Pendant que l'Occident pousse un énorme soupir de soulagement après l'annonce par NIS America de The Legend of Heroes : Trails of Cold Steel III pour l'Europe et les États-Unis, le Japon a lui pu déjà assister à la conclusion de cet arc excessivement important dans l'histoire de Falcom avec Trails of Cold Steel IV, sous-titré "The End of Saga" histoire que tout le monde en soit bien sûr. Les attentes étaient colossales quant à la conclusion de l'histoire et le développeur avait pour difficile mission d'y répondre.
Test réalisé à partir d'une version japonaise, sur une partie complétée de 139h de jeu.
Attention spoilers : ce test ne peut éviter des révélations sur Trails of Cold Steel III. Il est très déconseillé de lire ce suit pour ceux qui attendent le troisième volet en version française.
L'Empire du Mal
Le continent tout entier est au bord de l'effondrement. La malédiction s'est répandue dans l'Empire d'Erebonia et celui-ci se prépare à une guerre mondiale. Rean a cédé au démon qui résidait en lui et est détenu dans une base enfouie profondément sous terre, Ash erre l'âme vide après le meurtre qu'il a commit et Muse a disparu sans révéler ses intentions. C'est un sentiment de désespoir qui étreint les membres restant de la classe VII à leur réveil dans le village caché d'Erin. Mais loin de baisser les bras, le groupe fera l'impossible dans le but de récupérer son leader et d"empêcher la guerre.
A partir de là, le titre de Falcom va se déployer en quatre grandes phases d'intérêt inégal et de longueur différente. Le jeu durant plus de cent heures, certaines de ces phases sont extrêmement longues, et pour partie hélas assez mal rythmées. Les héros vont par exemple visiter chaque région afin de localiser Rean, ou plus tard retourner dans ces mêmes régions afin de rejoindre leurs nombreux alliés. De manière assez malheureuse, ces grandes parties sont découpées de manière strictement identique et peinent à donner le sentiment d'une grande aventure de RPG. L'histoire de ce volet est tout simplement trop bien "rangée" alors que ses deux prédécesseurs arrivaient à l'être bien moins, et à apporter de vrais rebondissements qui font défaut dans cette grande conclusion. Structurellement, Trails of Cold Steel IV est assez défaillant et rappelle les errements du tout premier volet en la matière.
Après un Trails of Cold Steel III de haut vol, on ne peut donc qu'être décu par la tournure que prend cet ultime épisode sur le plan scénaristique, d'autant qu'il est nettement moins mouvementé, pas aussi intense et largement moins suprenant que ce qu'on avait pu vivre l'an dernier. Il y a en premier un manque d'ambiance propice à la conclusion de la saga : alors que le monde court à sa perte, Rean et ses compagnons sont toujours dans l'optique de "prouver leur force" alors que ce n'est vraiment plus le sujet à ce point de la chronologie. On est trop souvent amené à faire des combats qui tiennent plus de la rencontre presque "sportive" que du combat à mort pour de vrais enjeux. On n'atteint pas le cocktail explosif du précédent dans lequel chaque boss était un événement à lui tout seul.
La drôle de guerre
On arrive au final dans un univers dans lequel les méchants ne sont pas vraiment méchants, et en cela Trails of Cold Steel IV faillit un peu à sa mission car un JRPG à fondamentalement besoin d'adversité et de sentiments forts pour donner cette rage de vaincre qui fait les grandes épopées. On a un peu l'impression que l'angélisme de Legend of Heroes finit par lui coûter un peu cher... Le scénario dans sa globalité, assez peu complexe en regard des ramifications supposées par Trails of Cold Steel III, manque aussi de richesse. On ne fait au final que secourir tous les alliés puis foncer directement éradiquer le mal à la racine. On s'attendait quand même à être un peu plus surpris...
