Le MOBA moderne fête cette année ses 10 ans d'activité, sans compter AoS de StarCraft, tout en restant un genre de jeu assez obscur pour une grande partie des gamers. Nous accueillons cet été la sortie officielle (après deux ans de bêta) de la suite du célébrissime mod qui devint un genre, le bien nommé Dota 2. Il en résulte au final un jeu orienté multijoueur aussi addictif que compétitif, à la réalisation léchée et aux mécanismes adaptés aux nouveaux comme aux habitués. Zoom sur le titre qui met depuis deux ans l'e-sport en émoi.
L'histoire de Dota 2 tient un peu de l'épisode de Dallas, avec son lot de séparations, d'accords et de dissonances entre les principaux fondateurs du genre, ayant chacun travaillé à la mise en place de DotA. Attaché à l'idée de créer pour Valve, le successeur du papa des MOBA, une petite équipe formée de vieux de la vieille le studio a, en 2009, embauché IceFrog, alors tenancier depuis 4 ans de DotA : Allstars, succédant sur ce poste à Steve « Guinsoo » Feak (lui-même ayant quitté DotA pour rejoindre Riot Games et le développement de League of Legends). La suite de l'histoire tient forcément du feuilleton juridique puisque le terme même de « Dota », propriété revendiquée par la communauté des moddeurs de Warcraft 3, se révèle très vite être un enjeu de taille pour Valve comme pour Blizzard étant donné que cet élément clé d'identification évoque au public la quintessence du Multiplayer Online Battle Arena. L'affaire se finalise en 2012, en faveur de Valve qui obtient le droit de commercialiser la marque « Dota », ouvrant ainsi une voie royale à Dota 2, tandis que Blizzard se voit contraint de renommer sa licence récemment acquise à Riot, en démarrant le projet Blizzard All-Stars. Mais au fait, qu'est-ce qu'un MOBA ?
Le principe du MOBA en 2 lignes, ou presque...
Pour ceux l'ignorant encore, DotA est à la base une carte créée à partir de l'éditeur de niveaux de Warcraft 3. Disposant d’un gameplay très élaboré et atypique, ce qui deviendra par la suite l'un des genres les plus joués de l'histoire met en place un concept relativement simple. Les joueurs n'incarnent ici non pas une armée de combattants avec un fort accent mis sur la gestion et la construction, mais se focalisent plutôt sur une seule unité, sélectionnée parmi un panel complet et assez hétéroclite comptant tout de même plus d'une centaine de personnages. Le principe se résume ainsi : deux bases, 5 joueurs par camp, et un seul but : détruire la base adverse.
Pour ce faire, les héros vont prendre part stratégiquement à des combats sur trois « lignes » différentes (en haut, en bas, et au milieu) jonchées de tours meurtrières que les joueurs de chaque camp devront faire tomber une à une afin de progresser sur les trois voies. Les deux factions peuvent, afin d'arriver à leur but, compter sur des vagues de petits monstres qui serviront à acquérir de l'or en plus de participer à l'effort de guerre. Au fil de la partie, qui dure généralement entre une demi-heure et un peu plus d'une heure, les héros contrôlés par les joueurs monteront en puissance et en niveau, augmentant leurs caractéristiques et leurs compétences, s'achetant de l’équipement parmi une foule d'objets et gérant les affrontements en équipe le plus méticuleusement possible afin de prendre l'avantage sur l'adversaire. C'est cet aspect mêlant microgestion, réflexes et vision stratégique globale, qui fait aujourd'hui des MOBA un genre très prisé par les joueurs, amateurs comme professionnels.
Une réalisation qui a du retour
Rentrons désormais dans le vif du sujet afin de savoir ce qu'apporte ce Dota 2. Pour ce qui est de la réalisation, il faut bien avouer que le titre, malgré ses deux années de bêta, débarque avec des graphismes très corrects et même un poil au-dessus d’une concurrence misant tantôt sur du cel shading agréable à l’œil et un chouïa économe en polygones, tantôt sur de la 3D plus réaliste, faisant presque jeu égal avec le titre qui nous intéresse aujourd'hui, la qualité de finition en moins. Concrètement, tout est une affaire de design et celui de Dota 2 est totalement maîtrisé en plus de reprendre les codes du premier Dota ainsi que ses héros. Le jeu fait honneur au côté évolutif du Source Engine, qui malgré ses années ne prend que très peu de rides et sait toujours afficher avec brio une flopée de personnages et de sorts à l'écran sans jamais fléchir. Evidemment, qui dit meilleure technique dit aussi meilleure bécane pour faire tourner la bête. Sur ce point, Dota 2 rehausse un peu la configuration minimale par rapport à ses concurrents : sans doute le prix à payer pour baigner dans cette réalisation de qualité.
