Quand action rime avec tourner en rond

L’année 2023 n’est pas finie mais elle est déjà riche. Que ce soit du côté des jeux vidéo ou de la japanimation, elle nous a déjà livré de l’incontournable en barre. The Legend of Zelda : Tears of the Kingdom, Baldur’s Gate 3 d’un côté ; le finale de la quatrième saison de l’Attaque des Titans, Suzume no Tojimari de l’autre… En ce qui concerne ce deuxième registre, une série animée a particulièrement retenu mon attention. Bien qu’attendue, elle était pourtant loin des traditionnels cartons en ce qui concerne les mangas. Il faut le dire, c’est souvent le genre du shônen qui remporte les palmes au Japon. En témoignent les plus grand succès de ces dernières années sur l’archipel : Jujutsu Kaisen, Demon Slayer, Chainsaw Man, One Piece ou encore Spy Family. Tous, même si Spy Family détonne avec le reste on vous l’accorde, affichent une part d’action. Il faut qu’il y ait du sang et des combats.

Et attention, il n’y a aucun mal à ça ! Cela permet de soutenir les thématiques récurrentes servies aux jeunes garçons : le dépassement de soi ; la persévérance ; mais surtout que chaque effort est récompensé. S’ils parviennent tous à procurer leur lot d’émotions et de frissons, ils ont aussi tendance à lasser. Un déplaisir probablement procuré de par leur construction similaire semblable à des montagnes russes : le héros traverse des bas puis des hauts, des hauts puis des bas. Le tout souvent installé dans un cadre manichéen qui force un peu l’attachement au protagoniste.

Jujutsu Kaisen.

Des thématiques intéressantes et un retournement de situation parfait

Une ossature de laquelle Oshi no Ko parvient à s’émanciper. C’est par son rythme soutenu qu’elle y arrive, probablement rendu possible par un synopsis déjà intriguant à la base. On y suit l’histoire de Goro Amemiya, médecin et obstétricien d’une clinique de campagne. Après le passage d’une jeune patiente, il devient fan de l’idol Ai Hoshino. Comme par hasard, c’est dans sa clinique que cette dernière décide d’accoucher. Un choix logique pour la starlette qui décide de mettre bas loin des caméras : la baisse de sa popularité serait immédiate si le grand public venait à l’apprendre. Sauf que, premier retournement de situation, notre obstétricien se fait assassiner. Il se réincarne alors dans l’un des deux jumeaux de l’idol : Aqua Hoshino, qui a pour sœur une dénommée Ruby.

Un premier twist attendu qui permet d’introduire progressivement la réelle intrigue à venir. On observe alors avec intérêt la croissance des deux jumeaux dans l’ombre des projecteurs de leur mère revenue sur scène. Un premier arc d’autant plus intéressant qu’Aqua mène l’enquête : Qui a bien pu vouloir le faire taire ? Avec qui sa mère aurait pu avoir une liaison et pourquoi ? L’obsession commence à prendre le pas. Il décide alors de devenir acteur pour fréquenter les mêmes milieux que sa génitrice. On alterne rapidement entre le comique (son entourage est souvent surpris par ses capacités) et le sérieux lors de ses phases d’investigation. Il est vraiment déterminé à faire la lumière sur cette affaire.

C’est là qu’un second retournement de situation, bien plus inattendu, survient : l’idol se fait assassiner chez elle. Un petit spoiler nécessaire pour faire comprendre à quel point Oshi no Ko arrive à proposer plusieurs thématiques à la fois !

Dans ses dernières paroles, Ai déclare : "Pour moi, mentir est une forme d’amour. Je le montrais à ma manière". Une déclaration super intéressante qui interroge sur deux niveaux de lecture. Après avoir traversé une enfance difficile, Ai cherchait-elle à se faire aimer en mentant ? Est-ce pour ça qu’elle a cherché à devenir une star et plus particulièrement une idol ? Mentir pour se faire aimer peut-il aider à apprendre l’amour ?

Ce sont, j’imagine, les aventures de Ruby et d’Aqua dans le monde du divertissement qui donneront un élément de réponse aux lecteurs/spectateurs. Par ailleurs, celle-ci ont le mérite d’apporter quelque chose de supplémentaire : elles font le portrait de manière simple des coulisses du monde de la télé. Quelque chose de bienvenu puisque c’est une thématique super actuelle. C’est notamment à travers le casting d’Aqua pour une série et une émission de télé-réalité qu’Oshi no Ko brise, en quelque sorte, le quatrième mur. Si le milieu des idols est souvent évoqué, il est aussi question d’émission de télé-réalité. On y apprend la difficulté d’y être soi-même, la lourde pression à gérer par les réseaux et qu’il faut continuer de jouer son rôle post-émission. Idem pour le casting de séries télévisées : si la réalité est comme l’a dépeinte Oshi no Ko, il est très difficile de se faire une place dans le milieu sans avoir été pistonné.

Aqua et Ruby.

Une œuvre ancrée dans le réel aux nombreux points forts

Pour ma part, j’ai trouvé Oshi no Ko plus que rafraîchissant. Il permet d’obtenir une vision intéressante sur quelque chose de très actuel tout en disséminant ça et là des déclarations enrichissantes pour quiconque y prête de l’attention. Par ailleurs, la créatrice originale Mengo Yokoyari (Kuzu no Honkai) se permet un soupçon de fantasy (la réincarnation) de manière habile : elle sert juste à faire du protagoniste un enfant. Encore une fois, c’est quelque chose de très intéressant. Aqua, bien qu’il ait le cerveau d’un homme mature, est vite confronté à un monde d’adultes. De quoi ne pas pas élever les soupçons chez ses interlocuteurs qui baissent parfois leur garde. Ils sont alors plus honnêtes qu’ils ne pourraient l’être en face d’individus du même âge. Un état de fait qui se retrouve aussi chez le spectateur, qui se méfie moins des paroles d’un enfant quand bien même elles sont en réalité proférées par un médecin ayant la trentaine… On accorde alors vite de l’importance à ce qui se passe dans le manga, les thématiques nous prenant alors plus à cœur. Après, peut-être que la mangaka n’a pas eu trop le choix : sans réincarnation en enfant, l’investigation d’un médecin sur le meurtre d’une idol avec qu’il ne partage aucun lien de sang pourrait être mal vu à cause de leur différence d’âge.

Par ailleurs, Oshi no Ko brille autant dans le fond que dans la forme. C’est le studio Doga Kobo (Plastic Memories, Dumbbell Nan Kilo Moteru ?) arrive littéralement à mettre des paillettes dans les yeux de ses personnages. Il n’oublie pas non plus les moments de contraste plus sombres (meurtre d’Ai, entretiens privés d’Aqua avec des producteurs…). Les doubleurs font tous un excellent travail, notamment Megumi Han (My Hero Academia, To Your Eternity) pour Kana Harima.

En bref, Oshi no Ko est pour l’anime de l’année pour peu qu’il rafraîchit un genre saturé par les mêmes productions. Il parvient à attirer grâce à une intrigue saisissante pleine de rebondissements tout en fidélisant le lecteur. Ce sont grâce à des thématiques bien plus ancrées dans le réel, bien plus proche de nous, qu’il arrive à séduire. Une vraie perle à consommer sans hésiter, classée n°31 des meilleurs animes de tous les temps sur MyAnimeList. Personne n’a fait mieux en tant que nouvelle adaptation en 2023.