C'est bien sûr là une impression globale. Sur la totalité des 140 heures, tout n'est pas complètement noir car on compte quand même nombre de séquences très réussies. En particulier, celle de la libération de Rean est inoubliable : mise en scène à la perfection, elle est carrément poignante en plus de concentrer combats épiques et surprises inattendues ! En plus, cette partie fait merveilleusement le lien avec le tout premier épisode en reprenant avec un timing parfait le symbole majeur de la saga. On n'en dira pas plus, mais c'est du grand moment du J-RPG. Il y en aura d'ailleurs quelques-unes de la sorte, mais c'est hélas loin de représenter toute la longueur du titre. La fin donne également satisfaction, (bonne comme mauvaise d'ailleurs) puisqu'elles sont toutes les deux abordées avec une élégance certaine. Que l'on atteigne l'une ou l'autre de ces issues, la dernière ligne droite prend aux tripes jusqu'au bout. On aura néanmoins évidemment une préférence pour la true end et sa confrontation finale dantesque.
Au-delà de ça, Trails of Cold Steel IV garde un univers très riche, bâti tout au long des quatre jeux. La plupart des quêtes et événements annexes sont scénarisés et font intervenir les personnages, y compris très secondaires, de Trails of Cold Steel I à IV. Cela fait beaucoup de monde ! Même les PNJ les plus anecdotiques dialoguent longuement et ont tous une petite histoire bien à eux. Vu leur nombre, tous les personnages secondaires n'ont cependant pas pu avoir une histoire très fouillée : on pense en particulier aux étudiants du campus II de Thors indroduits dans le troisième volet, dont beaucoup sont un peu laissés pour compte. On a parfois l'impression d'un film avec un peu trop de figurants… mais qu'à cela ne tienne : le nombre de personnalités et d'histoires détaillée et la quantité d'anecdotes humoristiques ne laissent aucun doute : on est devant une grande saga.
Les personnages secondaires, c'est bien. Mais après un Trails of Cold Steel III incroyablement vaste, l'enthousiasme est grand quant aux persos principaux (et jouables) de cet ultime volet. Falcom avait d'ailleurs annoncé qu'en la matière, le dernier de la saga serait massif. Alors effectivement, le joueur a accès à encore plus de héros, mais de manière assez déséquilibrée. Certains invités des trois premiers jeux, comme Tita et Randolf par exemple, deviennent permanents et on a également la surprise d'acueillir Dubally, la valkyrie colérique qui vous mène la vie dure depuis Trails of Cold Steel II ! La classe VII des deux premiers volets est aussi nettement plus présente cette fois-ci, alors qu'elle n'était réunie qu'à la toute fin dans le précédent.
Trails of Cold Steel IV comporte également un nombre impressionnant de personnages invités (plus de 20 !), comme une bonne partie du casting de Ao no Kiseki et Sora no Kiseki, mais sur des périodes malheureusement beaucoup plus courtes que dans Trails of Cold Steel III, où chaque intervenant était merveilleusement bien intégré dans le chapitre. Il faut donc se contenter de ces plaisirs éphémères et ne pas oublier de garder des sauvegardes au moment opportun. Même s'il impossible de nier la grande richesse de gameplay induite par ce casting important, on aurait voulu quelque part avoir le grand chelem pour finir en beauté : tout ceci manque d'un ultime donjon qui réunirait absolument tout le monde. Ca a été fait dans Trails of Cold Steel II, alors pourquoi pas maintenant!? Le jugement est ici clairement subjectif et dépend de à quel moment le joueur en demande "trop".
Nonobstant cela, certains personnages ont été manifestement ruinés, et pas des moindres : Elise n'a plus aucun rôle, elle et Alfin ne redeviennent pas jouables alors qu'elles l'étaient dans le deuxième épisode. Quand à Claire, c'est un gâchis monumental au regard de sa présence prépondérante dans Trails of Cold Steel II! Le traitement infligé à cette ancienne camarade est scandaleux et ne peut que révolter les vétérans de la série.
Vu que la saga se conclut avec cet épisode, Rean doit conclure aussi ! Le jeu est bourré de rencarts avec les désormais très nombreuses prétendantes. On peut aussi approndir l'amitité avec les alliés masculins, mais c'est forcément moins glamour… clairement d'intérêt inégal, ces scènes vont de la causerie un peu bateau au vrai rendez-vous craquant. Détail amusant, le jeu est fait de façon à ce que le joueur puisse voir l'ensemble des personnages féminins en une seule partie.
