La fièvre du Battle Royale n’en finit plus d’enfler et l’opportunité de plaire à une large audience sonne comme une aubaine pour bon nombre d'éditeurs. Ces derniers prennent volontiers le train en cours de route sur un secteur dominé par l'indétrônable poule aux oeufs d’or d’Epic Games, Fortnite, et marqué au fer rouge par la finesse et l'immersion du jeu de BlueHole, PUBG. Parmi ces nouveaux arrivants, on remarque le géant français Focus qui, il y a 6 mois, annonçait Fear The Wolves, un “BR par les développeurs de S.T.A.L.K.E.R.” dont le pitch donnait alors furieusement envie. Radiations nucléaires, loups enragés, anomalies radioactives, tout est là pour isoler les joueurs dans une savoureuse ambiance concoctée par le studio Vostok Games. Est-ce assez pour séduire ?
Ce jeu est disponible en accès anticipé (early access). Son contenu est donc susceptible d’évoluer significativement dans un avenir proche. Le test de la rédaction est valable pour la version évaluée le 03/09/2018 et sera mis à jour si nécessaire.
Un Battle Royale pas comme les autres ?
Pour celles et ceux qui auraient passé les deux dernières années à l’écart du marché vidéoludique, un petit récapitulatif des règles en vigueur sur le genre Battle Royale s’impose. Sur ce type de jeu multijoueur, les participants sont réunis sur une carte et démarrent ensemble la partie pouvant accueillir, y compris sur Fear the Wolves, jusqu’à 100 joueurs. En se larguant d’un hélicoptère qui effectue, au dessus de la map, un trajet différent à chaque nouvelle partie, les compétiteurs choisissent où ils souhaitent être parachutés. Ils devront, dès qu’ils touchent le sol, s’armer, s’équiper, et survivre dans un environnement hostile où la chasse à l’homme côtoie la survie face aux radiations et aux loups.
Dans cette zone de Tchernobyl, très durement touchée par les anomalies et autres distorsions, le climat est instable et passera en cours de partie par différentes météos, chacune ayant leur petite influence sur le gameplay de la totalité des joueurs. La pluie battante réduira la fiabilité de la conduite des véhicules, la chaleur écrasante viendra limiter votre détection des anomalies, quant au brouillard, il vous fera sans cesse douter de ce qui se cache au-delà de 20 mètres.
A ce climat changeant viendra s’ajouter la radiation évolutive : plus la partie avance, plus les zones se remplissent de radiations, case après case, ce qui forcera les joueurs à constamment être en mouvement pour survivre, se traçant des itinéraires bien moins linéaires que sur d’autres battle royales. Au bout d’un certain temps de jeu, vous apprendrez que l’hélicoptère venant sauver les rescapés, dont vous, arrive dans peu de temps et viendra se positionner à un endroit aléatoire, que nous appellerons la zone finale. Ici, la poignée de survivants se retrouve dans une véritable impasse mexicaine puisqu’un seul joueur réussira à s’extraire grâce à l’hélicoptère. Disposés de part et d’autre de la dernière case, chacun devra guetter les environs, et faire feu sur le moindre participant assez aventureux pour tenter un hélitreuillage, souvent fatal s’il reste des survivants. Voilà donc pour le pitch et le déroulement d’une partie, laquelle peut être jouée en solo comme en escouade jusqu’à 4 joueurs...
Une ambiance et un concept plutôt efficaces sur le papier
Ce que l’on ne pourra enlever à Fear the Wolves, c’est son ambiance dépaysante et ô combien efficace. Les jeux de survie à l’ancienne, à l’image de DayZ Mod, DayZ Standalone, H1Z1 ou encore Nether ont jadis su apporter avec brio ce type d’atmosphères sales, décharnées de toute vie et dans lesquelles le sound design pèse pour beaucoup dans l’immersion. C’est également le cas de Fear the Wolves dans lequel les petites mélodies inquiétantes, couplées aux décors chaotiques dans lesquels la nature a repris ses droits sur l’homme, génèrent une savoureuse ambiance, grandement enrichie par les changements de météo. Le temps de promenade en quête de loot, pourtant longuet sur le titre, passe un peu plus vite… Aux premières explorations “dans le calme” se succèderont les esquives de zones irradiées, les dérèglements du climat et, enfin, l’apparition massive d’anomalies qui vous feront slalomer durant votre progression pour éviter de très lourds dégâts.
Paradoxalement, Fear the Wolves est donc un jeu assez rythmé entre chaque incartade : vos routines et vos phases à pied ou en véhicule seront assez lourdement impactées par l’environnement et ses changements. Le souci, c’est que la carte, de 25 km², est bien trop grande pour le nombre de joueurs actuels, constaté sur la semaine de lancement de cette early access. D'abord accessible dès 40 joueurs, lors des premiers jours d'early access, le jeu fut très vite modifié pour accueillir les joueurs et lancer une partie dès que 10 participants sont disponibles. Ces concurrents sont alors amenés sur une moitié de carte déjà iradiée, ce qui favorise l'affrontement et les rencontres mais dénature l'exploration tout en limitant le nombre de zones à loot disponibles. Bien souvent, on se retrouvera donc à 10 ou 15 joueurs après plusieurs minutes d’attente dans le lobby. Le ratio “taille de la carte/joueur” est donc bien plus faible que celui d’une grosse carte de PUBG, shooter dont se rapproche le plus ce Fear the Wolves.
