Dans la grande histoire du jeu vidéo en France, le 8 octobre fait partie de ces dates essentielles à l'évolution de l'industrie dans l'Hexagone. Et pour cause, c'est ce jour que débarqua enfin la première génération de Pokémon sur Game Boy, en 1999. Retour sur une saga dont l'aura dépasse celle du jeu vidéo, et que je n'ai pas découverte comme tous les joueurs de ma génération…
Pokémon et la France, c'est une longue histoire. Si elle ne fête pas tout à fait son anniversaire aujourd'hui (la série animée a débuté sa diffusion dans nos contrées un mois plus tôt, le 5 septembre sur Fox Kids), c'est bel et bien un 8 octobre que les tous premiers jeux vidéo de la légendaire franchise de Game Freak sont apparus pour la première fois dans nos magasins. Une anomalie totale dans la logique de distribution de Nintendo pour l'époque, la Game Boy étant parue près de 10 ans en arrière au moment de la publication européenne de la première génération des célèbres "monstres de poche". Cependant, puisque je parle d'anomalie, j'en suis moi-même une belle puisque j'ai copieusement ignoré Pokémon à son arrivée en France, et n'ai réellement découvert la licence que sur Nintendo Switch il y a trois ans. Une regrettable erreur et tant de temps perdu, qu'il est temps de confesser pour expier ce terrible péché faisant tache dans une vie de joueur.
Sommaire
- Les origines d'une légende
- En 1999, déjà beaucoup de retard
- Le succès du gameplay à l'ère de la technique
- Ignorez-les tous !
- Un coup d'épée droit dans le cœur
- Cette licence était faite pour moi !
- Évoluer avec la licence, une nécessité ?
Cet article est un billet d’opinion, il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV.
Les origines d'une légende
Si la licence Pokémon est arrivée en fin de vie sur la console culte conçue par le regretté Gunpei Yokoi, sa parution japonaise ne fut pas aussi tardive que la nôtre. En effet, c'est le 27 février 1996 que débarquent sur l'archipel Pokémon Version Rouge ainsi que Pokémon Version Verte, sous les titres (affichés ainsi en anglais sur leurs boîtes) de "Pocket Monsters: Red / Green". Il faudra attendre plus de deux ans et demi pour que les localisations occidentales permettent enfin aux joueurs américains et australiens de découvrir ce phénomène de société hors du commun, via leur propre édition de Pokémon Rouge et un Pokémon Version Bleue mettant en scène Tortank sur sa boîte… au détriment de la version verte. Cette dernière restera exclusive au pays du Soleil Levant, ce qui nous privera d'une belle boîte verte mettant en avant sa mascotte Florizarre en Occident, alors que Pokémon Bleu connaîtra lui aussi sa sortie japonaise en octobre 1996, complétant un trio d'évolutions des trois "starters" (Florizarre, Dracaufeu et Tortank) qu'il était pour le coup étrange de séparer. Il faut dire que le projet de base de Game Freak consistait à produire deux versions quasi identiques du même jeu (mais avec leurs exclusivités respectives) afin d'en augmenter les ventes : un business model redoutable qui fonctionnera immédiatement et sera reproduit pour toutes les générations de la série.
