Remothered: Tormented Fathers est un projet très intéressant né d'un amour véritable pour d'anciennes gloires du jeu d'horreur, notamment japonais. D'abord sorti en accès anticipé le 31 octobre 2017, il a connu une sortie officielle le 30 janvier 2018. Que vaut cette expérience en comparaison des cadors du genre ?
Avant d'en décortiquer le contenu, il est bon de revenir sur la gestation d'un projet plutôt enthousiasmant. Son origine remonte à 2007 : Chris Darril, game designer alors âgé de 18 ans, crée initialement un fan game sous RPG Maker XP. Ce jeu, voulu comme un hommage à l'illustre Clock Tower, sorti sur Super Famicom en 1995, verra finalement des changements s'opérer entre 2009 et 2012. En effet, son créateur souhaitait retravailler en profondeur l'écriture de son scénario, et profiter d'un nouveau moteur plus performant favorisant l'immersion dans cet univers sombre. Chemin faisant, l'aventure de Chris le mène à fonder avec quelques amis Darril Arts dans le but de donner naissance au titre que nous connaissons aujourd'hui. Rapidement, un partenariat se met en place avec le studio de développement italien Stormind Games, ce dernier souhaitant se spécialiser dans des titres à l'écriture soignée et laissant une grande place aux cinématiques. Le titre fait la part belle à de nombreuses références au cinéma (notamment avec un Dr. Reed ressemblant étrangement à Jodie Foster dans Le Silence des Agneaux), au jeu vidéo et à la littérature.
Le coeur du jeu, le récit
Le titre se démarque par une qualité d'écriture remarquable, une volonté de donner corps à des personnages complexes, aux motivations étranges et aux moeurs pas banales. Ce sentiment est renforcé par la présence de nombreuses cinématiques venant par moments casser le rythme de la progression. Remothered est classé comme un third person psychological horror game, cette classification originale donnant le ton d'une aventure angoissante à l'ambiance pesante. Le récit s'ouvre sur l'interview d'une vieille femme, à qui un journaliste pose des questions concernant des évènements survenus des années auparavant. Il l'interroge sur une maladie qui serait capable d'accélérer la régénération des tissus et des os, qui serait due à certaines espèces de papillons de nuit ("moth" en anglais) ayant la faculté de proliférer au sein même du corps humain.
La vieille femme est appelée Mrs. Svenska par l'homme, mais il révèle également que ce n'est pas le vrai nom de cette lady. La mémoire de la femme lui joue des tours, cependant elle semble porter un lourd secret… le jeu commence, vous incarnez le Dr Rosemary Reed, une trentenaire bien décidée à lever le voile sur la disparition de Celeste Felton, la fillette du richissime couple Felton. Elle se rend à l'immense demeure en se présentant comme docteur travaillant pour un institut où Mr. Felton, ancien notaire souffrant d'une maladie étrange et qui semble montrer des signes d'instabilités mentales, a été soigné par le passé. Le Dr. Reed rencontre finalement Richard Felton, mais l'entretien tourne vite court, une animosité à peine déguisée est palpable et la jeune femme est priée de quitter les lieux sur-le-champ. Les deux personnages semblent en savoir bien plus qu'ils ne le disent. L'intrigue débute…
Un gameplay old school
Les références et les inspirations sont nombreuses ; néanmoins, les plus évidentes sont Clock Tower donc, Haunting Ground ou encore Rule of Rose pour ce qui est du jeu vidéo, soit des titres proposant de redécouvrir la notion de cache-cache. En effet, ici point de super pouvoir ni même d'arme à feu, votre seule possibilité est de vous cacher afin d'éviter la confrontation avec vos assaillants. Vous récupérerez des objets à lancer ou à poser vous permettant de profiter d'une diversion temporaire pour continuer à progresser dans le vaste manoir. Des objets du quotidien pouvant servir d'armes de défense sont disséminés çà et là, sur une table ou dans un vaisselier.
