Nous y voilà déjà ! Quatre semaines après le lancement de la deuxième saison de la série House of the Dragon, nous venons de mettre le pied au sein de la deuxième partie, signe que l’intrigue avance… et avertissement que l’on se rapproche du final, prévu dans trois semaines ! Forcément, il ne fallait pas s’attendre à un épisode aussi spectaculaire que celui où l’on a vu s’affronter pas deux mais bien trois dragons, en l’occurrence Feux-du-Soleyl, Meleys et Vhagar. À l’inverse, on a pu découvrir les nombreuses conséquences de la bataille du Siège de Repos-des-Freux, un affrontement qui avait mis en suspens le destin de l’un des personnages principaux et fait ressortir plusieurs questions sur la suite de cette saison. Désormais, la tempête de l’épisode 4 laisse place, une nouvelle fois, à un certain calme et c’est ce qui a notamment permis à la série de poursuivre l’une de ses idées les plus intéressantes, si ce n’est la plus grande. Pourtant, cette envie des showrunners ne fait pas vraiment l’unanimité chez les spectateurs…

Tyrans et reines : deux manières de régner s’opposent dans l’épisode 5 de House of the Dragon

Cette semaine, dans House of the Dragon, c’était un peu le combat des opposés. Durant l’épisode, sorti dans la nuit de dimanche à lundi, la série met les leaders masculins à l’honneur… pour mieux critiquer la lutte pour le pouvoir et nous montrer que l’affrontement frontal, à grands coups d’épées, de boucliers et même de dragons, n’est pas la solution ultime. Peut-on vraiment parler de victoire à Repos-des-Freux pour les Verts lorsque l’on voit le bilan de cette bataille, autant d’un point de vue humain que politique ? Les pertes sont énormes, le roi Aegon II, au plus mal, fait le chemin retour à Port-Réal dans une cage en bois (nous ne sommes pas loin du cercueil...) et la parade dans les rues, affichant aux yeux de tous les habitants le crâne encore fumant de Meleys, est davantage un présage de mauvais augure qu’un symbole de réjouissance. Après cet affrontement direct entre Verts et Noirs, on craint le pire, d’autant que les temps sont durs pour le peuple de la ville.

Comme on le disait la semaine dernière, les Verts ont remporté une bataille mais pas la guerre, ce qui ne leur empêche pas de se retrouver dans une position délicate où, en temps de conflit, le roi n’est plus apte à diriger. Si le royaume tremble, ce n’est pas le cas de tout le monde puisque cette situation - préméditée ? - est plus que profitable à Aemond Targaryen, jeune frère d’Aegon II, qui évoque rapidement la régence du royaume. Au terme d’un Conseil restreint où il n’aura pas besoin de prononcer un seul mot, il sera nommé prince régent et Protecteur du royaume, et ce, jusqu’à la fin de la convalescence d’Aegon II… À peine nommé, il déploie sa stratégie, renie les décisions du roi (il fait retirer les chasseurs de rats pendus aux murs de la ville, par exemple) et, surtout, ne montre aucune émotion vis-à-vis d’Aegon, se tenant au bout de son lit puis face au Trône de Fer avec la froideur qu’on lui connaît. La reine Alicent, sa mère, connaît sa véritable nature et, comme beaucoup d’entre nous, ne peut s’empêcher de juger son comportement de manière suspicieuse. En fin de compte, cet épisode nous montre deux facettes du pouvoir, l’une au détriment de l’autre. En temps de guerre, on préférera un leader tyrannique, prêt à s’engager dans la bataille et montrant ses qualités de tacticien militaire… Alors que l’opposé est peut-être bien plus efficace.

Tout au long de l’épisode 5, on nous montre une Rhaenyra frustrée qui en est presque à regretter son statut d’héritière car, si elle avait été un homme, elle aurait pu prendre les armes et démontrer son courage sur le champ de bataille. Toutefois, c’est au détour d’un échange avec Mysaria (aka le Ver Blanc) qu’elle comprend qu’une guerre ne se gagne pas forcément au nombre d’adversaires que l’on abat, arme à la main. En réalité, on se rend compte que le blocage des ressources, au niveau du Gosier et dans la baie de la Néra par la flotte Velaryon, a des répercussions bien plus efficaces que la chute de Sombreval et Repos-des-Freux. De plus, elle finit aussi par comprendre que ce sont les autres qui peuvent prendre les risques à la place des siens, ce qui nous renvoie au principe de la Semaison Rouge (déjà expliqué dans notre précédent billet sur la saison 2 de House of the Dragon) évoqué explicitement par Rhaenyra et Jacaerys (qui se révèle petit à petit, notamment dans sa négociation avec la maison des Frey) à la fin de l’épisode 5. De son côté, entre les murs poisseux d’Harrenhal, Daemon Targaryen nous offre l’autre version tyrannique de cet épisode… et se retrouve au centre de l’une des meilleures idées de la saison 2.