Cependant, le succès de ces versions japonaises n'est pas immédiat. Début 1996, alors que The Pokémon Company n'existe pas encore (la société sera fondée en avril 1998), le lancement de "Green/Red" est pour le moins poussif, et aurait pu définitivement enterrer un projet à la gestation chaotique. Quasi abandonné en 1993 faute à de gros soucis de financement, le développement du projet "Pocket Monsters" est finalement achevé à l'automne 1995, mais peu soutenu par Nintendo vu que la Game Boy arrive au bout de son cycle de vie. À cette époque, la firme cherche en effet davantage à rentabiliser ses dernières cartouches sur Super Nintendo et surtout, à préparer l'arrivée de la très attendue Nintendo 64 dans le courant de l'année 1996. En outre, au Japon, c'est une autre nouvelle franchise qui cartonne en cette fin d'hiver 1996, un certain Resident Evil (ou "Biohazard" là-bas), et face aux zombies de Capcom, les monstres de poche semblent alors condamnés. C'est un coup de génie de leur illustre créateur, Satoshi Tajiri, qui popularisera Pokémon et fera subitement exploser les ventes des deux jeux durant le printemps. En révélant l'existence de Mew, une 151è créature cachée dans un jeu supposé n'en contenir que 150, et rajoutée dans les ultimes étapes du développement, il génère un nouvel engouement soudain, bien aidé par le magazine CoroCoro Comic. Ce dernier organise en avril 1996 un concours dont les gagnants allaient remporter le mystérieux 151è Pokémon introuvable en jeu. Près de 80 000 personnes y participent et les ventes sont alors totalement relancées, l'arrivée de "Pocket Monsters: Blue" en octobre boostant encore un peu plus ce qui demeure un jeu unique décliné en trois versions, et devient alors subitement numéro 1 des ventes sur son territoire d'origine, contre toute attente face aux gros hits du moment. Une place qu'il ne quittera qu'après un an et demi et la barre des 10 millions d'unités écoulées, record que seul Animal Crossing : New Horizons parviendra à battre plus de vingt ans plus tard.
En 1999, déjà beaucoup de retard
Dans ces conditions, il devenait plus que nécessaire de faire sortir les monstres de poche de leur île, et de leur faire a minima franchir l'océan Pacifique. Ce sera chose faite à quelques semaines de l'arrivée de la Game Boy Color : c'est le 30 septembre 1998, quasiment deux ans après la sortie de "Blue", que ce dernier arrive en Amérique du Nord, traduit en anglais et pas mal remanié par une équipe de neuf personnes (selon le guide officiel de Prima), accompagné de "Red" pour une double publication simultanée imitant l'originale de février 1996. Pas de "Green" au programme car les couleurs bleue et rouge correspondent à celles du drapeau américain, et se vendront donc mieux. Ce sont également ces versions qui arriveront en Australie fin octobre, et qui attendront une année complète avant d'arriver en Europe, le temps notamment de les traduire en français et en allemand, jusqu'au nom des créatures qui avaient déjà reçu le privilège d'être renommées en anglais. À noter que l'équipe de développement en charge de la version américaine avait tenté de modifier leur apparence afin de "les adapter à l'audience", ce que le producteur Tsunekazu Ishihara (actuel président de The Pokémon Company) refusa catégoriquement. Il avait notamment été choqué de la "révision" de Pikachu qui lui fut présentée, qu'il compara aux chats anthropomorphes de la comédie musicale Cats.
Alors que "Pokémon Blue and Red" cartonnent aux États-Unis (et c'est peu de le dire), ils finissent par traverser enfn l'Atlantique, et débarquer très tardivement sur le Vieux Continent, le 5 octobre 1999, et même trois jours plus tard en France… soit un peu moins de cinq mois avant la sortie japonaise de la PlayStation 2. Les deux cartouches de Game Freak ne sont même plus datées, elles sont préhistoriques, surtout que Pokémon Rouge et Bleu sont tout sauf d'incroyables performances techniques dignes d'une fin de vie de console, comme c'est pourtant souvent le cas avec ces titres "chant du cygne" (qui a dit Super Mario World 2 : Yoshi's Island ?). En outre, même si un certain Final Fantasy VII a commencé à débroussailler le terrain, le jeu de rôle sur consoles n'est pas encore très populaire en Europe, où la publication de titres riches en références japonaises constitue un risque que peu d'éditeurs osent encore prendre à l'époque. La localisation en allemand et en français prend un temps fou, le temps de respecter au mieux l'esprit (et l'humour) de la version originale, mais aussi du nom des créatures, et de déposer ces derniers. Julien Bardakoff, traducteur français de l'époque, expliquera notamment que Nintendo était initialement très réticent à l'idée que les noms des Pokémon soient traduits en Occident.
