Une fin douce-amère

N'en déplaise à ses détracteurs, L'Attaque des Titans fait incontestablement partie des oeuvres majeures du siècle. Le manga d'Hajime Isayama, se présentant initialement comme un shônen sombre et plus mature qu'à l'accoutumée, a finalement pris un tournant dramatique qui en a fait un récit puissant et une réflexion profonde sur la guerre et ses conséquences. Mais L'Attaque des Titans parvient aussi encore à hanter les esprits grâce - ou à cause - de sa fin, clivante pour beaucoup.

Lorsque de nombreux lecteurs et lectrices s'attendaient à découvrir un final empli d'espoir, Hajime Isayama nous a plongés dans un chaos total, un aller sans retour à l'issue tragique qui a vu la fin de la grande guerre opposant les habitants de l'île de Paradis au reste du monde, mais pour un temps éphémère. Et si certains ont été déçus par cette conclusion, c'est aussi car elle fit l'objet de rumeurs et de soi-disant changements de la part de l'auteur. Mais Hajime Isayama l'a assuré : le final de l'Attaque des Titans tel qu'on le connaît est suffisamment semblable à la conclusion que l'auteur avait imaginée lorsqu'il a débuté son manga.

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À toi, qui vit 12 ans plus tard

L'an passé, MAPPA terminait enfin l'adaptation en anime de l'Attaque des Titans. Une conclusion sur laquelle Hajime Isayama a pu s'exprimer une fois de plus, notamment auprès du New York Times. Dans cette interview publiée à la fin de l'année dernière, l'auteur s'expliquait sur sa vision et assurait que la fin à laquelle les lecteurs et les spectateurs ont assisté correspond bien à la fin qu'il avait envisagée à ses débuts.

C'était plus ou moins là depuis le début, l'histoire qui commence avec la victime et qui traverse cette histoire et finit par devenir l'agresseur. C'est quelque chose que j'avais en tête dès le départ. Tout au long du chemin, certains aspects de l'histoire ne se sont pas déroulés comme prévu, et j'ai adapté et étoffé certains aspects. Mais je dirais que la fin de l'histoire n'a pas vraiment changé.

Plus loin dans l'interview cependant, Hajime Isayama dresse un parallèle entre Eren et lui. Quand le protagoniste de son manga déclare être forcé d'accomplir le futur qu'il a vu en vision, l'auteur y compare son propre rapport à son oeuvre et comment il a été "contraint" de réaliser la fin qu'il avait imaginée initialement, et ce, malgré son envie de changer le cours de son récit.

Cela aurait été bien de pouvoir changer la fin. Écrire des mangas devrait être libérateur. Mais si j'avais été complètement libre, j'aurais pu changer la fin. J'aurais pu la changer et dire que je voulais partir dans une autre direction. Mais le fait est que j'étais enchaîné à ce que j'avais imaginé quand j'étais jeune. Et donc, le manga est devenu une forme d'art terriblement restrictive pour moi, de la même façon que les pouvoirs gigantesques qu'Eren a acquis ont fini par l'emprisonner.

Cette déclaration fait écho à celles tenues par l'auteur en 2022 lors de l'Anime NYC, lorsque Isayama s'était excusé auprès des fans pour le final de SNK quelque temps après la parution des derniers chapitres. Que ce soit sous l'influence de ses éditeurs ou à cause de la peur de décevoir ses fans en changeant de trajectoire, Hajime Isayama a donc conclu son manga comme il l'avait imaginé au départ, mais pas forcément de la façon qui l'aurait finalement satisfait. Et l'on ne peut que compatir face à la détresse de cet auteur dont l'oeuvre a fini par devenir aussi immense qu'indomptable.