Bien entendu, lorsque les créateurs de FTL : Faster than Light se mettent à plancher sur un nouveau titre, les espoirs et les attentes sont grands, voire un peu démesurés. Nous aurions alors pu être tentés de croire que l'engouement autour de Into the Breach, nouveau bébé du duo de Subset Games, était davantage conditionné par l'aura que dégageait le précédent jeu du studio que pour ses qualités intrinsèques. Et pourtant non, il n'en est rien, Into the Breach est une pépite du jeu tactique.
Autant évacuer de suite l'ersatz de scénario posé par Into the Breach, qui constitue accessoirement l'un de ses points faibles. Le monde s'est éteint, envahi par des bestioles du genre pas commodes et connues sous le nom de Veks. Les nuisibles en question ont annihilé l'humanité, mais fort heureusement, vous êtes un voyageur du temps à la tête d'une escouade de Mechas capable de revenir en arrière afin de contenir l'invasion d'insectes qui menacent le genre humain.
En somme, rien de franchement intéressant de ce côté, et si toutefois vous étiez rebuté à l'idée de voir un jeu uniquement disponible en anglais, n'ayez pas trop d'inquiétudes, la narration est plus que dispensable et les mécaniques de gameplay sont si visuelles et tellement simples à assimiler que l'on en viendrait, lors des premières parties, à douter de leur profondeur.
Ne pas se fier aux apparences
Et pourtant, sous ses airs de jeu rudimentaire, Into the Breach est un jeu tactique d'une profondeur que l'on ne perçoit pas de prime abord. Ce qu'il faut garder à l'esprit une fois la première partie lancée est que le jeu n'est pas tant un jeu d'attaque que de défense et d'anticipation. Loin de se dorloter dans les mécaniques du jeu tactique au tour par tour, dont il adopte pourtant le modèle, Into the Breach préfère évacuer quasiment tout ce qui existe d'aléatoire pour laisser le joueur face à ses propres choix stratégiques.
Finalement, le concept du jeu est simple : vous disposez de trois unités, chacune ayant des capacités spéciales, disposées à votre discrétion en début de partie sur une grille de 8*8 cases. Votre but ? Protéger à tout prix votre « Grid Power », qui symbolise la « barre de vie » de votre partie au cours de laquelle vous devrez sécuriser différentes zones sur au moins deux îles différentes avant de remporter le combat final. Une fois arrivé sur une aire de combat, vous pouvez placer vos trois méchas, chacun ayant un pilote à son bord, sur une portion de la carte, sans préalablement connaître les déplacements des ennemis, ce qui constitue là l'une des rares doses d'aléatoire d'Into the Breach. Sur la surface de jeu sont situés différents bâtiments, civils ou industriels, qu'il faudra à tout prix protéger, chaque assaut porté à leur encontre diminuant la jauge du Grid Power qui, s’il tombe à 0, est synonyme de game over. C'est ce premier élément qu'il convient de garder en permanence à l'esprit, il est préférable, dans Into the Breach, de miser sur le contrôle des dégâts que sur l'attaque effrénée.
Pour se faire, le jeu fait à peu près tout ce qu'il peut pour ne jamais vous prendre en traître et vous offre un panel d'action suffisamment riche pour vous permettre de protéger un maximum la population et ainsi avancer de plus en plus loin dans la partie. Le premier set de 3 méchas est composé d'appareils aux capacités complémentaires : l'un sera mobile et puissant au corps à corps, l'autre pourra tirer en croix sur la longueur et la largeur de la carte tandis que le dernier effectuera des tirs de mortier permettant autant d'infliger des dégâts que de repousser d'une case l'adversaire adjacent au point d'impact. Chaque unité peut se déplacer d'un nombre déterminé de cases et le seul droit à l'erreur que vous laisse Into the Breach réside dans la possibilité d'annuler un déplacement si toutefois vous ne l'avez pas conclu par un tir ou encore d'annuler l'ensemble d'un tour afin de remettre les compteurs à 0.
