissement mental et devrait même vous énerver de temps en temps. Entre les galères d'itinéraire pour rejoindre certains points, le fait que l'on ne puisse pas sauter, la course limitée par le froid, il faut se rendre à l'évidence : le jeu ne nous facilite pas la tâche ! Néanmoins, de nombreuses théories ont été élaborées sur l'interprétation même du scénario et il semble intéressant de dire lors de soirées mondaines que l'on a fini Kholat, c'est un peu comme dire qu'on a sauvé un chiot d'une bouche d'égout, l'acte en lui-même est relativement pesant mais la finalité est gratifiante.