Annoncé dans le cadre de l'E3 2019, Empire of Sin s'est fixé pour objectif de redonner ses lettres de noblesse à un genre qui n'a jamais réellement occupé le devant de la scène : le jeu de gestion d'un empire gangster, au cœur de la prohibition. A mi-chemin entre tactical et management, Empire of Sin déploie de bonnes idées, malheureusement pas toujours bien exécutées.
Bienvenue dans la pègre
Le postulat de Empire of Sin est pour le moins simple : il faudra, par la force ou par la ruse, tenter de conquérir une ville, en établissant votre autorité quartier après quartier. Tout commencera par la sélection de l'un des nombreux personnages incarnant un gang du jeu. Chacun d'entre eux dispose de statistiques et de qualités qui lui sont propres. Qu'il s'agisse d'une baisse de coût de l'entretien de certains bâtiments ou d'une génération accrue de loyauté de vos hommes, par exemple, libre à vous de sélectionner le personnage qui vous correspond le mieux. Notez d'ailleurs que chaque avatar disposera d'une introduction personnalisée et disposera d'une capacité unique à exploiter lors du combat. Si, dans les faits, la singularité de chaque chef de gang ne bouleversera pas l'ensemble de l'expérience, la diversité est tout de même là et est à saluer.
Passé un bref didacticiel, vous serez rapidement parachuté dans la ville, que vous pourrez explorer par quartier à votre guise, en vous déplaçant au clic. Votre exploration sera notamment l'occasion de rencontrer les membres des factions adverses. Dès lors se pose votre premier choix, qui sera récurrent à chaque nouvelle rencontre : choisirez-vous de collaborer avec la nouvelle famille ou verserez-vous directement dans la menace ? A vous de voir, mais autant dire qu'il faudra un solide aplomb pour pouvoir mener une guerre face à un gang bien établi. Il faudra donc que vous étendiez peu à peu votre influence sur la ville et ceci se déroule de plusieurs manières, à commencer par l'acquisition de différents bâtiments.
Un volet gestion sympathique mais vite répétitif
Avant même d'aller attaquer la propriété de certaines familles, vous pourrez choisir de vous rendre dans des entrepôts neutres, occupés par des brutes. Si vous parvenez à en venir à bout, vous aurez le choix de convertir les lieux en diverses entreprises. Brasseries, afin de vous assurer d'une production constante d'alcool, bars pour le servir, hôtels, bordels et casinos seront autant de sources de revenus qu'il conviendra de bichonner pour vous assurer de leur rentabilité. Vous pourrez donc, moyennant finances, augmenter le degré de sécurité des lieux, favoriser le bouche-à-oreille ou la décoration afin d'améliorer l'attractivité. Ce n'est qu'à ce prix que les clients se rendront dans vos établissements et qu'ils vous offriront une certaine garantie financière. Vous pourrez d'ailleurs mettre en place certaines synergies qui, une fois certains types de bâtiments détenus, vous permettront d'accéder à des constructions supplémentaires.
Pour gagner un peu d'argent de départ, vous pourrez d'ailleurs commencer par remplir une poignée de quêtes plus ou moins scénarisées, qui vous offrent parfois certains choix à opérer et qui pourront avoir un impact direct sur votre empire ou sur la perception que les familles en présence comme gangsters auront de vous. Il faudra par la suite veiller à produire suffisamment d'alcool pour approvisionner vos établissements ou encore vous assurer que les spiritueux que vous servez sont en accord avec la demande, dans le but de maximiser vos profits. À mesure que vous multiplierez les commerces, vous gagnerez en réputation et pourrez alors recruter des gangsters de plus en plus puissants, dont certains, une fois nommés, pourront s'acquitter de certaines tâches à votre place. Cependant, le recrutement de vos bras armés devra être un minimum réfléchi, car, outre certaines classes inhérentes à tel ou tel gangster, chacun d'entre eux a ses relations propres. Ainsi, si un postulant est en froid avec un membre de votre groupe, il refusera de rejoindre vos rangs. Pire encore, si une liaison s'établit entre deux éléments de votre escouade, si l'un des amants meurt, son partenaire pourrait autant quitter votre groupe que fuir le combat.