Le succès du gameplay à l'ère de la technique
Entre-temps, l'ultime version du duo de jeux est sortie, sous le nom de Pokémon Version Jaune : Édition Spéciale Pikachu, d'abord en septembre 1998 au Japon, puis un an plus tard en Australie, le 19 octobre 1999 en Amérique du Nord, et enfin… le 16 juin 2000 (!) en Europe. Dans cette version un peu remaniée, la mascotte de la licence (et le plus célèbre de tous les Pokémon) accompagne le dresseur que l'on incarne dès le début du jeu, et se promène avec lui comme dans la série animée, qui a explosé en même temps que les jeux vidéo… et personne ne s'offusque réellement que le jeu en soit aussi éloigné graphiquement. Le succès est véritablement total, et Pokémon est d'ores et déjà bien plus qu'une simple licence de jeux vidéo. C'est une véritable licence phare de la culture populaire, qui s'étend également dans la sphère du manga et, bien évidemment, dans le domaine des cartes à jouer, où se prolonge en quelque sorte l'expérience des échanges et des combats du jeu vidéo. Avec le temps, le retard de publication entre les différentes régions disparaîtra, favorisant une synergie totale entre les "pokéfans" du monde entier.
D'ailleurs, malgré un retard aussi énorme à l'allumage, la "pokémania" envahit également l'Europe, un peu comme prévu, serait-on tenté(e) de croire. Alors que les ventes américaines dépassent même celles du territoire japonais, avec 11,27 millions d'unités distribuées, notre continent n'est pas en reste avec 8,89 millions de ventes. Une prouesse ahurissante pour un jeu vidéo d'apparence de niche, dépassé techniquement, et en lequel Nintendo avait initialement du mal à croire ! Ainsi, en combinant les ventes mondiales des trois versions ("Green" au Japon uniquement, Rouge et Bleue dans le monde entier), la première génération de Pokémon dépasse les 31 millions d'unités. C'est à l'époque le second jeu le plus vendu de tous les temps derrière le mythique Super Mario Bros., autre "game changer" légendaire à l'époque où personne n'employait encore cette expression, et il faudra attendre 2008 et Wii Sports (et ses chiffres quelque peu faussés du fait de son inclusion dans chaque pack Wii) pour perdre ce rang inespéré. Il aurait d'ailleurs été le jeu le plus vendu de l'histoire pendant près de dix ans si Pokémon Jaune s'y était greffé, avec ses 14,64 millions d'unités, soit pratiquement 45 millions de jeux Pokémon de première génération vendus en un peu moins de 5 ans sur une console qui devait initialement rendre les armes. Comme avec la Game Boy à sa sortie, Nintendo a fait du neuf avec du (très) vieux.
S'il est déjà complètement dépassé techniquement début 1996 par de bien meilleurs titres sortis bien auparavant sur la célèbre console portable monochrome (et que dire de fin 1999 !), Pokémon Rouge/Bleu célèbre surtout l'école du gameplay. Son aspect innovant en tant que jeu de rôle poussant à la collection et à l'échange entre joueurs sera salué par les critiques, faisant globalement fi d'une technique d'un autre âge, tant la narration, les compositions mémorables de Junichi Masuda, et l'attachement aux créatures favorisent tout autant l'immersion. Une étude de l'université de commerce de Columbia, datée de février 2000 et intitulée "Pokémania : les secrets d'un phénomène international", expliquera d'ailleurs que les joueurs japonais comme américains préfèrent la jouabilité du titre et son concept global à son niveau de réalisation. D'une manière générale, il y est estimé que l'aspect rudimentaire du jeu, visuellement parlant, contribuait grandement à stimuler l'imagination des joueurs.
Bien évidemment, la durée de vie colossale de ces petites cartouches sera également unanimement saluée : compléter le Pokédex de Kanto a de grandes chances d'occuper l'apprenti maître Pokémon une centaine d'heures, et terminer la trame principale une bonne vingtaine. Et pour cause, en plus d'être un RPG certes enfantin mais plutôt complet dans son gameplay, et qui apprend les bases du genre aux plus jeunes, Pokémon Rouge/Bleu est un jeu pour collectionneurs acharnés, et pousse les joueurs à procéder à des échanges entre Game Boy avec le câble Link. Certaines créatures sont exclusives à chaque version, et mieux encore, leur évolution (un des concepts de gameplay fondamentaux de la franchise) ne se fait que par échange ! Le jeu vidéo rêvé pour tout collectionneur chevronné qui se respecte, surtout s'il est doublé d'un grand aficionado de Nintendo et de ses licences… et pourtant, j'ai ignoré, voire boudé Pokémon pendant vingt ans.