Point noir majeur de l’épopée, son titre, Fear the Wolves, littéralement “Ayez peur des loups”, qui sonne après quelques parties comme une idée inexploitée par les développeurs. Non, les loups ne sont pas une menace dans le jeu, et ils méritent encore moins d’être autant mis en avant, à l’heure actuelle. Buggés, dotés d’une IA très perfectible et d’un potentiel limité, ces petits êtres mutants vous feront gaspiller quelques balles tout au plus, et révèleront plus ou moins votre position en vous obligeant à faire feu. De toute façon, vu la densité de population au km², vous serez déjà bien loin quand les curieux se ramèneront, attirés par le bruit.
Il y avait pourtant tant de choses à faire avec ce concept : augmenter le nombre de loups avec le temps ou en fonction des radiations, proposer aux joueurs décédés d’incarner une des bêtes, histoire de leur proposer de se venger. Mais Vostok Games ne va malheureusement pas au bout de son concept et cela se remarque un peu partout sur le titre, tant au niveau du gameplay, que de la finalité de chaque partie.
Une extraction pas tout à fait réussie...
Comme un air de déjà-vu
Outre les soucis d’optimisation, les lags, micro-freeze et les divers bugs de collision, de textures et d'affichage, autant de problèmes qui seront probablement les premiers à être corrigés au fil des semaines de mises à jour, Fear the Wolves ne brille pas vraiment par son emballage technique. Poussé par un Unreal Engine 4 que l’on a connu plus en forme (sauf sur les screenshots officiels du jeu), Fear the Wolves nous offre un rendu finalement assez standard, noyé sous des tons roses, verdâtres et gris que l’on aurait aimé un peu plus variés.
Le sound design, crucial sur ce genre de jeu, propose des sons corrects en ce qui concerne les tirs et l’ambiance audio, mais pèche drastiquement sur les bruits de pas et leur localisation, rendant “la traque à l’oreille” malheureusement peu intéressante. Les véhicules, pour l’instant représentés par une jeep, ont une conduite plutôt simple mais pas des plus plaisantes. Pourtant, on ne pourra pas reprocher à Vostok Games d’être parti dans quelque chose de totalement différent de ce qu’il a l’habitude de faire : Fear the Wolves ressemble à s’y méprendre à Survarium, free to play du studio lancé sur Steam en 2015. Cadre, armes, anomalies radioactives, la ressemblance est assez forte.
Un gameplay limité et très classique
Côté gameplay pur, Fear the Wolves ne fait pas vraiment dans l’originalité et offre une expérience très arcade, sans possibilité de s’allonger ou de se pencher sur les côtés pour ajuster ses tirs depuis un coin de mur. Inutile également d’essayer d’escalader un muret, le "vault & climb" ne sera intégré qu’après plusieurs updates. Côté affichage tête-haute, plusieurs indices vitaux sont ici à surveiller. La barre de vie, la radioactivité (qui bride la barre de vie) et les réserves d’oxygène, autant d'informations qui vous aideront, surtout lorsque vous vous retrouvez en zone radioactive et que vous souhaitez vous en évader sans trop y laisser des plumes. En dehors de cela, tout est très classique. On peut porter jusqu'à trois armes à feu et une arme de mêlée, mais aussi embarquer quelques grenades et un peu de nourriture, histoire de se remettre des affrontements. D'ailleurs, la gestion d’inventaire se fait par drag and drop et répond plutôt bien une fois apprivoisée. Il est par ailleurs possible d’équiper différentes “pièces d’armure” pour mieux résister aux balles, et looter viseurs, suppresseurs et autres chargeurs à grande capacité, histoire de customiser vos joujoux. Vostok Games revendique pas moins de 20 armes et 25 attachments sur cet accès anticipé mais au vu du taux de drop assez faible au début de cette dernière, nous n’avons pas forcément pu tout voir ni tout compter…
Un concept qui peine à tirer son épingle du jeu
Et si les tirs et la balistique répondent de mieux en mieux au fil des mises à jour, on ne pourra en revanche pas adhérer au concept de fin de partie, profondément frustrant. Cette fameuse impasse mexicaine, qui se joue sur le dernier secteur encore viable de la carte, force inévitablement les joueurs à camper en attendant que quelqu’un tente sa chance et essaye de s’échapper grâce à l’hélicoptère. Sur la vingtaine de partie jouées jusqu’à la fin, très rares ont été les fois où un joueur à réussi à s’extraire avec succès. Quand ce fut le cas, ce dernier avait préalablement “campé la corde” de l'hélicoptère, scrutant et éliminant les joueurs un peu trop aventureux. Le plus souvent, si vous tentez de vous extraire et que quelqu’un est dans les parages, ne serait-ce qu’un seul joueur équipé de la plus inéfficaces des armes, vos chances de survie seront ici proches de zéro. Il est très difficile de répliquer une fois hélitreuillé, même avec une très bonne arme, ce qui a du sens mais rend la manoeuvre franchement désespérée. Vous aurez donc bien plus de chances de survivre et de gagner en restant dans votre coin, à camper sereinement, attendant que le jeu vous signale qu’un joueur tente de s’évader avec l’hélico. L’arrêter sera un jeu d’enfant, vous octroiera un frag supplémentaire et augmentera vos chances de gagner, alors pourquoi s’en priver ?
