Loin de produire le même effet qu’un Pokémon, Digimon poursuit pourtant son petit bonhomme de chemin depuis sa création, il y a vingt ans, livrant régulièrement des titres plus ou moins inspirés. Avec, du côté plus, un Cyber Sleuth, sorti en février 2016 sur PS VIta et bien reçu par la critique et les joueurs, qui avait la bonne idée de cibler un public un peu plus adulte. Histoire se déroulant en parallèle et dans les mêmes lieux, Hacker's Memory en reprend logiquement de nombreux éléments. Peut-être un peu trop…
Tout commence par un vol, celui du compte EDEN de Keisuke Amakawa, notre héros. Partant à la poursuite du pirate qui lui a dérobé son accès au monde virtuel, il croisera la route de nombreux personnages, d'une équipe de hackers, ainsi que celle d'un indicateur anonyme qui l’orientera dans sa quête. Peu à peu, le virtuel viendra à envahir le réel… Scénario parallèle à Cyber Sleuth, Hacker’s Memory est cependant jouable sans s’être penché sur ce précédent volet. On retrouve bien certains de ses personnages, et certains détails risquent de vous échapper, mais dans l’ensemble l’histoire est parfaitement compréhensible, et ce même si le jeu élude certaines questions. On notera que l'intrigue de Hacker’s Memory, rythmée par des cas et enquêtes à élucider, s'avèrent généralement intéressante. C'est d'ailleurs cette dynamique, déjà présente précédemment, qui parvient à tenir accroché le joueur. Et ce d'autant plus que quelques climax plutôt bien sentis, et parfois illustrés par des cinématiques en Anime très réussies, et assez impressionantes, ponctuent la progession du joueur.
Avec Cyber Sleuth comme avec cette suite, on a par ailleurs la sensation que Media.Vision applique un traitement visuel et thématique, façon Persona, au modèle Digimon. Si la démarche peut paraître étonnante, elle fonctionne plutôt bien, de même que l’intégration d’un questionnement sur la réalité et la virtualité, sur les âmes des Digimon. Au final, malgré un début pénible de redite, et des quêtes déjà vues en fond (chasser les hackers qui martyrisent les Digimon, et libérer ces derniers de leur influence), on se laisse porter par ce Hacker’s Memory qui tient grosso-modo ses promesses en termes de résolutions.
Mécanique huilée
Du côté des systèmes, cet épisode mélange les concepts fondateurs la franchise à de rares nouvelles idées plutôt bien trouvées. Toujours au tour par tour, et utilisant une roue de sélection très facile d’emploi, les combats font s’affronter un maximum de trois Digimon pour chaque héros, chacun des compagnons virtuels ayant ses affinités avec les éléments. Rien de neuf à l’horizon. Toujours côté du déjà-vu, on retrouve le scan de Digimon adversaires à force de les combattre. Quand leur jauge atteint les 100%, il est possible de les (re)créer au DigiLab, soit pour les intégrer dans son équipe directement (ils sont alors niveau 1 avec une marge d’évolution plus ou moins large), soit pour les envoyer dans votre ferme où ils pourront s’entraîner, récolter des éléments, etc. en fonction des ordres donnés. Cette dernière option s’avère plutôt inétressante puisqu’elle permet de "monter" ses alliés sans perdre de temps à « leveler » en rond dans des couloirs. On aurait aimé que cette option soit aussi fonctionnelle pendant que la console est éteinte... Il est aussi possible de jouer en ligne contre des adversaires humains, mais nos tentatives pour nous connecter se sont souvent soldées par des échecs, seuls des joueurs japonais déjà à très niveau étant trouvables sur les serveurs à certaines heures de la journée. Inutile de dire qu'il vaut mieux se lancer dans cette session en ligne vers la fin de l'aventure quand vos Digimon sont expérimentés, sous peine de vous faire éliminer dès le premier tour.