Ignorez-les tous !
Si mon objectif n'est ni de m'excuser platement ni de me faire pardonner, je vous demanderai de m'autoriser une petite remise en contexte pour justifier cet énorme loupé dans ma vie de joueur. Fin 1999, j'avais 13 ans, entamais ma dernière année de collège, et le raccourci "Pokémon c'est pour les gamins" était très, voire trop facile dans mon esprit d'adolescent. Le charme du chara design signé Ken Sugimori n'opérait tout simplement pas sur moi. Pire encore, mon ressenti s'étendait même à Nintendo en général, que je confesse avoir honteusement délaissé pendant deux bonnes années une fois la PlayStation découverte : au moment de l'arrivée de la licence dans nos contrées, je jouais à Gran Turismo, à FIFA 99 ou à Moto Racer 2 et boudais la Nintendo 64 dont les jeux trop colorés et tous publics ne me faisaient plus envie – même Super Mario 64 et Mario Kart 64, pour lesquels j'en étais presque à nier mon engouement passé. Avec le recul, j'ai envie de filer des claques à cet adolescent prépubère obnubilé par le football et les sports mécaniques et même pas capable de profiter, a minima, des vraies perles que proposait sa console du moment, comme des Crash Bandicoot ou Tomb Raider dont j'avais pourtant entendu parler mais que je négligeais sans raison valable (hormis mes goûts très limités voire discutables). Franchement, comment pouvais-je bien manifester ne serait-ce qu'un début d'intérêt pour Pokémon dans de telles conditions ?
Je suis heureusement vite revenu à mes premières amours en septembre 2000, grâce à un certain Yoshi's Island découvert sur le tard, tout comme la Nintendo 64 lors du Noël qui suivra. Mon regain d'intérêt soudain pour Nintendo fut salvateur et coïncidera avec ma découverte d'internet et de jeuxvideo.com, tout en me "hypant" pour la sortie à venir de la PS2 en France (mais ses 3000 francs m'avaient freiné aussi vite que mes parents). Cependant, malgré ce "retour aux sources" passant principalement par Mario et Zelda, et qui me fera enfin m'intéresser aux autres licences Nintendo phares (Metroid, F-Zero, Kirby ou Starfox), je continuai d'ignorer copieusement Pokémon, voire de carrément mépriser cette série que je trouvais enfantine, sans intérêt, bref pas du tout à mon goût. Même les trophées de Super Smash Bros. Melee mettant en scène les créatures de Game Freak n'y changeaient rien, et constituaient ceux que je convoitais le moins in-game, en dépit d'un aspect "collection" très poussé et super bien fichu. N'ayant à l'époque aucun attrait pour la culture japonaise en général, les mangas et/ou anime, l'univers créé par le trio Tajiri/Sugimori/Masuda continua de me laisser de marbre au fil des générations, et ce même en arrivant à un âge adulte où ma culture vidéoludique avait immensément évolué, et où je constatais autour de moi un étrange sentiment de nostalgie. Beaucoup de mes connaissances, certes majoritairement un peu moins âgées que moi de quelques années, continuaient de jouer à chaque nouvelle génération de Pokémon, témoignant d'une passion de toute évidence intacte en dépit de mécaniques de jeu d'apparence toujours identiques, et d'une réalisation en retard d'une ou deux générations à chaque nouvel épisode.
