Annoncé début décembre aux Games Awards avec une sortie initialement prévue dès le 13 du même mois, Atlas, le nouveau projet de Studio Wildcard et de sa filiale Grapeshot Games, créateurs de ARK : Survival Evolved, aura navigué en eaux troubles durant quelques semaines avant de trouver un rythme plus léger. Vendu comme un immense MMORPG où des pirates attaquent des dragons en sautant de bateaux avec des chevaux, Atlas semble pourtant être en réalité un tout autre jeu…
Gameplay : Prêts à mener une vie de pirates ?!
« Welcome to the adventure of a life time » encore
D’entrée, il faut rappeler ce qu’est ARK: Survival Evolved parce qu'Atlas ne diffère qu’en de rares points de son grand frère. Même studio, même idée de base, les deux jeux disposent de qualités similaires comme des mêmes défauts. Dans ARK, il fallait survivre et apprivoiser des dinosaures tandis que dans Atlas, des radeaux, bateaux et autres navires en tout genre ont remplacé T-Rex et Diplodocus afin d’explorer une gigantesque carte. Le principe reste néanmoins identique : survivre dans un monde où, finalement, ce ne sont pas des bêtes sauvages qui veulent votre peau mais de simples intoxications alimentaires.
45’000 kilomètres carrés de terrain, plus de 700 emplacements et des milliers de joueurs sur un même serveur naviguant à vau-l’eau, combattant des dragons et autres bêtes mythologiques, clamant des îles inconnues à leur propre gloire, voilà un programme alléchant pour de jeunes matelots. Avant de se lancer à l'eau, il va falloir passer par la case création de personnage et choisir entre un serveur PvP ou PvE. La différence réside évidemment dans le fait que d’autres joueurs pourront constamment vous attaquer ce qui peut être gênant, principalement lorsqu’on n’a pas l’habitude de ce genre de jeux vidéo. En ce qui concerne l’outil de création de personnage, il semble à l’heure plutôt complet mais finalement peu varié. Il est possible de s’amuser à jouer au chirurgien esthétique en proférant des retouches complètes sur le corps de son avatar mais les éléments distinctifs habituels peinent à être différents. Tous les personnages auront la même coupe de cheveux et seule la longueur variera. En termes de personnalisation, on reste un peu sur notre faim.
♫Du bois, de l’eau et des poules non de Dieu ! ♫
Me lançant gaiement dans l’aventure, on me dit d’entrée qu’avant tout cela, il faudra bien apprendre quelques bases. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas mon courage ni ma détermination à me faire un nom dans ce monde de barbares qui vont me manquer. Mais apparemment, la gloire attendra un moment, un très long moment en réalité. Sans un sou et perdu sur une petite île dotée d’un hameau et de trois PNJ, mon aventure débute… par un bug graphique. Early Access oblige, Atlas souffre encore de nombreux bugs affectant violemment la progression. Autant être clair sur ce point, la version jouable est très instable.
Il paraît de toute façon qu’on ne naît pas pirate mais qu’on le devient au fil de l’épée. Une épée justement, cela va prendre plusieurs heures à en crafter une. Il faudra d’abord commencer par un pagne, parce qu’un pirate à poil, outre le fait que ce n’est pas très emballant, ça peut surtout tomber gravement malade vu les températures en mer. Dans un jeu vidéo de pirate traditionnel, on s’attendrait ainsi à posséder un bateau rapidement, à naviguer à la conquête d’une mer hostile avant d’aller boire un coup à la taverne du coin. C’était du moins la ligne directrice de Sea of Thieves. Dans Atlas, c’est tout l’inverse. Le bateau ? Il faudra le crafter à partir de rien. La mer ? Il faudra la dompter, mourir, recommencer et tenter encore et encore sa chance. La Taverne ? Jamais vue. Atlas est ainsi destiné aux joueurs qui, de prime abord, aiment surtout collecter des ressources et crafter des objets. Survivre est l’élément clé des jeux du Studio Wildcard et la donne ne bouge pas d’un poil entre ARK et Atlas. Il va donc falloir taper du poing sur des arbres pour récolter des matériaux qui vont permettre par la suite de façonner quelques habits et éviter ainsi à notre personnage de mourir de froid malgré les chaleurs ambiantes. Tout est du ressort de la survie puisqu’il faudra également penser à se nourrir en chassant des poules, sans oublier bien entendu de cuire sa nourriture grâce à un feu qu’on aura également créé de toute pièce, avant de lui mettre le feu (au feu, oui oui) avec du bois trouvé un peu partout aux alentours. Fastidieux, compliqué par moment, Atlas ne donne aucune explication sur l’enchaînement des mécaniques, laissant le joueur dans un flou total. Certains apprécieront mais étant donné que la promesse d’un tel titre ne réside pas dans sa capacité à enfumer le joueur dans un brouillard de mécaniques, il semble dommage de décourager de nouveaux arrivants sans leur proposer une progression légèrement accompagnée d’indications.
