En l’espace de quelques années, Pedro Pascal est devenu l’un des visages incontournables de la télévision par le biais de rôles ayant marqué les esprits de toute une génération. Oberyn Martell, Din Djarin, Joel Miller… S’il est désormais l’une des coqueluches du divertissement et d’Internet, Pedro Pascal a dû patienter de longues années avant de savourer son heure de gloire. Une ascension folle sur laquelle on a voulu se pencher.
Sommaire
- Pedro Pascal, l’acteur qui a toujours eu l’âme d’un résistant
- Comme un poisson dans l’eau sur scène
- La persévérance à l’état brut
- Game of Thrones, un visage qui a marqué toute une génération
- Avec The Mandalorian, Disney lui permet de vivre le rêve de son enfance
- The Last of Us, quand Pedro Pascal devient le papa d’Internet
Pedro Pascal, l’acteur qui a toujours eu l’âme d’un résistant
Tout vient à point à qui sait attendre. On a beau entendre ce proverbe à toutes les sauces, il y a une pelletée d’acteurs qui ne le contrediront pas. Il est vrai que dans la jungle hollywoodienne, c’est souvent beaucoup d’appelés pour peu d’élus, tandis que certains, à force d’acharnement, parviennent à tirer leur épingle du jeu, à l’image de Pedro Pascal. Il faut dire que l’esprit combatif, il a ça dans le sang. Quelques mois à peine après sa naissance à Santiago au Chili, les parents du petit José Pedro Balmaceda Pascal, fervents opposants à la dictature militaire d’Augusto Pinochet et soutiens de son rival Salvador Allende, remuent ciel et terre pour quitter le pays. Rapidement, ils obtiennent l’asile politique au Danemark avant de s’installer aux États-Unis, et plus précisément à San Antonio, au Texas.
À cette époque, le jeune Pedro n’est encore qu’un bambin qui s’imprègne chaque jour un peu plus de la culture américaine de la fin des années 1970. C’est donc dans une certaine candeur qu’il découvre le monde du cinéma, absorbe la pop culture étasunienne et grandi en rêvant du Septième Art. Chez la famille Balmaceda, l’un des rituels hebdomadaires est de se rendre dans les salles de cinéma de San Antonio pour y découvrir les films du moment, à l’image du Superman de Richard Donner, incarné par Christopher Reeve, et, quelques années plus tard, des Aventuriers de l’Arche Perdue de Steven Spielberg, porté par son iconique héros, Indiana Jones. Ce premier volet des péripéties d’Indy aura un véritable impact sur l’imaginaire du petit Pedro qui, à plus d’une reprise et se cassant deux fois le bras par la même occasion, tentera d’imiter l’intrépide archéologue au fouet.
Comme un poisson dans l’eau sur scène
Cette quiétude texane dura quelque temps jusqu’à ce que son père ait une nouvelle opportunité professionnelle. Pedro vient de terminer son année de CM2, et il est temps pour lui et ses frères et sœurs de suivre sa famille qui s’installe sur la côté Ouest, dans le comté d’Orange en Californie. Dans la tête du jeune garçon, le changement est difficile mais salvateur. À l’aube de son adolescence, le jeune Pedro excelle dans la natation et participe à de nombreuses compétitions officielles où il remporte un franc succès. Déjà à cette époque, l’acteur est prédestiné à la réussite mais, s’il est comme un poisson dans l’eau dans les bassins, il n’a pas encore mis le doigt sur sa plus grande passion, quand bien même il en est très proche à la fin des années 80.
Sans le savoir, c’est sa mère qui le mettra sur la voie au moment d’entamer son lycée puisqu’il rejoindra l’Orange County School of the Arts avant d’en sortir diplômé en 1993. Tout au long de son lycée, même si ces années marquées par le harcèlement sont difficiles, sa passion pour le métier de comédien est plus forte que tout et ne cessera de s’accroître. Surtout, il tombera fou amoureux du théâtre. « J’étais obsédé par le théâtre, les films classiques et la lecture de pièces » a-t-il déclaré par le passé. Aussi, il raconte souvent que l’une des amies de sa mère lui a offert un billet pour Angels in America, une pièce en deux parties jouée du côté de Los Angeles avant d’atterrir à Broadway en 93, et que la simple vue de ce spectacle l’a changé à tout jamais. Déterminé à épouser une carrière d’acteur, il intègre la TISCH School of the Arts de New York et décroche le sésame nécessaire à la vie professionnelle dont il rêve.
