Comme en témoignent les récents chiffres, Disney ne parvient pas à devenir le mastodonte du divertissement qu’il aimerait tant être. Ainsi, c’est peut-être l’heure des choix pour la société aux grandes oreilles, et celle-ci pourrait lâcher du lest… Avant d’être vendue au plus offrant ? La rumeur revient à la charge, et elle porte le nom d’Apple. Reste à savoir si l’ancienne société de Steve Jobs passera à l’action… un peu comme lui l’avait fait au moment de racheter Pixar ! Eh oui, Apple pourrait boucler la boucle : voici l’histoire qui lie ces trois entités.
Apple et Pixar, deux sociétés de Steve Jobs bientôt réunies ? La rumeur refait surface
À vendre, pas à vendre ? Depuis quelques jours, le sujet de la vente de Disney a fait un retour fracassant dans l’actualité et s’invite un peu sur toutes les tables de débat, notamment pour mettre le doigt sur l’identité du prochain et potentiel propriétaire. Cette mise en vente de Disney, on en entend parler depuis quelque temps déjà. En novembre 2022, de premiers échos nous parviennent : selon un initié proche de Robert « Bob » Iger, remplaçant de Bob Chapek et pas si nouveau président (un come-back étonnant puisqu’il était président de The Walt Disney Company entre 2005 et 2020), ce dernier cherchait déjà à vendre l’entreprise. D’un coup d’un seul, le monde du divertissement se met à trembler : l’intouchable Disney en attente d’un mouvement du plus offrant ?!
Pour beaucoup, c’est inconcevable… Y compris pour Bob Iger qui a pris la parole pour désamorcer la situation, affirmant que ce ne sont « que de pures spéculations ». Des déclarations étonnantes dans la mesure où c’était Bob Iger lui-même qui avait donné du grain à moudre à toutes ces rumeurs. Lors d’une précédente interview, il avait évoqué la probabilité d’une fusion entre Apple et Disney si Steve Jobs, patron de la marque à la pomme, n’était pas décédé si prématurément. Si l’on pensait que tout ce remue-ménage médiatique était derrière nous, les résultats financiers liés au retour de Bob Iger, en deçà des attentes et des objectifs — le but était de relancer la croissance de la firme en l’espace de deux ans avant d’élire un successeur — ont remis une pièce dans la machine. Pire encore, la firme s’attend à des pertes plus que conséquentes lors du troisième trimestre 2023, estimées à 800 millions de dollars.
En effet, avec ce revirement de situation et cette volonté de Disney de revendre potentiellement quelques-unes de ses acquisitions, la marque à la pomme pourrait, une fois de plus, revenir au centre du débat. Quoi qu’il en soit, cet article n’est pas tant là pour parler du flot de rumeurs qui circule autour de Disney que pour évoquer l’une des firmes détenues par la Maison de Mickey qui fait le lien avec Apple. On fait bien évidemment référence à la société d’animation Pixar et à son histoire car avant d’atterrir dans le giron de Disney, elle avait été achetée par… Steve Jobs ! De ce fait, si Apple met la main sur Disney et Pixar, ce serait une belle façon de boucler la boucle. En attendant, voici comment tout ceci a commencé pour commencer pour Pixar et comment la société a croisé, au bon moment, la route de Steve Jobs !
Pixar, une passation inattendue entre George Lucas et Steve Jobs
En quelque sorte, Disney et Pixar ont toujours été étroitement liés, et cette histoire remonte bien des années avant l’explosion du studio d’animation. Chronologiquement, tout commence en 1975 lorsque le très prometteur John Lasseter intègre l’école privée californienne de CalArts, spécialisée dans les arts et fondée quelques années plus tôt (en 1961, précisément) par Walt Disney en personne. Dans son esprit, tout est clair : s’il intègre cette école, c’est parce qu’il veut devenir animateur et qu’il rêve de reproduire ce que fait Disney. Le tout en apposant sa patte et son style, bien entendu. Sur les bancs, il rencontre de futurs et illustres noms du Septième Art, à l’image de Tim Burton pour ne citer que lui, et suit assidûment les enseignements de pontes de l’animation à la Disney, les mêmes personnes qui sont derrière les films qui ont bercé son enfance et lui ont donné envie de faire ce métier plutôt qu’un autre.
