L’Electronic Entertainment Expo, l’E3 pour les intimes ou “l’i-cube” pour les ringards, revient du 12 au 15 juin par l’intermédiaire d’événements qui seront diffusés sur la toile. Car oui, l’année dernière, la crise sanitaire liée au coronavirus a pris de court une ESA contrainte d’annuler la 25e édition de son salon fétiche, laissant un boulevard au Summer Game Fest de Geoff Keighley. Bien que le mythique Convention Center de Los Angeles ne rouvrira pas ses portes pour les beaux jeux de l’E3 2021, nous retournons aux États-Unis le temps d’un article afin de mettre le doigt sur les éditions à ne pas oublier.
E3 1997 : Des jeux, rien que des (bons) jeux
Pour sa troisième édition, l’E3 quitta le Convention Center de Los Angeles pour s’installer au Georgia World Congress Center à Atlanta. 1 500 jeux furent présentés, et des titres comme Half-Life, Prey, Quake II ou encore Unreal se montraient pour la première fois. Du côté des annonces, nous retenons particulièrement celles de Duke Nukem Forever, Panzer Dragoon Saga, Fallout et Metal Gear Solid. Dans les allées du salon, il était possible de trouver des téléviseurs cathodiques affichant des softs tels que Banjo-Kazooie, Conker's Quest (la première version de Conker’s Bad Fur Day), Crash Bandicoot 2, Doom 64, Enemy Zero, Final Fantasy VII, F-Zero X, GoldenEye 64, Medievil, Oddworld, Resident Evil 2, Star Fox 64, The Legend of Zelda : Ocarina of Time, Time Crisis, Turok ou encore Tomb Raider II. Oui, il y avait du beau monde sous les projecteurs du Georgia World Congress Center ! Internet n’étant pas encore démocratisé dans les foyers français à cette époque, nombreux furent ceux à avoir découvert l’existence de ces productions grâce à la presse papier. Le magazine CD Consoles immortalisa l’ambiance de l’E3 1997 par l’intermédiaire d’une VHS dédiée à l’événement, intitulée “tous les hits de fin d’année”. Une autre époque.
E3 1999 : Nintendo, SEGA, Sony - La bataille pour vendre du rêve
La “guerre” menée par les grands constructeurs de consoles de jeux a rarement été aussi visible qu’à l’E3 1999. SEGA y présentait sa Dreamcast, console 128 bits disposant d’un modem pour jouer en ligne, ainsi qu’une pelletée de softs impressionnants graphiquement tels que D2, Hydro Thunder, Metropolis Street Racer, Power Stone, Resident Evil : Code Veronica, Sonic Adventure, Soul Calibur, The House of the Dead 2, Trickstyle et surtout Shenmue, le jeu d’aventure grand format imaginé par Yu Suzuki. En face, Sony ne se laissa pas déstabiliser et montra une démo technique de la scène du bal de Final Fantasy VIII. Sauf qu’au lieu de montrer une cinématique en CGI, Sony exposa un rendu en temps réel assez formidable. Une démo jouable du prochain Gran Turismo fut également présentée. De son côté, la première PlayStation continuait d'assurer le spectacle avec Ape Escape, Crash Team Racing, Dino Crisis, Gran Turismo 2, Final Fantasy VIII et Resident Evil 3. Nintendo aussi profita de l’E3 1999 pour vendre du rêve : la société japonaise annonçait le projet “Dolphin” qui deviendra le/la GameCube. La firme de Kyoto déclarait abandonner le support cartouche et assurait que les performances techniques dépasseraient celles de la PlayStation 2. Donkey Kong 64, Jet Force Gemini et Perfect Dark prouvaient que la Nintendo 64 avaient encore des arguments. Une édition qui sut habilement se reposer sur du concret tout en apportant ce qu’il fallait de promesses (plus ou moins difficiles à tenir) pour électriser la foule.