La persévérance à l’état brut
Toutefois, les fantasmes de Pedro Pascal laisseront bientôt la place aux cauchemars. Pour lui, les premiers pas sont difficiles en raison d’un drame personnel tout ce qu’il y a de plus bouleversant : à l’orée du deuxième millénaire, sa mère, l’une de ses immenses soutiens, décède. Afin d’honorer sa mémoire, le jeune homme, déjà crédité sous le nom de « Pedro Balmaceda » dans ses premiers courts-métrages, décide de prendre le nom de sa mère, Verónica Pascal (« Aucun de mes succès ne serait réel sans elle »). Avec ça, il fait d’ailleurs d’une pierre deux coups car, comme il le confie, « les américains avaient tellement de mal à prononcer Balmaceda », ce qui le fatiguait de plus en plus. Il y a même une période où Pedro envisage, pour booster sa carrière et réduire l’impact de son origine latine, de modifier également son prénom pour se prénommer Alexandre, un clin d’œil au film Fanny et Alexandre d’Ingmar Bergman qu’il tient en haute estime.
J’étais prêt à faire absolument n’importe quoi pour travailler davantage. Si les gens se sentaient désarçonnés par la personne qu’ils avaient en face d’eux lors des castings parce qu’elle se prénommait Pedro, alors je pouvais toujours le changer. Mais ça n’a pas fonctionné.
Désormais sans agent, Pedro Pascal est prêt à tous les sacrifices, même identitaires, pour devenir un acteur reconnu. Malheureusement, le cauchemar s’assombrit de plus en plus et, à cet instant, le rêve de boucler les fins de mois et de parvenir à payer le loyer supplante celui d’avoir une carrière à succès. En même temps qu’il enchaîne les petites apparitions à droite à gauche, le jeune Pedro passe d’un job alimentaire à l’autre — il en perdra pas moins de dix-sept au total, dont un de serveur —, sans réussir à en conserver un seul. Toutefois, il s’accroche et se sert des difficultés surmontées par ses parents durant le passé pour relativiser les coups durs que lui réserve le destin.
Grâce à cette détermination sans faille, et pendant près de vingt ans, Pedro Pascal va papillonner d’un petit rôle à l’autre, entre apparitions furtives et manifestations en tant que « guest star ». C’est ainsi qu’on peut le croiser à travers la petite lucarne le temps d’un épisode de Buffy contre les vampires, d’un autre de New York, section criminelle ou encore de FBI : Portés disparus. Ce n’est que vers la fin des années 2000 que les choses commencent à changer, notamment grâce à son rôle de Nathan Landry, un procureur sordide, dans la série The Good Wife. Certes, il n’apparaît que lors de six épisodes entre 2009 et 2011, mais c’est une tendance qui se répètera de plus en plus : 4 épisodes pour la série Lights Out, 2 épisodes pour Brothers & Sisters, 4 épisodes pour Red Widow, 10 épisodes pour Graceland, 7 épisodes pour The Mentalist et, surtout, 7 épisodes pour Game of Thrones, l’une des séries les plus en vogue des années 2010.
Game of Thrones, un visage qui a marqué toute une génération
S’il y a bien un rôle qui a tout changé pour Pedro Pascal, c’est bien celui d’Oberyn Martell dans la quatrième saison de Game of Thrones. Mais, encore une fois et même si les planètes s’alignaient, rien n’était acquis pour l’acteur et il a dû, comme pour tout le reste, provoquer sa chance. C’est en faisant répéter un jeune acteur qu’il supervisait qu’il découvre le rôle de la Vipère Rouge, surnom du prince de Dorne. Lui est un grand fan de la série, tandis que son poulain connaît à peine le show HBO. Plus il découvre le script, plus il se dit qu’il ne peut pas rater une telle opportunité, c'est alors qu'il profite d’une absence de quelques minutes du jeune acteur pour décrocher son téléphone et prévenir son manager.
C’était un gamin de 25 ans, vraiment, vraiment talentueux, beau, et je l’aide à enregistrer pour ce nouveau rôle incroyable. Il n’avait jamais vu le show et, moi, j’étais un grand fan. Je lis les différentes pages et j’ai trouvé ça incroyable. Il va à la salle de bain et j’ai contacté mon manager tout de suite ! C’était terrible !
Tout dans l’obtention de ce rôle paraît bancal, et sa première audition n’a rien arrangé à cela, comme l’a expliqué David Benioff, l’un des deux co-showrunners de la série Game of Thrones. Pendant son cursus, Pedro Pascal rencontra certains acteurs avec lesquels il deviendra très proche, comme Oscar Isaac (Star Wars, Moon Knight, …) et Sarah Paulson (American Horror Story, Ratched, …). C’est notamment cette dernière qui lui donnera un gros coup de pouce. Étant en très bons termes avec Amanda Peet, mariée à David Benioff, elle appuiera la demande de Pedro Pascal afin que son enregistrement pour le rôle d’Oberyn parvienne jusqu’aux cadres du projet. Heureusement pour lui, son talent et son charisme ont rectifié le tir car s’il n’y avait pas eu cela, son audition aurait sûrement fini à la poubelle.