Certains diront que “sur les autres BR c’est pareil, si on veut faire de l’anti-jeu, on peut”. Et effectivement, il est tout à fait possible dans un titre analogue, de déduire où peut se situer la zone finale, et de s’y cacher avec un bon fusil, attendant que le podium se dessine jusqu’à faire le dernier frag. Le souci, c’est qu’ici, l'anti-jeu est quasi-obligatoire pour se garantir la victoire, ce qui rend chaque fin de partie peu glorieuse et très frustrante. Dommage, d’autant plus que ces ultimes instants représentent souvent le climax de la tension dans les BR, une tension qui, ici, est très limitée.
Connecté et participatif, mais dans quel but ?
Fear the Wolves tente donc beaucoup de choses sans vraiment briller, c’est le constat que l’on peut faire sur les sujets évoqués précédemment, mais nous aurions également pu aborder d’autres mécaniques qui ne fonctionnent pas non plus. En cherchant l’interactivité avec les spectateurs, aussi bien les joueurs éliminés que les viewers Twitch ou Mixer, Vostok Games a introduit un système de votes. Les "tués" et les spectateurs peuvent ainsi voter pour changer la météo en cours de partie. Mais cela ne s'avère pas amusant, ni stimulant pour ceux qui ne jouent pas. Quant aux likes inter-joueurs, ils n'ont aucun impact et permettent simplement de se savoir apprécié... Deux features qui tiennent plus de l’essai infructueux que de la véritable envie de réaliser un jeu où le public a une influence justifiée et utile. Là encore, offrir la possibilité aux perdants ou aux viewers d’incarner un loup aurait été un des moyens de parvenir à cette idée de connectivité et d'interaction avec le public.
Fear the Wolves rate le coche dès ses débuts et minimise ses chances de plaire par trop d’erreurs. Y jouer seul n'est pas très enrichissant, quant au jeu en équipe, ce dernier est plombé à l'heure actuelle, par l'impossibilité de relever un ami tombé au combat : une aberration pour le genre. Et comme si cela ne suffisait pas, les serveurs dédiés aux groupes sont encore moins peuplés que ceux dédiés au jeu solo, rendant leur exploitation très difficile sur la semaine de lancement. Autant de soucis qui font de Fear the Wolves une early access assez limitée par rapport à la concurrence actuelle. Vostok Games aura la lourde tâche de déployer suffisamment d’améliorations pour séduire le public et s’avérer compétitif, tout en réussissant à maintenir une population stable sur ses serveurs.
Points forts
- Effets météo dynamiques, plutôt intéressants et bien rendus.
- La tension en fin de partie lorsqu'on rejoint le point d’évacuation.
- Les zones, progressivement irradiées, poussent à constamment recalculer des itinéraires.
Points faibles
- Le concept d’évacuation finale par hélicoptère favorise les campeurs et gâche les fins de parties.
- Beaucoup de bugs d’affichage et de collision.
- Plutôt mal optimisé à ses débuts (freeze, lags, clipping).
- Temps d'attente des parties plutôt longs.
- Système d’escouade qui n’intègre pas le soin aux alliés tombés.
- Carte beaucoup trop grande par rapport au nombre de joueurs.
- Systèmes de likes et de votes posthumes assez inutiles.
- Gameplay simpliste : pas de lean, pas de vault & climb, pas de position couchée.
- Contexte peu original.
- Les loups, finalement très décevants.
Doté d’un gameplay générique, d’une réalisation dépassée, et d’atouts sous-exploités ou mal employés, Fear the Wolves ne se différencie pas assez de ses compétiteurs pour séduire les curieux. Et si le système de météo dynamique et de radiations progressives fonctionne bien, on ne pourra qu’être frustré par l’inutilité des loups et par la fin de manche. Cette dernière, incarnée par la fuite en hélico, ne fonctionne que sur le papier et transforme la chasse à l’homme en réunion de campeurs. Le titre de Vostok Games se contente donc d’offrir avec son early access le strict minimum en matière de stabilité, d’optimisation, de contenu et de fun.
Note de la rédaction
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