E3 2001 : Le nouveau conquérant
Les ventes décevantes de la Dreamcast obligèrent SEGA à annoncer son retrait du monde des constructeurs de consoles en janvier 2001. Dans les allées du Convention Center, le géniteur de Sonic fut tout de même présent pour son chant du cygne avec les derniers jeux à venir sur Dreamcast (Crazy Taxi 2, Phantasy Star Online version 2, Rez, Sonic Adventure 2, Shenmue 2). En coulisse, le groupe japonais proposa une partie de son espace d’exposition à Microsoft, les relations étant particulièrement bonnes entre les deux groupes. Car le nouvel arrivant dans le monde des machines de jeux jouait gros : la Xbox devait sortir à la fin de l’année 2001 aux États-Unis, et la firme de Redmond n’avait toujours pas réussi à créer l'événement. Dans les allées du salon, Microsoft tentait donc de sortir l’artillerie lourde avec Dead or Alive 3, Halo, Jet Set Radio Future ou encore Oddworld : Munch’s Oddysee. Pendant ce temps, Sony pavoisait grâce à Devil May Cry, Jak and Daxter, Metal Gear Solid 2, Silent Hill 2 sur PlayStation 2 tandis que Nintendo bombait le torse en exposant Luigi's Mansion, Pikmin, Super Smash Bros. Melee, Star Wars Rogue Leader : Rogue Squadron II et Wave Race : Blue Storm sur le/la GameCube. Lors d’un panel animé par Doug Lowenstein (président de l’Interactive Digital Software Association), Kazuo Hirai (Sony of America) infligea une véritable leçon de communication à Robbie Bach (directeur général de la Xbox). Devant un parterre de journalistes amusés par le spectacle, Hirai posa cette fameuse question rhétorique : “qui sera numéro deux ?” sous-entendant que la PlayStation 2 allait rester en tête des parts de marché. Bach resta calme, et décida d’expliquer que la stratégie de Microsoft, à l’instar de celle de Sony, était de se reposer sur les jeux produits en interne. “Il faut toujours copier le premier” rétorqua Hirai, un rien moqueur. Enfin, Bach reconnut que la stratégie de cibler avant tout les joueurs passionnés était sensiblement la même que celle de son concurrent. “Oui, c’est bien la stratégie de Sony” asséna Hirai. Robby Bach ne trouva rien à ajouter : Sony avait gagné la bataille de la communication ce jour-là. “Le public présent attendait plus de la part du nouvel arrivant” notait Dean Takahashi dans son livre “Au Coeur de la Xbox” (p.304, éd. Pix’n Love).
E3 2005 : Trois salles, trois ambiances
L’E3 2005 fut extraordinaire à plus d’un titre. Durant l’événement, les trois principaux constructeurs dévoilèrent en détail leurs futures consoles de jeux : la PlayStation 3 pour Sony, la Xbox 360 pour Microsoft, et la Révolution (qui deviendra la Wii) pour Nintendo. Chaque géant y allait de sa propre stratégie pour imposer son style. Chez Sony, on ne changeait pas la formule qui avait déjà montré son efficacité avec la PlayStation 2. Le groupe diffusait des démos techniques censées présenter les capacités techniques de la console. C’est une fois de plus Final Fantasy VII qui servit de cobaye avec, comme en 1999, une version en temps réel d’une scène cinématique bien connue. Les démonstrations les plus impressionnantes venaient de Motorstorm et de Killzone 2. Le titre de Guerilla Games a particulièrement marqué l’auditoire, d’autant plus que Sony promettait qu’il s’agissait d’un contenu tournant en temps réel. Nous apprendrons sept ans plus tard que ce n’était pas du tout le cas. Mais cette stratégie fonctionna très bien. Sony réussit à créer l’événement et arriva à faire oublier la conférence moins impressionnante mais plus honnête de Microsoft pour sa Xbox 360. Les combattants de Dead or Alive 4, les créatures de Kameo, les guerriers de Lost Odyssey et les bolides de Project Gotham Racing 3 ne parvinrent pas à faire oublier la gifle technique infligée par Sony quelques heures auparavant. La conférence du constructeur américain restait néanmoins plus que solide. Chez Nintendo, on communiquait sur la DS, la Game Boy Micro, et bien évidemment sur la future Wii, promise comme étant “révolutionnaire”. La firme de Kyoto conclut son show avec une bande-annonce renversante de Zelda : Twilight Princess. Dans les allées du salon, il était possible de voir Age of Empires III, Alan Wake, Black & White 2, Battlefield 2, Call of Duty 2, Civilization IV, F.E.A.R, Quake 4, The Elder Scrolls IV : Oblivion ou encore The Witcher. Un très bon cru !