L’arc du prince Daemon ne fait pas l’unanimité, pourtant c’est l’une des meilleures idées de la saison 2 et voici pourquoi

Existe-t-il un personnage plus jaloux et envieux que Daemon Targaryen dans la série House of the Dragon ? Il faut dire que le pouvoir a longtemps été quelque chose qui lui a échappé des mains, lui qui a toujours dû se contenter du surnom de Prince de la Ville. Il n’a pas pu succéder à son frère Viserys, sa nièce Rhaenyra l’a privé du bien qu’il convoitait le plus, il n’est pas considéré comme roi légitime aux côtés de son épouse, la véritable héritière, et rien de ce qu’il a pu entreprendre jusque-là ne lui a permis de régner complètement. Alors, tandis qu’il a l’opportunité de mettre la main sur le château d’Harrenhal, même si c’est pour prêter main forte à Rhaenyra, son désir de souveraineté se fait plus fort que tout. Depuis le début de la série, et encore plus avec cette saison 2, Daemon nous prouve qu’il a l’âme d’un tyran et est prêt à tout pour se débarrasser de ses adversaires. Comme il le dit, « il y a certains actes que la Couronne ne peut commettre », même s’il n’est pas spécialement fier de certains méfaits, comme le meurtre imprévu du jeune Jaehaerys lors de l’épisode 1.

Au fur et à mesure de cette deuxième saison, Daemon Targaryen développe son propre arc au sein de l’intrigue, lui qui insiste pour dire que Harrenhal est sous son commandement et nous montre à quel point son plan est bien plus motivé par son envie de briller aux yeux du peuple, afin qu’on le considère comme l’héritier légitime plutôt que Rhaenyra, que par dévotion envers celle qu’il a épousée. Dans le livre Feu & Sang (partie 2), les multiples passages qui s’intéressent aux actions de Daemon pour le compte de Rhaenyra sont assez factuels et nous livrent que peu d’informations sur le personnage, en particulier sur les conflits internes qui l’animent. Daemon n’en reste pas moins un personnage charismatique dans l’oeuvre de George R. R. Martin, mais je trouve que l’aura que lui confère la série HBO est bien plus intéressante. Une fois de plus avec cette deuxième saison, les showrunners nous ont montré qu’ils avaient une large connaissance du récit imaginé par l’auteur américain et que c’est pour cette raison qu’ils se permettent des digressions dans les différents épisodes. Certes, tout le monde n’est pas client de cette direction, qui a tendance à ralentir l’intrigue, mais celle-ci apporte énormément à la série dans sa globalité.

Cela n’aura échappé à personne mais House of the Dragon est une série qui mêle fantasy et politique avec brio. Ainsi, s’il y a parfois des coups d’éclat épiques, le show se veut avant tout assez lent, notamment parce qu’il pose un certain nombre d’enjeux lors des grands tournants du récit et en profite pour développer des sous-intrigues. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont fait part de leur exaspération à la multiplication des petites scènes autour de « l’arc » de Daemon Targaryen. Alors, oui, on peut se faire l’avocat du diable et reconnaître qu’il ne s’y passe pas grand chose mais ce n’est qu’une apparence. Il y a de la profondeur dans le personnage de Daemon, et je trouve que c’est une grande idée de la part de House of the Dragon d’offrir plus de visibilité sur ce personnage (et à la prestation de Matt Smith, impeccable). Difficile de sonder un personnage tel que le sien mais, fort heureusement, les showrunners ont décidé d’exploiter le cadre dans lequel il évolue et ses relations pour mieux visualiser ses démons internes. Dans un article précédent, j’évoquais justement l’impact de Harrenhal sur lui, les visions qui l’assaillent et le mysticisme contaminant d’Alys Rivers qui ne le laisse finalement pas de marbre.

Je le redis une fois de plus mais, derrière ses actes odieux, Daemon Targaryen a une dimension tragique et de nombreuses failles. Ses visions de la jeune Rhaenyra - l’aime-t-il réellement ou aime-t-il la vision de ce qu’elle incarne ? -, ses hallucinations où il croise Aemond Targaryen et la prédiction d’Alys Rivers, évoquant sa mort au-dessus du château, ajoutent un sentiment de danger autour du personnage ainsi qu’un flou autour de sa destinée dans la série. L’épisode d’aujourd’hui m’a encore une fois démontré qu'ils ont eu raison de faire ce choix et qu’il est intéressant d’explorer la partie enfouie de ce personnage par le biais de nouvelles visions faisant intervenir deux personnages inédits, en l’occurrence Alyssa Targaryen (sa mère, décédée quand il avait trois ans) et Leana Velaryon (sa deuxième épouse dont l’union a donné naissance à Baela et Rhaena). Grâce à ça, on y découvre tant la part de lui qui recherche l’amour et l’approbation que celle qui lui rappelle qu’il fuit et qu’il est une figure paternelle absente, comme si cette descendance ne l’intéressait guère puisque trop éloignée du trône. Finalement, cet arc de la série est à l’image de Daemon : il ne faut pas se fier à l’apparence, il faut aller au-delà pour comprendre à quel point c’est important d’y consacrer du temps. Oui, le rythme en montagnes russes fait grincer des dents mais, à terme, nous ne sommes pas près d’oublier ce personnage : une faiblesse (pour certains) sur le moment, une force sur la durée.