Tandis qu’il se rêve en digne héritier du père Walter, la réalité le mettra vite sur les rails de cette consécration tant espérée : il parvient à décrocher une place en tant qu’animateur au sein des Studios Walt Disney. Néanmoins, tout ne se passe pas comme prévu puisqu’il débarque à une période où la société aux grandes oreilles est au bord d’une (première) crise identitaire et commerciale. À l’aube d’une remise en question de Disney et de ses méthodes de production, l’idée d’utiliser des images électroniques pour animer un décor en 3D émerge dans les rangs. Si l’idée est brillante pour l’époque, il y a un souci majeur car elle n’est pas du goût des dirigeants, notamment en raison du coût financier d’une telle technique et, plus particulièrement, parce qu’elle rentre en contradiction avec leur philosophie qui estime que l’outil informatique doit avant tout permettre de gagner du temps et de l’argent. John Lasseter aura beau défendre corps et âme cette nouvelle vision et cette méthode inédite, elle lui coûtera sa place dans les studios mais ce n’est pas grave : la revanche se prépare déjà !
Après cette déconvenue donc, c’est sa rencontre avec un autre prodige, à savoir Edwin Catmull, qui donnera le tempo du rebond salvateur qui l’attend. À l’époque de leurs premiers échanges, Catmull officie pour le compte de Lucasfilm Computer Division et est fasciné par les images de synthèse. Cette passion commune rapprochera les deux hommes, Lasseter se laissant finalement convaincre de rejoindre les rangs de cette branche de Lucasfilm en tant que « Interface Designer ». Au sein du Graphics Group débute alors une nouvelle aventure et celle-ci donnera vie à deux créations marquantes : d’une part, un court-métrage baptisé The Adventure of André & Wally B. et, d’autre part, la séquence du « chevalier vitrail » dans Le Secret de la Pyramide. À côté de ça, Lucasfilm Computer Division est un département très actif et s’implique dans le développement d’outils informatiques, de stations de montage virtuel et de bien d’autres logiciels et machines à l’instar de la station The Pixar Image Computer, soit un dispositif avec lequel travaillait… Disney pour son projet CAPS (Computer Animation Production System) !
Cependant, on se rapproche inéluctablement de la fin pour Lucasfilm Computer Division car, à cet instant, la branche accumule les difficultés à mesure que les soucis de George Lucas s’accentuent eux aussi (problèmes de trésorerie, baisse de revenus suite à l’essoufflement de Star Wars, contrecoups de sa vie privée tumultueuse, …). Comme une ultime tentative de sauver cette branche et ses employés, Lasseter et Catmull préconisent à Lucas de trouver un investisseur et de renommer la branche « Pixar ». Ça tombe bien puisqu’au sein des équipes un ingénieur du nom d’Alan Kay connaît un certain… Steve Jobs ! Libéré de la société Apple qu’il a co-fondé avec Wozniak et Wayne, il réfléchit actuellement à son avenir — il vient de fonder la société NeXT dont il est le patron — et ne tardera pas à être convaincu par le projet « Pixar », allant jusqu’à lâcher un chèque de 10 millions de dollars (cinq millions pour acquérir l’équipe, cinq autres pour aider à fonder la société et son capital) pour prendre en main la branche : c’est ainsi qu’il devient PDG de Pixar Animation Studios.
Steve Jobs, à l’origine de tout ? Il a aidé au succès de Pixar et a relancé Disney
Nous voilà en 1986 et tout va s’accélérer pour Pixar sous l’impulsion de John Lasseter. Pour commencer, celui-ci transforme son projet « Broken Lamp » en « Luxo Jr. » (vous savez, la fameuse petite lampe de bureau) afin d’en faire une démonstration qui, au final, fera sensation et ira même jusqu’à être nominée aux Oscar ! Forcément, ce personnage aussi attendrissant qu’original ne peut pas ne pas devenir l’emblème de Pixar, cependant c’est le projet « Tin Toy » qui transforme l’essai en gagnant une statuette dorée. À cet instant, Pixar est propulsé sur le toit du monde de l’animation et décroche une pelletée de contrats ce qui ne l’empêchera pas, malheureusement, d’engranger des pertes estimées à un peu plus de huit millions de dollars. Elle doit donc s’y résoudre : il lui faut un nouveau partenaire financier !
En parallèle, Disney tente de se relancer et va, pour cela, employer le logiciel CAPS, grâce au dispositif technologique imaginé chez Pixar (à l’époque de Lucasfilm Computer Division), pour le film La Petite Sirène, ce qui aura pour effet d’instaurer un rapprochement entre les deux entités. Après une rencontre entre les deux parties, Disney commence à regretter son choix d’avoir débaucher John Lasseter quelques années auparavant. Conscient de son potentiel, la société aux grandes oreilles tentera de le récupérer en lui faisant les yeux doux… En vain ! L’animateur se sent bien chez Pixar et il compte y rester. Bref, les discussions âpres s’enchaînent et finissent par aboutir sur un contrat de 26 millions de dollars pour trois longs-métrages : les papier sont signés et l’idée initiale de Lasseter — un métrage d’une demi-heure, sorte d’épisode spécial de Noël uniquement en CGI — se mue… en Toy Story !