Au moment d’évoquer la première audition de Pedro Pascal, David Benioff n’y va pas par quatre chemins. Il faut dire que l’amateurisme (enregistrement à la verticale, pauvre qualité visuelle) avec laquelle sa prestation (visible à 0:29 dans la vidéo ci-dessus) avait été filmée n’a pas vraiment joué en sa faveur de prime abord, mais c’était pour mieux se concentrer sur l’essentiel, son jeu d’acteur. Car, au final, Pedro Pascal détenait tout ce qui faisait le charme du prince de Dorne : de la prestance, de la sensualité, de la sensibilité et de la rage, de l’humour et de l’intensité.
C'était une audition réalisée en mode Portrait sur iPhone, ce qui était plutôt inhabituel (…) Et il ne s’agissait pas d’un de ces nouveaux iPhones dotés de caméras performantes. Visuellement, c'était vraiment merdique ! C'était enregistré а la verticale, tout ça paraissait très amateur. Sauf pour la performance qui, elle, était intense, crédible et juste.
J'ai toujours pensé qu'il aurait du obtenir une plus grande reconnaissance pour sa prestation dans Game of Thrones. Qu'il aurait au moins dû être nommé pour un prix. Avec Dan Weiss (l’autre showrunner), nous sommes ravis d'avoir offert а Pedro un rôle qui a permis son ascension, car c'est un acteur et un homme en or.
Bref, il est engagé et cela sera synonyme de grands changements pour lui lorsque la saison 4 sera diffusée, le 6 avril 2014. Il a beau n’apparaître que durant quelques épisodes, tout le monde se souvient de sa présence, et pas nécessairement parce qu’il est impliqué dans une scène extrêmement choquante. Toutefois, s’il n’y a pas que la carrière de Pedro Pascal qui fait « boom » avec Game of Thrones, l’acteur continuera d’avancer à tâtons dans les couloirs d’Hollywood : côté Netflix, il rafle la mise avec sa présence dans les trois saisons de Narcos mais, côté cinéma, il attend toujours son heure de gloire malgré sa participation à des films tels que Kingsman : Le Cercle d’or, Equalizer 2, Triple Frontière ou encore Wonder Woman 1984. Une belle revanche puisqu’en 2011, Pedro Pascal est sélectionné pour le pilote d’une série Wonder Woman qui ne verra, malheureusement, jamais le jour.
Avec The Mandalorian, Disney lui permet de vivre le rêve de son enfance
Qu’à cela ne tienne donc, Pedro Pascal continuera de percer à travers la petite lucarne, même si certains rôles au cinéma lui mettent quelque peu le pied à l’étrier avant d’enfiler l’armure de Din Djarin dans la série Star Wars de Disney+. Entre son look de cowboy dans Kingsman : Le Cercle d’or et sa profession de chasseur de trésors, à la fin intimidant et opportuniste, dans le western de science-fiction Prospect, Pedro Pascal semblait se préparer pour l’une des interprétations de sa vie. On l’évoquait un peu plus haut, l’acteur a grandi grâce et avec le cinéma américain des années 70-80 et, forcément, la franchise Star Wars a eu un immense impact sur lui. Ainsi, ne pas postuler pour l’une de ses sagas de cœur aurait un non-sens total.
À ce sujet, et comme pour Game of Thrones, il y a toujours un détail cocasse à propos de ses rôles. À l’époque des auditions, personne ne sait ce qu’il se cache derrière ce projet secret de Disney. Le mystère est si épais qu’il ne l’apprend que lors de sa rencontre avec Jon Favreau en 2018, mais, sur le coup, il y a méprise. Lorsqu’il arrive sur les lieux du rendez-vous, de nombreuses illustrations le mettent sur la voie sauf que, dans son esprit, il pense être recruté pour le rôle de Boba Fett. Ce n’est qu’en discutant de l’histoire, des thématiques et en ayant une énième explication de la part de Jon Favreau qu’il comprend enfin qu’il incarnera le Mandalorien, le protecteur malgré lui de Grogu. Dans la communauté des fans de Star Wars, c’est l’effervescence et beaucoup considèrent sa présence comme l’une des meilleures choses qui soient arrivées à la franchise, rien que ça !