Un coup d'épée droit dans le cœur
Vous en conviendrez sans doute, derrière la majorité des tournants de notre vie se trouve une rencontre. Me concernant, il aura fallu que je me mette en couple avec une immense fan de la licence, ayant débuté gamine avec Pokémon Version Argent à une époque où j'étais occupé à faire tomber les chronos sur Mario Kart 64. Le 15 novembre 2019, lors du week-end de la sortie de Pokémon Épée / Bouclier, que nous allions passer ensemble et qui constituerait alors la première "nouvelle génération" qu'elle allait découvrir en ma compagnie, j'ai choisi de m'intéresser pour de bon à comment fonctionnait un jeu Pokémon, histoire d'avoir enfin une bonne raison de "ne pas aimer" … ou alors d'avoir un coup de cœur inattendu. Car oui, je l'admets, je n'avais jamais vraiment pris le temps de me pencher sur la question, et il faut bien reconnaître que se faire expliquer les mécanismes de gameplay d'un nouveau jeu vidéo par la personne que l'on aime, c'est la meilleure des manières de lui accorder une totale attention. Au terme du week-end, j'avais envie d'essayer Pokémon, et cette immense fan de la saga accepta alors de me prêter Pokémon Épée, restant de son côté sur Pokémon Bouclier, qu'elle avait choisi de privilégier par pure préférence pour le Pokémon légendaire de cette version. Avec une promesse surprenante de sa part à la clé, celle de me faire cadeau de l'exemplaire prêté si je complétais le Pokédex de Galar.
Quelle erreure ne fit-elle pas. Pourtant, ce n'est pas comme si elle ignorait tout de mon goût pour les défis et pour la collectionnite aiguë ! Si j'ai mis quelques semaines à vraiment "rentrer dans le délire", les nombreuses heures passées à me faire enseigner les subtilités de la licence par ma compagne mais aussi par mon "sensei" Ken Bogard" (avec qui nous avons réalisé plusieurs tutoriels en vidéo pour JV à l'époque !) ont achevé de me faire sombrer dans cette terrible addiction. C'était trop tard, j'avais attrapé le Pokérus à mon tour, et vu le contexte (début 2020), c'est probablement le seul virus que l'on pouvait être content de contracter. Le 1er février, je complétais la quête principale de Pokémon Épée au terme de 40 heures que je ne vis honnêtement pas passer, et terminais donc mon premier jeu Pokémon à 33 ans, avec beaucoup plus de fierté que de honte, tellement j'avais adoré ça. Un mois plus tard, hasard du calendrier, je fêtais involontairement les 3 ans de la Switch en complétant le Pokédex de Galar, et méritais désormais de posséder un jeu loin d'être exceptionnel, noté 16/20 sur JV et ayant suscité beaucoup (trop ?) de polémiques auprès des fans en marge de sa sortie. Et je dois bien l'admettre : ce n'est aucunement un grand jeu vidéo, mais il a marqué ma vie de joueur.
Ken Bogard a grandement contribué à mon coup de cœur pour la licence Pokémon… et dans le cadre de mon travail qui plus est !
Cette licence était faite pour moi !
Mais alors, pourquoi ai-je fini par succomber à la "pokémania" aussi tardivement, vingt ans après la sortie de la toute première génération en France, et qui plus est, à travers un opus ne faisant clairement pas l'unanimité ? Si les conditions de la découverte ont forcément joué dans le coup de cœur, l'appréciation personnelle que j'ai faite de Pokémon Épée s'est quand même également basée sur le jeu lui-même. En vérité, c'est en écrivant cet article et en m'intéressant aux raisons du succès original de la première génération que j'ai trouvé la confirmation de ce que je pensais : l'aspect techniquement démodé de la franchise de Game Freak est terriblement secondaire en comparaison du plaisir de jeu que constitue la capture des créatures sauvages, et surtout, la complétion de ce fameux Pokédex. Finir un jeu Pokémon à 100%, c'est une véritable aventure sur la durée, faite de chasses aux monstres les plus rares et donc de frustrations récurrentes, mais aussi d'incroyables sentiments d'accomplissement : il s'agit ni plus ni moins d'une allégorie du concept de collection, mais appliqué à un jeu vidéo, qui m'avait beaucoup séduit deux ans plus tôt dans un certain Persona 5. Il était évident qu'un collectionneur comme moi ne pouvait que trouver son bonheur dans un tel concept, mais encore fallait-il que l'enrobage me donne envie de m'y adonner.