Vous pourrez ainsi utiliser une paire de ciseaux, une aiguille à tricoter ou encore un rasoir pour vous permettre de vous libérer de vos poursuivants. Vous aurez également la possibilité d'améliorer ces objets de défense au cours de votre périple. Les déplacements du personnage posent quelques soucis, Rosemary n'est certes pas une athlète olympique, mais souvent l'urgence de la situation vous fera pester contre la rigidité du gameplay. Elle marche lentement, trop lentement, elle ne court pas beaucoup plus vite et les animations de manière générale ne sont pas à la fête. Il vous sera presque impossible de semer vos adversaires sans franchir une porte, puisqu'à ce moment précis celle-ci se referme derrière vous et stoppe un court instant la course de vos ennemis. Les mécaniques de cache-cache souffrent elles aussi de quelques problèmes. Bien souvent, vous voudrez vous cacher sous un canapé, dans une armoire, et même si votre poursuivant ne vous a pas vu, il s'approchera de votre cachette. Se lancera alors une sorte de QTE où il vous faudra maintenir un petit cercle au sein d'un plus grand à l'aide de votre souris ou du joystick droit de votre manette, afin de ne pas vous faire repérer. Ce passage frustrant soulève également la question de l'I.A.
Le titre vous invite à l'exploration, le terrain de jeu du manoir est plutôt grand et s'étend sur plusieurs étages et pièces secrètes. Néanmoins, ce plaisir de vagabonder dans la bâtisse est sans cesse gâché par l'omniprésence de vos poursuivants, qu'il est impossible de vraiment semer tant ils sont toujours présents dans les parages. Parfois en positon accroupie, limitant le bruit (et la vitesse) de vos déplacements, vous avancez tranquillement, et au détour d'un couloir vous tomberez nez à nez avec eux alors même qu'ils se trouvaient à un autre étage l'instant d'avant. Bien sûr, ce système entretient le malaise ambiant et le sentiment d'insécurité qui règnent dans la maison ; cependant il aurait été intéressant de pouvoir profiter d'une exploration un poil plus libre.
Une technique en demi-teinte
Remothered: Tormented Fathers tourne sous le moteur Unreal Engine 4 qui a déjà fait ses preuves sur d'autres jeux. L'ambiance fait partie des points forts du titre et certaines pièces ressemblent beaucoup au travail effectué sur Resident Evil VII, la disposition des objets et l'agencement des décors rappellent le titre de Capcom. Les textures sont plutôt belles, le travail sur l'éclairage est très intéressant, le jeu alternant entre phases dans le noir et phases baignées de la lumière d'une lampe de salon. Vous disposez d'une lampe-torche bien pratique dans les pièces immergées dans la pénombre. La finesse des décors dénote avec la modélisation des corps et des visages. Ces derniers semblent datés et dépassés techniquement, y compris durant les cinématiques. Les animations faciales sont en-deçà du reste, notamment en ce qui concerne le Dr Reed.
Enfin, ention spéciale pour la musique ; l'ambiance lourde et mélancolique qui se dégage du titre colle parfaitement à l'ensemble. Derrière ce travail se trouve Nobuko Toda, qui a travaillé sur les compositions et/ou orchestrations de licences importantes telles Metal Gear Solid, Kingdom Hearts, Halo, The Evil Within, excusez du peu !
Points forts
- Une ambiance géniale
- Scénario riche et bien écrit
- Décors réussis dans l'ensemble
- De nombreuses références
Points faibles
- Un gameplay daté
- Mécaniques de jeu frustrantes
- Des graphismes inégaux
Remothered: Tormented Fathers est un titre marqué par l'importance de son récit et de son ambiance, et un hommage aux jeux d'horreurs psychologiques et à tout un pan du cinéma et de la littérature. Néanmoins, il reste une aventure gâchée par la rigidité de son gameplay et la frustration engendrée par certaines mécaniques trop old school en 2018. Le titre séduira les joueurs qui misent plus sur une qualité d'écriture indéniable que sur un gameplay complexe. Sa durée de vie, qui oscille entre 5 et 8 heures, ravira les amateurs d'aventures courtes mais intenses.