En termes de gameplay, très peu de choses ont changé. Il n'y avait aucune raison que ça change d'ailleurs, tout ayant été fait au mieux dans Trails of Cold Steel III. On se reportera au test de ce dernier pour voir comment il perfectionne le gameplay de la série. Dans le quatrième épisode, les ordres peuvent être améliorés via des coffres à défis, et quelques personnages recoivent des S-Break encore plus fous. A pleine puissance, ces attaques ultimes très coûteuses font maintenant plusieurs dizaines de milliers d'HP de dégâts ! L'inflexion la plus marquante est qu'à présent, les boss peuvent utiliser leurs propres ordres pour démolir votre stratégie. Pire, leurs ordres sont prioritaires sur les vôtres ! Un détail qui pimente judicieusement les affrontements les plus intenses.
Le mode berserk de Rean évolue un peu lui aussi : le héros peut maintenant utiliser toute la force de la malédiction qui l'habite, et démultiplier toutes ses statistiques de manière exponentielle. Attention toutefois, il ne peut tenir que trois tours dans cet état ! On retrouve également avec plaisir les lost arts, ces sorts rares et ultimes tellement puissants qu'ils coûtent l'intégralité des MPs et ne peuvent servir qu'une fois par combat. L'occasion de préciser que Trails of Cold Steel IV est bien moins linéaire de que le III : les lost arts sont par exemple cachés dans les recoins de l'Empire et il y a un certain nombre de petites découvertes à faire en se baladant sur la carte.
Les combats de mechas évoluent de façon significative, notamment en termes de challenge car ils sont maintenants très ardus. Les Kishin, ces robots mythiques du lore de Trails of Cold Steel sont appelés à la confrontation finale dans ce dernier jeu, et seuls les meilleurs des meilleurs restent en lice. Il faut redoubler d'attention et d'observation pour l'emporter tant les adversaires sont impitoyables, multipliant les coups critiques et les S-Break qui envoient directement votre équipe à la casse. Là au moins, Trails of Cold Steel IV donne la sensation de duels au sommet. Heureusement, les objets et les ordres s'utilisent désormais également dans ce type de bataille.
Candy Crush Saga
Son prédécesseur était déjà assez complet pour ce qui est des mini-jeux, mais Trails of Cold Steel IV tient à en remettre une couche. En plus du jeu de cartes assez poussé du III, cet épisode ajoute le blackjack, la fête foraine ainsi qu'un clone de Puyo Puyo assez addictif : à l'instar du jeu de Sega, il faut empiler les blocs de couleurs par trois en provoquant le maximum de réactions en chaîne et ainsi remplir l'écran de l'adversaire. Celui qui ne peut plus placer de blocs dans son écran a perdu. À l'instar du jeu de cartes, dénicher et défier tous les compétiteurs du monde de Trails of Cold Steel IV est une quête annexe de longue haleine qui peut occuper des heures et des heures. Dernier détail sur ce sujet, on peut maintenant pêcher avec quelques persos de plus de l'ancienne classe VII, mais hélas pas tous.
Au niveau de la réalisation, le jeu reste sur le même moteur un peu vieillot et n'impressionne toujours guère comparé aux ténors du genre. On remarque toutefois des boss plus jolis, de nouveaux environnements plutôt plaisants et nombre de personnages sur le retour dont la modélisation est soignée. Musicalement, on est encore sur du très bon : les thèmes de combats font toujours frémir, notamment Deep Carnival, et les musiques des différents lieux s'inscrivent bien dans la tradition du J-RPG. La plus remarquable est sans doute Lyrical Amber qui donne les larmes aux yeux.
Points forts
- Combats toujours exaltants
- Encore beaucoup de personnages
- Des tas de mini-jeux
- Musiques inoubliables
- Moins linéaire
- Conclut bien la saga…
Points faibles
- … mais avec un mauvais rythme narratif
- On attendait plus du scénario
- Manque d'ambiance vraiment épique
- Donjons peu intéressants
Partiellement réussi, et donc fatalement partiellement décevant, Trails of Cold Steel IV a finalement pour seul défaut d'être trop long en général, et pas assez développé sur des points particuliers. L'histoire, pas assez fouillée, s'enferme dans une structure beaucoup trop prévisible loin des bouleversements attendus. Elle n'est cependant pas dénuée d'émotions et fera vivre de bon moments aux fans de la saga. Reste un système de combat bien rôdé depuis Trails of Cold Steel III, toujours une grande richesse de personnages et une technique en lente évolution.