Il y a les discours de façade et la réalité qui se cache derrière. En début d’année, le rachat d’Activision Blizzard par Microsoft a été une telle onde de choc que les concurrents du géant Microsoft ont forcément réagi en interne pour établir une stratégie visant à contrer un tel mastodonte. Si les intéressés ont fait preuve d’un certain flegme pour afficher leur sérénité, certaines informations tendent à prouver que l’annonce a été vécue comme un tremblement de terre. Et ce n’est pas la première fois que ça arrive…
Une impression de déjà-vu
Il y a vingt ans de cela, lorsque SEGA a décidé de quitter le monde des constructeurs de consoles, les éditeurs ont communiqué en accueillant le désormais nouvel éditeur avec des messages de bienvenue. Mais pour certains, comme Electronic Arts, il s’agissait de discours de façade. Car à l’instant où SEGA a annoncé son intention de devenir l’un des éditeurs principaux, les nouveaux concurrents ont carrément organisé des réunions de crise ! Et l’éditeur américain a été encore plus loin en écrivant une lettre salée à l’attention des hautes instances de Wall Street. En clair, le sourire affiché cachait de véritables craintes. Aujourd’hui, l’Histoire se répète avec une firme bien plus puissante que ne l’était SEGA à son époque.
Sony craint la montée en puissance d’Xbox
Cette information est loin de sortir de nulle part. Comme vous le savez, le rachat d’Activision Blizzard par Microsoft a été confirmé par les intéressés, mais il est encore suspendu aux autorités de régulation de la concurrence de la planète. Si la transaction a été confirmée, Microsoft et Activision Blizzard doivent attendre le retour des différentes commissions pour sortir le champagne. Et justement la commission brésilienne qui nous intéresse ici. Celle-ci s’est allouée les services d’un cabinet d’avocats qui a pour objectif de vérifier, point par point, les tenants et aboutissants de cette acquisition taille mammouth. Via une série de questions / réponses organisées auprès des géants du secteur, ils ont établi un rapport en portugais qui vient d’être rendus public. Et lorsqu’on se penche sur le cas de Sony, quelques réponses sont loin de passer inaperçues. Voyez plutôt :
Créer un jeu AAA haut de gamme (comme Call of Duty d’Activision) nécessite un budget de centaines de millions de dollars et des milliers d’employés. Les concurrents de Microsoft et d’Activision, en termes de développement et d’édition de jeux, comprennent SIE, Nintendo, EA, Ubisoft, Epic Games, Riot Games, Warner Brothers Interactive, Rockstar et Take-Two (propriétaire de Rockstar et 2K). Néanmoins, à part Activision, il y a peu de développeurs/éditeurs capables de produire des jeux AAA comme EA (FIFA), Take-Two/Rockstar (Grand Theft Auto) et Epic Games (Fortnite). Ces jeux ont tendance à être des franchises de longue date avec de gros budgets, des cycles de développement pluriannuels et des suivis intensifs. Et malgré de gros budgets et ressources, aucun de ces développeurs ne pourrait créer une franchise qui rivaliserait avec Call of Duty d’Activision, qui se démarque comme une catégorie de jeux à part entière.
Par ces quelques lignes, on découvre que Sony prend très au sérieux la franchise Call of Duty, qui est une part importante de son catalogue, et craint possiblement une exclusivité future de celle-ci chez Xbox.
Et la suite est encore plus édifiante puisqu’il est question de Xbox Game Pass.
Au cours des cinq dernières années, le Game Pass de Microsoft s’est développé pour représenter 60 à 70 % du marché mondial des services d’abonnement. Cette part est encore plus élevée au Brésil, où le Game Pass représente environ 70 à 80 % du marché des services d’abonnement sur PC. Lorsque Microsoft a annoncé qu’il rachèterait ZeniMax en 2020, le Game Pass comptait environ 10 millions d’abonnés. Même si chaque abonné a acheté l’abonnement le moins cher (10 euros par mois), cela équivaut à plus de 1,2 milliard de dollars de revenus d’abonnement annuels. Comme le montre le graphique ci-dessous (NDLR : dans le document présenté aux avocats), lorsque Microsoft a annoncé qu’il rachèterait Activision en 2022, le Game Pass était à 25 millions d’abonnés – une augmentation de 38 % depuis janvier 2021 – doublant ainsi ses revenus annuels d’abonnement Game Pass à au moins 3 milliards de dollars.
En lisant entre les lignes, on comprend ainsi que Sony craint la montée en puissance de Microsoft et du Xbox Game Pass. Le constructeur s’aperçoit que l’augmentation des abonnés est prononcée et que cela ne va pas aller en baissant. Un peu plus loin, le rapport souligne que cette montée en puissance coïncide avec l’intérêt du contenu rendu possible par l’acquisition de nombreux studios : Double Fine, Obsidian Entertainment, Ninja Theory ou encore Bethesda. Et qu’avec Activision, le contenu s’en verrait grandement amélioré.
Bien évidemment, les propos sont posés et ne laissent apparaître, en apparence, aucun stress. Mais tout comme SEGA et les discours de façade des « ex-partenaires », il est évident que le rachat d’Activision Blizzard n’est pas pris à la légère par Sony – surtout si Call of Duty, capable de vendre des consoles par palettes entières, rejoint le giron de Microsoft de manière exclusive. Il va être intéressant de voir comment l’entreprise japonaise va répondre aux nouveaux défis dans les prochains mois et années. La première réponse a été donnée par l’arrivée des abonnements Extra et Premium et la seconde pourrait bien porter la marque d’un certain PlayStation VR2.