Comme aime à le répéter le professeur Ursula : "Ta magie, c'est d'y croire !". Certes, moi aussi j'y ai cru un moment, charmé par une jolie ambiance sonore et des cut-scenes fidèles aux visuels de l'anime. Mais la magie de ce Little Witch Academia : Chamber of Time n'a pas opéré bien longtemps… Entre allers et venus interminables dans les longs couloirs de l'académie de Luna Nova et phases de Beat'em up sans génie, cette première adaptation en jeu de la pourtant très recommandable série Little Witch Academia ne figure malheureusement pas au classement des bonnes élèves de la classe.
Ta magie, c'est d'y croire ?
Avant de se voir déclinée en anime de deux saisons sur l'impulsion de Netflix, Little Witch Academia est avant tout une série de deux courts-métrages d'animation produits entre 2013 et 2015 par le Studio Trigger (à l'origine de l'anime Kill la Kill). On y suit les pérégrinations magiques d'Atsuko "Akko" Kagari, une jeune fille énergique qui rejoint l'académie pour sorcière de Luna Nova après avoir été impressionnée par les talents de la magicienne Shiny Chariot durant son enfance. Ne venant pas d'une famille maîtrisant la magie, Akko éprouve bien du mal à lancer le moindre sortilège, ni même à voler sur un simple balai. Toutefois, sa détermination à toute épreuve lui permet de surmonter les épreuves. Elle est pour cela accompagnée de ses deux amies Lotte Yanson et Sucy Manbavaran. Gaffeuse et un brin tête en l'air, notre sorcière en apprentissage enchaîne les bourdes en tout genre au sein de l'académie, sous l'œil inquisiteur de certaines de ses camarades de classe et professeurs.
Et c'est une nouvelle maladresse qui entraîne les événements de ce Chamber of Time. Punie comme à son habitude, Akko est contrainte de rester au sein de l'académie durant les vacances d'été avec comme sanction la tâche de remettre de l'ordre dans les étagères de la bibliothèque des lieux. Un mystérieux grimoire et l'ouverture malencontreuse d'une porte secrète plus tard, la jeune sorcière, Lotte et Sucy déclenchent par mégarde le mécanisme de L'Horologium, un artefact capable de contrôler le court du temps. Désormais condamnées à revivre en boucle la même journée, Akko et ses camarades vont devoir tout mettre en œuvre afin de colmater cette fâcheuse faille temporelle.
Lost in Luna Nova
Mi-jeu d'aventure d'aventure, mi-jeu d'action, Chamber of Time propose deux approches différentes. La première consiste à explorer le dédale de couloirs de l'académie de Luna Nova au gré de perpétuels retro-pédalages dans le temps en mode "Un jour sans fin". Ces balades éreintantes (vous comprendrez pourquoi un peu plus loin dans le test) présentent tout de même l'occasion de venir en aide aux autres élèves, de dénicher quelques babioles magiques ou encore de compléter une série de quêtes secondaires sans grand intérêt. Le second versant de l'aventure se présente sous la forme d'un Donjon Crawler en 2.5D en mode Beat'em up, à parcourir accompagné de deux autres sorcières. On y récupère du butin, y enchaîne les combats contre une série de monstres avant d'atteindre la salle du boss. Malheureusement, aucun de ces deux aspects ne brille vraiment par sa réussite.
Dommage, car le titre réalise un boulot tout à fait convenable du côté du fan service. Les différents personnages, l'histoire originale écrite spécialement pour cette adaptation, les doublages vocaux (uniquement en japonais); la jolie bande-son et les multiples cutscenes animées retranscrivent sans fausse note l'ambiance enchanteresse, humoristique et cosy de l'animé. Mais si les éléments liés à la stricte adaptation de la licence font mouche, Chamber of time se prend les deux pieds dans le tapis lorsqu'il s'agit de faire bonne figure en tant que jeu vidéo.
L'essentiel du gameplay de la partie aventure du titre pourrait se résumer à la description suivante : aller parler à une élève située à l'autre bout de l'immense et tortueuse académie. Une fois sur place, on vous informe que vous informe que la réponse à votre question est détenue la plupart du temps par un autre PNJ localisé aux antipodes de votre position actuelle. De quoi rapidement titiller notre jauge d'agacement. Outre une minimap un chouïa illisible, la fâcheuse tendance qu'ont les couloirs de Luna Nova à tous se ressembler et les trois couches d'étages labyrinthiques, ce sont les contraintes temporelles qui auront finit pas épuiser notre motivation. Chaque jour s'étale en effet sur une période de 8h à minuit rythmée par un enchaînement (trop) strict d'événements déclenchés à des horaires bien (trop) précis. Sans possibilité d'avance rapide dans le temps (mis à part un bon gros dodo pour passer au jour suivant), le joueur se retrouve condamné à respecter un timing laborieux fait d'innombrables aller-retours entre PNJ dans un environnement confus à souhait.