Comme précédemment, tous les Digimon ont un seuil d’expérience maximum (5, 10, 20, etc.) qu’ils peuvent atteindre soit en combattant à vos côtés- et même s’ils sont placés dans la réserve du joueur!-, soit à la ferme. Précisons que, comme dans Cyber Sleuth, le nombre et la puissance des Digimon accompagnant le joueur sont liés à la Memory (Mémoire) qui n'augmente qu'après des affrontements contre des boss ou en résolvant des cas. Pour faire évoluer nos alliés, il faut une nouvelle fois retourner au DigiLab, chaque mutation possible étant alors soumise aux caractéristiques du monstre. Au pire, il est toujours possible de faire régresser son allié à une de ses formes antérieures possibles, et recommencer le processus d’évolution. Pour qui a retourné Cyber Sleuth, les nouveautés se compteront au nombre de Digimon supplémentaires intégrés, cet épisode en proposant pas moins de 340, soit une centaine de plus.
Carbone modifié ?
Comme pour tous les autres points déjà évoqués, le constat technique est identique à celui du précédent volet. C’est propre, plutôt stylisé (personnages, décor), mais manquant un chouia de charisme et de détail dans l’ensemble, sur PS Vita comme sur PS4. A noter que cette dernière est identique en tous points à celle tounant sur sa petite soeur - avec quelques textures pixellisées en sus-, ce qui autorise les cross-save entre les deux plateformes. Heureusement, des passages précis, comme les séquences de vol entre deux niveaux d'EDEN, ont été légèrement améliorés, avec des mouvements un peu plus fluides. Reste que certaines contraintes liées au développement sur PS Vita demeurent, comme ces zones de petite taille en ville ou des dialogues se déroulant sur écrans fixes, figés, avec les interlocuteurs se déplaçant, discourant et discutant par-dessus. On aurait apprécié un peu plus de travail de ce côté-là, de manière rendre ces séquences un peu plus dynamique. Et ce d’autant que chaque Digimon dispose d’un éventail d’animations amusantes et détaillées, encore une fois reprises du volet précédent pour ceux qui ont fait la transition. Parmi les grosses nouveautés, les combats dits Dominion.
Il s’agit d’affrontements entre trois personnages (avec chacun son éventail de Digimon) sur un damier avec des points à capturer. L’objectif est d’atteindre 30 points en éliminant les membres de l’équipe adverse, chacun rapportant sont quota de… points. L’originalité de cette épreuve supplémentaire vient des empoignades elles-mêmes puisqu’elles se déroulent sur un seul round. L’objectif du joueur est donc d’occasionner le maximum de dégâts durant ce court laps de temps. Un peu plus pimentées que les échauffourées habituelles, ces Dominion sont cependant trop rares durant la progression pour vraiment marquer. Une progression plutôt bien équilibrée d'ailleurs puisque les quatre premières heures ont tout de la promenade de santé, et qu'il faudra attendre une petite dizaine d'heures pour que les batailles se corsent, avec la nécessité pour le joueur de faire évoluer et régresser ses Digimon de manière la plus pertinente possible en fonction de son stock de Mémoire. Et c'est là que le vrai jeu commence...
Points forts
- La mécanique est parfaitement rôdée et fluide
- Toujours plus de Poké… Digimon à attraper !
- La richesse du système d’évolution
- La ferme à Digimons
- Le scénario divisé en petites enquêtes
Points faibles
- Reprise de nombreux éléments et décors de Cyber Sleuth
- Pas de traduction française
- L’impression de jouer à un (énorme et long) DLC plutôt qu’à un véritable épisode
- Musique lassante à la longue
S’il n’innove quasiment en rien, Digimon Story : Cyber Sleuth- Hacker’s Memory s’avère une « suite » intéressante qui permettra à ceux qui ont retourné le volet original d’en savoir plus sur certains passages de l’intrigue, sur certains personnages et d’en recroiser quelques uns. Mécaniquement parlant, rien à redire ou presque, le titre de Media .Vision retient le joueur par les possibilités d’évolution de ses Digimon, par leur nombre colossal ou par les finesses du système de combat, une fois qu’on a dépassé les premières heures d’introduction. Hacker’s Memory pourra donc passionner ceux qui ont dévoré Cyber Sleuth, ou, a contrario les lasser par la répétition des mêmes décors, des mêmes modèles et animations de personnages, des mêmes rues et allées virtuelles. L’intérêt que vous porterez à Hacker’s Memory dépendra donc de votre capacité à arpenter (presque) les mêmes décors avec des personnages différents et une intrigue parallèle, mais linéaire, et à un prix exhorbitant. Et seul vous pouvez le savoir…