Deux ans séparent la sortie de The Banner Saga 3 de celle de l'épisode précédent. Deux années d'attente pour que se tisse désormais sous nos yeux la tapisserie épique d'une conclusion menée de bien belle manière par les développeurs de Stoic Studio. La situation n'est cependant pas au beau fixe pour nos différents protagonistes, qu'ils soient acculés par le mal derrière les portes d'une cité en crise ou plongés dans l'épais voile ténébreux des terres souillées par la corruption. Nous reprenons la route à destination d'un futur où tout espoir semble perdu…
Les ténèbres nous encerclent
Même si tout débute par une cinématique de rappel des événements passés, nous ne pouvons vous conseiller de lancer The Banner Saga 3 sans avoir déjà parcouru ses deux ainés. La plupart des personnages sont installés et les choses reprennent pile-poil là où elles s'étaient arrêtées à la fin de l'épisode deux. Un court tutoriel d'entraînement aux mécaniques de combat a beau être présent dès le menu principal, mais il ne suffit pas à rattraper les automatismes stratégiques acquis au fil des épisodes par les joueurs vétérans. Cette conclusion s'adresse aux connaisseurs de la saga et leur propose d'ailleurs une option d'importation de sauvegarde afin de poursuivre leur route avec l'ensemble des personnages, équipements et décisions morales du passé. Dans le cas contraire, le titre permet de simuler le tout et de débuter avec un casting canon établi.
Tout comme dans les deux premièrs jeux, nous suivons les péripéties de deux groupes distincts de personnages tandis que l'histoire alterne entre l'un et l'autre à des moments clés. La première troupe est retranchée derrière les murailles du dernier bastion humain d'Arberrang. Les querelles internes, la gestion délicate des intérêts des factions, le racisme latent entre les différentes races, tous ces problèmes ne doivent pas nous faire oublier que le mal attend son heure aux portes de la cité.
L'autre groupe a opté pour une approche plus radicale et surtout plus risquée du problème. Protégés de l'obscurité dévorante par une barrière magique maintenue par la sorcière Valka Juno, ils progressent au beau milieu des ténèbres dans le but de tenter de stopper l'apocalypse. Ce périple plein de beautés et de dangers nous fait traverser de nombreux environnements des précédents épisodes, désormais défigurés par la corruption violette du mal.
Tout est chaos
Si de multiples combats nous attendent en ville, la plupart des nouvelles mécaniques d'affrontement sont introduites au sein de ce second groupe d'aventuriers. Les Dredges, ennemis iconiques de la saga, laissent place à des adversaires déformés par l'obscurité, versions corrompues des pauvres hères n'ayant pas pu fuir les ténèbres à temps. Ces adversaires disposent d'un panel de compétences spécifiques aptes à modifier notre approche des choses sur le terrain.
Nous retrouvons des mécaniques de combat similaires aux précédents épisodes avec deux barres de ressources séparées pour les unités à attaquer selon les impératifs : vie et puissance en rouge et valeur de protection en bleu. Il est nécessaire de faire tomber la protection d'un ennemi avant de pouvoir lui ôter ses précieux points de vie. La volonté sert toujours à déclencher certaines capacités spéciales, à booster les dégâts d'une attaque ou à se surpasser afin de couvrir plus de distance sur le terrain.
Les modifications les plus notables sont à chercher du côté des différents effets de zone sur la grille de combat. La plupart des ennemis corrompus se transforment en une flaque à leur mort laissant à leur emplacement une zone capable d'absorber votre volonté si vous avez le malheur de marcher dedans. La grille du terrain se transforme assez vite en un espace limité tant le nombre d'adversaires à affronter en même temps dépasse régulièrement la douzaine. Pour couronner le tout, le groupe de héros plongés dans l'obscurité ne possède aucun moyen de récupérer de la volonté là où les ennemis déformés se nourrissent de cette ressource afin d'utiliser leurs techniques spéciales. Bref, il est désormais plus que vital de savoir positionner de manière stratégique ses unités durant les batailles.
À situation désespérée…
La troupe citadine n'est pour autant pas oubliée puisque Stoic met aussi l'accent sur différents effets de zone plus naturels. Aires de feu, projections explosives, barricades, autant d'éléments à éviter ou à détruire si vous souhaitez survivre aux multiples batailles de ce troisième volet. Dans ce contexte d'oppression constante, la gestion du moral et des blessures de l'équipe devient cruciale. Rappelons qu'aucun personnage ne meurt en combat dans The Banner Saga, ce délice est réservé aux séquences narratives où nos décisions se traduisent parfois en des conséquences dramatiques. Les héros blessés doivent impérativement se reposer durant quelques jours afin de recouvrer leurs forces. Le jeu impose ainsi une rotation plus appuyée des équipes et offre en retour l'occasion de faire connaissance avec de nouvelles têtes. Outre l'excellente sorcière Alfrun, la situation désespérée du monde change la donne. D'anciens ennemis se transforment en alliés de choix et des unités Dredges rejoignent nos rangs (pour notre plus grand plaisir).