Ces longues balades monotones sont néanmoins l'occasion de remplir l'une des 80 quêtes secondaires du titre, la plupart liées au background des différentes élèves de l'académie. Trouver des bonbons pour Jasminka la boulimique, prouver ses aptitudes magiques au professeur Ursula ou rechercher des poupées durant la nuit pour Amanda. Autant d'excuses pour rallonger la durée du vie du titre en brossant le joueur dans le sens du fan service. Bref, passé la dizaine de missions téléphonées, on oriente bien vite nos priorités vers l'histoire principale et la partie Dungeon Crawler du Chamber of Time.
Akko et la chambre des secrets
Entre deux laborieuses explorations de couloirs, Akko et son crew de sorcières en apprentissage plongent dans une série de donjons afin de botter magiquement l'arrière-train à une série de monstres et de boss. On aurait pu espérer un florilège de sortilèges, on se contentera d'une approche aussi basique que décevante du Beat'em up. Kagari s'entoure ici de deux camarades à choisir parmi un casting de sept personnages aux statistiques sensiblement différentes. Les donjons se présentent à la manière d'un enchaînement de salles sans grande folie artistique. Des espaces tantôt vides, tantôt peuplées de monstres et de pièges en tout genre (rochers roulants, pics acérés, etc.). Problème, l'intelligence artificielle de vos camarades est loin d'être à l'aise avec ces différents éléments de game design ; vos coéquipières se jettent sans vergogne sous le moindre piège, utilisent leur sorts les plus coûteux sur les sbires mineurs ou pire, se bloquent régulièrement sur les bords de l'écran dans une animation infinie de saut.
Chacune des sorcières peut être équipée avec les sorts que le joueur débloque au fil des niveaux. Tous les personnages piochent donc dans le même épais grimoire de sortilèges, un plus indéniable pour les amateurs de magie qui offre l'opportunité de créer ses propres assortiments de compétences sur chaque personnage. Cette personnalisation avancée fait en contrepartie perdre les spécificités propres aux personnages. Pouvoir utiliser les sorts liés aux champignons de Sucy sur Diana Cavendish a de quoi paraître étrange non ?
Ces donjons souffrent aussi de soucis de lisibilité au cœur de l'action ainsi que d'un problème de perception de la profondeur. Cela vaut à de nombreuses attaques de rater leur cible dès lors qu'Akko ne se trouve pas pile-poil alignée avec elles. Entre deux fournées d'adversaires clonés ad nauseam, les petites sorcières accumulent points d'expérience et objets magiques à répartir au sein de l'équipe pour une montée progressive en puissance.
L'essentiel du gameplay se résume finalement à un enchaînement de combos entre différents niveaux de sortilèges à renforcer à l'aide d'armes, armures et divers accessoires répartis par rangs (A, B, C…). Un chaudron où dépenser vos différents ingrédients magiques permet enfin d'enchanter votre équipement. Hormis certains boss plus réussis que d'autres, le manque de variété des lieux et de stratégies d'approche tend à rendre ces séquences de jeu aussi lassantes que celles où Akko déambule durant des heures dans les corridors de Luna Nova. D'autant que le niveau des instances grimpe rapidement en flèche ce qui force au grinding afin de rester au niveau des boss.
Points forts
- Très fidèle aux différents animés
- Modélisation réussie des personnages
- Habillage sonore de qualité (doublages et musiques)
Points faibles
- Exploration frustrante et lassante
- Tous ces aller-retours, au secours !
- Mécaniques temporelles bien trop strictes
- Partie Beat'm up sans originalité
- IA alliées aux fraises
- Trop de remplissage dans les quêtes secondaires
Ce Little Witch Academia : Chamber of Time nous laisse un arrière goût de déception. Pourtant très fidèle à la série lorsqu'il s'agit de dépeindre son casting haut en couleur de sorcières et de péripéties magiques, le titre peine en revanche à convaincre sur ses aspects purement ludiques. Les multiples aller-retours dans les dédales de l'académie souffrent de mauvais choix de game design, d'un gameplay répétitif et d'un manque global de diversité. Même chose pour la partie donjons qui, faute de réelle inventivité, s'embourbe dans la même liste de défauts. On aurait aimé pouvoir remonter le temps une fois de plus afin d'éviter la catastrophe…