Réveillé de sa sieste par une flotte alien prête à pulvériser la terre, Travis se voit obligé de reprendre du service. Non content de menacer l’humanité, Jess-Baptiste VI, le tyran intergalactique, impose un petit jeu à nos congénères qui doivent venir à bout de 9 autres malandrins avant de l’atteindre. C’est donc notre cher Travis Touchdown qui relève le défi pour devenir l’assassin numéro 1 de l’univers.

L'invasion des profanateurs de motel miteux

La licence No More Heroes n’a jamais brillé par la profondeur de son scénario et le pitch des jeux tient généralement sur un timbre-poste. Toutefois, ce dernier a toujours été prétexte à de nombreuses séquences barrées et a toujours permit la présence d'intervenants toujours plus charismatiques. Certains se rappelleront volontiers le combat contre Dr Peace et sa chanson hommage à sa fille. D’autres n'oublieront pas de si tôt leur première rencontre avec Bad Girl. Malheureusement, No More Heroes 3 ne parvient jamais à renouer avec ces moments de grâce qui conféraient à la licence son aura si particulière. Cet épisode essaye toutefois de nouvelles choses d’un point de vue narratif. Plusieurs séquences animées plaisantes sont présentes tandis que les débuts et fins de chapitres sont accompagnés d’un générique très réussi.

Ici pas de tirade philosophique à prendre au dixième degré ou de backstory dramatique justifiant la personnalité de notre opposant. Si le joueur n’est pas à l’abri de quelques surprises et que plusieurs retournements de situations font plaisir à voir, la grande majorité des boss rencontrés manquent cruellement de charisme. Ces extraterrestres aux couleurs criardes ne mentionnent à aucun moment leur passé ou leurs motivations et préfèrent nous parler de leur collection de pierres ou de leur petit copain. On pourra toutefois apprécier quelques variations de gameplay bienvenues lors de ces affrontements, mais rien qui fasse oublier la platitude des échanges ou la vulgarité gratuite des dialogues. Bref, en comparaison des adversaires des précédents épisodes, ces boss font pâle figure et ne sont pas aidés par la direction artistique d'un goût douteux.

Les couleurs vives et les proportions étranges des ennemis semblent s'inscrire dans une esthétique de vieux Sentai, mais les décors sont quant à eux terriblement plats et ne parviennent pas à restituer la même vibrance. Il en résulte un jeu visuellement incohérent et criard, parfois correct, mais souvent vilain. Ce constat est d’autant plus accablant lorsque l’on s’attarde sur la technique du titre. Si l’on peut pardonner l’aliasing omniprésent ou des textures d’un autre âge qui ne s’affichent que tardivement, on peut difficilement outrepasser les chutes de framerate lors des phases d’exploration. C’est bien simple, lors des phases en moto, le titre n’atteint jamais les 30 images par seconde. La bécane d'ailleurs est franchement désagréable à manier. Heureusement, les combats sont globalement fluides, mais l’inverse serait étonnant étant donné que le jeu n’affiche que rarement plus de trois ennemis simultanément.

Le minimum syndical

Les combats, eux, s’en sortent avec les honneurs. Si l’on déplore une caméra toujours un peu capricieuse, les sensations sont bonnes. Travis enchaine des coups de Beam Katana avant d’asséner une frappe fatale au ralenti, il projette ses adversaires en un suplex plein de souplesse et esquive avec aisance. Effectuée dans un bon timing, cette esquive permet toujours de ralentir le temps pour asséner un combo dévastateur. À ce cœur de gameplay, No More Heroes 3 ajoute 4 capacités spéciales soumises à des délais de récupération. Ces dernières permettent de créer des ouvertures et de mettre au sol l’adversaire afin de l’enchainer en toute quiétude. Ponctuellement, Travis pourra utiliser sa super armure pour pulvériser les ennemis en une fraction de seconde. Le tout est porté par un sound design efficace qui confère un bon impact à nos pluies de coups. Malheureusement ce système convaincant ne tient pas sur la durée, la faute à des arènes rudimentaires et des combats qui copie colle les mêmes archétypes d’ennemis ad nauseam. De plus, les combats de boss ne sont jamais précédés de niveaux dédiés (!). La structure du jeu en devient particulièrement répétitive.

