Ne sachant plus quoi faire pour le réconforter, elle se mit alors à sangloter, et se mit en boule non loin de lui...
... Red ne pouvait pas non plus supporter de voir le beau visage de sa fille terni par les lourds et long sanglot l'agitant; et il se leva, quoiqu'encore lui-même bouleversé, pour l'enlacer; ce fut ainsi qu'ils restèrent tous les deux un long moment, toujours pleurant, l'un dans les bras de l'autre...
Shizen tenta de sécher les larmes de son père d'un revers de sa main gauche, encore émue mais heureuse de la réaction de Red, et lui demanda alors ce qui lui valait ces pleurs...
... Red lui répondit qu'il ne le savait pas lui-même, mais que la tension l'enserrant de tous côtés ces derniers temps le faisait plonger dans une mélancolie terrible; il tenta de sourire et sécha les larmes du visage de sa fille; cependant, le fait même de sourire lui causa une forme de souffrance, comme s'il se reprochait à lui-même quelque chose...
Shizen, prête à tout pour le bonheur de son père, lui demanda d'avouer cette chose, si horrible fut-elle, afin de libérer son coeur de ce poids, et parce qu'elle était prête à l'écouter et à l'aider le cas échéant...
...Mais Red ne trouva pas les mots pour l'exprimer; c'était bien trop profond, bien trop en dehors de la raison pour être dit; il fallait le vivre pour comprendre...
Shizen se tut, afin qu'il puisse trouver les mots adéquats pour exprimer sa douleur profonde, même si elle ne l'avait pas vécu...
... Red hésita longtemps, avant d'inspirer profondément, détournant son discours à plusieurs reprises pour chercher le meilleur point de vue possible sur lui-même; il décrit la souffrance de la déchirure; lorsqu'on l'avait arraché à une pauvre bête; cette souffrance qui résonnait encore en lui aujourd'hui; il raconta comment il avait été jeté dans un monde de souffrance, avec obligation d'en sortir par la souffrance la plus vive; il raconta comment il avait cherché à calmer sa douleur et son malheur, et comment tout n'avait fait que l'attiser; enfin, il pleura beaucoup, mais ne parvint pas à mettre le doigt sur ce nœud terrible, ce concept étrange qui guidait ses recherches de délivrance, et qui, par son inexistence en tant que réalité le faisait plus souffrir encore...
Shizen lui affirma qu'elle souffrait tout comme lui, de cette question qui la taraudait depuis tout petite, pourquoi elle voyait à travers ses yeux et pas ceux d'un autre, qu'est-ce qui la rendait si différente des autres au point d'être rejetée par les gens, à part quelques exceptions; pourquoi vivre dans un monde où les vérités n'existent pas, où la souffrance règne, et que le seul moyen de s'en évader reste l'Inconscient. En réalité elle essayait de le réconforter, mais elle avait peine à le faire...
...Cependant, le simple fait de parler, de savoir qu'elle était là, qu'elle tentait de le réconforter, suffisait à faire oublier à Red une partie de cette souffrance qu'il ressentait à chaque instant et à rendre sa vie presque supportable; il ne savait pas lui-même quoi dire, à présent, perdu entre ses larmes et ses pensées...
Shizen lui prit alors la main droite avec sa main gauche, et lui assura qu'elle serait toujours là pour lui, et qui pouvait lui confier ses peines comme ses joies, du moment qu'il puisse être libre malgré la Souffrance...
... Alors, Red, reconnaissant, parvint à retenir ses larmes et un mince sourire, quoiqu'encore faible, étira ses lèvres; en lui, il se sentait apaisé, quoique sur son coeur il pleuvait encore; il avait trouvé le repos pour le moment, et sa gratitude envers sa fille était immense; il jura de lui rendre la pareille, si elle en avait besoin, et dit qu'il était fatigué, et qu'il allait donc se coucher à la belle étoile, pour que le vent efface les stigmates de ses pleurs...
Elle le laissa donc dormir, non sans avoir fait un câlin de réconfort, auquel elle espérait au plus profond de son coeur qu'il puisse être enfin heureux d'ici peu..
Et elle se promena sur le sable fin d'une plage dans la nuit, pensant à son père, qui dormait encore pour l'instant suite à l'événement d'hier, et aussi à sa fille Tetty...
... Red se réveilla enfin; ses larmes avaient séché, quoiqu'il sentisse encore en lui un léger pincement, un poids dans l'estomac; il était malheureux, mais il ne le sentait plus, et cela lui suffisait. Sa fille se promenait sur la plage, marquant le sable fin de ses empreintes, peu profonde, tant sa démarche était aérienne. Red se leva, s'étira, et fit quelques pas, s'approchant de l'eau jusqu'à ce que les vagues viennent lui frôler les pieds, laissés nus pour cette randonnée nocturne. Le regard perdu dans le vide, il cessa de penser pendant un long instant, uniquement contemplatif, comme méditant sur le paysage...
C'est alors qu'il sentit deux bras l'enserrer tendrement...
... Red ne bougea pas, mais sortit de sa contemplation; il aimait cette sensation, cette puissance dégagée par l'étreinte, mais en même temps, cette douceur...
Ne parvenait pas à effacer sa douleur...
...Elle suffisait cependant à l'apaiser encore, jusqu'à presque le libérer. Il se tourna et rendit son étreinte à sa fille...
Qui se laissa cajoler longuement, sachant qu'elle ne pourrait effacer sa souffrance, mais lui donnant cette force inespérée qu'elle possédait au plus profond d'elle-même...