Le premier contact avec le gameplay
L'adaptation aux mécaniques de jeu se fera rapidement pour les habitués, qui auront toutefois certains réflexes à prendre par rapport aux titres analogues. On peut par exemple évoquer la gestion de la caméra, relativement proche de l'action, peut-être même un peu trop, entachant parfois la lisibilité des combats et vous forçant souvent à oublier cette vieille habitude consistant à bloquer la caméra sur votre héros. C'est évidemment un coup à prendre, mais il ne se fera pas sans efforts lors des premières parties. Ces premières heures de jeu permettent d'ailleurs, et ce depuis la sortie officielle du titre, d'explorer les mécaniques de base à travers un tutoriel bien ficelé et en grande partie localisé en français, comme le reste du soft. L'occasion pour les débutants de prendre en main le MOBA en une heure de temps, avant d'être fin prêt à affronter les bots, puis les autres joueurs d'une communauté comptant aujourd'hui plus de 4 millions d'utilisateurs actifs par mois.
Vous êtes donc propulsé à travers cette vision très puriste du MOBA, concentrée sur le 5vs5 au cœur de la seule et unique map, ayant le choix entre plusieurs types de sessions de jeu, qu'il s'agisse d'affronter des bots offline ou en ligne avec des joueurs, ou de prendre part à des parties joueurs contre joueurs. Pas de roulement hebdomadaire ici car le joueur a la possibilité d’essayer directement la totalité des héros, répartis dans une dizaine de rôles (carry, pusher, jungler, disabler…). Les personnages disposent d’un certain nombre de compétences actives ou passives, allant de 4, pour les héros les plus simples à jouer, à 7 skills pour les champions demandant le plus de pratique avant d'être maîtrisés.
Côté items, là également l’éventail est conséquent et vous proposera plus d’une centaine d'objets qu’il faudra judicieusement choisir et qui permettront de bâtir des outils plus puissants au fur et à mesure que votre partie progresse, en fonction de votre capacité à accumuler de l'or. Cette unique ressource sera d'ailleurs collectée en tuant des héros adverses, mais aussi en détruisant des tours et surtout en gérant au mieux vos « last hits » : les fameux coups de grâce infligés aux vagues de monstres parcourant les 3 lignes de jeu.
Le mulet volant pour gérer ses achats !
Une des particularités de DotA, reprise dans cet épisode, est la présence des coursiers, un système ingénieux puisqu’il vous donne la possibilité de faire vos emplettes directement sur le champ de bataille et de vous les faire livrer par la suite. L'intérêt est capital puisqu'il vous évite de devoir revenir à la base (n'ayant ici aucun sort de rappel, à l’inverse d’un League of Legends). C'est donc un petit mulet, au sol ou équipé d'ailes, qui pourra sur commande vous amener vos objets achetés. Cela dit, attention à ne pas vous le faire descendre pendant le trajet car vous perdrez momentanément les items acheminés. Cette fonction affine un peu plus l'aspect microgestion du titre, qui oblige ici les joueurs à gérer leur or en même temps que leur stratégie offensive. L’ajout prend tout son sens lorsque l’on sait que la mort est punitive sur trois plans, offrant à l’adversaire du temps avant votre réapparition, de l’expérience pour vous avoir tué et, surtout, une partie de votre or collecté.
L'envers du free-to-play
Le gros avantage de Dota 2 par rapport à la concurrence est également sur sa structure de développement, centralisée dès le début autour de Steam et de ses nombreuses fonctionnalités. Outre l'évident aspect social, les joueurs peuvent désormais compter sur le workshop, le laboratoire communautaire de la plate-forme, permettant l'ajout de contenu amateur. Ce hub offre même la possibilité à un créateur d’être rémunéré sur les ventes de l’item de customisation esthétique proposé, si ce dernier est suffisamment voté pour intégrer les rangs des nombreux objets de la boutique free-to-play du jeu.