E3 2010 : One million troops
Et maintenant, l’intermède humoristique. Certes, beaucoup de choses importantes se décident dans les salles de réunion des E3, mais parfois, il est bon de rappeler que l’industrie que nous couvrons est celle du divertissement. Un vent de folie souffla sur l’E3 en 2010. La brise fut tellement forte qu’elle changea à tout jamais les conférences de certains éditeurs. C’est ce qui s’est produit avec Konami. Le papa de Castlevania fut la risée de cette édition à cause de son show absolument rocambolesque. Différentes vidéos circulent encore sur la toile pour attester du drôle de numéro entrepris par le groupe japonais. Les intervenants en roue libre arrachèrent des rires gênés aux journalistes présents, journalistes qui devaient sûrement se demander s’il ne s’agissait pas d’un sketch tant les situations embarrassantes s’enchaînaient au rythme d’un vaudeville. Entre le développeur énervé de se faire piquer la vedette par un autre de ses camarades, le combat de catch lunaire et le jeu d’acteur stratosphérique de certains invités, Konami régala... à ses dépens. Le groupe décidera l’année suivante de ne plus organiser de show en direct. C’est également cette année que le tonitruant Kevin Butler apporta un grain de folie à une conférence PlayStation noyée sous les démonstrations de jeux pensés pour le PS Move. Les nombreux softs utilisant le périphérique causèrent des séquences involontairement drôles, engendrées par les simagrées et autres positions inconfortables faites par les démonstrateurs. Même constat chez Microsoft avec son Kinect qui prit une place considérable durant sa conférence. L’initiateur de la vague motion gaming, Nintendo, ne s’en sortait pas forcément mieux avec une démonstration en demi-teinte de Zelda Skyward Sword gâchée par des soucis de reconnaissance de mouvements. Cette édition de l’E3 a tout de même permis de découvrir la 3DS, Kid Icarus : Uprising, Donkey Kong Country Returns, Motorstorm Apocalypse, Infamous 2, LittleBigPlanet 2, God of War : Ghost of Sparta, Killzone 3, MGS Revengeance, Gears of War 3, Fable 3, Ryse ou encore Halo Reach. Enfin, des invités surprenants défilèrent durant les conférences, que ce soit Gabe Newell chez Sony ou Hideo Kojima chez Microsoft. Décidément, il s’agissait d’un E3 vraiment pas comme les autres.
E3 2013 : Xbox trébuche, PlayStation s’envole
En matière de communication, le public a tendance à apprécier lorsqu’un géant se moque ouvertement d’un concurrent. Nombreuses sont les personnes à se rappeler de la péniche “Xbox 360 loves you”, invitée surprise du lancement raté de la PlayStation 3 à Paris. Plus ça pique, plus les joueurs s’amusent ! Alors que Microsoft avait déjà la tête dans le sable à cause des histoires de connexion permanente pour sa Xbox One empêchant les joueurs de se prêter des jeux simplement, Sony publia une vidéo un rien parodique montrant la simplicité du don de jeu à un autre camarade sur PlayStation 4. Un coup de génie qui a ridiculisé la firme américaine et ses mesures allant à l’encontre du marché de l’occasion. La firme de Redmond abandonnera ses plans initiaux avant le lancement officiel de sa nouvelle console. Mais le mal était fait. Lors de cet E3 2013, rien ne sourit à Microsoft. Le Kinect obligatoire et la Xbox One vendue à 100 euros de plus que la PlayStation 4 furent mal perçus à la fois par la presse et par les joueurs. Ryse son of Rome, s’il s’avérait impressionnant techniquement, fut vivement critiqué à cause de son gameplay jugé trop simple. Killer Instinct, jeu de combat dont le dernier épisode se jouait sur Nintendo 64, essuya de lourdes plaintes à cause de son business model peu répandu à l’époque. Le trailer de Crimson Dragon fut diffusé sans le son, et Dead Rising 3 ne parvint pas à embraser la foule. Malgré la présence d’une bande-annonce pour Halo 5, d’un trailer pour Quantum Break, d’une séquence de gameplay pour Forza Motorsport 5, d’une vidéo pour Sunset Overdrive et malgré la surprise Titanfall à la fin de la conférence, la Xbox One subissait un torrent de critiques. De l’autre côté, tout semblait réussir à Sony. Surfant sur la fin de vie réussie de sa PlayStation 3 (en particulier grâce à The Last of Us), le géant japonais exposa des jeux tels que Kingdom Hearts 3, Final Fantasy XV, Infamous : Second Son, Killzone: Shadow Fall ou encore The Order : 1886. De quoi rassurer les fans quant au potentiel de cette machine. Une PlayStation 4 qui ne forçait pas à avoir une caméra branchée pour fonctionner, et qui avait une philosophie plus simple à comprendre que celle de la Xbox One. Désormais habituée au format Nintendo Direct que la société japonaise a lancé en 2011, Nintendo livra un feu nourri de jeux avec Pokémon X and Pokémon Y, Super Mario 3D World, Mario Kart 8, The Legend of Zelda : The Wind Waker HD, The Wonderful 101, Donkey Kong Country : Tropical Freeze, Bayonetta 2 ou encore Super Smash Bros. C’est également lors de cette édition que Fez 2 fut annoncé, un titre que Phil Fish ne sortira jamais. Enfin, plusieurs gros jeux étaient présents dans les allées de l’E3 2013 avec Assassin's Creed IV : Black Flag, Batman : Arkham Origins, Battlefield 4, Dark Souls II, Destiny, Dragon's Crown, DriveClub, Gran Turismo 6, Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, Pikmin 3, Rayman Legends, South Park : The Stick of Truth, Splinter Cell Blacklist, Tearaway, The Witcher 3 : Wild Hunt, Tom Clancy's : The Division, Until Dawn (sur PS3, mais il sortira sur PS4), Watch Dogs ou encore Wolfenstein : The New Order.