Marin d’eau salée
Les premiers niveaux s’apparentent ainsi à un long chemin de croix entre l’abattage systématique de poules, la collecte de pierres, bois, eau potable et nourriture et la création d’armes qui se cassent après quelques coups. Le tout enrobé dans la promesse d’un jour quitter cette satanée île de départ. Aucun objectif autre que celui-ci ne vient malheureusement perturber la progression. On trouve certes des bouteilles à la mer qui proposent toutes de partir à la chasse au trésor mais la taille des îles, leurs level design parsemés de rochers infranchissables et le fait qu’il faut constamment se nourrir et boire ne donnent franchement même pas envie d’aller voir très loin. L’exploration, qui pourrait être la force d’un tel titre, se voit ainsi complètement fragilisée par des obstacles divers : interface peu lisible, carte et boussole inutiles, ressources nécessaires etc. Un jeu vidéo qui offre l’opportunité d’explorer une carte gigantesque mais qui limite constamment les possibilités de le faire n’est finalement pas un bon jeu vidéo. Crafter des habits, des armes et un bateau semble pourtant une bonne idée mais de là à devoir gérer des jauges de vitamines et une gourde d’eau qui s’épuisent toutes les cinq minutes, cela frise le ridicule. C’est à se demander si derrière ces mécaniques, il y a une volonté particulière de rendre un jeu qui aurait toutes les capacités à être amusant très ennuyant. On se retrouve ainsi souvent dans une situation de type « schrödingerienne » où notre personnage bien qu’encore en vie est également condamné dès le moment où il s’éloigne trop longtemps d’une zone disposant d’eau potable. Frustrant.
Au-delà de cette dimension de mécaniques qui n’arrivent jamais à convaincre concrètement, Atlas se positionne comme un jeu où l’aventure se dessine sous les pas de son personnage. Une proposition honorable qui s’efface dès les premières minutes. La sensation qu’il s’agit en réalité d’un jeu taillé en pyramide, avec à son sommet une élite qui aura persisté et réussi à s’affranchir des problèmes, disposant ainsi de ce que le jeu a véritablement à offrir, montre à quel point Atlas est mal équilibré dans sa progression. Et ce ne sont pas les combats ou les affrontements avec la faune locale qui sauvent cette dimension. Mous, mal embranchés et très aléatoires, les coups de lances ou de fusils sont d’une platitude quasiment inégalée. Rien dans cet aspect ne rend le jeu un tantinet fun. On s’échine à taper tout droit sur de pauvres bêtes qui n’ont rien demandé pour gagner un peu d’expérience et débloquer des capacités supplémentaires. Ces dernières ne sont en réalité que des améliorations censées augmenter la puissance de notre personnage mais n’amènent concrètement que peu de choses au-delà d’avoir la possibilité de crafter de nouveaux objets. On croit ainsi gagner en puissance alors qu’en réalité cela rend le jeu plus accessible de prime abord… jusqu’à ce qu’on se rende compte que peu de choses ont changé dans le gameplay. Différentes options permettent néanmoins de crafter de nouveaux objets et on peut apercevoir de nombreux joueurs rempailler des chaises bien avant de réussir à construire un petit rafiot de fortune. Une étape visiblement nécessaire dans l’apprentissage de la piraterie…
Naviguer en menus troubles
Alors que faire une fois en mer ? Apprendre le système de navigation parbleu ! Parce que si des titres comme Sea of Thieves arrivaient à s’affranchir d’une interface tout en permettant aux joueurs de connaître la direction du vent et les points cardinaux, Atlas prend le pas inverse en affichant des flèches et tout un tas d’autres indications qu’on aurait préféré inclus en jeu directement. Poids du bateau, signes vitaux ou encore niveau d’expérience s’affichent dans un coin de l’image tandis que d’improbables textes colorés viennent souligner les possibles interactions avec le bateau et briser le peu