Outre les éléments de customisation (pièces de skin, wards, coursiers, HUD...) achetables directement depuis ce cash shop, il n’est pas rare de gagner, en fin de partie, des coffres renfermant un objet aléatoire qu'il faudra débloquer moyennant l'achat d'une clé, mais aussi des cartes e-sport permettant de suivre l'actualité d'un joueur connu. Ce pas en avant vers la scène e-sport constitue là encore une particularité du modèle économique du jeu puisqu'il nécessite l'achat d'un pass vers les différents tournois que l'on souhaite suivre. L'addition peut s'avérer salée, mais il est bon de préciser qu'il s'agit d'éléments purement cosmétiques ou annexes et n'influant en rien dans le gameplay global du titre.
L'optimisation des builds et des replays
De manière totalement gratuite cette fois, l'aspect communautaire et contributif est mis en avant sur la disponibilité des « builds ». Rappelons qu'il s'agit ici des différents « guides » de construction de son personnage durant une partie, incluant les ordres d'achat d'objets et d'acquisition de compétences aux cotés des stratégies à adopter durant les différentes phases de jeu. Ils sont désormais directement disponibles dans le menu du jeu et, surtout, durant la partie, évitant au joueur de mémoriser les guides vus sur Internet et lui permettant de customiser ses propres builds en temps réel directement sur le champ de bataille. De même, la disponibilité des rediffusions de parties se veut extrêmement simple et efficace, offrant la possibilité de voir sous tous les angles la totalité des matchs joués : un petit plus pour mieux apprendre de vos erreurs et s'inspirer des stratégies de chaque joueur.
Un matchmaking assez laborieux et le problème des AFK
On notera également une volonté d'équilibrage global, accentuée par l'absence d'arbres de runes ou d'ajouts d'upgrades à haut niveau, pouvant, sur certains jeux, décourager les nouveaux entrants au level max, étant souvent confrontés à des joueurs ayant des personnages bien plus adaptés et résultant d'achats très coûteux en temps et en ressources fictives. A ce titre, la progression de niveau, sous-entendu « niveau de profil », n'affecte que le matchmaking de manière relative et vous octroie à chaque gain de level un item de customisation. Puisque l'on parle de matchmaking, il est bon de préciser que celui-ci est, au moment du test, d'une lourdeur assez dérangeante, combinant plusieurs phases de matching avant de démarrer réellement la partie.
Au final, il ne sera pas rare de passer 5 à 10 minutes avant de prendre les armes. Ce problème va de pair avec la sempiternelle présence d'AFK et de joueurs se déconnectant en pleine partie. Ce cas de figure, inhérent aux MOBA, est ici pénalisé pour le joueur fautif et indiquera aux utilisateurs souhaitant quitter la partie par la suite qu'ils peuvent le faire sans subir de pénalité. Un aspect qui peut tout de même poser problème aux plus impatients, se retrouvant parfois à gérer des parties assez déséquilibrées en nombre. Espérons que ces petits problèmes seront vite réglés afin que le jeu devienne aussi plaisant qu'optimisé et ce, en toutes circonstances.
Points forts
- Un gameplay à la fois jouissif et exigeant mais accessible
- Un contenu très large et régulièrement mis à jour
- Peut-être le meilleur MOBA pour le 5Vs5
- Des fonctions annexes riches : workshop, builds in-game, replays, communication vocale intégrée, e-sport...
Points faibles
- Le matchmaking et les AFK assez dérangeants au moment du test
- Une caméra un brin laborieuse et trop proche
- Des items de customisation et fonctions payantes un peu chers
Dota 2 marque le grand retour du socle des MOBA et le résultat est une version très puriste du concept de 5Vs5. Cela dit, le tout reste très abordable pour le débutant et se veut accessible et encourageant pour qui souhaite s'améliorer. Les outils sont à la disposition du joueur, directement in-game, et c'est un vrai plaisir d'enchaîner les parties. Un jeu à essayer et à adopter si toutefois vous n'êtes pas réfractaire au genre.