Quelques mois avant la sortie du film, Steve Jobs est en plein doute. La société Pixar lui coûte énormément et il est à deux doigts de déposer une offre de revente, mais c’était sans compter sur le triomphe phénoménal de Toy Story. Au final, le long-métrage d’animation, révolutionnaire à son époque, côtoie les sommets du box-office avec plus de 360 millions de dollars récoltés à l’international. À partir de là, Steve Jobs saute sur cette opportunité pour faire entrer Pixar en bourse. Tandis que Disney rafle les sous liés aux profits annexes et au merchandising, Pixar, lui, se renfloue grâce à Wall Street et empoche 132 millions de dollars d’investissement. Avec cet argument et un tel soutien en poche, Jobs revalorisera le contrat avec Disney — les deux sont désormais liés pour cinq films — afin de rétablir équitablement les profits en faisant moitié-moitié. De son côté, Pixar n’a pas le temps de profiter du succès, ni de se la couler douce : le studio enchaîne avec le long-métrage 1001 Pattes — il ira jusqu’à faire de l’ombre au film Mulan de Disney — et doit, surtout, rattraper le projet Toy Story 2. Confié en parallèle aux équipes de The Interactive Products Group, qui s’occupaient jusque-là des adaptations vidéoludiques de Toy Story, le projet suscite la consternation des équipes de Pixar qui prennent alors la décision insensée, suite à l’avis de Lasseter et de Jobs, de faire table rase et de tout reprendre à zéro… à neuf mois de la date butoir ! Non sans plonger les équipes dans un état de fatigue intense, Jobs et Lasseter sauvent le projet in extremis… et font un nouveau carton !
Pour Steve Jobs, cette harassante expérience est riche d’enseignements : c’est terminé, il n’y aura plus aucun projet qui sera placé entre les mains de petites équipes étrangères les unes aux autres. Pour mieux rendre tangible ce nouveau départ, les locaux sont transférés à Emeryville en Californie dans un lieu flambant neuf qui mettra en lumière deux talents des équipes de Pixar : Pete Docter et Andrew Stanton. Ils donneront vie, chacun de leur côté, à deux autres chefs-d’œuvres d’animation, à savoir Monstres et Cie. et Le Monde de Nemo. Maintenant, avec deux triomphes supplémentaires, c’est l’heure des comptes : Toy Story, 1001 Pattes, Toy Story 2, Monstres et Cie. et Le Monde de Nemo, ça fait bien cinq ! Enfin, pas pour Disney. Selon Michael Eisner, le président directeur général de l’époque, le contrat n’est pas encore honoré puisque, chez Disney, on considère que Toy Story 2 est, d’une part, une suite et, d’autre part, n’est pas un projet pour lequel Pixar a été commandité. À ce stade, les relations sont quelque peu tendues avec, d’un côté, Steve Jobs qui répand des rumeurs de négociations avec d’autres grands groupes (Sony, Fox, Warner, …) et, de l’autre, la promesse d’un cinquième film grâce aux grandes ambitions de Brad Bird et de son film Les Indestructibles.
Maintenant que tout est en ordre, quelle est la suite ? Eh bien, c’est le remplaçant de Michael Eisner, Robert « Bob » Iger, qui aura le fin mot de l’histoire et qui réalisera, en 2006, un coup monumental. Une fois de plus, Disney est à un nouveau tournant et l’aura de Pixar ne pourra que lui être immensément bénéfique. Dans l’esprit d’Iger, tout est clair : la société fondée par Walt ne peut se permettre de perdre sa poule aux œufs d’or, la seule et ultime solution, c’est le rachat. Disney détient déjà 10% de Pixar, mais 7,4 milliards de dollars seront placés sur la table des négociations en 2006 pour intégrer totalement Pixar au groupe. Afin que tout le monde y trouve son compte, Disney n’en oublie pas de caresser Steve Jobs dans le sens du poil en en faisant l’actionnaire majoritaire de la Maison de Mickey et d’offrir des postes à responsabilité à Catmull et Lasseter. À la suite de cette expérience, Jobs voguera vers de nouveaux horizons et reprendra la direction d’Apple suite au rachat de sa société NeXT par la marque à la pomme. La suite, on la connaît. L’avenir, un peu moins. Quoi qu’il en soit, si Apple, héritage de Steve Jobs, vient à racheter Disney (et par extension, Pixar), on pourra effectivement dire que la boucle est bouclée.