Ce support supplémentaire quelque peu incongru à première vue n'est pas de trop lorsque surviennent les nouveaux affrontements par vague de cet épisode. L'idée derrière ces affrontements spécifique est de parvenir à éradiquer tous les adversaires présents sur le terrain avant la fin d'un décompte spécifique de tours affichés à l'écran. Ces batailles sont certes risquées, mais proposent en échange de récupérer de bien beaux butins en cas de réussite. Le remplacement d'unités est autorisé entre les différentes vagues afin que du sang neuf continue d'alimenter la bataille.
Passé le niveau 11, la renommée de nos guerriers se fait telle qu'une nouvelle fonctionnalité de personnalisation fait son apparition : les titres héroïques. Chantés dans les légendes, ces distinctions uniques ouvrent la voie à de nouvelles améliorations pour l'ensemble des personnages. Deux unités ne peuvent partager le même titre et il est nécessaire d'y investir des points de renommée de manière à faire progresser les bonus accordés.
La vie est sans importance, seul le temps est important
Le rythme de l'aventure prend un tournant encore plus dynamique et désespéré dès la seconde moitié du jeu avec l'introduction d'une mécanique basée sur le temps. Sans trop tomber dans le spoil, le groupe resté à Arberrang va emmagasiner du temps grâce à ses différentes actions ou décisions narratives. Cette réserve temporelle est ensuite utilisée par la troupe plongée dans les ténèbres afin de progresser. La bascule entre les deux groupes se fait à ce moment bien plus fréquente, voire urgente à certains moments clés du scénario.
Si le combat reste un élément central de The Baner Saga 3, l'autre versant du périple, et probablement le plus réussi, concerne sa narration. Nos décisions impactent plus que jamais le cours des choses, de manière toujours tangible et dramatique pour certains protagonistes. Nos choix du passé trouvent de réelles répercussions dans cette conclusion où tout va se jouer. Chaque rencontre ou événement est toujours l'occasion de prendre des décisions. Recruter de nouvelles troupes, accueillir des réfugiés, s'allier avec des ennemis ? À nous alors de faire le "bon" choix en prenant plusieurs points en considération : plus de monde signifie plus de bouches à nourrir et donc la nécessité de posséder plus de vivres et de mieux gérer le moral de la troupe.
Les phases de dialogue entre les personnages utilisent une nouvelle fois de longs plans fixes à peine animés par quelques mèches de cheveux oscillant sous le vent ou par un ou deux clignements de paupières. Il n'en faut toutefois pas bien plus pour instaurer une atmosphère tout aussi réussie que le premier volet de la saga portée par une excellente réalisation artistique alignant cette fois-ci de somptueuses landes ravagées par la corruption. Toujours au travail sur la bande-son du jeu, Austin Wintory signe ici la partition la plus inspirée des trois épisodes avec de nombreux thèmes musicaux forts et mélodieux. Bonne nouvelle enfin pour tous les réfractaires de sous-titres anglais trop velus puisque cette conclusion dispose d'une traduction française dès sa sortie (même si on pourra lui reprocher un certain manque de finesse à quelques reprises).
Points forts
- Une construction en deux parties et en deux groupes distincts
- Évolution efficace des systèmes de combat
- De vrais choix et de réelles conséquences
- La direction artistique toujours aussi réussie
- Les nouveaux personnages, profonds et bien écrits
Points faibles
- Beaucoup trop d'ennemis lors de certaines batailles
- Traduction française présente, mais perfectible
Les derniers fils de la tapisserie The Banner Saga sont désormais tissés. Quatre ans après le premier épisode, Stoic Games livre avec ce troisième et dernier volet la conclusion épique que nous attendions. Ici, les décisions du passé riment avec de lourdes conséquences réelles. Dans un monde au bord du gouffre, c'est au joueur d'entreprendre une double quête menée tambour battant par une narration maitrisée, des combats plus tactiques et un style graphique toujours aussi enchanteur. Une aventure qu'il serait dommage d'oublier cet été, à condition bien entendu d'avoir déjà parcouru ses deux premiers volets.