Des combats trop lourds et trop classiques
Et cela pourrait s'avérer très pénalisant puisque des combats, vous en ferez beaucoup dans Empire of Sin. Sur ce point, le jeu s'avère très classique, voire assez peu convaincants sur la durée. Sur le volet du tour par tour, le titre fait le minimum syndical, avec ses déplacements sur grille conditionnés par une poignée de points d'actions à répartir selon votre convenance. Couverts, demi-couverts, tirs de vigilance... tous les poncifs du genre ou presque répondent présents. C'est davantage dans les nombreux bugs, dans leur lourdeur et les problèmes d'IA que les combats trouvent leurs points faibles. Effectivement, il ne sera pas rare qu'un couvert complet n'empêche pas les ennemis, pourtant situés en dehors de votre champ de vision, de vous tirer dessus et de parvenir à vous toucher. En outre, le comportement des adversaires est souvent incohérent, mais, pire encore, le déclenchement de chaque action n'est pas assez rapide pour insuffler un peu de dynamisme à l'ensemble. Ainsi, si d'aventure de nombreux ennemis sont en présence, la prise de tour ne se déclenche qu'au prix d'un temps d'attente qui pris individuellement est acceptable, mais qui devient nettement plus problématique sur la durée.
Des combats pas vraiment palpitants
Par ailleurs, le classicisme du système d'affrontement lui interdit une vraie profondeur tactique, amputant ainsi au jeu d'une bonne partie du plaisir passé les premières heures de jeu. Et c'est d'autant plus vrai que certains combats se multiplient parfois inutilement. S'il faudra, pour éliminer un gang, ou prendre possession d'un bâtiment adverses, passer par la case, affrontement, il en ira de même pour chaque défense de vos territoires. Si cette approche est tout ce qu'il y a de plus logique, dans les faits, elle est plus fastidieuse qu'autre chose. Ainsi, en cas de guerre, la faction adverse patrouillera dans les rues de la ville et attaquera tous vos bâtiments. A chaque rencontre qui se déroule, même lorsque vous n'êtes pas vous-même présent sur place, le jeu vous parachute, passé un bref temps de chargement, sur les lieux de la rixe. Il faudra donc le résoudre dans un premier temps. Cependant, si vous n'aviez affecté que peu de gardes devant les portes de l'un de vos bars, par exemple, vous savez que l'issue sera forcément fatale. Une fois le combat échoué, le jeu vous retéléporte sur votre personnage principal et, une poignée de secondes après, vous renvoie directement à l'intérieur de l'établissement que vous n'êtes pas parvenus à défendre. Un nouveau combat se déclenche alors. Et si la chose peut vite sembler redondante, elle devient carrément rédhibitoire puisqu'elle a tendance à se multiplier ad nauseam. Il nous a été parfois nécessaire de résoudre pas moins de 8 combats d'afilée, combats qui auraient gagné à être résolus automatiquement.
C'est d'autant plus regrettable puisque dans le fond, Empire of Sin n'est pas désagréable et que sur le papier, ce mix entre combats et gestion était plutôt séduisant. Il est d'ailleurs plutôt sympathique, au début du jeu, de s'amuser à planifier ses actions, d'essayer d'optimiser la production de vos bâtiments, de soudoyer la police pour qu'elle vous protège ou de sceller des alliances avec les gangs adverses. Il en résulte une vraie sensation de prise de pouvoir et de conquête vraiment pas désagréable même si, malheureusement, passé 6/8 heures de jeu, le sentiment d'en avoir fait le tour est rapidement présent et l'on se surprend un peu trop facilement à agir en mode automatique. Si les systèmes de quêtes, d'événements à choix et de combats avaient été améliorés, nul doute que Empire of Sin aurait été bien meilleur.
Points forts
- Durant les premières heures, un agréable sentiment de prise de pouvoir
- La gestion globale de votre empire du crime
- Une ambiance mafieuse qui fonctionne
- Certaines quêtes qui renouvellent un peu la routine
- Les gangsters à recruter et leurs affinités, une bonne idée
- L'évolution de la prospérité des quartiers pas inintéressante
Points faibles
- Les combats, très lourds et souvent bugués
- On a vite le sentiment d'en faire le tour
- La gestion fastidieuse des combats lors de guerres de gangs
S'il n'est pas un mauvais jeu, Empire of Sin reste parfois décevant en ce qu'il ne parvient pas à donner corps à des idées complémentaires qui auraient pu être bonnes. Si les premières heures en jeu sont plutôt agréables et que l'on prend plaisir à faire grossir son empire du crime, une fois les mécaniques de gestion assimilées, le jeu passe en pilote automatique. En outre, il s'avère trop peu convaincant dans ses combats, conventionnels, parfois bugués et qui semblent souvent interminables, car trop répétitifs et assez peu nerveux. Pas inintéressant donc, mais pas aussi équilibré ni divertissant qu'on l'aurait espéré.