Il faut dire que le bonhomme était prêt à tous les sacrifices, et non des moindres. Là où certains ne vivent que pour la lumière des projecteurs, Pedro Pascal fait le choix de s’effacer derrière la rutilante armure faite de Beskar du Mandalorien, lui qui a été tellement patient durant sa carrière pour devenir l’un des visages les plus familiers et appréciés du petit et du grand écran. Enfin, se dissimuler sous le heaume de Din Djarin a toutefois été pratique pour l’acteur, loin d’être découragé par cette perspective. C’est donc en raison d’engagements pour un autre rôle qu’il a accepté cet accoutrement qui lui a aussi servi pour facilement se faire remplacer lors des cascades. Depuis la saison 2 de The Mandalorian, l’acteur répond présent pour la plupart des scènes périlleuses et n’a plus besoin d’autant enregistrer ses dialogues en post-production. À l’heure actuelle, la saison 3 vient de débuter et Pedro Pascal est toujours autant attaché à son personnage, lui qui a l’impression de « retomber en enfance » lorsqu’il enfile l’armure à la finition argentée.
The Last of Us, quand Pedro Pascal devient le papa d’Internet
Au final, tout ceci nous amène à début 2023. Un peu plus de deux années auparavant, en novembre 2020, HBO lâche une petite bombe dans le milieu du divertissement en annonçant qu’une série adaptée du chef-d’œuvre de Naughty Dog, The Last of Us, verrait le jour dans les années à venir. À l’époque, cela faisait déjà quelques mois que le projet établissait ses bases, sous la supervision de Craig Mazin, showrunner de Chernobyl, et de Neil Druckmann, l’un des co-créateurs du jeu. Pour les deux hommes, le choix des rôles principaux semble se faire assez rapidement puisque seulement trois mois après l’officialisation, comme le rapportait Deadline, il avait été décidé qu’Ellie serait interprétée par Bella Ramsey et que Pedro Pascal prêterait ses traits au personnage de Joel, même si les noms de Mahershala Ali, de Matthew McConaughey et d’une ribambelle de stars ont un temps circulé.
Toutefois, avant de s’engager, il lui fallait l’autorisation de Disney en raison de son implication dans le développement de The Mandalorian. Toujours est-il qu’il y est parvenu, tout comme il a réussi à convaincre les responsables du projet. Pour Pedro Pascal, c’est un nouveau défi qui se devant puisqu’avant d’obtenir le rôle, il ne connaissait pas le jeu vidéo original (et n'y a pas joué depuis). Comme il l’a raconté en interview, c’est lors d’un appel avec sa sœur, mère de deux adolescents, qu’il a réalisé à quel point le projet était une immense opportunité. Sur haut-parleurs, il explique à sa soeur, dont les deux fils ne sont pas loin, qu’on lui propose un rôle dans une série basée sur un jeu vidéo. Il a à peine le temps de finir sa phrase que ses deux neveux lui demandent de quel jeu il s’agit et, une fois de plus, il lui a suffi de seulement prononcer le début du titre avant de les entendre exulter de l’autre côté du téléphone, tout en le mettant en garde sur le fait qu'il avait plutôt intérêt à décrocher le rôle !
pov: you are played by pedro pascal pic.twitter.com/5HHzKgs3G9
— tony | MANDO SPOILERS (@KENOBlDJARlN) January 16, 2023
Et c’est ce qu’il se passera, et Pedro Pascal commencera à bâtir sa légende de « nouveau papa d’Internet » : tandis que, d’un côté, il veille sur le petit Grogu, le voilà qu’il se retrouve à devoir assurer le rôle de figure paternelle et protectrice auprès d’Ellie, dernier espoir de l’humanité en raison de son immunité au cordyceps qui a décimé la moitié de la population. Ce n’est d’ailleurs pas le seul détail cocasse dont il s’amuse lors de la promotion de la série : il y en a un autre, particulièrement drôle, qui a un rapport avec la manière dont il a décroché (encore !) le rôle de Joel, ou plutôt la façon dont il a eu la confirmation finale.
Sur les plateaux des late shows, il raconte qu’il était tellement excité après la rencontre avec les créateurs du jeu, dernière étape avant l’ultime validation du rôle, qu’il a du prendre un somnifère pour s’endormir. Sauf qu’on l’a appelé le soir même, quelques minutes après avoir pris son médicament, alors qu’il pensait n’avoir la réponse que le lendemain. C’est donc complètement groggy qu’il a appris qu’il avait obtenu le rôle de Joel avant de se coucher… et d’avoir oublié ce fameux coup de fil au réveil le matin suivant !
Décidément, Pedro Pascal est une machine à anecdotes, ce qui ne fait que rendre son ascension plus que touchante et qui vient, en plus de ça, de connaître une accélération phénoménale. « Je jouerai probablement les méchants pour toujours à cause de mon visage », a-t-il pu dire par le passé sans avoir à quel point le destin lui donnerait tort. Au vu de sa carrière, Pedro Pascal a, en réalité, tout du héros car il nous aura prouvé pendant toutes ces années qu’il était certes capable de tout faire (séries, films, théâtre, sport, doublage, …), mais surtout de ne rien lâcher.