Si la direction artistique de Pokémon Épée n'est pas non plus ce que j'avais vu de plus joli à mes yeux sur Switch (attention, je ne parle pas ici du degré de finition, clairement d'un autre âge), je n'ai tout simplement pas pu résister aux créatures en elles-mêmes, celles qui font le charme et l'âme de cette franchise. En plus de vouloir compléter une collection faite de chasses et de captures délicates, mais aussi d'échanges donnant une dimension sociale très appréciable à cette quête, j'ai bêtement craqué sur le design d'un nombre incalculable de Pokémon. Chacun(e) aura ses chouchous et au moment de choisir mon premier starter, j'ai personnellement opté pour l'adorable Flambino dont j'ai adoré chaque évolution, l'associant très vite au beaucoup trop mignon Goupilou face à qui un amoureux des renards comme moi ne pouvait que succomber. Je mettrai d'ailleurs un point d'honneur à ce que cet irrésistible bébé goupil constitue le premier Pokémon chromatique de ma "carrière" de dresseur.
Goupilou shiny, c'était mon destin ! *_*#MonPremierShiny #PokemonEpeeBouclier pic.twitter.com/LkStpb91WW
— Antistar 🦊 (@Antistar) March 8, 2020
Après plus de 150 heures de jeu, et alors que le premier DLC "L’île solitaire de l’Armure" ne pointait pas encore le bout de son nez, je considérais ma quête comme plus ou moins terminée en complétant le "living dex" de Galar au moment où la planète entière se confinait. Après un tel rush et sans jamais ressentir de lassitude, j'aurais cependant pu en rester là et que l'expérience soit sans suite, en découvrant par la suite d'autres jeux de la licence et éprouvant de la déception devant une certaine répétitivité. En effet, je dois quand même vous le concéder : en me cantonnant (pour l'instant) à la Switch, j'ai eu vite le sentiment que la structure des Pokémon de la série principale se renouvelait assez peu. Si j'ai beaucoup apprécié, rétrospectivement, Pokémon Let's Go, Pikachu qui a principalement contribué à enrichir ma culture via un remake de la génération à l'origine du phénomène, j'ai été davantage déçu par Pokémon Diamant Étincelant qui m'a fait réaliser que même pour ma culture, je ne ferais sans doute pas tous les épisodes à fond – et tant pis si mes TOC de collectionneur souffriront devant ces fichiers de sauvegarde incomplets. Cependant, d'anciennes générations m'ont été vendues plus que de raison avec beaucoup de passion, comme les deux premières principalement, mais aussi la cinquième (Noir/Blanc) et la sixième (X/Y), et je me suis juré de les découvrir et de me refaire une culture sur ce pan si important de l'histoire du jeu vidéo. Le sympathique (et bien plus joli) New Pokémon Snap, quant à lui, a su me donner envie de me renseigner un peu plus sur les spin-off.
Évoluer avec la licence, une nécessité ?
Après avoir expérimenté trois générations différentes (la première et la quatrième via leurs remakes, et la huitième en la complétant à 100%), je me sentais prêt pour les défis à venir en 2022, avec tout d'abord un spin-off très médiatisé et attendu comme une révolution : Légendes Pokémon : Arceus. Je ne vais pas vous mentir : je ne pouvais que me réjouir face à la perspective d'un nouveau jeu davantage orienté action-RPG dans un monde semi-ouvert, évidemment comparé (parfois à tort, parfois à raison) à The Legend of Zelda : Breath of the Wild. Certes, la qualité visuelle du nouveau projet de Game Freak était inquiétante, pour ne pas dire effrayante, mais la promesse d'une grande aventure immersive en dépit d'une réalisation moyenne (voire médiocre) était bien réelle. Plus les bandes-annonces s'enchaînaient, plus on en apprenait sur cet opus en marge des générations, et plus il me faisait envie, tout en étant désespérément moche (je considère encore, à ce jour, qu'il s'agit du jeu le plus laid que j'aie autant aimé).