De leur côté, les ennemis, qui varient d'une île sur l'autre et aussi en fonction de votre niveau (chaque pilote de mécha pouvant gagner de l'expérience et aussi renforcer l'efficacité de leur véhicule), ont un large panel de coup à leur disposition. Certains pourront tirer à distance, sauter par dessus un obstacle, entoiler une unité pour l'immobiliser, tandis que des unités passives pourront par exemple booster la vie des adversaires ou faire en sorte qu'ils causent un point de dégât à chaque case adjacente à la position de leur mort. Chaque zone se boucle en 5 tours et pas un de plus. S'il reste encore des adversaires en vie lors du dernier tour, rien de grave, les Veks retournent dans leur terrier et vous pourrez passer à la suivante. Si en revanche, tous vos Mechs sont terrassés, vous recommencez de 0, perdant à cette occasion tous les avantages relatifs aux pilotes et véhicules accumulés jusque là. En revanche, si votre jauge de Grid Power tombe à 0, vous conservez vos pilotes, mais devrez recommencer à sécuriser chaque île pour tenter d'arriver au combat final.
Des choix en connaissance de cause
Vous auriez raison de penser, à la lecture des quelques lignes précédentes qu'en définitive, Into the Breach n'a pas inventé l'eau chaude et que son concept pourrait être limité. Mais en réalité, sa grande force, ce qui lui donne sa profondeur, réside dans l'indication systématique des actions que réaliseront les Veks au tour prochain, vous permettant donc d'anticiper votre positionnement pour votre tour suivant. Les attaques des Veks seront fixes quoi qu'il arrive : si par exemple une créature projette de frapper un bâtiment à deux cases de sa position, choisir d'envoyer un Mecha la repousser pourrait s'avérer payant puisque la zone d'impact reculera avec l'ennemi, ce qui permettra à son projectile de heurter une zone vide. Deux insectes sont situés côte à côte ? Envoyez un tir de mortier pour en repousser un afin qu'il heurte son partenaire et entame par la même occasion sa barre de vie. Le friendly fire est ici de mise et il sera souvent pertinent de s'arranger pour positionner les unités ennemies de telle sorte qu'elles s'entretuent
Notez qu'en fonction de l’île ou la zone dans laquelle vous vous trouvez, vous disposerez (comme l'ennemi) d'autres atouts, notamment environnementaux, pour terrasser votre adversaire. Une carte sera progressivement inondée, tandis qu'une autre sera régulièrement soumise à des raids aériens. Là encore, la modification de la morphologie de la carte ou la localité du raid aérien sera clairement indiquée avant qu'elle n'intervienne au prochain tour. Il vous appartient d'anticiper chacune de vos actions afin de tirer profit de toute situation.
Un combat qui se déroule plutôt bien
Ce qu'il y a d'hypnotisant et de gratifiant, dans Into the Breach, c'est que jamais le joueur n'est pris en défaut. Tout lui est clairement indiqué, de l'ordre de passage des créatures en passant par la nature de leurs attaques. Ainsi, hors de question de se contenter bêtement d'envoyer des unités à la baston sans préalablement avoir un coup d'avance et tenté de préserver l'équilibre entre nombre d'adversaire à terrasser avant d'être complètement submergé et bâtiments à protéger pour conserver une jauge suffisamment pleine pour arriver au bout du jeu. Pas loin du jeu d'échecs, Into the Breach fait de vous un véritable tacticien qui doit murir longuement chaque action avant de passer son tour. Il n'est pas un élément du jeu qui ne soit pas à prendre en considération avant de positionner ses troupes. Vous plaçant systématiquement devant des choix calculés entre risques et bénéfices, le jeu de Subset Games vous contraindra aussi à faire preuve d'un certain sens du sacrifice puisqu'il sera parfois largement préférable de concéder un point de vie d'une unité pour bloquer l'apparition d'un nouvel adversaire ou empêcher un tir d'atteindre un bâtiment stratégique.
Des perspectives d'évolution intéressantes
En outre, chaque zone dispose systématiquement d'objectifs secondaires qui seront presque obligatoires si vous désirez donner un coup de boost à vos Mechs et recharger votre Power Grid. Protéger un bâtiment électrique des attaques rechargera d'une barre votre jauge, tenter de finir la carte avec moins d'un ou plusieurs dégâts vous donnera des points de réputation que vous pourrez dépenser une fois une île finie, c'est-à-dire après avoir sécurisé 5 zones et réussi un combat de fin un peu plus costaud. À ce moment donné, dépensez vos points comme bon vous semble : vous pourrez en dépenser certes pour obtenir de nouvelles compétences pour vos Mechs, mais également pour recharger une barre après l'autre votre Power Grid. En outre, des éléments attachables aux Mechs peuvent être récupérés aléatoirement en cours de combat, mais aussi être achetés, afin de booster la vie ou les déplacements de vos appareils, mais également de générer suffisamment d'énergie pour en activer les compétences secondaires.