Pour rappel, dans No More Heroes, Travis arpente les rues de Santa Destroy et de ses environs pour accomplir différentes missions et prendre part à quelques minijeux. Une fois suffisamment d’argent en poche, il peut payer les frais d’admissions pour affronter le prochain boss. Contrairement aux autres épisodes, ici pas de stage permettant d’entrer dans l’univers de l’antagoniste. Une fois la somme versée, Travis part instantanément affronter son adversaire. La structure du jeu se répète donc inlassablement. Missions secondaires et minijeux, Boss, Missions secondaires et minijeux, Boss, etc. Ces objectifs secondaires se résument la plupart du temps à affronter un groupe d'ennemis, déjà vu 10 fois auparavant, dans une arène rectangulaire pour gagner un peu d’argent. Si le joueur a parfois droit à une séquence de shoot’em up contre un boss alien, ce dernier est copié-collé encore et encore à différents endroits du jeu. Les quelques minijeux quant à eux peuvent prêter à sourire la première fois, mais déboucher des toilettes et tondre la pelouse (une référence subtile au nom du studio) c’est amusant 2 minutes, pas plus. Si ces minijeux satiriques sont à prendre avec une certaine ironie, leur surutilisation et le manque de variété ne peuvent être ignoré. On a parfois le sentiment que No More Heroes 3 fait le minimum syndical. Outre les combats copiés-collés, on note un contenu franchement maigrichon. Le joueur ne débloque pas de nouveau Katana ou de nouvelles prises de catch, par exemple. Il pourra apprendre de nouvelles techniques et améliorer ses statistiques, mais pas de minijeu de musculation ici, on fera tout via une interface d’amélioration située au sous-sol du motel. Autant vous dire que les dix heures nécessaires à boucler l'aventure paraissent bien longues.

No More textures

Les phases d’exploration attestent d’un manque de finition flagrant. Outre la technique déplorable que nous avons abordée plus haut, la distance d’affichage rachitique ou les bâtiments identiques de quartier en quartier, on note un nombre de murs invisibles hallucinants. Par exemple, dans une zone désertique, certaines buttes peuvent être surmontées en moto. D’autres, strictement identiques, sont infranchissables. Un monde inspiré d’un jeu de guerre bien connu place des barrières invisibles partout et un filtre vieillot tente de masquer l’absence de textures et de détails. Percuter un véhicule fera purement et simplement disparaitre son modèle 3D. Il est donc difficile de ne pas voir en No More Heroes 3 un jeu inconséquent, qui n’en fait pas assez et qui va même jusqu’à bâcler certains éléments de gameplay ou plusieurs phases narratives. Par exemple, nous avons mentionné plus tôt 4 attaques spéciales différentes. Et bien 3 d'entre elles nous sont données au même moment, par un PNJ au détour d’un combat de boss peu intéressant. On pourrait presque croire que le titre ne savait pas trop quand nous les fournir.

Si certains de ces défauts structurels et de finition étaient présents dans les précédents épisodes, ces derniers étaient sauvés par une ambiance singulière, une direction artistique solide et par des boss souvent sympathiques et parfois mémorables. Malheureusement ce n’est pas le cas ici. Il reste alors un jeu d’action au gameplay efficace qui offre quelques séquences intéressantes, mais trop d’éléments frustrants et bâclés parasitent l’expérience pour qu’elle soit recommandable. C’est dommage, car en négligeant trop d’aspects fondamentaux qui composent un jeu vidéo de qualité, No More Heroes 3 n’atteint pas le statut d'œuvre Pulp et décalée auquel il aspire et se transforme en un authentique nanar, plus proche de l'autoparodie que de la véritable suite.

Conclusion