J'en venais à me dire qu'en réalité, Légendes Pokémon : Arceus ressemblait à ce que j'aurais aimé que Pokémon ait toujours été afin de me plaire encore davantage, voire tout simplement, de me faire accrocher bien plus tôt à la série. Un ressenti que le premier contact confirma de suite : dès les premières heures, cet épisode surpassait déjà Épée/Bouclier dans mon classement personnel, constituant tout simplement ce que je rêvais qu'un jeu Pokémon soit. Encore plus orienté solo, "Arceus" était exactement ce que j'attendais de la série, et espère vivement que les prochains volets "canoniques" en prendront de la graine ! Évidemment, là aussi, j'ai complété son "living dex", sans parler d'une collection de "shiny" bien plus importante dans un titre favorisant grandement leur chasse à l'état sauvage… un autre concept pour lequel je concède avoir développé une petite addiction. J'ai en effet rarement trouvé de micro-éléments de gameplay plus satisfaisants que d'entendre le petit jingle indiquant la présence d'un Pokémon chromatique dans les environs, et de le traquer en mode infiltration pour ne surtout pas le louper, tant sa capture devenait une obsession !
2022 : pour la toute première fois, je tombe sur un shiny dans la nature dans un jeu Pokémon \o/#LegendesPokemonArceus #NintendoSwitch pic.twitter.com/tRPN1yCKOe
— Antistar 🦊 (@Antistar) February 5, 2022
Comme je pourrais passer encore de longs paragraphes à vous expliquer pourquoi j'ai adoré Légendes Pokémon : Arceus, au point de déplorer l'absence de réel suivi et de contenu additionnel de la part de Game Freak, je conclurai en me rapprochant plutôt de l'actualité brûlante. Comme vous vous en doutez déjà, j'attends avec beaucoup d'impatience (et de fébrilité) la neuvième génération de Pokémon, et opterai pour la version Écarlate pendant que ma moitié ira s'aventurer sur la version "Violet" – et bien entendu, nous tenterons de compléter nos Pokédex respectifs ensemble, et de vivre une autre aventure formidable avec plein de souvenirs légendaires. Ce nouvel opus à venir dans un mois et demi semble en effet avoir évolué à la fois depuis la huitième génération (celle de mes débuts tardifs, donc) mais aussi emprunté à un spin-off de haute volée, dont le seul réel défaut est d'être graphiquement moyen quand il n'est pas carrément vilain. Pokémon Écarlate / Violet sera-t-il l'épisode ultime venant concrétiser trois ans d'une nouvelle licence de cœur pour un fan tardif ? Je n'en serais même pas surpris, et j'ai en tout cas déjà très hâte de voir ce que donnera cette nouvelle aventure dans les contrées de Paldea.
Cela fait donc aujourd'hui 23 ans que les célèbres monstres de poche créés par Game Freak ont envahi le territoire français, mais seulement à peine trois ans que j'ai succombé à mon tour à une "pokémania" à laquelle je pensais demeurer étranger à vie. Ayant un peu honteusement ignoré une des licences les plus rentables de l'histoire du jeu vidéo (et par extension de la culture populaire) pour de mauvaises raisons, il aura paradoxalement fallu que je grandisse (pour ne pas dire "évolue") pour m'intéresser à une franchise d'apparence enfantine qui était en réalité faite pour moi. Certes, Pokémon n'est pas devenu subitement ma série favorite et ne le sera jamais, mais en plus de donner une énième leçon face aux préjugés auxquels il ne faut définitivement jamais se fier, cette franchise fait désormais office d'indispensable dans mon parcours de joueur ainsi que dans ma collection, à qui elle donne par aspects une toute autre dimension. Alors oui, ce sont systématiquement des jeux d'un autre âge, et on aimerait vraiment que The Pokémon Company donne un jour à son studio phare des moyens comparables à ceux des autres licences Nintendo majeures. Mais en attendant, le plaisir de jeu demeure, traverse les générations, et de toute évidence, la "pokémania" n'est pas prête de s'arrêter, surtout si elle ne cesse de se trouver de nouveaux adeptes improbables du côté des "core gamers" les plus réticents.