d’immersion qu’Atlas arrive à développer. Il n’est ainsi pas rare d’avoir devant les yeux un bout de texte en violet fluo indiquant une action possible. Quant à la prise de vent, elle correspond également à un code couleur particulier qui indique si le rafiot est suffisamment dans le vent ou non. Le maniement, lui, se fait à travers une roue contextuelle qu’il va falloir maîtriser pour s’en aller voguer au loin. Il est possible d’ouvrir sa voile entièrement ou de ne le faire qu’à 10% (et ainsi de suite jusqu’à 100%) afin de réaliser des manœuvres délicates. Il faut également passer par une roue de menu afin de varier l’angle de sa voile. Ce procédé reste très archaïque et complexe tout en étant finalement peu engageant. On passe son temps à ouvrir un menu pour sélectionner une direction ou la longueur de sa voile sans véritablement agir dessus physiquement. Atlas n’arrive jamais à s’affranchir de son interface et de ses menus pour pousser le joueur à interagir à travers des mécaniques. Il s’agit sans doute du procédé de navigation le plus ennuyant jamais développé tant il demande constamment d’ouvrir et fermer des roues contextuelles pour diriger son bateau.
Une fois arrivé sur une île inexplorée, il faut recommencer exactement la même chose à ceci près qu’il est possible de déclarer sienne l’île découverte. Il sera possible d’y construire une base, des maisons (avec plein de chaises évidemment) et de débuter une sorte de petit village si tant est que vous êtes accompagnés d’amis qui auront les mêmes goûts que vous en matière d’emplacements et de mobiliers. Et rebelotte en ce qui concerne les ressources, les poules et le crafting, le tout jusqu’à avoir la possibilité de construire un bateau plus évolué et d’arpenter les mers à la recherche de trésors. Malheureusement, la boucle de gameplay qui s’accompagne ne varie jamais et à aucun moment on ne ressent l’envie d’en voir finalement plus. Surtout qu’Atlas souffre encore de bien trop de problèmes techniques pour offrir une aventure propre en ordre. Sachant qu’il sera en Early Access durant encore deux ans, il est difficile de comprendre du point de vue purement vidéoludique la sortie d’un tel titre. En revanche d’un point de vue économique, la donne devient tout de suite plus compréhensible…
Points forts
- Relativement joli par moment
- Le sentiment d’accomplissement après avoir construit son premier bateau
- Un bestiaire plutôt varié
- La grande variété d’objets à crafter
Points faibles
- L’inégalité entre les mécaniques de survie et d’exploration
- La quasi absence de personnalisation de son avatar
- Les phases de combats
- L’interface et les menus
- Le système de navigation à travers des roues contextuelles
- Le système de progression
La promesse d’un monde ouvert rempli de bêtes mythologiques, de pirates et d’un écosystème gigantesque n’a pas suffi à convaincre. D’entrée, les mécaniques de survie se cognent à un jeu basé sur l’exploration d’une énorme carte. Doté dans le fond du même système qu’ARK : Survival Evolved, Atlas n’arrive jamais à s’affranchir de son grand frère pour proposer un véritable jeu construit autour de mécaniques de navigation et d’exploration. Simple copie, il se refuse presque exprès à repenser son gameplay pour n’être finalement qu’une version d’ARK avec des bateaux. Les mécaniques de survie refreinent constamment cette possible sensation de liberté en obligeant le joueur à constamment prendre soin de jauges de vitamines. Alors en plus quand le tout s’enrobe dans une interface indigne et peu alléchante qui se veut l’outil principal, difficile de prendre du plaisir en mer. Il faudra sans doute patienter longtemps avant qu’Atlas ne devienne intéressant tant c’est le cœur du jeu qui souffre de problèmes récurrents. Pour les amateurs de survie, il conviendra sans doute quelque temps mais reste finalement trop peu innovant pour se positionner correctement sur ce marché.