Une fois ceci fait, vous pourrez passer à l'île suivante. Une fois deux d'entre elles sécurisées, plusieurs options s'offrent à vous et vous placent là encore devant un choix cornélien : la zone finale, matérialisée par un volcan renfermant un combat en plusieurs phases devient immédiatement disponible. À vous de voir s'il est préférable de vous y rendre immédiatement pour tenter de finir le jeu, ou si vous ne préférez pas sécuriser l'une ou les deux îles restantes pour être mieux préparé à l'assaut, au risque de perdre des points de Power Grid ou même des Méchas dopés aux hormones.
À terme, et à mesure que vous jouez et accomplissez des succès prédéfinis et clairement indiqués par le jeu, vous aurez l'opportunité de débloquer de nouveaux pilotes de véhicules, chacun ayant des capacités spéciales, mais également des nouveaux sets de méchas, chacun ayant naturellement son propre gameplay. Il est d'ailleurs assez admirable de constater que chaque set se joue d'une manière très marquée, certains misant tout sur l'attaque, tandis que d'autres seront davantage portés sur le contrôle du terrain, en enfumant certaines cases ou certains ennemis par exemple. Mais les choses ne sont pas gravées dans le marbre et peut-être préférerez-vous mixer différents types de véhicules pour parfaire votre stratégie.
Si vous en êtes arrivé à ce stade du test, sachez que ces quelques lignes ne rendent pas pleinement justice au plaisir pris à mener la sécurisation d'une île sans aucune perte civile (ce que le jeu sait aussi récompenser) ou à parvenir en une poignée de clics à sauver une situation que l'on pensait désespérée. Le moment de longue réflexion qui précède l'action est souvent délicieux, surtout lorsqu'il se conclut par une succession d'actes réussis.
Des menus défauts qui ternissent un peu le tableau
Alors tout est-il rose dans le monde d'Into the Breach ? Pas tout à fait, même si les quelques défauts du jeu sont bien minces face à ses qualités. Nous pourrions pester contre le scénario embryonnaire ou sur l'absence de vf. Nous pourrions regretter aussi un léger manque de visibilité qui intervient parfois, surtout lorsque des adversaires s'amusent à concentrer leurs efforts sur une même cible. Mais finalement, le seul instant qui peut créer la frustration réside dans le déploiement initial de vos unités. Effectivement, en l'absence d'indications sur les déplacements à venir des adversaires, le positionnement de vos unités se fait un peu au pif et peut s'avérer un rien frustrant, surtout dans un jeu qui habitue d'emblée à l'absence quasi totale de Rng. En outre, débloquer des nouvelles unités repose sur un système de succès pas spécialement gratifiant, ce qui ne sera sans doute pas du goût de tout le monde. Et enfin, et comme c'était le cas sur FTL, il appartient au joueur et à lui seul de définir la durée de vie du jeu. Certains désireront simplement parvenir au bout du combat final et auquel cas, le jeu pourra se boucler assez rapidement, tandis que ceux qui cherchent à tout débloquer, à tenter de nouvelles synergies ou à partir en quête de la run parfaite trouveront en Into the Breach un bouffe temps libre d'excellente facture.
Into The Breach fait apparaître sa bande-annonce de lancement
Points forts
- Un concept ultra simple et efficace
- Une vraie profondeur tactique
- Chaque choix compte, chaque erreur est payée comptant
- Synergies bien pensées entre chaque set de Mechs
- Un bon équilibre trouvé dans la progression
- Nettement plus varié qu'il en a l'air
Points faibles
- Scénario embryonnaire, en VO uniquement
- Des petits soucis de visibilité
- Positionnement de départ qui se fait un peu au pif
- La dimension rogue-like pourra en rebuter certains
Difficile de retranscrire le plaisir tactique ressenti lors des différentes sessions de Into the Breach. Subset Games est parvenu à accoucher d'un titre qui sait se faire plus malin que son concept, simple en apparence, mais qui renferme une profondeur tactique admirable. Difficile, prenant, intelligent, Into the Breach n'est certes pas exempt de menus défauts et sa longévité ne dépendra que de votre envie ou non de tout découvrir, tout voir. Mais si vous êtes ne serait-ce qu'un tant soit peu amateur de tactique bien ficelée et du sentiment grisant d'avoir planifié une stratégie rondement menée, vous trouverez pour moins de 15€ un titre chronophage dont la qualité d’exécution force le respect.