E3 2015 : La meilleure conférence de tous les temps ?
L’E3 2015 avait bien commencé pour Microsoft. En ouvrant sa conférence sur un superbe montage vidéo mettant en valeur ses héros fétiches, la firme de Redmond sut attirer l’attention de l’auditoire. Halo 5 eut le droit à une démonstration de gameplay, de même que Rise of the Tomb Raider (alors exclusif à la One), Forza Motorsport 6 et Gears of War 4. ReCore, Ashen, Rare Replay et Sea of Thieves furent également annoncés, tandis que le casque HoloLens laissait miroiter une application possible dans le monde du jeu vidéo. Le clou du spectacle fut bien évidemment l'annonce de rétrocompatibilité pour une sélection de jeux Xbox 360. Un show solide qui a cependant été balayé d’un revers de main par la prestation impressionnante de Sony, quelques heures plus tard. Le constructeur japonais enchaîna en effet trois annonces majeures. La première fut celle du retour d’un jeu longuement sorti des radars, The Last Guardian. La seconde fut le remake de Final Fantasy VII, et la troisième fut l’arrivée surprise de Shenmue 3. De quoi abasourdir le public présent. Pour cet E3 de début de génération, Sony réussit à marquer les esprits. En outre, le groupe dévoila du gameplay pour Horizon Zero Dawn, annonça l’exclusivité de Street Fighter 5, et diffusa une démo époustouflante d’Uncharted 4. Oui, en matière de sensations fortes, l’E3 2015 avait mis la barre très haut. Nintendo eut bien du mal à se faire remarquer dans ce torrent d’annonces. La firme de Kyoto dévoila tout de même ses Amiibos, Mario et Luigi : Paper Jam Bros, ainsi qu’un nouveau Zelda et un nouveau Metroid pour la 3DS. Il faut dire qu’avec les ventes moribondes de la WiiU, les géniteurs de Mario n’avaient déjà plus l’esprit à la fête.
E3 2018 : Microsoft se rebiffe, PlayStation joue sa partition, Nintendo switch
Est-ce l’air frais du Microsoft Theater qui fit pousser des ailes à la firme de Redmond ? Ce qui est certain, c’est que lors de la conférence Xbox de l’E3 2018, Phil Spencer et ses équipes ont tapé fort. Le show s’ouvrit sur une magnifique démo technique d’Halo Infinite, continua avec l’annonce de Forza Horizon 4 (et son monde partagé), et se termina sur la bande-annonce de Gears 5. Halo, Forza, Gears of war, la trinité fut respectée ! D’autres jeux firent leur apparition sur les écrans du Microsoft Theater avec Ori and the Will of the Wisps, Sekiro : Shadows Die Twice, We Happy Few, Devil May Cry 5, Shadow of the Tomb Raider, Jump Force, Dying Light 2, Battletoads, Cyberpunk 2077 ou encore Just Cause 4. Le clou du spectacle vint de l’annonce du rachat de quatre studios first party avec Playground Games, Ninja Theory, Undead Labs, Compulsion Games, et la création d’un studio à Santa Monica nommé The Initiative. Cela faisait bien longtemps que Microsoft n’avait pas assuré un tel spectacle. De son côté, Sony préféra faire dans la qualité plutôt dans que la quantité en invitant les journalistes présents à passer de salle en salle pour qu'ils découvrent des ambiances – et des productions – différentes. Quatre jeux first party eurent le droit à de longues présentations avec The Last of Us Part 2, Ghost of Tsushima, Death Stranding et Spider Man. Resident Evil 2 Remake, Nioh 2, Control ou encore Déraciné égayèrent également la conférence. Le spectacle comportait, certes, moins d’annonces que chez Xbox, mais les jeux d’aventure/action diffusés furent particulièrement impressionnants. Cet E3 plaça définitivement le géant japonais comme maître incontestable des “AAA” solo narratifs. Enfin, Nintendo se concentra sur ses licences phares avec Pokemon Let's Go Pikachu/Évoli, Fire Emblem : Three Houses, Super Mario Party et surtout Super Smash Bros. Ultimate. sur Switch. Square Enix présenta plus longuement Project Octopath, qui était à cette époque une exclusivité Switch. Dans les couloirs du salon, il était possible de tester/de voir A Plague Tale : Innocence, Battlefield V, Beat Saber, Call of Duty: Black Ops 4, Crash Bandicoot N. Sane Trilogy, Dead or Alive 6, Dead Cells, Doom Eternal, The Elder Scrolls VI, For Honor, Gears Tactics, Kingdom Hearts 3, Metro Exodus, Rainbow Six Siege, Soulcalibur VI, Tetris Effect, Wolfenstein : Youngblood ou encore Yakuza 0. Une édition d’exception.